Satellites de navigation, géodésie et information géographique

Dossier : Navigation par satelliteMagazine N°594 Avril 2004
Par Claude BOUCHER (69)
Par Pascal WILLIS (80)

Les sys­tèmes de navi­ga­tion par satel­lite sont appa­rus dès les débuts de l’ère spa­tiale. Plus pré­ci­sé­ment, le prin­cipe de fonc­tion­ne­ment du pre­mier sys­tème (Tran­sit) fut décou­vert par un labo­ra­toire de recherche amé­ri­cain (John Hop­kins Uni­ver­si­ty) en obser­vant le signal du pre­mier satel­lite arti­fi­ciel Spout­nik 1 !

Avant cette date, seules les mesures astro­no­miques à par­tir des étoiles, du Soleil, de cer­taines pla­nètes ou satel­lites per­met­taient de se loca­li­ser à la sur­face ter­restre, aus­si bien pour le géo­graphe que pour le navigateur.

Tran­sit ouvrait ain­si une ère nou­velle qui se concré­ti­sa par la réa­li­sa­tion d’une série de sys­tèmes déve­lop­pés par dif­fé­rents pays, à des fins mili­taires ou civiles, et dési­gnés dans cet article par le sigle géné­rique GNSS (Glo­bal Navi­ga­tion Satel­lite Sys­tem). Il fut déve­lop­pé par la Marine des États-Unis, ini­tia­le­ment pour la loca­li­sa­tion des sous-marins nucléaires Pola­ris. Le sys­tème Tran­sit était consti­tué d’une constel­la­tion de cinq ou six satel­lites défi­lant à basse alti­tude, qui émet­taient une fré­quence radio stable à par­tir de laquelle un récep­teur au sol pou­vait faire une mesure pré­cise du déca­lage Dop­pler dû au mou­ve­ment rela­tif entre ce récep­teur et le satel­lite émetteur.

Sui­vant sa lati­tude, un point au sol pou­vait être en vue d’un de ces satel­lites plu­sieurs fois par jour. De plus, une posi­tion pré­dite de chaque satel­lite était acces­sible aux uti­li­sa­teurs en temps réel grâce à un mes­sage radio­dif­fu­sé par modu­la­tion de la por­teuse émise, per­met­tant ain­si un cal­cul au sol en temps réel. Les infor­ma­tions rela­tives à ce sys­tème furent déclas­si­fiées dès 1967 afin de favo­ri­ser ses appli­ca­tions civiles, notam­ment pour la navi­ga­tion maritime.

L’u­ti­li­sa­tion opé­ra­tion­nelle de ce sys­tème com­men­ça alors à se déve­lop­per, notam­ment dans les cas où il offrait une réelle révo­lu­tion tech­no­lo­gique, en par­ti­cu­lier pour la navi­ga­tion en haute mer pour laquelle une pré­ci­sion de 100 mètres était acces­sible avec un seul pas­sage de satel­lite, ou pour la géo­dé­sie dans les régions mal ou pas équi­pées, grâce à la pré­ci­sion métrique acces­sible en cumu­lant alors plu­sieurs jours d’ob­ser­va­tion en mode sta­tique, ce qui appor­tait déjà un fac­teur 100 de gain par rap­port aux déter­mi­na­tions astro­no­miques précédentes.

Le sys­tème Tran­sit joua un rôle his­to­rique impor­tant dans les déve­lop­pe­ments ulté­rieurs, en fai­sant la démons­tra­tion en vraie gran­deur des per­for­mances de cette nou­velle tech­no­lo­gie, et en fai­sant la preuve de ses avan­tages désor­mais incon­tour­nables en termes de glo­ba­li­té et d’u­ti­li­sa­tion par tout temps. L’URSS com­men­ça d’ailleurs à l’é­poque le déve­lop­pe­ment d’un sys­tème très sem­blable, Tsi­ka­da.

Mais pour les besoins opé­ra­tion­nels, ces sys­tèmes res­taient limi­tés en pré­ci­sion et en dis­po­ni­bi­li­té. Les pro­grès des sources de fré­quence ultra-stables (et hor­loges asso­ciées) spa­tia­li­sables don­nèrent nais­sance à un nou­veau concept désor­mais mis en œuvre dans les sys­tèmes GNSS actuels et que nous allons expli­quer à présent.

Les systèmes globaux de navigation par satellite : signaux et services

Le prin­cipe désor­mais rete­nu pour les sys­tèmes modernes de navi­ga­tion par satel­lite est celui de la déter­mi­na­tion ins­tan­ta­née de la posi­tion du mobile par mesures simul­ta­nées de dis­tances par rap­port à plu­sieurs satel­lites en visi­bi­li­té. Ces mesures sont effec­tuées par comp­tage du temps de pro­pa­ga­tion d’ondes radio émises par les satel­lites et reçues au sol. Le pre­mier sys­tème ain­si déve­lop­pé fut le Glo­bal Posi­tio­ning Sys­tem (GPS) du minis­tère de la Défense amé­ri­cain, à par­tir des années soixante-dix et décla­ré opé­ra­tion­nel en 1994.
Les hor­loges embar­quées per­met­taient non seule­ment de four­nir les signaux radio­dif­fu­sés (por­teuses et modu­la­tions), mais aus­si de réa­li­ser ces émis­sions dans une échelle de temps unique pour tout le sys­tème et pré­ci­sé­ment liée aux échelles de temps inter­na­tio­nales (UTC, TAI).

Ain­si, en mode de fonc­tion­ne­ment nomi­nal, un récep­teur reçoit simul­ta­né­ment les signaux d’au moins quatre satel­lites, ce qui lui per­met de cal­cu­ler une déter­mi­na­tion immé­diate de sa posi­tion et du déca­lage de son hor­loge locale.

Un sys­tème mili­taire sovié­tique très sem­blable fut alors par­tiel­le­ment déve­lop­pé (GLONASS). Sa constel­la­tion n’est actuel­le­ment pas com­plète, mais la Rus­sie s’ef­force tou­jours de main­te­nir l’exis­tence de ce second sys­tème. Il offre à l’u­ti­li­sa­teur un com­plé­ment inté­res­sant à GPS pour cer­tains types d’ap­pli­ca­tions néces­si­tant un plus grand nombre de satel­lites en visi­bi­li­té. Cer­tains construc­teurs ont d’ailleurs déve­lop­pé des récep­teurs mixtes GPS-GLONASS dans ce but.

Dans ce contexte, l’Eu­rope déci­da à son tour de déve­lop­per un sys­tème indé­pen­dant, Gali­leo, mais com­pa­tible et com­plé­men­taire avec GPS, comme l’est déjà GLONASS dans les faits.

Tous ces sys­tèmes pré­sentent un ensemble de carac­té­ris­tiques communes :

  • ils sont glo­baux, c’est-à-dire qu’ils peuvent fonc­tion­ner par­tout dans le monde,
  • ils sont tout temps, c’est-à-dire qu’ils peuvent fonc­tion­ner quelles que soient les condi­tions météo­ro­lo­giques, grâce au choix des fré­quences (essen­tiel­le­ment bande L),
  • ils four­nissent à l’u­ti­li­sa­teur un accès ins­tan­ta­né (infé­rieur à la seconde) aux résul­tats de posi­tion et data­tion, y com­pris pour un mobile en mou­ve­ment puisque les posi­tions peuvent être cal­cu­lées de manière indé­pen­dante à chaque époque.


Ils suivent une archi­tec­ture commune :

  • un seg­ment spa­tial consti­tué d’une petite tren­taine de satel­lites en orbite dite moyenne (envi­ron 20 000 km),
  • un seg­ment de contrôle com­pre­nant en par­ti­cu­lier un réseau de pour­suite dédié et un centre de cal­cul et de pré­vi­sions d’or­bites des satellites,
  • un seg­ment uti­li­sa­teur, lui-même com­pre­nant de pos­sibles aug­men­ta­tions, c’est-à-dire des sys­tèmes com­plé­men­taires du sys­tème de base, ain­si que les uti­li­sa­teurs au sens le plus large.


GNSS donne ain­si accès à l’in­for­ma­tion » posi­tion » et » temps » tout comme les hor­loges et les montres donnent l’in­for­ma­tion de temps.

Un géoréférencement unique

Avec l’ap­pa­ri­tion des nou­velles tech­no­lo­gies infor­ma­tiques et spa­tiales la car­to­gra­phie des terres a connu, depuis une tren­taine d’an­nées, une pro­fonde évo­lu­tion. Ces chan­ge­ments concernent non seule­ment les pro­duc­teurs de cartes qui ont vu leurs moyens de pro­duc­tion évo­luer de manière très rapide vers le tout numé­rique mais aus­si leurs très nom­breux uti­li­sa­teurs, pro­fes­sion­nels ou grand public, qui peuvent ain­si accé­der direc­te­ment à cer­taines de ces innovations.

De la carte à l’information géographique

Le point cen­tral de ces évo­lu­tions réside dans la diver­si­fi­ca­tion des pro­duits car­to­gra­phiques. L’in­for­ma­tique a fait appa­raître le concept d’in­for­ma­tion géo­gra­phique (numé­rique) et de sys­tèmes de ges­tion asso­ciés (SIG ou Sys­tèmes d’in­for­ma­tion géo­gra­phique). Un sys­tème com­plexe s’est ain­si éta­bli entre les mul­tiples acteurs, met­tant en œuvre diverses fonc­tions de sai­sie, trai­te­ment et uti­li­sa­tion de l’in­for­ma­tion géographique.

L’in­for­ma­tion géo­gra­phique est désor­mais à com­prendre dans un sens très large comme toute infor­ma­tion loca­li­sée dans l’en­vi­ron­ne­ment de la sur­face topo­gra­phique (sou­vent dési­gné par le néo­lo­gisme » géoréférencé »).

Multiplicité et cohérence des informations géographiques

Les sources de l’in­for­ma­tion géo­gra­phiques se sont diver­si­fiées. À titre d’illus­tra­tion, on peut citer :

  • la numé­ri­sa­tion de cartes (en mode scan­né ou en mode vectoriel),
  • le trai­te­ment pho­to­gram­mé­trique de pho­tos aériennes,
  • le trai­te­ment pho­to­gram­mé­trique d’i­mages satellitaires,
  • les levés topo­gra­phiques et topo­mé­triques classiques,
  • la numé­ri­sa­tion de plans, sché­mas de réseaux,
  • la sai­sie d’ob­jets avec infor­ma­tion de posi­tion pro­ve­nant de sys­tème de navi­ga­tion par satel­lite (GPS en par­ti­cu­lier, en mode sta­tique ou cinématique).


La cohé­rence de toutes ces infor­ma­tions de nature dif­fé­rente devient main­te­nant un pro­blème majeur, notam­ment en vue de leur uti­li­sa­tion conjointe (hybri­da­tion). Divers tra­vaux sur un plan natio­nal par le Conseil natio­nal de l’in­for­ma­tion géo­gra­phique (CNIG) ou sur un plan inter­na­tio­nal (CEN, ISO) ont por­té récem­ment sur la nor­ma­li­sa­tion dans ces domaines.

Le concept de qua­li­té géo­mé­trique des objets géo­gra­phiques est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant pour l’u­ti­li­sa­tion com­bi­née de carte clas­sique (numé­ri­sée ou non) et de posi­tions géo­gra­phiques obte­nues par GNSS. Ce point pré­cis met en évi­dence une double question :

  • la qua­li­té intrin­sèque de la localisation,
  • la dif­fé­rence des réfé­rences géo­gra­phiques sous-jacentes.
Carte du réseau de poursuite GNSS du service international IGS.
Carte du réseau de pour­suite GNSS du ser­vice inter­na­tio­nal IGS. © NASA/JPL-CALTECH

Exemples d’utilisation combinée carte et GNSS

Voi­ci quelques exemples d’u­ti­li­sa­tion conjointe de résul­tats GNSS de posi­tion avec des don­nées géo­gra­phiques classiques :

  • pour un pro­duc­teur de carte topo­gra­phique, tel que l’I­GN pour la France, GPS est un extra­or­di­naire outil pour la mise à jour des infor­ma­tions géo­gra­phiques car il per­met de loca­li­ser rapi­de­ment des objets géo­gra­phiques nou­veaux. Par exemple, la modi­fi­ca­tion récente du réseau rou­tier comme une nou­velle bre­telle d’au­to­route. Une uti­li­sa­tion typique serait alors de faire cir­cu­ler sur la nou­velle por­tion de route un véhi­cule muni d’un récep­teur GPS et de camé­ras afin d’ob­te­nir auto­ma­ti­que­ment les infor­ma­tions déjà numé­ri­sées, en vue d’une mise à jour auto­ma­tique des bases de don­nées déjà existantes ;
  • dans le cadre grand public, un autre exemple très répan­du est la loca­li­sa­tion par GPS d’un indi­vi­du (ran­don­neur, pro­me­neur, jog­geur…) et son report gra­phique sur une carte topo­gra­phique numé­rique four­nie avec le récep­teur GPS lui-même. Là encore, plu­sieurs pro­blèmes se posent : iden­ti­fi­ca­tion de la réfé­rence de la carte, uti­li­sa­tion de la grille de la carte (les cartes IGN com­portent plu­sieurs grilles ou amorces de qua­drillage pour faci­li­ter ce type nou­veau d’u­ti­li­sa­tion), uti­li­sa­tion des options de conver­sion de sys­tème géo­dé­sique (« datum ») dans le logi­ciel du récep­teur GPS… ;
  • pour le gui­dage et la navi­ga­tion des auto­mo­biles, l’u­ti­li­sa­tion cou­plée de résul­tats de loca­li­sa­tion GNSS et d’in­for­ma­tions géo­gra­phiques de toute nature devient main­te­nant incontournable.

Les références géodésiques

L’exis­tence d’un repère de réfé­rence géo­dé­sique unique pour la Terre et son envi­ron­ne­ment immé­diat, répon­dant aux besoins d’exac­ti­tude cen­ti­mé­trique, résulte de pro­grès accom­plis durant les quinze der­nières années et de déci­sions inter­na­tio­nales récentes.

À ce niveau d’exac­ti­tude, la défi­ni­tion des sys­tèmes de réfé­rence et leur réa­li­sa­tion sous forme de repères posent des pro­blèmes scien­ti­fiques com­plexes. Mais, l’exac­ti­tude du mètre ou de quelques mètres, cor­res­pon­dant au mode nor­mal de posi­tion­ne­ment GNSS (99 % des uti­li­sa­tions), est réa­li­sable sans aucun pro­blème théo­rique ou pratique.

Le repère adop­té par une conven­tion inter­na­tio­nale en 1991 porte le nom de Repère inter­na­tio­nal de réfé­rence ter­restre (ITRF, Inter­na­tio­nal Ter­res­trial Refe­rence Frame) et est réa­li­sé depuis cette date par une équipe fran­çaise à l’I­GN. Il est consti­tué par les coor­don­nées car­té­siennes, dans un sys­tème d’axes ayant son ori­gine au centre des masses de la Terre, de quelques cen­taines de sites répar­tis sur la pla­nète. Ces coor­don­nées sont accom­pa­gnées de vitesses de dépla­ce­ment, pour prendre en compte les mou­ve­ments tec­to­niques, de l’ordre de quelques cen­ti­mètres par an.

L’ITRF est constam­ment entre­te­nu et amé­lio­ré par le ser­vice qui en a la charge : le Ser­vice inter­na­tio­nal de la rota­tion ter­restre (IERS, Inter­na­tio­nal Earth Rota­tion Ser­vice). Des ver­sions suc­ces­sives ont été publiées, la der­nière en date étant celle dési­gnée par ITRF 2000 qui donne les coor­don­nées de plus de 800 sta­tions avec des incer­ti­tudes pour la plu­part voi­sines de 5 mil­li­mètres (en 3D) pour la période d’ob­ser­va­tion de cha­cune de ces sta­tions géo­dé­siques fon­da­men­tales. Dans le cadre de cette dis­cus­sion, les dif­fé­rences entre les ver­sions suc­ces­sives de l’I­TRF sont consi­dé­rées comme négli­geables et on par­le­ra de l’I­TRF sans autre indi­ca­tion sup­plé­men­taire, chaque nou­velle réa­li­sa­tion pou­vant être consi­dé­rée comme une amé­lio­ra­tion mineure de la pré­cé­dente, indis­pen­sable pour les appli­ca­tions scien­ti­fiques mais indis­cer­nable avec les pré­cé­dentes pour des appli­ca­tions grand public ou même professionnelles.

L’u­ti­li­sa­teur stan­dard des sys­tèmes de posi­tion­ne­ment se sert de coor­don­nées hori­zon­tales, lati­tude, lon­gi­tude, et aus­si de l’al­ti­tude. L’ob­ten­tion de ces coor­don­nées à par­tir des coor­don­nées car­té­siennes fait appel à un ellip­soïde de réfé­rence, adop­té par une conven­tion inter­na­tio­nale, ain­si qu’à un modèle esti­mé du géoïde (sur­face équi­po­ten­tielle cor­res­pon­dant au niveau moyen de la mer à moins d’un mètre près).

Le repère de réfé­rence uti­li­sé par les res­pon­sables du GPS porte le nom de WGS84. WGS84 (World Geo­de­tic Sys­tem 1984) est cal­cu­lé pour être en accord avec l’I­TRF, sans en être dépen­dant pour des consi­dé­ra­tions mili­taires. GPS s’ef­force de main­te­nir et d’a­mé­lio­rer cet accord, qui était de l’ordre du mètre au moment du déve­lop­pe­ment du GPS et qui est désor­mais rame­né à quelques centimètres.

De la même manière, Gali­leo fera appel à un repère ali­gné très étroi­te­ment sur l’I­TRF. Ce repère est appe­lé Gali­leo Ter­res­trial Refe­rence Frame (GTRF). Concrè­te­ment, cet ali­gne­ment sur l’I­TRF, pour GPS comme pour Gali­leo, est réa­li­sé en attri­buant aux sta­tions d’or­bi­to­gra­phie des coor­don­nées expri­mées dans l’I­TRF. Comme cela ne peut pas être réa­li­sé sans incer­ti­tude, il est jus­ti­fié par sou­ci de rigueur de don­ner des noms par­ti­cu­liers aux repères de cha­cun des sys­tèmes de posi­tion­ne­ment. Mais, pour l’u­ti­li­sa­teur cou­rant (au mètre près), ITRF, WGS84 et GTRF sont indis­cer­nables. Tout uti­li­sa­teur devrait en être conscient.

Ces trois repères (ITRF, WGS84 et GTRF) sont ain­si les réa­li­sa­tions (com­por­tant donc des incer­ti­tudes) d’un Sys­tème inter­na­tio­nal de réfé­rence ter­restre (ITRS, Inter­na­tio­nal Ter­res­trial Refe­rence Sys­tem), sys­tème idéal rigou­reu­se­ment défi­ni par les unions scien­ti­fiques, Union astro­no­mique inter­na­tio­nale (UAI) et Union géo­dé­sique et de géo­phy­sique inter­na­tio­nale (UGGI).

Le sys­tème de posi­tion­ne­ment russe GLONASS, ana­logue à GPS et Gali­leo, n’u­ti­lise pas l’I­TRF mais un repère sen­si­ble­ment dif­fé­rent, pos­sé­dant prin­ci­pa­le­ment une rota­tion de plu­sieurs mètres autour de l’axe Z. Mais ces écarts sont suf­fi­sam­ment bien connus pour per­mettre à des récep­teurs mixtes GPS/GLONASS de faire la conver­sion dans le WGS84/ITRF sans perte de pré­ci­sion pour l’utilisateur.

De l’utilisation des systèmes GNSS à l’utilisation des signaux GNSS

Dès le début du sys­tème GPS, avant même qu’il ne soit décla­ré opé­ra­tion­nel, les scien­ti­fiques et tout par­ti­cu­liè­re­ment les géo­dé­siens se sont inté­res­sés de très près aux per­for­mances obte­nues en loca­li­sa­tion, tout d’a­bord pour des appli­ca­tions locales puis rapi­de­ment natio­nales, conti­nen­tales et désor­mais mon­diales. Il faut noter tout d’a­bord que les mesures prin­ci­pales uti­li­sées pour les appli­ca­tions scien­ti­fiques sont les mesures de phase et qu’elles peuvent être obte­nues sur toutes les fré­quences du sys­tème avec des récep­teurs de type sans code (qua­dra­ture du signal par lui-même pour éli­mi­ner les codes). Cette pro­prié­té reste véri­fiée même lorsque cer­tains codes sont clas­si­fiés pour des rai­sons mili­taires (GPS, GLONASS) ou pour des rai­sons com­mer­ciales (Gali­leo). De plus, les géo­dé­siens se sont rapi­de­ment aper­çus que la limi­ta­tion en pré­ci­sion pro­ve­nait pour des appli­ca­tions mon­diales de la pré­ci­sion des orbites uti­li­sées dans les cal­culs. Afin de ne pas se limi­ter à la pré­ci­sion des orbites radio­dif­fu­sées par ces sys­tèmes (2 mètres dans le cas du GPS soit un peu mieux que 10-7 pour la pré­ci­sion rela­tive de loca­li­sa­tion au sol), ils ont déployé leurs propres réseaux scien­ti­fiques de pour­suite de satel­lites GPS ain­si qu’une capa­ci­té indé­pen­dante d’ob­te­nir des orbites, en temps réel ou en temps dif­fé­ré de très haute pré­ci­sion (actuel­le­ment 5 cen­ti­mètres, soit 2.10-9 en pré­ci­sion rela­tive au sol, soit quelques mil­li­mètres pour la loca­li­sa­tion d’une sta­tion géo­dé­sique par­tout dans le monde).

Cette orga­ni­sa­tion scien­ti­fique appe­lée Inter­na­tio­nal GPS Ser­vice (IGS) fonc­tionne depuis sa créa­tion en 1994 sur un mode nou­veau, sans échange d’argent entre orga­nismes car­to­gra­phiques et uni­ver­si­taires, cha­cun met­tant à dis­po­si­tion de tous ce qu’il sou­haite en fonc­tion de ses pos­si­bi­li­tés et des ses objec­tifs propres. Les résul­tats (orbites et hor­loges des satel­lites) sont dis­po­nibles libre­ment sur Inter­net, de manière opé­ra­tion­nelle (délais garan­tis) et gra­tui­te­ment. Ce ser­vice scien­ti­fique de l’As­so­cia­tion inter­na­tio­nale de géo­dé­sie (AIG) fête déjà ses dix ans, sans aucune inter­rup­tion de ser­vice et s’ap­prête déjà à étendre son acti­vi­té actuelle GPS et GLONASS aux futurs satel­lites Gali­leo. On voit que l’on est pas­sé pro­gres­si­ve­ment de l’u­ti­li­sa­tion d’un sys­tème comme GPS à l’u­ti­li­sa­tion directe des signaux dans l’espace.

L’im­plan­ta­tion de sta­tions per­ma­nentes en com­plé­ment des sta­tions orbi­to­gra­phiques des sys­tèmes a été un point cru­cial pour l’IGS. Ce concept s’est aus­si réa­li­sé régio­na­le­ment et loca­le­ment, et consti­tue l’exemple type des aug­men­ta­tions des sys­tèmes GNSS de base. On men­tion­ne­ra le réseau EPN (EUREF Per­ma­nent Net­work) pour l’Eu­rope, et pour la France le réseau RGP déve­lop­pé par l’I­GN. Grâce aux résul­tats de l’IGS, diverses appli­ca­tions impré­vues et inno­vantes sont appa­rues, par­mi les­quelles nous men­tion­nons deux exemples.

Atmosphère neutre et ionisée

Carte du contenu électronique total de l’ionosphère à partir de données GPS.
Carte du conte­nu élec­tro­nique total de l’ionosphère à par­tir de don­nées GPS. © NASA/JPL-CALTECH

En tra­ver­sant les dif­fé­rentes couches de l’at­mo­sphère entre le satel­lite et le récep­teur au sol, le signal radio­élec­trique est per­tur­bé et subit des retards liés à la fré­quence émise et à la quan­ti­té d’élec­trons libres ren­con­trés pour la par­tie iono­sphé­rique (par­tie haute) ou liés à la quan­ti­té d’hu­mi­di­té sur le tra­jet pour la par­tie tro­po­sphé­rique (par­tie basse). Le retard iono­sphé­rique peut être mesu­ré de manière très pré­cise car la plu­part des sys­tèmes GNSS sont des sys­tèmes mul­ti-fré­quences pour pou­voir jus­te­ment effec­tuer ce type de cor­rec­tion avec des récep­teurs adé­quats. La par­tie tro­po­sphé­rique est plus déli­cate à esti­mer, mais son ampli­tude est beau­coup plus faible (envi­ron 2 mètres) et peut donc être négli­gée dans la plu­part des appli­ca­tions non scien­ti­fiques. De plus, étant par nature de carac­tère local, ce terme a ten­dance à s’é­li­mi­ner en mode dif­fé­ren­tiel pour deux sta­tions proches.

Ain­si, pour les appli­ca­tions de type posi­tion­ne­ment ou syn­chro­ni­sa­tion, ces retards atmo­sphé­riques sont des para­mètres sup­plé­men­taires qui peuvent limi­ter la pré­ci­sion du résul­tat. Inver­se­ment, la mesure de ces para­mètres apporte de nou­velles infor­ma­tions sur l’at­mo­sphère elle-même. Ces nou­velles infor­ma­tions sont main­te­nant uti­li­sées pour des appli­ca­tions scien­ti­fiques ou opé­ra­tion­nelles. La connais­sance des per­tur­ba­tions iono­sphé­riques en temps réel apporte des infor­ma­tions essen­tielles qui peuvent être uti­li­sées pour les liai­sons radio. La connais­sance du taux d’hu­mi­di­té locale per­met, en liai­son avec beau­coup d’autres types de don­nées externes, de raf­fi­ner actuel­le­ment des modèles de pré­vi­sion météo­ro­lo­giques en four­nis­sant des don­nées-sol très pré­cises et pour une dis­tri­bu­tion au sol poten­tiel­le­ment très dense.

Orbitographie des satellites bas

De la même manière, les agences spa­tiales ont rapi­de­ment équi­pé leurs satel­lites d’or­bite plus basse (1 000 kilo­mètres ou moins) de récep­teurs GPS, per­met­tant ain­si de déter­mi­ner pré­ci­sé­ment leur orbite à par­tir des mesures à bord. Sui­vant le type de récep­teur GPS (mono­fré­quence ou bifré­quence, pseu­do-dis­tances ou phases), les per­for­mances obte­nues actuel­le­ment vont de quelques mètres à 1 cen­ti­mètre (exemple de la com­po­sante radiale pour le satel­lite alti­mé­trique Jason).

Conclusions

L’ap­pa­ri­tion des sys­tèmes de navi­ga­tion par satel­lite comme le GPS a pro­fon­dé­ment révo­lu­tion­né le domaine de l’in­for­ma­tion géo­gra­phique au sens le plus large. Les pro­duc­teurs de ces don­nées ont pro­fi­té des gains en pro­duc­ti­vi­té obte­nus pour modi­fier pro­fon­dé­ment leurs méthodes d’é­la­bo­ra­tion et de remise à jour de leurs bases de don­nées pour aller d’une manière désor­mais irré­ver­sible vers le tout numé­rique et aus­si vers une cohé­rence amé­lio­rée qui dépasse désor­mais lar­ge­ment les fron­tières géo­po­li­tiques. Les uti­li­sa­teurs font actuel­le­ment le même type d’é­vo­lu­tion tech­no­lo­gique, incluant désor­mais les récep­teurs GNSS dans la liste des objets usuels et indis­pen­sables dans la vie de tous les jours. Ces sys­tèmes ont aus­si appor­té des gains de pré­ci­sion très impor­tants dans la plu­part des domaines scien­ti­fiques liés à la connais­sance de notre pla­nète : géo­dé­sie, géo­phy­sique mais aus­si sciences de l’at­mo­sphère. L’ar­ri­vée de futurs sys­tèmes com­plé­men­taires et inter­opé­rables comme le sys­tème euro­péen Gali­leo ne feront qu’am­pli­fier ces muta­tions tech­no­lo­giques majeures. Enfin, la dépen­dance accrue de nos acti­vi­tés à ces sys­tèmes pose des pro­blèmes éco­no­miques, stra­té­giques et poli­tiques mul­tiples, qui ont été et sont encore débat­tus dans le cadre du déve­lop­pe­ment du sys­tème Gali­leo par l’Europe. 

SIGLES

Un satellite
Un satellite

AIG : Asso­cia­tion inter­na­tio­nale de géodésie
ATM : Air Traf­fic Management
CNS : Com­mu­ni­ca­tion navi­ga­tion surveillance
CNIG : Conseil natio­nal de l’information géographique
CETMEF : Centre d’études tech­niques mari­times et fluviales
DRAST : Direc­tion de la recherche et des affaires scien­ti­fiques et techniques
ECDIS : Elec­tro­nic Chart Display
EGNOS : Euro­pean Geo­sta­tio­na­ry Navi­ga­tion Over­lay System
ESA : Agence spa­tiale européenne
GLONASS : Glo­bal Navi­ga­tion Satel­lite Sys­tem (sys­tème russe)
GNSS : Glo­bal Navi­ga­tion Satel­lite System
GNSS1 : sys­tème glo­bal civil de navi­ga­tion par satel­lite de pre­mière génération
GNSS2 : sys­tème civil euro­péen glo­bal de navi­ga­tion par satel­lite dit de seconde génération
GPS : Glo­bal Posi­tio­ning System
GTRF : Gali­leo Ter­res­trial Refe­rence Frame
IGS : Inter­na­tio­nal GPS Service
ITRF : Inter­na­tio­nal Ter­res­trial Refe­rence Frame
ITRS : Inter­na­tio­nal Ter­res­trial Refe­rence System
MEO : Medium Earth Orbit
MSAS : Mul­ti-Trans­port Satel­lite based Aug­men­ta­tion System,
OACI : Orga­ni­sa­tion de l’aviation civile internationale
OMI : Orga­ni­sa­tion mari­time internationale
RDS : Radio Data System
RGP : Réseau GPS Permanent
SHOM : Ser­vice hydro­gra­phique et océa­no­gra­phique de la marine
SIG : Sys­tèmes d’information géographique
TMC : Traf­fic Mes­sage Channel
UAI : Union astro­no­mique internationale
UGGI : Union géo­dé­sique et de géo­phy­sique internationale
WAAS : Wide Area Aug­men­ta­tion Sys­tem, par les États-Unis

Quelques références

GPS : Loca­li­sa­tion et navi­ga­tion, S. Bot­ton, F. Duquenne, Y. Egels, M. Even, P. Willis, Groupe de tra­vail per­ma­nent du CNIG Posi­tion­ne­ment Sta­tique et Dyna­mique, Édi­tions Her­mès, Librai­rie Eyrolles, ISBN 2−86601−570−3, 159 pages, 1996.

Un sys­tème de posi­tion­ne­ment, Gali­leo, un enjeu stra­té­gique, scien­ti­fique, tech­nique, Aca­dé­mie de marine, Aca­dé­mie natio­nale de l’air et de l’espace, Bureau des lon­gi­tudes (ouvrage col­lec­tif), Paris, juin 2003.

Numé­ro spé­cial de la revue Navi­ga­tion, La nou­velle géné­ra­tion de navi­ga­tion par satel­lite : EGNOS et Gali­leo au ser­vice des trans­ports, numé­ro 203 de juillet 2003.

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