STÈLE COLONIALE

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°647 Septembre 2009Par : Jean BRILMAN (59)Rédacteur : Gérard GASTAUT (59)

Couverture du livre : Stèle colonialeAnnée 2009, triste silence sur le 150e anniver­saire de la con­quête de l’Indochine, début d’une aven­ture colo­niale qui a duré moins d’un siè­cle et mar­qué durable­ment plusieurs généra­tions d’hommes et de femmes. Nom­bre de poly­tech­ni­ciens s’illustrèrent tant dans la con­quête que dans la paci­fi­ca­tion, l’urbanisation, la con­struc­tion des infra­struc­tures et le développe­ment économique de l’Indochine.

Hélas, l’idéologie dom­i­nante du début du XXIe siè­cle incite les nations por­teuses d’un passé colo­nial à pra­ti­quer une repen­tance uni­verselle sur cette tranche de leur his­toire. Qu’un peu­ple qui lutte con­tre l’étranger pour son indépen­dance présente les colonisa­teurs, devenus des enne­mis, sous l’aspect car­i­cat­ur­al du riche colon « exploiteur et raciste » est com­préhen­si­ble. Cette général­i­sa­tion est un peu moins légitime de la part de nos pro­pres com­pa­tri­otes. La dénon­ci­a­tion du « cap­i­tal­iste exploiteur » n’a d’ailleurs pas servi que dans les Colonies. Au XXe siè­cle, elle a per­mis, au prix de sanglantes épu­ra­tions, l’installation de dic­tatures com­mu­nistes sur la moitié du monde.

Au cours du temps des cen­taines de mil­liers d’anonymes ont fait le voy­age pour ce « Sud loin­tain » nom­mé Indo­chine par les Français. Leur pas­sage dans l’histoire ressem­ble au vol des oiseaux migra­teurs. On les a vus par­tir. Mais qu’ont-ils fait là-bas, au-delà du regard, ces incon­nus mar­qués par la chaleur moite, la mous­son, la jun­gle, les rela­tions ambiguës avec ce peu­ple viet­namien tou­jours mys­térieux pour l’Occidental. Ce roman répond à cette inter­ro­ga­tion et décrit leur vie dans cette con­trée éloignée.

Par­ti au XVI­Ie siè­cle le pre­mier de ces héros incon­nus, le mis­sion­naire est sans descen­dance offi­cielle pour lui ren­dre hom­mage ici-bas. L’Église y pour­voira s’il est saint ou mar­tyr. Sinon il rejoin­dra la litanie des prêtres oubliés du clergé.

Le sec­ond, le mil­i­taire, enivré par cette aven­ture exo­tique, a lais­sé son sang pour un bout de France aux antipodes. Il fig­ure dans la généalo­gie de mul­ti­ples familles français­es. Les fruits métis­sés de ses brèves amours sous les tropiques ignorent le plus sou­vent qu’il est leur aïeul. Il est arrivé en Indo­chine au XIXe siè­cle. Les autres per­son­nages de ce réc­it sont les civils. Ils furent admin­is­tra­teurs, pro­fesseurs, médecins, bâtis­seurs, ingénieurs, planteurs ou hommes d’affaires. Leurs tranch­es de vie cou­vrent une péri­ode allant de 1887 à 1954.

La plu­part de ces anonymes morts au Viet­nam n’ont pas de tombeau. Ce roman racon­te leur his­toire pour leur être une « stèle de papi­er et de mots ». Il a été écrit pour les très nom­breux descen­dants de « colo­ni­aux ». En fil­igrane transparaît l’oeuvre civil­isatrice de ces courageux pio­nniers en matière de moeurs, de pro­grès économiques et de san­té publique. Occa­sion, peut-être, de rétablir un peu d’équité à l’égard de ces colonisa­teurs oubliés quand ils ne sont pas vilipendés.

Jean Bril­man, né en Indo­chine, est l’auteur de nom­breux best-sell­ers sur le man­age­ment des entre­pris­es, de plusieurs romans et d’un recueil de poésie.

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