Technip Energies : « Nous voulons nous positionner comme un acteur majeur des énergies de transition »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Loïc CHAPUIS (X01)
Par Damien EYRIÈS

La stratégie de décar­bon­a­tion de Tech­nip Ener­gies s’articule autour de deux axes : décar­bon­er l’existant et dévelop­per de nou­velles tech­nolo­gies. Loïc Cha­puis (X01), SVP Gas and Low Car­bon Ener­gies Busi­ness Line, et Damien Eyriès, Vice-Pres­i­dent of the Green Hydro­gen Val­ue Chain Busi­ness Unit, au sein de Tech­nip Ener­gies nous en dis­ent plus. Ils revi­en­nent notam­ment sur les pistes explorées par le groupe qui se posi­tionne aujourd’hui comme un acteur majeur de la tran­si­tion énergétique.

Comment un acteur comme Technip Energies appréhende la question de la décarbonation et de la neutralité carbone ?

Loïc Cha­puis : Au sein de Tech­nip Ener­gies, nous envis­ageons, d’abord, la décar­bon­a­tion, qui a voca­tion à assur­er la sécu­rité de l’approvisionnement énergé­tique, puis la neu­tral­ité car­bone. Pour accom­pa­g­n­er, voire accélér­er la décar­bon­a­tion, nous explorons plusieurs axes.

Tout d’abord, il s’agit d’abord de rem­plac­er le char­bon par le gaz dans la pro­duc­tion de l’énergie ce qui per­me­t­trait de réduire glob­ale­ment de 50 % les émis­sions de CO₂. Deux­ième­ment, nous tra­vail­lons sur les tech­nolo­gies autour de la cap­ture et du stock­age du CO₂ pour décar­bon­er notam­ment l’existant.

Enfin, pour ten­dre vers la neu­tral­ité car­bone, il nous faut utilis­er des éner­gies décar­bonées ou à très faibles teneurs en car­bone, comme l’hydrogène.

Aujourd’hui, l’enjeu est donc de cap­i­talis­er sur l’existant tout en accélérant l’industrialisation et le déploiement des nou­velles tech­nolo­gies bas car­bone pour attein­dre une matu­rité équiv­a­lente à celles des précé­dentes généra­tions de tech­nolo­gies (en ter­mes de sécu­rité et de per­for­mance) ain­si qu’une cer­taine com­péti­tiv­ité en ter­mes de coût.

Revenons plus en détail sur les pistes technologiques explorées par Technip Energies. Quelles sont-elles ? 

L.C : Nous nous intéres­sons à toutes les tech­nolo­gies autour de la cap­ture et du stock­age du car­bone. Acteur his­torique de la con­struc­tion de raf­finer­ies de bio­fu­el, nous déployons aus­si de gross­es unités pour la pro­duc­tion de fioul à par­tir de déchets ou de pro­duits déjà réu­til­isés. En par­al­lèle, nous tra­vail­lons sur les tech­nolo­gies de l’électrification. Aujourd’hui, nous sommes, par exem­ple, en mesure d’électrifier des usines de liqué­fac­tion de gaz de taille sig­ni­fica­tive et donc de réduire con­sid­érable­ment les émis­sions de CO₂. 

Damien Eyriès : Nous sommes aus­si forte­ment mobil­isés sur l’hydrogène, une molécule que nous con­nais­sons très bien. Nos tech­nolo­gies sont util­isées pour la généra­tion de plus 30 % de l’hydrogène dans le monde. En pro­duisant de l’hydrogène bleu, nous sommes aujourd’hui en mesure de capter jusque 98 % du CO₂ émis. En par­al­lèle, nous nous posi­tion­nons aus­si sur la pro­duc­tion d’hydrogène vert via l’électrolyse.

Dans ce cadre, nous avons lancé Rely, une joint-ven­ture avec John Cock­er­ill. Au sein de cette struc­ture, nous met­tons en com­mun nos exper­tis­es respec­tives, le développe­ment et l’exécution de grands pro­jets pour Tech­nip Ener­gies et la fab­ri­ca­tion d’électrolyseurs pour John Cock­er­ill, afin d’accélérer l’industrialisation de ces solutions. 

Par ailleurs, il y a un véritable engouement autour de l’hydrogène depuis quelques années. Quel regard portez-vous sur son potentiel au sein de Technip Energies ?

D.E : Selon les dif­férents scé­nar­ios et notam­ment ceux dévoilés par l’Agence inter­na­tionale de l’énergie, l’électricité ne représen­tera que 50 % de la con­som­ma­tion finale d’énergie dans un monde sans carbone. 

Pour les usages que nous ne serons pas en mesure d’électrifier, l’hydrogène et ses dérivés ont voca­tion à cou­vrir un tiers des besoins. Dans un pre­mier temps, sur les usages exis­tants de l’hydrogène, il s’agit de bas­culer vers l’utilisation d’un hydrogène pro­pre, bas car­bone ou renou­ve­lable. Aujourd’hui, l’hydrogène gris est util­isé dans l’industrie chim­ique, para-pétrolière, de l’engrais… En met­tant à leur dis­po­si­tion une alter­na­tive bas car­bone ou renou­ve­lable, nous con­tribuons aus­si à décar­bon­er ces indus­tries très émet­tri­ces de CO2. Ce n’est qu’une fois que nous aurons sécurisé ce pre­mier volet et atteint une réelle matu­rité tech­nologique sur ces sujets, qu’il sera per­ti­nent d’imaginer et de dévelop­per des nou­veaux usages pour la mobil­ité lourde, le trans­port mar­itime, le trans­port fer­rovi­aire, ou pour de nou­velles appli­ca­tions industrielles…

Enfin, au-delà du développe­ment des tech­nolo­gies néces­saires à la pro­duc­tion de cet hydrogène vert, pro­pre ou renou­ve­lable, il s’agit aus­si de baiss­er les coûts pour juste­ment garan­tir un déploiement à grande échelle. 

Votre actualité de début 2023 est d’ailleurs marquée par l’attribution à Technip Energies d’un contrat d’ingénierie d’avant-projet détaillée pour le plus grand projet d’hydrogène bas-carbone au monde pour ExxonMobil à Baytown, au Texas. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L.C : Une fois mis en pro­duc­tion, ce pro­jet per­me­t­tra de réduire d’environ 30 % les émis­sions de CO₂ de cet énorme com­plexe indus­triel. Nous sommes en pleine phase d’ingénierie pour le volet pro­duc­tion d’hydrogène bleu à par­tir d’énergies fos­siles. Le pro­jet va capter près de 7 mil­lions de tonnes de CO₂ par an, soit l’équivalent de l’émission de 3 mil­lions de voitures chaque année. Au-delà, à par­tir de ce pro­jet basé sur la pro­duc­tion d’hydrogène bleu, d’autres usages autour de l’hydrogène vert ont voca­tion à se dévelop­per pour, in fine, décar­bon­er totale­ment le site.

En parallèle, quels sont les autres projets qui vous mobilisent ?

L.C : Dans le domaine de l’hydrogène bleu, une tech­nolo­gie que nous maîtrisons donc par­faite­ment, nous avons des pro­jets en Corée du Sud, au Roy­aume-Uni, aux États-Unis et au Moyen-Ori­ent à dif­férents niveaux d’avancement.

Nous menons aus­si des pro­jets de cap­ture et stock­age du car­bone dans le monde entier. Nous inter­venons notam­ment sur deux pro­jets en cours de réal­i­sa­tion au Qatar : North Field East Project et North Field South Project. Dotés d’un bud­get de plusieurs mil­liards d’euros, ces dis­posi­tifs vont per­me­t­tre de capter respec­tive­ment 2,5 et 1,5 mil­lions de tonnes de CO2 par an. Au Dane­mark et en Norvège, nous avons aus­si des pro­jets visant à capter le CO2 des fumées émis­es par des usines de traite­ment de déchets. Sur la plus impor­tante instal­la­tion, en Norvège, nous visons 400 000 tonnes de CO₂ cap­tés par an. Enfin, nous avons aus­si des pro­jets d’ingénierie de détail sur des usines de LNG qui bas­cu­lent vers l’électrique.

D.E : Sur l’hydrogène vert, où notre niveau de matu­rité est moins dévelop­pé que sur l’hydrogène bleu, nous nous posi­tion­nons d’abord sur des pro­jets de petite taille afin de mieux com­pren­dre le marché, ses besoins, ses enjeux et ses con­traintes. Nous avons ain­si un pro­jet en cours pour ENGIE en Aus­tralie. Nous avons aus­si deux pro­jets prévus en Inde d’ici la fin 2023. En Europe, nous prenons part à une mul­ti­tude de pro­jets, notam­ment en France, en Hol­lande… Nous sommes aus­si très présents aux États-Unis où l’Inflation Reduc­tion Act (IRA) ouvre des per­spec­tives intéres­santes pour le développe­ment de l’hydrogène vert.

Selon vous, quels sont les freins qui persistent en matière de transition énergétique ? 

L.C : Si l’ensemble de ces tech­nolo­gies con­tribuent pos­i­tive­ment à la tran­si­tion énergé­tique, l’énergie verte et pro­pre reste plus chère que l’énergie fos­sile. Le prix est un des prin­ci­paux freins au développe­ment de ces technologies.

Sur des ques­tions comme le déploiement de l’hydrogène, nous avons aus­si, en France, un enjeu en ter­mes d’infrastructures pour garan­tir un trans­port et un appro­vi­sion­nement à des coûts com­péti­tifs. En effet, ces pro­jets doivent avoir un sens économique pour toutes les par­ties prenantes afin d’accélérer leur développement.

Et pour conclure, quelles sont les ambitions de Technip Energies ?

L.C : Nous voulons nous posi­tion­ner comme un acteur majeur des éner­gies de tran­si­tion. Aujourd’hui, plus de 3/4 de nos activ­ités sont tournées vers des solu­tions plus pro­pres que par le passé.

Et pour accélér­er notre pro­pre tran­si­tion et accom­pa­g­n­er aus­si celle de nos clients, nous recru­tons des tal­ents. Nos équipes sont essen­tielle­ment com­posées d’ingénieurs qui sont directe­ment impliqués dans ces pro­jets et qui con­tribuent con­crète­ment et au quo­ti­di­en à la tran­si­tion énergé­tique ! Avis aux intéressés ! 

Poster un commentaire