Trading et électronification des marchés financiers : Des opportunités de carrières intéressantes pour les ingénieurs !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°778 Octobre 2022
Par Alexandre BENECH
Par Guillaume BIOCHE (X94)

Aujourd’hui, alors que l’électronification des mar­chés finan­ciers se pour­suit, voire s’accélère, les ingé­nieurs sont des pro­fils de plus en plus plé­bis­ci­tés par les banques. Alexandre Benech, Glo­bal Head of Flow Tra­ding, et Guillaume Bioche (X94), res­pon­sable du mar­ket-making auto­ma­tique des pro­duits de taux au sein de BNP Pari­bas Glo­bal Mar­kets, dressent pour nous un état des lieux des évo­lu­tions connues par ce seg­ment dans cet entre­tien. Ils nous expliquent aus­si com­ment ces évo­lu­tions impactent les pro­fils et les com­pé­tences recher­chés par les banques pour déve­lop­per leur acti­vi­té dans ce domaine. Rencontre. 

Quel regard portez-vous sur l’évolution des marchés au cours des dernières années ?

Sur les vingt der­nières années, une impor­tante par­tie de l’activité des mar­chés, tra­di­tion­nel­le­ment trai­tée à la voix, est doré­na­vant trai­tée de manière élec­tro­nique. C’est, par exemple, le cas pour le mar­ché de change ou le Forex, mais aus­si plus récem­ment les mar­chés de fixed-income. Cette tran­si­tion a, en retour, impac­té le métier des tra­ders et des ven­deurs. Aupa­ra­vant leur prin­ci­pal outil de tra­vail était le télé­phone. Aujourd’hui, la demande arrive direc­te­ment par voie elec­tro­nique et l’enjeu est de pou­voir la trai­ter rapi­de­ment, tout en ana­ly­sant le com­por­te­ment du client, et en éva­luant l’impact des tran­sac­tions sur le mar­ché pour pou­voir assu­rer une cou­ver­ture. Depuis les années 1990, nous avons ain­si assis­té à une com­plexi­fi­ca­tion pro­gres­sive de ces métiers qui sont deve­nus plus tech­niques. De manière géné­rale, il y a 25 ans la plu­part des pro­fils recru­tés pour des pro­duits deri­vés com­plexes avaient fait le Mas­ter El Karoui et maî­tri­saient le cal­cul sto­chas­tique. C’est, d’ailleurs, à cette époque que l’on a vu arri­ver dans les banques, sur ces métiers, de plus en plus d’ingénieurs. Aujourd’hui avec l’automatisation du tra­ding, il faut en plus maî­tri­ser les sta­tis­tiques, l’analyse des don­nées, ain­si qu’avoir des connais­sances en infor­ma­tique. C’est pour­quoi les ingé­nieurs issus des grandes écoles sont rede­ve­nus des pro­fils très recher­chés sur le mar­ché, notam­ment pour leur capa­ci­té à tra­vailler et trai­ter les données. 

Le fond du métier n’a pas signi­fi­ca­ti­ve­ment chan­gé : il s’agit tou­jours de trou­ver le bon prix pour le bon client. Tou­te­fois, la quan­ti­té de volumes à trai­ter a consi­dé­ra­ble­ment aug­men­té avec une inten­si­té des tran­sac­tions beau­coup plus impor­tante. En vingt ans, nous sommes pas­sés de quelques cen­taines de tran­sac­tions par jour à des mil­lions. Ce phé­no­mène s’explique entre autres par le fait que les bar­rières à l’entrée en termes d’exécution ont com­plè­te­ment dis­pa­ru grâce à l’électronification et l’automatisation. Aujourd’hui des algo­rithmes construits grâce à nos don­nées assurent la mise à jour des prix et veillent à la cou­ver­ture des por­te­feuilles de tra­ding, en recher­chant par exemple les tran­sac­tions qui vien­dront com­pen­ser le risque de celles effec­tuées précédemment. 

Sur les devises par exemple, BNP Pari­bas reçoit toutes les secondes des mil­liers d’informations finan­cières (car­nets d’ordre et tran­sac­tions) pro­ve­nant de plus de trente sources dif­fé­rentes, et effec­tue des dizaines de mil­liers de tran­sac­tions par jour. Nos modèles de prix et de risque ont dû dès lors évo­luer de régres­sions linéaires et ana­lyses en com­po­santes prin­ci­pales vers de nou­veaux modèles de type neu­rals net­works qui per­mettent de se ser­vir de toutes ces don­nées pour en extraire le maxi­mum de sub­stance et ce, de manière effi­cace et robuste sans tom­ber dans les écueils clas­siques tel l’overfitting en par­ti­cu­lier. C’est pour cela que nous dis­po­sons désor­mais d’équipes spé­cia­li­sées dans la data science et le deep learning.

Au-delà, les acteurs qui évo­luent dans ce domaine ne sont plus les mêmes. Jusque-là, le mar­ché était struc­tu­ré autour des banques et de leurs clients. Aujourd’hui, il y a beau­coup moins d’acteurs ban­caires et un nombre crois­sant de nou­veaux entrants très agiles et qui poussent une approche plus tech­no­lo­gique du métier. Ce sont éga­le­ment des struc­tures qui sont sou­mises à moins de contraintes règle­men­taires et qui peuvent donc plus aisé­ment se foca­li­ser sur l’innovation et les technologies. 

Nous vivons actuel­le­ment une impor­tante période de tran­si­tion. Ces évo­lu­tions sont bien enga­gées sur cer­tains mar­chés (Forex, actions…) et com­mencent à arri­ver sur d’autres comme les mar­chés obli­ga­taires. L’idée est donc de capi­ta­li­ser sur l’expérience des mar­chés plus avan­cés sur ces sujets pour faire avan­cer les autres.

Ces évolutions ont également impacté le profil des compétences qui se tournent vers ces métiers. Qu’en est-il ?

Sur nos métiers, il n’y a pas de « course au jeu­nisme ». Aujourd’hui, pour ren­for­cer nos équipes Glo­bal Mar­kets au sein de BNP Pari­bas, nous recru­tons beau­coup de pro­fils seniors issus du monde de la recherche qui ont des connais­sances avé­rées en sta­tis­tiques, en infor­ma­tique, mais qui ont éga­le­ment « une tête bien faite » ! Nous nous inté­res­sons bien évi­dem­ment aus­si aux juniors que nous for­mons et qui consti­tuent un vivier de talents très impor­tant pour la banque. 

La for­ma­tion géné­ra­liste des ingé­nieurs en France est par­ti­cu­liè­re­ment adap­tée à nos besoins, en com­pa­rai­son aux for­ma­tions inter­na­tio­nales, notam­ment anglo-saxonnes, qui sont plus spé­cia­li­sées et mono­thé­ma­tiques. La for­ma­tion des grandes écoles d’ingénieurs contri­bue, en effet, au déve­lop­pe­ment de l’agilité, de la créa­ti­vi­té et des capa­ci­tés d’innovation des ingé­nieurs qui sont alors beau­coup plus « ver­sa­tiles » sur les mar­chés et qui peuvent aisé­ment tra­vailler sur toutes classes d’actifs.

Aujourd’hui, comment définiriez-vous le métier de trader ?

On voit prin­ci­pa­le­ment deux typo­lo­gies de tra­ders qui tra­vaillent en sym­biose. On a tou­jours les tra­ders à la voix qui ont une expé­rience signi­fi­ca­tive des mar­chés finan­ciers et qui gèrent les grosses posi­tions pour les banques et de grosses opé­ra­tions pour les clients. Et à leurs côtés, il y a les tra­ders quan­ti­ta­tifs qui vont déployer de la tech­no­lo­gie et des mathé­ma­tiques pour cap­tu­rer le plus de flux et les moné­ti­ser. Il existe un cer­tain conti­nuum entre ces deux pro­fils et, de plus en plus, on retrouve au sein d’une même équipe des pro­fils IT, quant et des tra­ders à la voix. 

Comment un groupe comme le vôtre appréhende l’enjeu de recrutement, d’attraction et de fidélisation des talents ?

BNP Pari­bas s’est posi­tion­née très tôt sur ce seg­ment et a même une lon­gueur d’avance sur les autres acteurs du mar­ché. Actuel­le­ment, il y a indé­nia­ble­ment une très forte com­pé­ti­ti­vi­té et ten­sion sur nos métiers. Cette situa­tion impacte non seule­ment notre capa­ci­té à atti­rer des talents, juniors et seniors, mais éga­le­ment à les fidé­li­ser. Ce contexte pose aus­si un enjeu sup­plé­men­taire : notre capa­ci­té à rete­nir ces com­pé­tences que nous avons très sou­vent contri­bué à former. 

Nous sommes donc une démarche de recru­te­ment per­ma­nente et déployons diverses actions en ce sens notam­ment auprès des grandes écoles et des uni­ver­si­tés. Il est néces­saire de sen­si­bi­li­ser les ingé­nieurs aux car­rières qu’ils peuvent avoir à BNP Pari­bas au sein de la divi­sion Glo­bal Mar­kets. Ce sont des métiers tech­niques qui offrent une grande trans­ver­sa­li­té en termes d’exposition aux dif­fé­rents mar­chés. En effet, les tra­ders quan­ti­ta­tifs peuvent faci­le­ment trans­fé­rer d’une classe d’actifs à l’autre, car ils sont posi­tion­nés sur des pro­blé­ma­tiques tech­niques, et non sur des sujets mono­thé­ma­tiques en termes de finance, comme peut l’être le tra­der à la voix. 

Quelles sont les opportunités de carrière qu’un établissement comme le vôtre peut offrir à des jeunes ingénieurs, notamment diplômés de Polytechnique ?

Contrai­re­ment aux nou­veaux entrants, une banque peut paraître moins agile. Tou­te­fois, elle dis­pose d’une plus forte capa­ci­té en termes de prise de risques. À l’époque où nous avons mis en place nos pre­miers algo­rithmes de tra­ding sur le fixed-income, les résul­tats étaient certes dis­cu­tables au début, mais la courbe d’apprentissage a été décu­plée au cours des années. C’est clai­re­ment ce qui nous a per­mis de deve­nir un acteur majeur de ce segment !

Aujourd’hui, nous recher­chons des com­pé­tences et des talents pour por­ter avec nous ce pro­jet et ouvrir de nou­veaux mar­chés qui se trans­forment et s’électronifient. Rejoindre le seg­ment Glo­bal Mar­kets au sein d’une banque comme BNP Pari­bas, c’est la pos­si­bi­li­té de se déve­lop­per et d’avancer dans un envi­ron­ne­ment dyna­mique et for­te­ment évo­lu­tif où on retrouve éga­le­ment un esprit entre­pre­neu­rial mar­qué. La divi­sion Glo­bal Mar­kets est un véri­table espace d’expérimentation avec une valo­ri­sa­tion de la dimen­sion tech­nique idéale pour les esprits curieux qui ont une appé­tence pour la tech­nique et les technologies.

Comment vous projetez-vous sur ce métier ? Comment l’imaginez-vous à horizon 5 ans, 10 ans ?

Nous nous diri­geons vers une conso­li­da­tion de l’électronification des mar­chés. Sur le plan tech­nique, la trans­ver­sa­li­té des mar­chés a voca­tion à se ren­for­cer. Les expé­riences déve­lop­pées sur une typo­lo­gie d’actifs pour­ront, sans aucun doute, être valo­ri­sées sur les autres au fil de la trans­for­ma­tion connue par les mar­chés finan­ciers. En paral­lèle, les syner­gies entre les dif­fé­rents types de tra­ders vont éga­le­ment per­du­rer avec des tra­ders qui se concen­tre­ront sur l’analyse des scé­na­rios en fonc­tion des risques finan­ciers et du posi­tion­ne­ment de la banque auquel s’ajoutera un ser­vice com­plé­men­taire sur-mesure qui s’appuiera sur une approche tech­nique transverse.


En bref

Pour décou­vrir les oppor­tu­ni­tés de car­rière offerte par le seg­ment : Glo­bal Mar­kets – The bank for a chan­ging world (cib.bnpparibas).

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