Structures dans l’Ensemble de Mandelbrot

Dossier : Libres ProposMagazine N°541 Janvier 1999Par : Henri BOUCHER (45), ingénieur général de l’armement

J’ai décou­vert l’Ensem­ble dans les arti­cles de Dewd­ney, mais faute d’or­di­na­teur per­son­nel je n’en ai rien tiré à l’époque. C’est la ren­con­tre for­tu­ite avec le pro­gramme Chaos qui a relancé mon intérêt en 1993, et cette fois j’ai décidé de ne pas en rester à l’ex­a­m­en aléa­toire d’im­ages belles mais incompréhensibles.

Adop­tant l’ap­proche méthodologique de Man­del­brot, et m’ap­puyant sur des math­é­ma­tiques de taupe acces­si­bles à tous, j’ai poussé l’analyse des images bien au-delà de tout ce qui avait été fait jusqu’à présent, et trou­vé les lois, extrême­ment sim­ples et générales, qui régis­sent la struc­ture de l’Ensemble.

Cette décou­verte, véri­fiée sur un très grand nom­bre de cas (lit­térale­ment plus de 10 000), reste une sim­ple con­jec­ture car je n’ai pas trou­vé de démon­stra­tion. J’e­spère con­va­in­cre les math­é­mati­ciens de s’y intéresser.

En atten­dant, elle per­met à tout un cha­cun, util­isant le pro­gramme Chaos et quelques addi­tions de mon cru, de com­pren­dre la struc­ture de n’im­porte quelle image, et d’en prédire quan­ti­ta­tive­ment les car­ac­téris­tiques, jusqu’aux plus infimes détails acces­si­bles (grossisse­ment 1014 environ).

Rappels

Pour situer les décou­vertes, il faut rap­pel­er ce qui était con­nu en 1993 en matière de struc­ture de l’Ensem­ble. J’es­saye d’être bref, mais il faut que la suite soit compréhensible.

Définition

L’Ensem­ble de Man­del­brot est l’ensem­ble des points C du plan com­plexe qui font con­verg­er l’itération :

Zn+1 = Zn2 + C, avec Zo = 0.

On démon­tre aisé­ment que l’Ensem­ble est symétrique par rap­port à l’axe hor­i­zon­tal, et intérieur au cer­cle de ray­on 2 cen­tré sur l’o­rig­ine. On définit alors la diver­gence comme le fran­chisse­ment de ce cercle.

L’al­go­rithme de Man­del­brot con­siste à col­o­ri­er en noir les points C de l’Ensem­ble, et en couleurs les points qui con­duisent à une diver­gence. Une couleur spé­ci­fique est asso­ciée à chaque valeur pos­si­ble (pla­fon­née arbi­traire­ment pour lim­iter la durée des cal­culs) du nom­bre d’itéra­tions effec­tuées au moment de la diver­gence. Le choix de cette cor­re­spon­dance présente un grand intérêt sous l’an­gle esthé­tique, évidem­ment, mais aus­si pour les math­é­mati­ciens. Le choix que j’ai fait dans Chaos établit un net con­traste à la fron­tière de l’Ensem­ble, mar­quée par des couleurs claires : il est pri­mor­dial pour la com­préhen­sion des structures.

Domaines

Ensemble de MandelbrotLa présen­ta­tion des résul­tats à l’échelle 1 (le cer­cle de ray­on 2 rem­plis­sant l’écran) met en évi­dence trois domaines dont l’é­tude math­é­ma­tique révèle les spé­ci­ficités (fig­ure 1).

Domaine 1

Cette zone délim­itée par une car­dioïde, dont le point de rebrousse­ment est à + 0,5 et le som­met à — 0,75, est le domaine de con­ver­gence vraie : à chaque valeur de C cor­re­spond une lim­ite A que l’on sait cal­culer directe­ment. Le con­tour de la car­dioïde appar­tient au domaine. L’o­rig­ine est sa pro­pre limite.

Domaine 2

À l’ex­térieur de la car­dioïde la con­ver­gence change de nature : il n’y a pas une lim­ite, mais un groupe de p valeurs for­mant cycle, dont p est la péri­ode. À chaque valeur de C cor­re­spond un jeu unique de valeurs et une péri­ode spécifique.

Le domaine 2 se com­pose d’une infinité de sous-domaines d’ap­parence cir­cu­laire, tan­gents à la car­dioïde ou entre eux. À l’in­térieur d’un sous-domaine, la péri­ode est la même en tous points, et j’ap­pelle poids du sous-domaine cette péri­ode commune.

Je bap­tise ” cer­cles ” ces sous-domaines, bien que la preuve de cir­cu­lar­ité n’ex­iste que pour le gros cer­cle axi­al ; des mesures sur cer­tains autres mon­trent que l’é­cart à la cir­cu­lar­ité, s’il existe, est inférieur au dix mil­lième. On peut class­er ces cer­cles comme suit :

a) une famille pri­maire, symétrique par rap­port à l’axe hor­i­zon­tal, com­mençant avec le cer­cle axi­al de poids 2 (noté C2), et se pour­suiv­ant avec des paires de cer­cles de poids 3 (C3, en haut et en bas), 4 (C4, à 45° du côté droit), 5, 6 (C6, tan­gents à droite de la car­dioïde), etc., jusqu’à l’in­fi­ni dans le point de rebroussement.

b) entre deux cer­cles pri­maires quel­con­ques de poids p et p + 1 existe une série sec­ondaire, avec un cer­cle sec­ondaire majeur situé à peu près au milieu, de poids 2 p + 1, et deux séries infinies M et P qui l’en­ca­drent. Par exem­ple, il existe une paire de CS5 à 45° entre C2 et C3, pour p = 2.

c) on définit ensuite de la même manière, et on observe, des séries ter­ti­aires, qua­ter­naires, quinaires, etc., jusqu’à l’in­fi­ni. Le poids de cha­cun de ces cer­cles s’é­val­ue de proche en proche en fonc­tion du p ini­tial, par sim­ple addi­tion des poids des cer­cles encad­rants. Tous les cer­cles com­pris entre Cp et Cp + 1 ont ain­si un poids m de la forme a p + b : nous décou­vrirons plus loin l’im­por­tance du coef­fi­cient a.

On sait cal­culer les coor­don­nées du point de con­tact de cha­cun de ces cer­cles avec la car­dioïde, et la tan­gente en ce point, qui sépare le domaine de poids 1 du sous-domaine de poids m.

Autour de cha­cun de ces cer­cles de pre­mier niveau existe une hiérar­chie de familles sub­or­don­nées, dont le numéro se cal­cule comme les poids ci-dessus. Le poids de cha­cun de ces cer­cles de 2e niveau est le pro­duit de son numéro par le poids du cer­cle porteur.

Cette pro­priété est récur­sive, et il existe des cer­cles de 3e, 4e niveau, etc., jusqu’à l’in­fi­ni. Sur l’axe, par exem­ple, il existe une infinité de cer­cles de poids 2, 4, 8, 16, etc.

Des for­mules exis­tent pour déter­min­er le point de con­tact de chaque cer­cle avec son por­teur. Cepen­dant, seul le cas du por­teur C2 est acces­si­ble en bloc à l’or­di­na­teur. Pour les autres, le cal­cul est numérique et point par point.

Domaine 3

À l’ex­térieur des domaines 1 et 2 join­tifs, on observe des points noirs de con­ver­gence, en apparence non con­nec­tés. En grossis­sant ces points, on con­state que cha­cun d’eux est une copie approx­i­ma­tive de l’ensem­ble com­plet : on démon­tre que la cor­re­spon­dance est un homéo­mor­phisme, qui con­serve toutes les pro­priétés décrites ci-dessus, tout en autorisant des défor­ma­tions, notam­ment en torsion.

On a démon­tré que l’Ensem­ble est con­nexe. Il faut donc trou­ver la struc­ture qui intè­gre les micro­car­dioïdes du domaine 3 avec les domaines 1 et 2.

Le nom­bre des objets de poids p, cer­cles ou micro­car­dioïdes, est borné par le nom­bre 2p‑1 — 1. Mais, puisque p peut croître indéfin­i­ment, le nom­bre des cer­cles et le nom­bre des micro­car­dioïdes de l’ensem­ble sont tous deux infinis.

Rosaces

Une image de l’Ensem­ble (fig­ure 1) mon­tre la zone noire entourée d’une frange col­orée. En grossis­sant un point quel­conque de cette frange, on décou­vre qu’elle est con­sti­tuée de dessins dis­joints, cha­cun émanant d’un cercle.

Une pro­priété remar­quable, non démon­trée mais générale, est que le dessin issu d’un cer­cle de poids p est une rosace à p bras, dont un pédon­cule rat­tachant le cœur de la rosace au cer­cle. Nous notons B1 le pédon­cule, B2 à Bp les bras libres.

Chaque bras libre sert lui-même de B1 à une rosace ter­mi­nale Rp à p bras, et cela récursivement.

On con­state que les micro­car­dioïdes sont exclu­sive­ment local­isées dans les bras, ce qui sug­gère que la topolo­gie de l’Ensem­ble est en étoile.

Les textes math­é­ma­tiques ne par­lent que peu de ces dessins, qu’ils bap­tisent “antennes”, de sorte qu’il est dif­fi­cile de sépar­er ce qui était con­nu avant que j’é­tudie ces dessins, de ce qui ne l’é­tait pas. Je dirai seule­ment que je n’ai trou­vé dans aucun texte une quel­conque allu­sion à la struc­ture interne des rosaces. Je suis donc seul respon­s­able de ce qui suit.

Bras

Un bras est une struc­ture linéaire s’é­ten­dant entre deux points asymp­totes (PA), qui sont des cœurs de rosaces, prin­ci­pale ou ter­mi­nale. Chaque bras con­tient une infinité de micro­car­dioïdes, par­mi lesquelles une présente le poids min­i­mum : cette micro­car­dioïde est la majeure du bras, et par déf­i­ni­tion exten­sive le poids du bras est celui de sa micro­car­dioïde majeure.

La répar­ti­tion des micro­car­dioïdes dans les bras libres est de type binaire : une car­dioïde M au cen­tre approx­i­matif, encadrée de deux car­dioïdes de poids M + p, qua­tre M + 2p, huit M + 3p, etc. (fig­ure 2).

La taille et l’e­space­ment des micro­car­dioïdes du bras dimin­u­ent très rapi­de­ment quand le poids aug­mente, pour se sta­bilis­er sur une loi logarithmique :

Log taille(A) — Log taille(B) = k (poids(B) — poids(A))
mais le coef­fi­cient k n’a de valeur que locale, déter­minée au mieux pour un demi-bras, amont ou aval.

Avec une telle loi, les car­dioïdes M + kp, avec k = 0 à 5 pour fix­er les idées, occu­pent la plus grande part de la longueur du bras, et les autres, vers les extrémités, ne devi­en­nent vis­i­bles qu’en grossis­sant l’en­tourage des points asymptotes.

Les poids des bras libres d’une rosace Rp sont tous dif­férents : ces bras se parta­gent des poids p + 1 à 2p — 1. L’at­tri­bu­tion des poids aux bras ne se fait pas dans l’or­dre des numéros, mais selon une hiérar­chie pro­pre à la famille du cercle :

— le pas hiérar­chique est 1 dans les séries pri­maires, c’est-à-dire que la hiérar­chie s’y con­fond avec le numérotage,
— le pas hiérar­chique est 2 dans les sec­ondaires majeurs,
— pour tous autres cer­cles de poids m = ap + b, le pas hiérar­chique est le coef­fi­cient a.

Les bras sont con­stru­its comme un enchaîne­ment de mail­lons, qui dans les bras libres appa­rais­sent au pre­mier abord comme des triplets : deux rosaces majeures Rp encad­rant une croix. La croix est définie comme une car­dioïde por­tant deux rosaces latérales Rp, attachées par un bras latéral à ses cer­cles C3 (fig­ure 3).

Les pédon­cules ont une struc­ture tout à fait par­ti­c­ulière (fig­ure 4) :

a) ils sont stricte­ment rec­tilignes, du cer­cle au PA cœur de la rosace principale ;

b) ils ne sont pas symétriques lon­gi­tu­di­nale­ment. Leur majeure est 3p, et le pas aval est p comme dans les bras libres, mais le pas amont est 2p. Cette pre­mière sec­tion est le pédon­cule pro­pre du cer­cle Cp. À l’a­mont du pédon­cule 3p, on trou­ve dans son pro­longe­ment un bras 6p, puis un bras 12p, etc. : ce sont les pédon­cules des dessins asso­ciés aux cer­cles C2p, C4p, … qui exis­tent néces­saire­ment entre Cp et sa rosace, même si on ne les dis­tingue pas à l’échelle de la rosace prin­ci­pale Rp ;

c) les mail­lons qui les con­stituent ne sont pas des triplets, mais seule­ment des croix. Les car­dioïdes des pédon­cules s’at­tachent l’une à l’autre directe­ment, sans inter­po­si­tion de rosace.

Capsules

L’ar­bores­cence binaire des triplets d’un bras libre de rosace Rp se pour­suit indéfin­i­ment au pas p, mais elle n’en con­stitue pas l’u­nique struc­ture. Si on exam­ine le détail d’un bras, on observe que les rosaces majeures Rp du triplet sépar­ent net­te­ment celui-ci du reste du bras :

— à l’ex­térieur de la Rp du triplet M com­mence un bras de liai­son qui s’é­tend jusqu’à la Rp du pri­maire voisin M + p. Ce bras est partagé par les deux rosaces et son poids est M + 2p. Sa descrip­tion se déduit récur­sive­ment de celle du bras M et par­ticipe à sa struc­ture (voir fig­ure 2) ;

— entre les cœurs des deux Rp majeures se trou­ve la struc­ture locale du triplet, que nous appellerons sa cap­sule et que nous allons détailler.

Toute car­dioïde est encap­sulée. Et, puisque la cap­sule con­tient de nom­breuses micro­car­dioïdes sub­or­don­nées, soulignons que cette affir­ma­tion est récur­sive. Moyen­nant quoi, nous pou­vons révis­er le sché­ma de principe du bras, tel que décrit plus haut, par quelques chiffres frap­pants, tirés d’un bras par­ti­c­uli­er typique :

— la cap­sule du triplet majeur occupe env­i­ron 45 % de la longueur du bras,

— l’ensem­ble des cap­sules de la série pri­maire de triplets représente 80 % de la longueur du bras,

— la longueur du plus grand bras sec­ondaire, entre la cap­sule de M et celle de M + p, ne représente que 8 % de la longueur du bras, et non 25 % comme le lais­sait sup­pos­er le sché­ma de principe, avec ses micro­car­dioïdes ponctuelles.

De tels chiffres mon­trent que la cap­sule ne peut être ignorée. Qu’il n’en soit par­lé nulle part souligne que, depuis des années, les chercheurs ont aban­don­né les images pour revenir à l’abstraction.

La fig­ure 5 mon­tre l’or­gan­i­sa­tion de principe de toute cap­sule, for­mée de couch­es imbriquées. Soit M le poids de la car­dioïde cen­trale, triplet quel­conque d’un bras de Rp.

Couche 1 : sur le même exem­ple, cette couche représente 64 % en longueur et 85 % en sur­face de l’en­com­bre­ment total de la capsule.

Le long de l’axe d’ap­prox­i­ma­tive symétrie de la micro­car­dioïde, la couche 1 se com­pose de deux struc­tures de con­nex­ion amont et aval, com­posées cha­cune d’une des rosaces majeures (moins le bras de liai­son), et d’un bras de con­nex­ion qui est d’ailleurs un des bras de la Rp. Ce bras de con­nex­ion s’é­tend du cœur de la Rp de couche 1 au cœur de la Rp de couche 2.

Si la car­dioïde M appar­tient à un bras de numéro Bi, et si nous nom­mons B1 le bras de liai­son du triplet vers l’ex­térieur, la rosace majeure Rp com­porte p — 2 bras libres et son bras de con­nex­ion est le bras Bi. Les poids des bras libres de la Rp sont déter­minés par les règles hiérar­chiques nor­males en par­tant de B1 = M + p ; le bras Bi de con­nex­ion obéit à des règles par­ti­c­ulières, décrites plus loin.

Sur la direc­tion per­pen­dic­u­laire, matéri­al­isée par les cer­cles C3 de la micro­car­dioïde M, la couche 1 com­prend deux struc­tures de rem­plis­sage droite et gauche (en regar­dant vers l’aval). Cha­cune de ces struc­tures com­prend une rosace latérale avec p — 1 bras libres, et un bras de rem­plis­sage qui descend vers la car­dioïde, ter­miné par un point asymptote.

L’at­tri­bu­tion de poids à ces divers bras obéit à des règles décrites plus loin. On retien­dra pour le moment que les rosaces latérales sont approx­i­ma­tive­ment symétriques par rap­port à l’o­rig­ine de la cardioïde.

Couche 2 : très grossière­ment, et sim­ple­ment comme ordre de grandeur, la couche 2 occupe à l’in­térieur de la couche 1 la même place rel­a­tive que celle-ci dans l’ensem­ble de la capsule.

Elle com­prend qua­tre struc­tures de con­nex­ion iden­tiques, déductibles l’une de l’autre par rota­tion d’en­v­i­ron 90° autour de la car­dioïde cen­trale, dont les rosaces for­ment point asymp­tote intérieur pour les bras de con­nex­ion et les bras de rem­plis­sage de la couche 1.

Ces struc­tures de con­nex­ion se déduisent par simil­i­tude des struc­tures de couche 1, avec tous les poids aug­men­tés de M. La rela­tion log­a­rith­mique entre poids et taille explique la con­sid­érable diminu­tion des dimen­sions, d’une couche à la suivante.

À 45° de ces qua­tre struc­tures appa­rais­sent qua­tre struc­tures de rem­plis­sage, elles aus­si déduites par simil­i­tude des struc­tures de couche 1 avec poids aug­men­té de M. Ces struc­tures éma­nent de points bien défi­nis de la car­dioïde, nom­mé­ment les cer­cles C2.3 et C4.

Exem­ple fig­ure 5A

Couche 3 : huit struc­tures de con­nex­ion de poids encore accru de M s’at­tachent à l’in­térieur des huit struc­tures de couche 2. Huit struc­tures de rem­plis­sage s’in­ter­ca­lent entre elles, émanant de huit points bien défi­nis de la micro­car­dioïde centrale.

Ce dis­posi­tif se pour­suit indéfin­i­ment, par dou­ble­ment du nom­bre des struc­tures à chaque couche. Des mesures ont été effec­tuées jusqu’à la couche 100 sur la car­dioïde C2. B2MK de poids 3, la plus grosse de l’ensem­ble. Les points d’at­tache des struc­tures de rem­plis­sage ont été déter­minés jusqu’à la couche 13 (4 096 points d’at­tache propres).

Dès la couche 6, la forme des enveloppes cesse d’être qua­si cir­cu­laire pour se mod­el­er sur la forme de la micro­car­dioïde, l’é­pais­seur des couch­es con­tin­u­ant à dimin­uer dans un rap­port de l’or­dre de 2,6 avec leur rang. De la sorte, il existe une lim­ite à dis­tance finie, que nous appelons la couche d’isole­ment : c’est l’ensem­ble de tous les points asymp­totes ter­mi­nant tous les bras de toutes les rosaces de la micro­car­dioïde, homéo­mor­phisme de la lim­ite qui sépare l’Ensem­ble de la zone de divergence.

Structures de connexion — Évocation amont

L’ex­posé précé­dent mon­tre qu’il suf­fit de con­naître la struc­ture de con­nex­ion de couche 1 pour con­naître l’ensem­ble de la cap­sule. Le poids des car­dioïdes du bras de con­nex­ion de couche 1 est déter­miné par évo­ca­tion amont, laque­lle fonc­tionne comme suit :

Soit m le poids d’une car­dioïde quel­conque, pri­maire au sein d’un bras de poids M, délim­ité par deux points asymp­totes dont l’un est for­cé­ment à l’a­mont de m ;

1) exam­in­er toutes les car­dioïdes entre m et ce PA amont, soit a le plus petit poids ren­con­tré. a est le paramètre d’évo­ca­tion amont de la car­dioïde m, et le triplet majeur du bras de con­nex­ion de couche 1 aura un poids m + a ;

2) exam­in­er toutes les car­dioïdes entre m et a, soit q1 le plus petit poids ren­con­tré, for­cé­ment > a. S’il existe plusieurs car­dioïdes de poids q1 entre m et a, on choisira la plus proche de m. Le deux­ième triplet du bras de con­nex­ion de couche 1 aura un poids m + q1 ;

3) recom­mencer cette recherche entre m et q1 pour trou­ver q2 > q1 et obtenir un triplet de couche 1 de poids m + q2. Cet exer­ci­ce se pour­suit tant que qi < a + m, car nous savons d’après les déf­i­ni­tions que la couche 2 com­mence par un poids (m + a) + m ;

4) ain­si le bras de con­nex­ion con­tient un max­i­mum de m car­dioïdes pri­maires, de poids com­pris entre m + a et 2m + a — 1. L’ensem­ble de ces poids con­stitue le code car­ac­téris­tique de la car­dioïde m ; il est unique au sein du bras M ;

5) entre deux pri­maires m + qi et m + qi + 1 ain­si défi­nis, il existe des sec­ondaires de poids supérieur. Ce sont des évo­ca­tions des sec­ondaires situés entre les car­dioïdes amont qi et qi + 1.

Si le bras M est un bras de rosace prin­ci­pale, toutes les car­dioïdes sus­cep­ti­bles d’être utile­ment évo­quées ont des poids de la forme M + k p. Les poids de couche 1 de m sont alors de forme m + a + i p.

Mais le principe d’évo­ca­tion amont a une portée plus générale. Il s’ap­plique à toute car­dioïde m interne au bras M, par exem­ple une car­dioïde d’un bras quel­conque d’une rosace ter­mi­nale, ou une car­dioïde de cap­sule. L’ex­plo­ration décrite plus haut franchi­ra alors néces­saire­ment un ou plusieurs PA, cœur de rosace ter­mi­nale ou cœur de rosace de cap­sule. À chaque tra­ver­sée de ce genre, la séquence au pas p est inter­rompue pour repren­dre le cal­cul de la couche 1 avec une nou­velle origine.

Il est alors néces­saire d’in­tro­duire dans le bras de con­nex­ion une rosace inter­mé­di­aire, évo­ca­tion de la rosace tra­ver­sée dont elle recopiera la dis­po­si­tion des bras. Le code doit incor­por­er ces rosaces, et la cap­sule est dite feuil­letée.

Le feuil­letage est extrême­ment répan­du, et la struc­ture des cap­sules se com­plique donc au fur et à mesure que l’on explore plus de détails. Cette pro­priété des struc­tures math­é­ma­tiques abstraites les dis­tingue défini­tive­ment des struc­tures du monde physique, qui finis­sent tou­jours — croit-on — par attein­dre un niveau ultime, atom­ique au sens étymologique.

Structures de remplissage — Évocation aval

L’ex­posé sur les cap­sules a mon­tré que la con­nais­sance de la struc­ture de rem­plis­sage de couche 1 suf­fit pour con­naître toutes les struc­tures de ce type dans la capsule.

Le poids des car­dioïdes du bras de rem­plis­sage est déter­miné par évo­ca­tion aval. On ne repren­dra pas le détail du procédé, qui exam­ine cette fois l’in­ter­valle séparant la car­dioïde m du PA aval du bras M, et per­met de définir un paramètre b d’évo­ca­tion aval, qui n’a aucune rai­son d’être égal au paramètre a d’évo­ca­tion amont, sauf si m = M.

L’évo­ca­tion ne s’ar­rête pas au PA, cepen­dant. Au-delà de ce PA, il existe dans le bras M une récur­sion illim­itée de rosaces ter­mi­nales, et la rosace latérale de m n’est autre que l’évo­ca­tion de cette ter­mi­nale. En résumé donc, l’ensem­ble de la struc­ture de rem­plis­sage est l’évo­ca­tion, par trans­la­tion m de tous les poids, de tout ce qui existe dans le bras M à l’aval de la car­dioïde m.

Conséquences

Les mécan­ismes exposés sont rel­a­tive­ment sim­ples, et je les ai appliqués pour une étude méthodique de deux bras par­mi l’in­finité des possibles :

— le grand bras C2. B2 de poids 3, qui est le bras libre unique de la rosace R2, éma­na­tion du cer­cle C2. L’é­tude visait à iden­ti­fi­er indi­vidu­elle­ment toutes les car­dioïdes de poids inférieur ou égal à 20, et à déter­min­er leur code caractéristique.

Elle s’est éten­due aux ter­mi­nales suc­ces­sives de poids 4 à 11, qui ont con­fir­mé de façon par­ti­c­ulière­ment con­va­in­cante les prévi­sions sur le feuil­letage des capsules.

— le bras CS5. B2 de poids 8, arbi­traire­ment choisi par­mi les qua­tre bras libres de la rosace du cer­cle sec­ondaire CS5, en vue de con­trôler l’u­ni­ver­sal­ité des principes décou­verts dans l’é­tude précé­dente. La lim­ite de poids choisie est ici 50, car le pas est 5.

Cette étude a mon­tré qu’il est par­faite­ment pos­si­ble d’écrire un pro­gramme d’or­di­na­teur pour déter­min­er automa­tique­ment la struc­ture d’un bras quel­conque, de pas p et de poids M fixés, jusqu’à une pro­fondeur (poids max­i­mum) choisie a pri­ori. Cepen­dant, ce résul­tat numérique ne donne aucune idée de l’aspect réel des images d’un tel bras.

Je répète que toute car­dioïde est encap­sulée. On est donc con­duit à réfléchir sur la struc­ture de cap­sules imbriquées.

Ce tra­vail a été poussé jusqu’à ses ultimes con­séquences, et a per­mis d’ex­pli­quer de nom­breuses obser­va­tions a pri­ori bizarres. Je me borne à les énon­cer ; le lecteur curieux pour­ra soit con­sul­ter les références in fine, soit m’aider à organ­is­er une présen­ta­tion de dia­pos­i­tives ou un cours sur ordinateur :

amas de car­dioïdes résul­tant d’évo­ca­tions récur­sives (fig­ures 6 et 7),

— con­ver­gence vers une struc­ture com­mune de triplets de couch­es pro­fondes dans des cap­sules cor­re­spon­dant à des valeurs dif­férentes de p (fig­ure 8),

— struc­ture remar­quable des car­refours dans les arbores­cences de tels triplets (fig­ure 9),

— appari­tion de struc­tures spé­ci­fiques, récur­sives et sus­cep­ti­bles de se com­bin­er, à par­tir du deux­ième niveau d’en­cap­su­la­tion. Je les ai bap­tisées boules, d’après leur forme (fig­ure 10).

Cas des B1 pédoncules

Puisqu’il n’y a pas de rosace dans les mail­lons des bras B1 pédon­cules, que devient dans ces bras le con­cept de capsule ?

a) L’évo­ca­tion amont s’ap­plique inté­grale­ment, et porte exclu­sive­ment sur des car­dioïdes de bras B1, par con­struc­tion. Mais puisque aucune rosace ne risque de s’in­ter­pos­er et de couper les séquences de poids, il est per­mis qu’une car­dioïde par­ti­c­ulière joue deux rôles, pourvu que son poids l’autorise :

— mem­bre de l’ar­bores­cence M + k p des car­dioïdes struc­turelles du bras,

— élé­ment d’une couche de capsule.

Cette inter­péné­tra­tion est assez fréquente et com­plique l’analyse. Elle réduit notable­ment le nom­bre de car­dioïdes de poids don­né dans un bras B1, par rap­port à un Bi de même poids.

b) L’évo­ca­tion aval s’ap­plique égale­ment : toutes les rosaces latérales des B1 pédon­cules sont donc des évo­ca­tions de la seule rosace vis­i­ble à leur aval, c’est-à-dire la rosace principale.

c) Les bras B1 des cer­cles C2p, C4p, etc., en amont du B1 de Cp, évo­quent cette même rosace : quel que soit le cer­cle qui leur cor­re­spond, les croix de ces B1 ont donc des rosaces latérales à p bras.

Cercles de niveau supérieur à 1

Con­sid­érons un cer­cle Cp tan­gent à la car­dioïde de base, por­tant un cer­cle Cq qui porte lui-même un cer­cle Cr. On a déjà indiqué que le poids de ce dernier cer­cle est p q r. Que sont les dessins émanant du cer­cle Cp.q.r ?

Ce sont des rosaces arbores­centes qui expri­ment, dans l’or­dre inverse, les rangs de tous les cer­cles tra­ver­sés :< ul>

  • une rosace de base Rr à r bras dont un pédon­cule de poids p q r , et r — 1 bras libres de poids k1n1 = p q (r + n1) ;
  • sur chaque bras libre de Rr, une rosace Rq à q — 1 bras libres, à laque­lle le bras de la Rr sert de B1.
    Le poids des bras de la Rq issue du bras majeur de Rr est
    k21n2 = k11 — 2pq + p n2.
    Le poids des autres bras est
    k2n1 n2 = k1n1 — pq + p n2.
    Le bras majeur est donc beau­coup plus gros que les autres.
  • sur chaque bras libre de chaque Rq, une rosace Rp à p — 1 bras libres, à laque­lle le bras de la Rq sert de B1. Le poids des bras de la Rp issue du bras majeur de la Rq est
    k3n1.1n3 = k2n1.1 — 2p + n3.
    Le poids des autres bras est
    k3n1n2n3 = k2n1n2 — p + n3.
    La rosace du bras majeur est donc plus grosse que les autres ;
  • et bien enten­du tous les bras libres de ces Rp s’achèvent sur une ter­mi­nale récur­sive telle que
    k4n1n2n3 = k3n1n2n3 + n4.


L’ef­fet de ces for­mules est que le dessin appa­raît à pre­mière vue comme une seule rosace Rp de poids k311n3, bien plus grosse que toutes les autres rosaces que l’ob­ser­va­tion atten­tive peut ensuite reconnaître.

Bien plus com­pliquée que la struc­ture des dessins de pre­mier niveau, celle des dessins de niveaux supérieurs a été com­plète­ment éclair­cie, quel que soit le niveau, et résulte sim­ple­ment d’une appli­ca­tion sans con­ces­sion des lois précédem­ment décou­vertes. Néan­moins, il n’est pas réal­iste de les présen­ter ici.

Voir un exem­ple de rosace de 3e niveau en fig­ure 11.

Noyaux

La descrip­tion précé­dente, à base de bras de rosaces, ne con­cerne que les struc­tures majeures obtenues en plaçant bout à bout des car­dioïdes. On a bien fait état des rosaces latérales et de leur inter­pré­ta­tion, mais elles n’oc­cu­pent que peu de place dans les dessins d’ensemble.

L’ex­a­m­en détail­lé de ces struc­tures latérales per­met cepen­dant des décou­vertes remar­quables, en ce que leurs images com­bi­nent les dis­posi­tifs car­ac­téris­tiques du bras avec les con­séquences de la tra­ver­sée d’un cer­cle Cn sub­or­don­né à la micro­car­dioïde. L’ef­fet est de rem­plac­er chaque micro­car­dioïde par une struc­ture com­plexe bap­tisée noy­au.

Les lois de for­ma­tion des noy­aux, qui com­bi­nent plusieurs niveaux d’évo­ca­tion, ont été com­plète­ment déter­minées. Il s’ag­it d’im­ages excep­tion­nelle­ment chargées, et sou­vent fort belles, mais il est impos­si­ble de s’é­ten­dre sur ce vaste sujet dans l’e­space disponible ici.

Le lecteur doit cepen­dant être con­scient que ces noy­aux sont partout : en par­ti­c­uli­er, tous les triplets de bras latéraux sont des noy­aux de C3.

Voir fig­ure 12 pour un exemple.

Références
Rap­port de recherche n° 319 de l’EN­S­TA, par l’I­GA Bouch­er : Struc­tures dans l’Ensem­ble de Man­del­brot. Trois vol­umes représen­tant 1 200 pages, dont 150 de math­é­ma­tiques faciles, 150 d’analyse de cas par­ti­c­uliers, et le reste for­mé de tables et de programmes.

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