The Quiet Girl / Chien de la casse / Le bleu du caftan / Misanthrope / Temps mort / Jeanne du Barry

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°786 Juin 2023
Par Christian JEANBRAU (63)

Treize sur la ligne de départ pour (en prin­cipe) cinq places à l’arrivée. Mais la ten­ta­tion est là : char­ger un peu la barque – numé­ro double – pour ne pas abor­der l’été mal­gré tout sans bis­cuit… D’abord les écar­tés, recours pos­sibles d’un jour de pluie sur la côte atlan­tique (?) : Les Com­plices (Céci­lia Rouaud – 1 h 38), un tueur à gages désta­bi­li­sé par la vue du sang, très enle­vé (avec Fran­çois Damiens, excellent) ; Brigh­ton 4th (Levan Kogua­sh­vi­li – 1 h 36), un vieux cham­pion de lutte au secours de son fils, cou­vert de dettes de jeu, atta­chante tra­gé­die et humbles des­tins au fata­lisme opti­miste ; La plus belle pour aller dan­ser (Vic­to­ria Bedos – 1 h 32), l’atout-charme de Brune Mou­lin, plai­sant, et Phi­lippe Kate­rine, excellent ; Bur­ning Days (Emin Alper – 2 h 08), une petite ville, les com­bines, les arran­ge­ments, une léga­li­té alter­na­tive et un jeune pro­cu­reur idéa­liste pié­gé, pois­seux, dense et lourd ; Le Prin­ci­pal (Chad Che­nou­ga – 1 h 22), un res­sort scé­na­ris­tique sans aucun enjeu réel, seul bon point Yolande Moreau ; Le cours de la vie (Fré­dé­ric Soj­cher – 1 h 30), la cin­quan­taine alour­die d’Agnès Jaoui pour pas grand-chose, juste l’air du temps, mol­le­ment ; Omar la fraise (Elias Bel­ked­dar – 1 h 32), ouver­ture en fan­fare, puis tun­nel d’ennui, on com­prend assez mal, des vues d’Alger, Benoît Magi­mel, Reda Kateb et là, mys­té­rieu­se­ment, sur la fin, un petit charme qui prend. Et puis, les élus…

The Quiet Girl

Réa­li­sa­teur : Colm Bai­réad – 1 h 36

L’enfance, mal aimée, aimée, et l’éclosion tou­jours mira­cu­leuse d’une affec­tion répon­dant à une ten­dresse atten­tive. Poé­tique et pudique, rete­nu et atta­chant. Cathe­rine Clinch, la petite héroïne, a tout le charme timide et inquiet des attentes fra­giles, lais­sant le spec­ta­teur trop ému pour s’essayer au recul. 


Chien de la casse

Réa­li­sa­teur : Jean-Bap­tiste Durand – 1 h 33

Chien de garde de casse-autos : agres­si­vi­té, vio­lence et uni­vers dur. Un petit vil­lage de l’Hérault. Une ami­tié tor­due et pro­fonde lie Mira­lès, cuis­tot extra­ver­ti à la para­doxale culture lit­té­raire et au verbe domi­na­teur et exces­sif, et Dog, tai­seux qui est sous son emprise et qu’il mal­traite comme chez Camus le vieux Sala­ma­no son chien (L’Étranger). Une obser­va­tion pro­fonde et lucide. Un film marquant.


Le bleu du caftan

Réa­li­sa­trice : Maryam Tou­za­ni – 2 h 02

Yous­sef, appren­ti d’Halim, l’époux atten­tion­né de Mina dont le can­cer du sein réci­dive, intro­duit dans la fin de par­cours de ce couple uni la fêlure par où s’engouffrent, mais nim­bées de sen­ti­ments, les pul­sions homo­sexuelles qu’Halim a jusqu’alors limi­tées au ham­mam. L’intelligence amou­reuse de Mina va sau­ver ce qui peut l’être et conduire le drame à un dépas­se­ment apai­sé. Belle des­crip­tion paral­lèle de l’art magique de la bro­de­rie, pein­ture atta­chante du quo­ti­dien de la petite bou­tique tra­di­tion­nelle que Mina et Halim font vivre, et un geste final magni­fique d’Halim que par­ta­ge­ra Youssef.


Misanthrope

Réa­li­sa­teur : Damian Szi­fron – 1 h 58

Très bon thril­ler. Sans véri­table sur­prise mais avec un pas de côté qui donne le sen­ti­ment d’un plus dans cette traque d’un tueur de masse. Ça dézingue à tout va par séquences dans des cadrages spec­ta­cu­laires savam­ment maî­tri­sés. On suit clai­re­ment l’enquête, fouillée, qua­si docu­men­taire, et les acteurs prin­ci­paux (le couple des enquê­teurs) mettent leur manque assu­mé de cha­risme au ser­vice de leurs per­son­nages, pour contri­buer à un réa­lisme inté­res­sant de non-super-héros impliqués.


Temps mort 

Réa­li­sa­trice : Ève Duche­min – 1 h 58

Anti-diver­tis­se­ment, mais pas­sion­nante pein­ture des impasses de la rédemp­tion. Une longue peine accro­chée à la volon­té de res­ter droit (Issa­ka Sawa­do­go), un toxi­co sans res­sort ni luci­di­té (Karim Lek­lou), un jeune des ban­lieues dépas­sé par ses fré­quen­ta­tions (Jarod Cou­syns) s’enfoncent dans une per­mis­sion de qua­rante-huit heures « hors les murs ». Dense, d’une grande acui­té psy­cho­lo­gique, le film va jusqu’au bout de l’analyse vers le retour sans espoir à l’univers carcéral.


Jeanne du Barry 

Réa­li­sa­trice : Maï­wenn – 1 h 56

L’éreintement dans Le masque et la plume du 21 mai est une injus­tice. Une ques­tion d’anti-pathie pour Maï­wenn ? Cette fille a un abat­tage excep­tion­nel et emporte tous les obs­tacles. Il y en a que ça dérange. La Du Bar­ry était d’une beau­té remar­quable, ce n’est pas la carte de Maï­wenn, mais on s’en fout tant elle exsude un élan vital dévas­ta­teur. Elle ose tout et ça marche. Elle par­vient à nous faire rire et à nous émou­voir, aux côtés d’un impro­bable et pour­tant convain­cant John­ny Depp, étayé d’un Ben­ja­min Lavernhe impec­cable. On croit à tout, c’est enle­vé, c’est maî­tri­sé, c’est pesé, c’est embal­lé. On achète. 

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