Films à voir au cinéma en août-septembre 2023

Dernière nuit à Milan / Love life / Une nuit / Les meutes / Sous le tapis

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°787 Septembre 2023
Par Christian JEANBRAU (63)

Qu’est-ce qu’un film raté, presque réus­si, réus­si ? Le début de l’été 2023 a per­mis un échan­til­lon­nage avec les films : L’amour et les forêts (Valérie Donzel­li — 1 h 45), sché­ma­tique et sans épais­seur ; Wahou ! (Bruno Poda­ly­dès — 1 h 30), seule­ment « sym­pa­toche » ; Sick of myself (Kristof­fer Bor­gli — 1 h 37), antipathique ; Fifi (Jeanne Aslan, Paul Sain­til­lan — 1 h 48), touchant mais… ; Le proces­sus de paix (Ilan Klip­per — 1 h 32) qui y est presque ; Vers un avenir radieux (Nan­ni Moret­ti — 1 h 35), réservé aux fans de Moret­ti ; Yan­nick (Quentin Dupieux — 1 h 07), désas­treux ; La Voie royale (Frédéric Mer­moud — 1 h 47), sans intérêt majeur ; Un coup de maître (Rémi Bezançon — 1 h 35), amu­sant en salle et puis on réflé­chit… Nég­ligeant Oppen­heimer (Christo­pher Nolan — 3 h 01) et Bar­bie (Gre­ta Ger­wig — 1 h 55), on a dit adieu à Har­ri­son Ford, Indi­ana Jones et le Cad­ran de la des­tinée (James Man­gold — 2 h 34), pétaradant à souhait. Puis on s’est attaché à…

Affiche du film Dernière nuit à Milan d'Andrea Di Stefano, été 2023Dernière nuit à Milan

Réal­isa­teur : Andrea Di Ste­fano — 2 h 05

L’ouverture sur une bande son de San­ti Pul­viren­ti est fasci­nante. Très bon film noir, au principe de crédi­bil­ité faible inhérent au genre près. Très bien con­stru­it, sur le fil, autour de la psy­cholo­gie chahutée par les cir­con­stances du héros, décidé, après trente-cinq ans de car­rière poli­cière vouée à l’effacement, à aller jusqu’au bout, porté par son amour pour la femme engagée à ses côtés. Un plan ultime pour­rait laiss­er plan­er un doute qu’on écartera.


Affiche du film Love life de Kôji Fukada, été 2023Love life

Réal­isa­teur : Kôji Fuka­da — 2 h 04

L’observation con­tin­ue, pas­sion­nante, de l’intime d’un monde japon­ais qui nous échappe, à tra­vers la tragédie d’un jeune cou­ple où les non-dits qu’écrasent les con­ven­tions de leur cul­ture sont mis à nu. Riche et pro­fond. Les sen­ti­ments, retenus, lut­tent con­tre la triv­i­al­ité, dans une pein­ture déli­cate du navrant de nos faib­less­es, de la com­plex­ité des émo­tions, de la dif­fi­culté de s’assumer, et dans un fes­ti­val de courbettes qui nous arrachent un sourire. Le cou­ple cen­tral est pro­fondé­ment estimable. Au milieu, un pitoy­able pan­tin déséquili­bre tout, vic­ti­maire et irre­spon­s­able, avant un apaise­ment sans doute résigné mais mal­gré tout pos­i­tive­ment volontariste.


Affiche du film Une nuit d'Alex Lutz, été 2023Une nuit

Réal­isa­teur : Alex Lutz — 1 h 30

Entière­ment cen­tré sur le cou­ple Alex Lutz — Karin Viard, c’est un exer­ci­ce d’équilibre sur un sché­ma risqué. Cette vraie-fausse his­toire de pas­sion déclenchée par une engueu­lade de métro suiv­ie immé­di­ate­ment d’une baise irré­press­ible dans une cab­ine de Pho­toma­ton, puis d’une nuit d’errance sen­ti­men­tale dans Paris, ne sem­ble un scé­nario ni crédi­ble, ni jouable. Et pour­tant, ça marche, mal­gré et à cause de longs, d’ininterrompus dia­logues très tra­vail­lés, qui touchent juste, sans vraie fausse note, dans des con­textes par­fois dif­fi­ciles (un club échangiste) où ils atteignent une forme de vérité, et surtout grâce à Karin Viard, éblouis­sante, et Alex Lutz, d’une épais­seur humaine et sim­ple éton­nante. Un con­te (quoi d’autre ?) en équili­bre frag­ile d’une puis­sance inattendue.


Affiche du film Les meutes de Kamal Lazraq, été 2023Les meutes

Réal­isa­teur : Kamal Lazraq — 1 h 34

Casablan­ca. Des paris sur des com­bats de chiens, une ran­cune, un coup tor­du qui tourne mal et un père (Has­san : Abdel­latif Mass­touri) et son fils (Issam : Ayoub Elaid), petites mains des trafics locaux, dépassés, se retrou­vent avec un cadavre sur les bras dont il faut se débar­rass­er avant l’aube. Une énorme ten­sion de bout en bout, des péripéties où le sin­istre côtoie le dérisoire, où la peur chez Has­san voi­sine avec des poussées de reli­giosité fan­tas­ma­tique, et un enter­re­ment islamique où les codes finis­sent par s’accommoder d’un équar­ris­sage dis­cret. Un par­cours pois­seux et deux acteurs éton­nants de vérité. Une touche sup­plé­men­taire est ajoutée par la grand-mère avec deux scènes qui comptent, et par le sen­si­ble d’une rela­tion père-fils ancrée dans ses non-dits. Impressionnant.


Affiche du film Sous le tapis de Camille Japy, été 2023Sous le tapis 

Réal­isatrice : Camille Japy — 1 h 37

Quel plaisir de plonger dans l’univers bous­culé de ce groupe famil­ial où le décès du grand-père devient un puz­zle de sit­u­a­tions qui, du bur­lesque à l’émouvant, du rationnel au fan­tas­mé, dessi­nent le tableau des réac­tions humaines au gré des âges et des per­son­nal­ités devant la mort d’un proche. Des por­traits extrême­ment sen­si­bles, sur une palette large, du déni psy­cho­rigide de l’épouse à l’inconscience affectueuse des plus petits. Des acteurs par­faits – Thomas Scime­ca très bien, Bérénice Bejo très très bien, Stéphane Brel idéal crétin sportif, Ari­ane Ascaride impec­ca­ble – et Mar­ilou Aus­sil­loux, jusqu’alors ignorée, qui saupoudre le film d’une touche de mal­ice épatante. C’est tout à fait pro­fond et réussi.

Poster un commentaire