De nombreux acteurs sont impliqués dans le développement des scores environnementaux, comme Open Food Facts, projet collaboratif de base de données libre et ouverte sur les produits alimentaires.

Scores environnementaux : une consommation et une production informées

Dossier : Environnement & SociétéMagazine N°789 Novembre 2023
Par Morand STUDER (X91)
Par Maxime CARO
Par Marie LEMOINE

Les scores envi­ron­nemen­taux sont à la mode. Et de fait ils ont de grandes ver­tus, à con­di­tion d’être élaborés avec méthode et surtout dans la con­cer­ta­tion. Ils sont intéres­sants pour les con­som­ma­teurs, qui en ont besoin pour ori­en­ter leurs choix de manière respon­s­able au regard de la pro­tec­tion de l’environnement. Ils sont intéres­sants pour les pro­duc­teurs et pour leur image de mar­que. La France est en la matière en avance au sein de l’Europe.

Les scores envi­ron­nemen­taux découlent de la con­ver­gence de deux domaines en plein essor : la demande grandis­sante des con­som­ma­teurs pour une con­som­ma­tion plus infor­mée et la mon­tée en puis­sance de la trans­parence environnementale.

Présentation des éco-scores

Un score envi­ron­nemen­tal prend la forme d’un indi­ca­teur sim­ple (note A‑B-C-D‑E, note sur 100, etc.) et répond générale­ment à deux objec­tifs majeurs : informer le con­som­ma­teur sur l’impact environ­nemental d’un pro­duit, l’incitant ain­si à des choix plus respon­s­ables, ce qui per­met de com­par­er les pro­duits entre eux ; favoris­er égale­ment des démarch­es d’écoconception en vis­i­bil­isant les proces­sus de fab­ri­ca­tion vertueux. En théorie, un score environ­nemental cherche à cou­vrir tous les aspects liés aux impacts sur le cycle de vie des pro­duits, en offrant une éval­u­a­tion com­plète. Les scores actuelle­ment en place peu­vent cepen­dant présen­ter des vari­a­tions sig­ni­fica­tives en ter­mes de méthodolo­gie et de périmètre. Nous exam­inerons donc à la fois les indices visant à qual­i­fi­er l’impact envi­ron­nemen­tal du pro­duit, comme l’éco-score, et les notes spé­ci­fiques ayant pour objec­tif de qual­i­fi­er une face du pro­duit, comme sa réparabilité.

Un écosystème dynamique d’acteurs impliqués

De nom­breux acteurs sont impliqués dans le développe­ment des scores envi­ron­nemen­taux. Cette mosaïque com­prend la société civile, les fab­ri­cants, les dis­trib­u­teurs, ain­si que les régu­la­teurs et les agences gouvernementales.

À cet écosys­tème s’ajoutent des indi­ca­teurs indépen­dants comme Yuka (appli­ca­tion qui vise à éval­uer l’impact des pro­duits ali­men­taires et cos­mé­tiques sur la san­té des con­som­ma­teurs) ou Open Food Facts (pro­jet col­lab­o­ratif de base de don­nées libre et ouverte sur les pro­duits ali­men­taires), ain­si que des out­ils d’aides au scor­ing comme Eco-meu­ble. Ces indi­ca­teurs indépen­dants por­tent des ini­tia­tives qui peu­vent être à des­ti­na­tion du con­som­ma­teur final, des entre­pris­es ou des gouvernements.

Cer­taines par­ties prenantes se posi­tion­nent dans le développe­ment de scores envi­ron­nemen­taux dans des rôles d’incitateur, de con­seil, de mise à dis­po­si­tion d’outils ou de cri­tique. Ces par­ties prenantes exer­cent une influ­ence directe sur la réus­site d’une ini­tia­tive de score environ­nemental. Il est donc essen­tiel de les con­sid­ér­er et par­fois de les impli­quer lors de la plan­i­fi­ca­tion et de la mise en œuvre du projet.

De plus, les ONG jouent un rôle act­if dans le développe­ment des scores envi­ron­nemen­taux et par­ticipent vive­ment aux débats publics. Par­mi elles, des ONG telles que le WWF, UFC-Que Choisir et CIWF (Com­pas­sion in World Farm­ing) ont con­tribué à façon­ner ces scores. Elles con­seil­lent leur élab­o­ra­tion et cri­tiquent les scores jugés peu rigoureux ou inef­fi­caces, à des fins d’amélioration. Elles appor­tent leur exper­tise et leurs cri­tiques influ­entes. À titre d’exemple, dix-huit ONG ont soutenu le Plan­et Score, une alter­na­tive avec Nutri-Score, visant à éval­uer plus pré­cisé­ment l’impact des pro­duits ali­men­taires sur la san­té, l’environnement et le bien-être animal.

Yuka, application qui vise à évaluer l’impact des produits alimentaires et cosmétiques sur la santé des consommateurs, indique désormais des scores environnementaux.
L’ap­pli­ca­tion Yuka indique désor­mais des scores envi­ron­nemen­taux en plus des éval­u­a­tions d’impact sur la san­té des consommateurs.

Le régulateur français, précurseur dans l’Union européenne

Tan­dis que l’Union européenne établit des méthodolo­gies et des recom­man­da­tions (méthode Prod­uct Envi­ron­men­tal Foot­print, PEF, pub­liée en 2013 pour mesur­er la per­for­mance envi­ron­nemen­tale, recom­man­da­tions sur la manière de mesur­er la per­for­mance envi­ron­nemen­tale sur l’ensemble du cycle de vie pub­liées en 2021), la France en est déjà à l’heure des expérimentations.

Le régu­la­teur français a com­mencé à faire bouger les lignes dans de mul­ti­ples secteurs : le Grenelle de l’environnement oblige déjà depuis 2011 l’affichage d’un diag­nos­tic de per­for­mance énergé­tique dans l’immobilier à la vente et à la loca­tion, la loi Agec a intro­duit en 2021 le déploiement de l’affichage d’un indice de répara­bil­ité sur les pro­duits élec­triques et élec­tron­iques, la loi cli­mat et résilience en 2021 impose aux enseignes et fab­ri­cants de dévoil­er l’impact envi­ron­nemen­tal d’un vête­ment pour jan­vi­er 2024… Les expéri­men­ta­tions d’affichage visant à mieux informer le con­som­ma­teur et à aider les dis­trib­u­teurs dans la sélec­tion de leurs fab­ri­cants fleuris­sent, et devraient se généralis­er dans plusieurs secteurs déjà estampil­lés comme prioritaires.


Lire aus­si : La loi Agec : une inno­va­tion exemplaire


Le rôle de l’Ademe

De plus, les agences publiques comme l’Ademe, opéra­teur tech­nique du min­istère de l’Écologie dans la ges­tion du dis­posi­tif français d’affichage envi­ron­nemen­tal, met­tent à la dis­po­si­tion des entre­pris­es des ressources et un accom­pa­g­ne­ment pour les aider à s’engager dans la démarche. Ain­si, la base empreinte de l’Ademe four­nit des don­nées de fac­teurs d’émission des pro­duits et ser­vices de grande con­som­ma­tion, l’outil Ecobal­yse dévelop­pé par l’État et le bilan pro­duit de l’Ademe per­me­t­tent le cal­cul d’analyses de cycles de vie sim­pli­fiées, l’Ademe pro­pose des sub­ven­tions aux PME et TPE via le pro­gramme Trem­plin… La France se dis­tingue ain­si par son volon­tarisme en la matière.

“Un véritable impact sur l’ensemble du cycle de vie des produits.”

Les indi­ca­teurs envi­ron­nemen­taux ont un véri­ta­ble impact sur l’ensemble du cycle de vie des pro­duits. Ce proces­sus peut être sché­ma­tique­ment décom­posé en qua­tre étapes : con­cep­tion & fab­ri­ca­tion, dis­tri­b­u­tion, usage par le con­som­ma­teur et fin de vie.

Mettre en place des démarches d’écoconception

Le score envi­ron­nemen­tal est un out­il per­me­t­tant aux fab­ri­cants d’objectiver la per­for­mance envi­ron­nemen­tale de leurs pro­duits. Il incite donc les fab­ri­cants à éco­con­cevoir et amélior­er leurs pro­duits, notam­ment grâce à la pos­si­bil­ité de com­par­er deux pro­jets avant même la mise en pro­duc­tion, afin de max­imiser cer­tains critères préétab­lis tels que la répara­bil­ité et la recy­cla­bil­ité, la faible con­som­ma­tion en eau, etc. Cet effet inci­tatif est dû au fort impact de l’affichage envi­ron­nemen­tal sur l’image de mar­que des fab­ri­cants. Il con­stitue un critère de sélec­tion pour les con­som­ma­teurs, mais aus­si poten­tielle­ment pour les dis­trib­u­teurs désireux d’améliorer l’impact de leur catalogue.

Mieux contrôler les approvisionnements

Les indi­ca­teurs envi­ron­nemen­taux aident les dis­trib­u­teurs à iden­ti­fi­er les pro­duits ayant un impact envi­ron­nemen­tal impor­tant et à mieux ori­en­ter leur chaîne d’approvisionnement. Ils représen­tent pour eux un out­il opéra­tionnel pour opti­miser leur sélec­tion de pro­duits, influ­encer leurs four­nisseurs et ren­forcer leur engage­ment en faveur de pra­tiques écore­spon­s­ables avec un score objec­tif et fiable. Via une sélec­tion des pro­duits plus vertueux, le dis­trib­u­teur joue ain­si un véri­ta­ble rôle de tiers de con­fi­ance, en choi­sis­sant de manière indépen­dante et objec­tive des pro­duits avec un impact envi­ron­nemen­tal plus faible.

Des choix de consommation responsables et durables

Le score envi­ron­nemen­tal sert d’indicateur sim­ple pour sen­si­bilis­er le con­som­ma­teur à l’impact envi­ron­nemen­tal des pro­duits éval­ués et per­met une com­para­i­son facile de pro­duits sim­i­laires, afin de le guider dans son choix.

Quatre facilitateurs phares

La mise en place d’un éco-score repose sur qua­tre facil­i­ta­teurs phares. D’abord assur­er un spon­sor­ship fort en interne, pour traiter ce sujet qui est trans­verse à plusieurs métiers dans la même entre­prise. En effet, un pro­jet d’éco-score implique de nom­breuses équipes (équipes pro­duit, IT, légales) dont la coopéra­tion néces­site une impul­sion venant du plus haut niveau (CEO, comex). Le comex doit donc définir une vision claire, allouer un bud­get, une équipe à plein temps, et nom­mer un respon­s­able. Ensuite définir la gou­ver­nance en mode pro­jet pour en assur­er la pérennité.

Un sys­tème de gou­ver­nance doit être for­mulé dès le début du pro­jet, afin de définir les modal­ités du pas­sage à l’échelle et clar­i­fi­er le rôle de cha­cun lors du run. Et voir une organ­i­sa­tion IT flex­i­ble pour inté­gr­er les don­nées néces­saires au score. L’affichage envi­ron­nemen­tal fera cir­culer de nou­veaux types de don­nées et met­tra en place des flux entre des sys­tèmes qui ne com­mu­ni­quaient pas entre eux auparavant.

Il est donc néces­saire d’identifier les sys­tèmes con­cernés, de les adapter aux nou­veaux flux et de les ren­dre interopérables. Enfin cocon­stru­ire la démarche avec les four­nisseurs et par­ties prenantes, pour s’assurer de leur adhé­sion. Le cal­cul des scores implique de récolter des infor­ma­tions sur les pro­duits tout au long du cycle de vie et donc de con­tac­ter tous les four­nisseurs pour récolter leurs don­nées. Il est ain­si néces­saire de faire adhér­er les four­nisseurs au pro­jet, afin de flu­id­i­fi­er les échanges et d’assurer la qual­ité des don­nées transmises.

Construire progressivement

La mise en place d’un pro­jet de scores environ­nementaux suit une approche pro­gres­sive, débu­tant par un Proof of Con­cept (POC) sur un périmètre restreint pour automa­tis­er et autonomiser le proces­sus avant de l’étendre à grande échelle. Plusieurs étapes clés guident cette expan­sion gradu­elle, inclu­ant la déf­i­ni­tion des objec­tifs du score, la délim­i­ta­tion du périmètre du POC en con­sid­érant les canaux de dif­fu­sion et les gammes de pro­duits, et la col­lab­o­ra­tion avec les four­nisseurs pour auditer les don­nées. Pour une mise en œuvre réussie, on vous recom­mande donc un mod­èle de pro­jet mod­u­laire, amor­cé par un POC pour tester la fais­abil­ité et la méthodolo­gie avant le déploiement à grande échelle.

Vous voilà prêt à déploy­er votre pro­pre score envi­ron­nemen­tal avec toutes les cartes en main. Tout d’abord, bâtis­sez une base solide grâce à une organ­i­sa­tion bien struc­turée et une gou­ver­nance claire. Ensuite, assurez une col­lab­o­ra­tion fructueuse avec vos four­nisseurs et adaptez votre infra­struc­ture IT pour une inté­gra­tion flu­ide des don­nées. Puis pro­gressez gradu­elle­ment en amorçant par un Proof of Con­cept avant d’aller à grande échelle. De la déf­i­ni­tion des objec­tifs à l’automatisation des proces­sus, en pas­sant par la coopéra­tion avec les four­nisseurs, ces étapes majeures vous guideront vers un déploiement réus­si. Alors, à vous de jouer, et bonne aven­ture de score environnemental !

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