Tremplin diversifie ses actions

Dossier : ExpressionsMagazine N°674 Avril 2012
Par Arnaud PASSALACQUA (98)

Les inéga­li­tés sociales dans l’enseignement supé­rieur demeurent fortes. L’obtention du bac­ca­lau­réat a pro­gres­sé. L’accès aux études supé­rieures s’est élar­gi. Tou­te­fois, ce qui pour­rait sem­bler être un suc­cès de diver­si­fi­ca­tion de la popu­la­tion étu­diante mérite d’être plus pré­ci­sé­ment analysé.

Des inégalités déplacées

En lien avec l’École
Trem­plin est indé­pen­dante des écoles d’ingénieurs mais tra­vaille avec plu­sieurs d’entre elles. Née à Poly­tech­nique, l’association entre­tient des rela­tions avec l’École, qui lui confie chaque année plu­sieurs sta­giaires de la nou­velle pro­mo­tion en for­ma­tion humaine ini­tiale. Cette année, quatre jeunes X ont ain­si ani­mé des séances dans dix lycées. L’association est aus­si pré­sente dans d’autres écoles – ENS Paris, ENSAE Paris­Tech et Télé­com Paris­Tech –, dont une ving­taine d’étudiants s’engagent auprès des élèves.

D’une part, les étu­diants issus des milieux modestes ren­contrent plus de dif­fi­cul­tés pour assu­rer leur réus­site, que ce soit en rai­son des coûts finan­ciers directs et indi­rects ou de leur posi­tion­ne­ment dans les réseaux sociaux qui amènent à l’insertion pro­fes­sion­nelle. D’autre part, la démo­cra­ti­sa­tion de l’enseignement supé­rieur s’est accom­pa­gnée d’une mul­ti­pli­ca­tion des filières, à l’image du bac­ca­lau­réat qui pré­sente éga­le­ment divers visages.

Cette diver­si­fi­ca­tion a eu pour effet de dépla­cer les inéga­li­tés sociales qui ne jouent plus tant ver­ti­ca­le­ment – entre ceux qui n’ont pas le bac­ca­lau­réat et ceux qui suivent des études supé­rieures – qu’horizontalement – entre les dif­fé­rentes filières. Le constat d’une ségré­ga­tion liée à cette démo­cra­ti­sa­tion peut ain­si être dres­sé, ren­for­cé par un fort taux d’échec en pre­mière année universitaire.

Une multiplication des dispositifs

Don­ner l’envie de pour­suivre des études supérieures

Depuis une dizaine d’années, dif­fé­rents dis­po­si­tifs ont été créés afin de pal­lier les manques du sys­tème sco­laire en matière de repré­sen­ta­ti­vi­té sociale, notam­ment de ses filières consi­dé­rées comme les plus pres­ti­gieuses. Le pay­sage des dis­po­si­tifs aidant les jeunes issus des milieux défa­vo­ri­sés à accé­der aux études supé­rieures s’est donc den­si­fié, jusqu’à deve­nir un lieu où toute ins­ti­tu­tion se doit d’avoir ses posi­tions. Dans ce monde, l’association Trem­plin occupe une place originale.


Jan­vier 2012. Séance auprès d’élèves de Ter­mi­nale. © TREMPLIN

Née en 2000, elle aide les lycéens des quar­tiers défa­vo­ri­sés à pour­suivre leurs études dans l’enseignement supé­rieur sélec­tif comme non sélec­tif. Pour cela, elle inter­vient dans 17 lycées en Île-de- France, choi­sis pour leurs faibles résul­tats au bac­ca­lau­réat, et pro­pose plu­sieurs dis­po­si­tifs visant à accom­pa­gner les jeunes depuis la classe de 1re S jusqu’à l’accès à l’emploi. Sa phi­lo­so­phie repose sur trois prin­cipes. D’abord, le volon­ta­riat des élèves, qui ne sont aucu­ne­ment sélec­tion­nés et qui s’engagent en deve­nant membres de l’association. Puis la col­la­bo­ra­tion avec les équipes péda­go­giques et la direc­tion des éta­blis­se­ments sco­laires. Enfin, Trem­plin n’offre pas de sou­tien sco­laire, mais pro­pose un appro­fon­dis­se­ment com­plé­men­taire en vue de don­ner l’envie de pour­suivre au-delà du bac­ca­lau­réat. Il ne s’agit donc pas de dis­cri­mi­na­tion posi­tive, ni d’un dis­po­si­tif ins­ti­tu­tion­nel, même si l’association s’insère dans le jeu d’acteurs du monde de l’enseignement.

Avant le bac

Chaque semaine ou toutes les deux semaines, ce sont envi­ron 250 élèves de 1re et Ter­mi­nale S qui béné­fi­cient de séances assu­rées par des X sta­giaires, des béné­voles en école ou de jeunes cadres d’entreprise. Ces séances peuvent prendre des formes variables : énigmes mathé­ma­tiques, expé­riences phy­siques ou dis­cus­sions scien­ti­fiques. L’idée est éga­le­ment de pro­po­ser un contact direct et régu­lier entre des lycéens de ter­ri­toires pré­ca­ri­sés et des jeunes pas­sés par des études scien­ti­fiques : une occa­sion de dis­cu­ter de ce que sont les études supé­rieures, des dif­fé­rentes filières ou des métiers envisageables.

Au-delà du bac

Il est vite appa­ru que Trem­plin devait aider ceux qu’elle a épau­lés au-delà du bac­ca­lau­réat. Pour cela, l’association a déve­lop­pé une palette de dis­po­si­tifs com­plé­men­taires, au fur et à mesure des besoins res­sen­tis. Ain­si, les jeunes étu­diants peuvent comp­ter sur une per­ma­nence scien­ti­fique qui leur pro­pose un sou­tien sco­laire deux fois par semaine et sur des séances de langue en petit groupe. Ils béné­fi­cient d’un par­rai­nage les asso­ciant à des pro­fes­sion­nels, de bourses pour faire face aux dépenses liées à la pour­suite des études (loge­ment, frais de sco­la­ri­té, etc.) et d’ateliers leur per­met­tant d’élaborer un pro­jet pro­fes­sion­nel et de s’entraîner aux entre­tiens d’embauche.

Diversification

De cette manière, l’association s’est diver­si­fiée depuis ses débuts à Palai­seau. Elle est par­ve­nue à sor­tir de l’univers des classes pré­pa­ra­toires pour s’ouvrir sur les classes pré­pa­ra­toires inté­grées, l’université ou les études de méde­cine. Elle reste encore tou­te­fois éloi­gnée des filières lit­té­raires, mais ce pour­rait être une nou­velle frontière.

Les filières lit­té­raires, nou­velle frontière

Son action s’appuie sur de nom­breux béné­voles, qui assurent une pré­sence régu­lière sur les dif­fé­rents ter­rains, et sur sa délé­guée générale.

Son finan­ce­ment est assu­ré par des fonds publics (minis­tère de l’Enseignement supé­rieur et de la Recherche, Région Île-de-France) comme pri­vés (GDF-Suez, Are­va, Fon­da­tion de France, Axa). Dans la famille poly­tech­ni­cienne, Trem­plin compte éga­le­ment sur l’appui de l’AX, qui héberge l’association, lui offre un secré­ta­riat et la sou­tient financièrement.

La péren­ni­té des res­sources finan­cières est un enjeu récur­rent des struc­tures asso­cia­tives et Trem­plin cherche à les ins­crire dans le long terme. C’est ain­si que l’association par­ti­cipe à des cor­dées de la réus­site – l’une en cours avec l’École poly­tech­nique, l’autre en pro­jet avec l’ENSAE Paris­Tech – qui visent à recon­naître et finan­cer les par­te­na­riats déve­lop­pés entre lycées et éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur en vue d’un meilleur accès de tous aux études longues.

Ateliers culturels au Ministère des Affaires étrangères
Ate­liers cultu­rels, février 2012.
Minis­tère des Affaires étran­gères et euro­péennes, avec Michael Ohn­macht, Secré­taire géné­ral adjoint pour la Coopé­ra­tion fran­co-alle­mande. © TREMPLIN


Trem­plin espère ain­si contri­buer à pal­lier les dif­fi­cul­tés en matière d’égalité des chances. En étant consciente du fait que d’autres bar­rières existent – comme la sélec­tion opé­rée au col­lège – et que l’association s’adresse à un public néces­sai­re­ment res­treint, les lycéens de la filière S inté­res­sés par des études scien­ti­fiques. Les par­cours des élèves aidés par Trem­plin témoignent de la contri­bu­tion que l’association espère appor­ter à la réus­site de cha­cun dans le pro­jet qui lui est propre. Trem­plin a confié un pro­gramme d’évaluation à des socio­logues du CNRS. En étant convain­cue que les résul­tats en seront posi­tifs, l’association a d’ores et déjà pré­vu de déve­lop­per son action sur un nou­veau ter­ri­toire : la région lyon­naise, où elle devrait pro­po­ser des séances en lycée à la ren­trée d’octobre 2012.

Ingénierie, bourse et parrain

« Étu­diante en seconde année de pré­pa inté­grée à l’UTBM, Uni­ver­si­té tech­no­lo­gique de Bel­fort-Mont­bé­liard (école d’ingénieurs), je viens du lycée Mar­cel-Pagnol d’Athis-Mons, dans l’Essonne. J’ai sui­vi le pro­gramme pro­po­sé par Trem­plin depuis la classe de 1re jusqu’à la Ter­mi­nale. Grâce à Trem­plin, j’ai décou­vert ce qu’était une école d’ingénieurs et je me suis orien­tée dans cette voie. À l’origine, je sou­hai­tais plu­tôt suivre des études de méde­cine, mais l’ingénierie m’est en défi­ni­tive appa­rue comme une voie plus inté­res­sante. Trem­plin m’a aus­si aidée à obte­nir une bourse d’études de la Fon­da­tion de l’X qui me per­met de suivre mes études sans trop de sou­cis finan­ciers, et même de finan­cer un semestre d’études à Taï­wan que j’effectue actuel­le­ment. Un par­rain, ancien poly­tech­ni­cien rési­dant à Bel­fort, m’a éga­le­ment été attri­bué dès le début de mes études supé­rieures. Je garde contact régu­liè­re­ment avec lui et il est là pour me soutenir. »

Samantha Nea, 19 ans

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