La planète éclairée à l'électricité vue du ciel

Trois scénarios pour éclairer les décideurs

Dossier : Gaz et transition énergétiqueMagazine N°725 Mai 2017
Par Marie-José NADEAU

Une réflex­ion du Con­seil mon­di­al de l’én­ergie sur l’avenir des fil­ières énergé­tiques en fonc­tion des choix poli­tiques et des straté­gies indus­trielles qui mènent à des scé­nar­ios bap­tisés musi­cale­ment Jazz mod­erne, Sym­phonie inachevée et Hard Rock.

Si les cinquante dernières années ont été mar­quées par l’augmentation de la demande énergé­tique et l’essor des éner­gies fos­siles, l’avenir sera incon­testable­ment différent. 

Nous sommes entrés dans une péri­ode de tran­si­tion énergé­tique en réac­tion à des ten­dances lourdes : 

“ Le rôle du gaz dans l’équilibre énergétique du futur ”
  • développe­ment tech­nologique très rapide ; 
  • trans­for­ma­tion dig­i­tale irréversible ; 
  • défis envi­ron­nemen­taux globaux attribuables aux gaz à effet de serre (GES) et aux change­ments climatiques ; 
  • forte urban­i­sa­tion et ralen­tisse­ment de la crois­sance de la pop­u­la­tion mondiale. 

La tran­si­tion énergé­tique bous­cule autant les straté­gies de développe­ment que les mod­èles d’affaires, les prix que les fil­ières de pro­duc­tion et les habi­tudes de consommation. 

Dans ce con­texte, il est intéres­sant de se pencher sur l’importance rel­a­tive de cha­cune des fil­ières énergé­tiques dans l’avenir et notam­ment sur le rôle du gaz dans l’équilibre énergé­tique du futur. 

REPÈRES

Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis l’accord international sur la lutte contre les changements climatiques conclu à Paris dans le cadre de la COP 21. Avec une rapidité remarquable, l’accord est entré en vigueur en novembre dernier.
L’Accord de Paris a valeur de précédent et témoigne d’une prise de conscience généralisée à l’ensemble de la planète des impacts des changements climatiques sur notre environnement et de l’urgence d’agir.

TROIS SCÉNARIOS À L’HORIZON 2060

À cet égard, les travaux du CME sont instruc­tifs. Le rap­port établi par cet organ­isme explore trois scé­nar­ios pos­si­bles à l’horizon 2060 ; ces scé­nar­ios ne sont pas des pré­dic­tions ; ce sont des développe­ments pos­si­bles en fonc­tion de poli­tiques énergé­tiques et de straté­gies indus­trielles différentes. 

Le scé­nario Jazz mod­erne est car­ac­térisé par l’innovation tech­nologique et la dig­i­tal­i­sa­tion et des poli­tiques favorisant le libre marché et de faibles coûts d’énergie.

“ La filière gaz est une composante essentielle du futur énergétique ”

Les hypothès­es à la base du scé­nario Sym­phonie inachevée sont celles d’un monde de con­cer­ta­tion inter­na­tionale et d’harmonisation des con­tri­bu­tions nationales pour réduire les émis­sions de GES et priv­ilégi­er des choix poli­tiques com­pat­i­bles avec des économies à bas carbone. 

A con­trario, le scé­nario Hard Rock explore un monde où les mesures pro­tec­tion­nistes rem­pla­cent les accords inter­na­tionaux et où les exi­gences de con­tenu local don­nent lieu à des choix énergé­tiques et économiques peu com­pat­i­bles avec une réponse effi­cace aux change­ments climatiques. 

CINQ CONSTATS MAJEURS

Ces grands travaux ont per­mis de dégager cinq con­stats prin­ci­paux. Le pre­mier est que l’apport des nou­velles tech­nolo­gies, la trans­for­ma­tion dig­i­tale, les objets con­nec­tés, l’automatisation, le big data sont autant de développe­ments qui con­tribuent à une plus grande effi­cac­ité énergé­tique et au ralen­tisse­ment de la demande énergé­tique primaire. 

D’ici 2060, celle-ci n’augmenterait que de 10 % dans Sym­phonie inachevée, de 25 % dans Jazz mod­erne et de 34 % dans Hard Rock, alors qu’elle a plus que dou­blé depuis 1970. 

Sec­ond con­stat : la demande glob­ale d’électricité dou­blera d’ici 2060, con­séquence d’une urban­i­sa­tion crois­sante, de l’augmentation de la classe moyenne et d’habitudes de con­som­ma­tion encour­agées par les nou­velles technologies. 

Ain­si, l’électricité atteint 29 % du mix énergé­tique dans Sym­phonie inachevée, 28 % dans Jazz mod­erne et 25 % dans Hard Rock.

LES ÉNERGIES RENOUVELABLES AU PREMIER PLAN


La demande glob­ale d’électricité dou­blera d’ici 2060. © UBE / FOTOLIA.COM

Troisième con­stat : la crois­sance des éner­gies de source éoli­enne et solaire se pour­suit à un rythme sans précé­dent. Ces éner­gies renou­ve­lables, dont les coûts con­tin­ueront de dimin­uer, rem­por­tent la part du lion du mix énergétique. 

De 4 % en 2014, elles passeront d’ici 2060 à 39 % de la pro­duc­tion énergé­tique dans Sym­phonie inachevée, à 30 % dans Jazz mod­erne et à 20 % dans Hard Rock.

Les développe­ments tech­nologiques dans le stock­age, com­binés à la com­plé­men­tar­ité de l’hydroélectrique, du nucléaire et du gaz naturel, les réserves pom­pées, la pro­duc­tion décen­tral­isée et une meilleure inté­gra­tion des réseaux élec­triques sont autant de répons­es à l’intermittence de la pro­duc­tion solaire et éolienne. 

BAISSE DU CHARBON ET CROISSANCE DU GAZ

Les deux derniers con­stats con­cer­nent la place future des éner­gies fos­siles. La con­tri­bu­tion du char­bon pla­fonne d’ici 2020 dans Jazz mod­erne et Sym­phonie inachevée et d’ici 2040 dans Hard Rock, prin­ci­pale­ment en rai­son des défis d’accès à l’énergie en Chine et en Inde. La part du pét­role pla­fonne à 103 mb/j dans Jazz mod­erne, à 94 mb/j dans Sym­phonie inachevée d’ici 2030 et à 104 mb/j entre dix et vingt ans plus tard dans Hard Rock.

Le gaz naturel dans le mix énergé­tique du futur aug­mente dans tous les scé­nar­ios. Plus de GNL dans Jazz mod­erne et plus de gaz naturel non con­ven­tion­nel en Amérique du Nord, en Argen­tine, en Chine et en Aus­tralie dans Hard Rock. La part du gaz aug­mente aus­si dans Sym­phonie inachevée mais à un rythme plus lent en rai­son d’une régle­men­ta­tion plus sévère des GES dans ce scénario. 

Dans les trois scé­nar­ios, le gaz naturel occupe le deux­ième rang du mix énergé­tique glob­al, tout de suite après les éner­gies renou­ve­lables. En 2060, il con­stitue 26,9 % du mix dans Jazz mod­erne, 22 % dans Sym­phonie inachevée et 20 % dans Hard Rock.

Si tous les scé­nar­ios prévoient une aug­men­ta­tion des con­som­ma­tions de gaz, c’est parce que cette fil­ière est une com­posante essen­tielle du futur énergétique. 

LA NÉCESSITÉ D’OBTENIR DES RÉSULTATS RAPIDES

Le cli­mat à une date don­née ne dépen­dra pas du flux des émis­sions à cette date, mais de l’effet cumu­latif des émis­sions. En con­séquence, l’objectif est dou­ble : réduire les émis­sions de GES et le faire rapidement. 

Dans cette optique, la pro­duc­tion d’électricité et le trans­port sont deux champs d’activité où des résul­tats rapi­des sont atteignables. 

La pro­duc­tion d’électricité représente env­i­ron le tiers des émis­sions de GES au niveau mon­di­al. Les EnR (éolien et solaire) seront les tech­nolo­gies les moins chères pour pro­duire de l’électricité d’ici quelques années : elles sont déjà un pili­er de la tran­si­tion énergétique. 

Dans ce con­texte, les cen­trales à gaz four­nissent une pro­duc­tion com­plé­men­taire aux EnR pour assur­er une sécu­rité énergé­tique tout en favorisant une réduc­tion rapi­de des émis­sions de CO2.

En rem­plaçant des cen­trales brûlant du char­bon ou des pro­duits pétroliers par des cen­trales à gaz, on réalise une baisse de plus de 13 % des émis­sions de CO2.

Du côté des trans­ports, la décar­bon­a­tion devient pos­si­ble avec l’apparition de véhicules à basse émis­sion de CO2 : des véhicules élec­triques pour les villes, et des camions au gaz naturel pour le fret longue dis­tance, en rai­son des con­traintes de recharge des batteries. 

Centrale à charbon polluante
Dans les pays dévelop­pés ou émer­gents, con­som­ma­teurs de char­bon, la pre­mière phase de la tran­si­tion énergé­tique devrait porter sur la fer­me­ture des instal­la­tions les plus pol­lu­antes, celles qui fonc­tion­nent au char­bon. © WEISE_MAXIM / FOTOLIA.COM

DES SOLUTIONS ADAPTÉES AUX CONTEXTES LOCAUX

Les pays en développe­ment devraient miser sur les EnR : c’est notam­ment le cas en Afrique ou dans cer­tains pays de l’Amérique latine. En revanche, les besoins énergé­tiques com­plé­men­taires de ces pays ne devraient pas être cou­verts par des tech­nolo­gies basées sur le char­bon, qui annulerait les effets béné­fiques induits par l’implantation des EnR. 

Partout où c’est pos­si­ble, la sub­sti­tu­tion du gaz au char­bon et aux pro­duits pétroliers con­stitue un com­plé­ment effi­cace au développe­ment des EnR dans la lutte con­tre les émis­sions de gaz à effet de serre. 

“ La première phase de la transition énergétique devrait porter sur la fermeture des installations les plus polluantes ”

Dans les pays dévelop­pés ou émer­gents, con­som­ma­teurs de char­bon, la pre­mière phase de la tran­si­tion énergé­tique devrait porter sur la fer­me­ture des instal­la­tions les plus pol­lu­antes, celles qui fonc­tion­nent au char­bon. Or, le développe­ment des EnR ne suf­fi­ra pas. Le GNL con­tribuera à assur­er la sécu­rité énergétique. 

C’est aus­si vrai pour le « gaz vert », ou bio­méthane, à moyen terme. En Europe, dans la plu­part des pays mem­bres de l’UE, le gaz est util­isé depuis des décen­nies ; les infra­struc­tures sont là ; elles sont assez raisonnable­ment récentes et le rac­corde­ment d’installations au gaz en sub­sti­tu­tion de fuel ou du char­bon est une option, avec des con­séquences pos­i­tives sur les émis­sions de CO2.

Pour faciliter cette tran­si­tion, la poli­tique européenne de l’énergie devrait inciter les États et les indus­triels à met­tre en œuvre la stratégie la plus effi­cace pour lut­ter con­tre le change­ment cli­ma­tique : une com­plé­men­tar­ité organ­isée entre les EnR élec­triques, l’efficacité énergé­tique et les fil­ières qui com­bi­nent sécu­rité énergé­tique et réduc­tion des GES. 

Les scé­nar­ios du CME four­nissent aux décideurs poli­tiques une référence objec­tive pour effectuer des choix lég­is­lat­ifs et régle­men­taires avisés et aux indus­triels une rigueur pour appuy­er leurs déci­sions d’affaires.

Ils leur per­me­t­tent aus­si d’anticiper l’impact à moyen et long terme de leurs déci­sions sur les émis­sions de GES.

Commentaire

Ajouter un commentaire

julesrépondre
20 juin 2017 à 9 h 53 min

intéres­sant, ça explique
intéres­sant, ça explique égale­ment les straté­gies poli­tiques à l’ex­térieures, pourquoi froiss­er les rela­tions avec la Russie si nous avons besoin du gaz pour le futur ?

Répondre