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SNAPCAR : la technologie au service des VTC

Dossier : TrajectoiresMagazine N°704 Avril 2015
Par Yves WEISSELBERGER (79)
Par Hervé KABLA (84)

Tu as cofondé SnapCar, qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans cette aventure ?

RENTES DE SITUATION

Pourquoi se battre sur la qualité de service quand les clients n’ont pas d’autre choix, pas d’alternative ? Chaque situation de cette nature crée des rentes de situation et rend inévitables des ruptures économiques et technologiques dont profitent les nouveaux entrants.
Du coup, acquérir des clients est un jeu d’enfant.

J’ai (co)fondé plusieurs entre­pris­es aupar­a­vant. En 2012, je venais de quit­ter la direc­tion de KDS, ma précé­dente start-up, quand mon asso­cié Dave Ash­ton est venu avec l’idée de la réser­va­tion taxi/VTC et, très rapi­de­ment, nous avons vu le poten­tiel d’une telle approche. 

KDS édi­tait et dis­tribuait un logi­ciel de réser­va­tion en ligne de voy­ages d’affaires, en mode SaaS (Soft­ware as a Ser­vice) ; j’ai eu tout le loisir de con­stater que le taxi n’est pas un sujet con­ven­able­ment traité par les solu­tions tech­nologiques existantes. 

Un gros marché poten­tiel, une rup­ture tech­nologique, il n’en faut pas plus pour avoir une énorme envie d’y aller. 

LA PRIMAUTÉ DU MODÈLE ÉCONOMIQUE
SnapCar a lancé une offre 7 places à la rentrée : allez-vous vous lancer dans le transport collectif pour rentabiliser les véhicules ?

Dans le trans­port col­lec­tif, non, ce n’est pas dans nos inten­tions. En revanche, nous avons quelques idées un peu créa­tives en réserve, patience. 

Et les véhicules électriques ?
Verra-t-on un jour des Tesla chez SnapCar ?

Dès les pre­miers mois de créa­tion de Snap­Car, nous sommes allés essay­er les Tes­la, qui venaient d’arriver en Europe. Ce sont de fab­uleux véhicules, qui nous ont immé­di­ate­ment don­né envie de les inté­gr­er à la flotte, avec un dou­ble mes­sage de luxe et de pro­tec­tion de l’environnement.

Ce qui nous a arrêtés pour l’instant c’est le mod­èle économique : leur prix est très élevé et rend dif­fi­cile la four­ni­ture du ser­vice Snap­Car à un prix compétitif. 

UNE VISION À PARTAGER
Quelles sont les qualités premières requises pour lancer une société comme SnapCar ?

De mon point de vue, il faut trois qual­ités essen­tielles, sans pou­voir affirmer si je les réu­nis ou pas, bien évidemment. 

“ Une vision reste un fantasme individuel si on ne sait pas entraîner d’autres avec soi ”

D’abord, une vision. Que veut-on accom­plir ? C’est le fonde­ment, bien sûr. 

Ensuite, il faut avoir le charisme pour faire partager sa vision à une équipe. Rien ne peut s’accomplir seul, une vision reste un fan­tasme indi­vidu­el si on ne sait pas entraîn­er d’autres avec soi. 


Home­page du site SnapCar.

Enfin, il faut une capac­ité d’exécution, et donc de man­age­ment. Les idées sim­i­laires exis­tent sou­vent à des cen­taines d’exemplaires, mais une idée n’est pas une start-up, et les idées sim­i­laires ne sont pas appelées à se dévelop­per de la même manière. 

Les VTC ont été rudement attaqués ces derniers mois.
Y a‑t-il encore un avenir pour ce secteur en France ?

Bien enten­du. Les VTC font désor­mais par­tie du paysage économique, et aucune régle­men­ta­tion ne les arrêtera. Non seule­ment il y a un avenir, mais peu de secteurs con­nais­sent un développe­ment aus­si rapide. 

BRISER LES MONOPOLES : UN JEU D’ENFANT
Qu’est-ce qui est le plus dur, finalement : acquérir des clients ou vaincre l’immobilisme de certains secteurs économiques ?

L’immobilisme des acteurs exis­tants est en réal­ité une oppor­tu­nité. Si les taxis et les sociétés de taxis avaient été plus flex­i­bles, ils auraient ren­du plus dif­fi­cile notre arrivée sur le marché. 

Mais les monopoles sont trop « agréables ». Ils con­duisent à la com­plai­sance et aux faux sen­ti­ments de sécurité. 

T’arrive-t-il encore de prendre le taxi ? Les chauffeurs te reconnaissent-ils ?

Rarement mais ça m’arrive. Les chauf­feurs des taxis que j’emprunte ne me recon­nais­sent pas mais, en revanche, j’en prof­ite tou­jours pour avoir une con­ver­sa­tion sur les VTC. 

Pris indi­vidu­elle­ment les chauf­feurs de taxi sont sou­vent bien plus raisonnables et ouverts que col­lec­tive­ment. Ils tra­vail­lent de longues heures dans un espace confiné. 

J’ai de l’empathie et com­prends par­faite­ment l’inquiétude qu’ils peu­vent ressen­tir devant les change­ments qu’ils subissent. 

DES SEMAINES DE PLUS DE 35 HEURES
SnapCar n’est pas ta première création : tu es également président de KDS. Comment arrives-tu à gérer ton emploi du temps entre deux sociétés ?

Je suis main­tenant admin­is­tra­teur de KDS, je ne suis plus président. 

Je suis resté pen­dant un temps prési­dent, c’est un rôle beau­coup moins opéra­tionnel que la direc­tion générale, et qui prend donc net­te­ment moins de temps. 

Le gros de mon énergie était déjà con­sacré à Snap­Car. Par ailleurs, j’aime ce que je fais et je tra­vaille plus de 35 heures par semaine ! En revanche, si on peut par­ticiper à plusieurs start-ups, le rôle demande une telle inten­sité qu’il paraît dif­fi­cile d’assumer simul­tané­ment plus d’une mis­sion de direc­tion générale. 

UNE DROGUE DURE
Comment perçois-tu le rôle d’un entrepreneur en France aujourd’hui ?

La profession des chauffeurs de taxis inquiète devant les changements en cours.
Une pro­fes­sion inquiète devant les change­ments en cours. © ISTOCK 

Je pour­rais pré­ten­dre assur­er une mis­sion d’intérêt général. J’espère que c’est un peu le cas, et de toute façon, il est désor­mais évi­dent pour tout le monde que le salut vien­dra de ce qu’on a appelé la « nou­velle économie », et par con­séquent des entrepreneurs. 

“ Créer une entreprise est une drogue dure pour laquelle il n’y a pas de cure de désintoxication ! ”

Donc bien sûr, j’ai le sen­ti­ment d’une véri­ta­ble con­tri­bu­tion au développe­ment du pays. Mais, soyons hon­nête, ce n’est pas la source ini­tiale de ma moti­va­tion, qui est celle de la liber­té et de l’accomplissement personnel. 

Dans les start-ups, il n’y a pas de place pour le baratin. La boucle de retour est extrême­ment courte. Tu sais si ce que tu fais fonc­tionne ou non, et ton temps est con­sacré entière­ment à obtenir des résultats. 

Tu tra­vers­es par­fois des moments incroy­able­ment frus­trants mais, quand ça marche, il y a une impres­sion de con­trôler les événe­ments qui agit un peu comme une drogue dure. 

À quel âge cesse-t-on d’être entrepreneur ?

Créer une entre­prise est une drogue dure pour laque­lle il n’y a pas de cure de dés­in­tox­i­ca­tion. En revanche il y a prob­a­ble­ment un âge – encore loin­tain pour moi – où il est sans doute plus com­pliqué d’avoir l’intensité nécessaire. 

À ce moment-là il ne faut plus diriger les boîtes. Mais pour en créer, il n’y a prob­a­ble­ment pas de limite. 

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