Applications maritimes du positionnement par satellite

Dossier : Navigation par satelliteMagazine N°594 Avril 2004
Par Yves DESNOËS (66)

Progrès spectaculaires de la connaissance du milieu marin

À prox­im­ité des côtes, ces pro­grès se traduisent par l’amélio­ra­tion de la con­nais­sance géo­graphique, représen­tée majori­taire­ment par des cartes. Au grand large, l’aspect car­tographique, bien que tou­jours présent, s’ef­face devant les aspects géo­physiques et océanographiques.

Une information géographique de haute précision et de haute résolution spatiotemporelle

Nous venons d’as­sis­ter depuis quelques années à une révo­lu­tion de la mesure bathymétrique par petits fonds, avec trois tech­nolo­gies nou­velles main­tenant éprou­vées, même si elles ne sont pas encore banal­isées : le laser bathymétrique, les son­deurs mul­ti­fais­ceaux par petits fonds et la mesure d’al­timétrie par satel­lite, avec une pré­ci­sion au moins décimétrique.

L’un des pro­grès les plus impor­tants apportés par ces nou­veaux moyens de mesure est la capac­ité de s’af­franchir du niveau de la mer pour mesur­er la profondeur.

Les tech­niques tra­di­tion­nelles ne mesurent les pro­fondeurs que par rap­port à la sur­face marine, et il faut ” réduire ” ces pro­fondeurs pour décrire le fond dans un référen­tiel cohérent. Les spé­cial­istes savent bien que ce référen­tiel (“ zéro hydro­graphique ”) varie en fonc­tion de l’am­pli­tude locale de la marée, ce qui est com­mode pour le nav­i­ga­teur, mais ne per­met pas de représen­ta­tion con­tin­ue entre la terre et la mer, et les mesures dans la zone de tran­si­tion sont de plus dif­fi­ciles et longues, ce qui se traduit en beau­coup d’en­droits par une très faible den­sité d’in­for­ma­tion. Les réso­lu­tions et les pré­ci­sions tra­di­tion­nelles rendaient ces inco­hérences entre les représen­ta­tions de la mer et de la terre peu gênantes, mais les appli­ca­tions mod­ernes des sys­tèmes d’in­for­ma­tion géo­graphique (SIG) et des mod­èles numériques néces­si­tent une pré­ci­sion et une cohérence net­te­ment supérieures.

La nou­velle vision qui en résul­tera per­me­t­tra une approche beau­coup plus pré­cise de la vari­abil­ité des fonds marins, donc poten­tielle­ment un besoin de rafraîchisse­ment plus fréquent de l’in­for­ma­tion. Grâce aux per­for­mances des satel­lites mod­ernes, notam­ment GPS et bien­tôt Galileo, les réso­lu­tions hor­i­zon­tales seront de l’or­dre de quelques mètres, voire du mètre, et les réso­lu­tions ver­ti­cales de quelques décimètres ; les pré­ci­sions seront décimétriques. La vision du relief sous-marin sera alors aus­si bonne que celle du relief ter­restre (qui doit aus­si progresser).

Cette révo­lu­tion de la bathymétrie touchera de près de nom­breuses mod­éli­sa­tions, elles-mêmes utiles ou indis­pens­ables pour les SIG : courants, niveau de la mer, cotes extrêmes, vagues, trans­port lit­toral, évo­lu­tion du trait de côte, con­cep­tion d’amé­nage­ments, éval­u­a­tion de risques…

Comme après les deux précé­dentes rup­tures, méthodologique (lev­és sys­té­ma­tiques au cer­cle hydro­graphique et au plomb de sonde au début du XIXe siè­cle) et tech­nologique (sys­tèmes de radi­olo­cal­i­sa­tion et son­deurs sonores en con­tinu au milieu du XXe siè­cle), et pour des raisons voisines, il est donc temps de repren­dre la bathymétrie côtière avec des sys­tèmes de mesure et des normes rénovés. Comme la mer reste en grande par­tie opaque aux moyens optiques aéro­portés ou spa­ti­aux, cela pren­dra le temps néces­saire pour par­courir la sur­face de la mer là où le laser ne pénétr­era pas. Il ne faut donc pas atten­dre que le besoin soit pres­sant pour lancer les travaux, mais au con­traire anticiper ces besoins de manière à fournir au plus tôt l’outil de pro­grès indis­pens­able pour dynamiser de nom­breux secteurs.

Des besoins d’information géographique nombreux

Les besoins de car­togra­phie (notam­ment numérique) de haute réso­lu­tion et les acteurs poten­tiels con­cernés sont très nom­breux et ont ten­dance à croître au fil du temps. Ces besoins touchent prin­ci­pale­ment la ges­tion et l’ex­ploita­tion du lit­toral, ain­si que la préven­tion des risques ; cer­taines mis­sions de l’É­tat sont égale­ment con­cernées. Des travaux de recherche et développe­ment per­me­t­tent de met­tre au point les sys­tèmes et les ser­vices cor­re­spon­dants en y inté­grant con­tin­uelle­ment les pro­grès scientifiques.

  • Pro­tec­tion du lit­toral, y com­pris faune et flo­re. On trou­ve notam­ment dans cette rubrique l’é­tude de l’évo­lu­tion du trait de côte (éro­sion, implan­ta­tion d’ou­vrages de pro­tec­tion…), l’é­tude de l’ac­tion de la houle et la pro­tec­tion du domaine côti­er (action physique de la mer, envahisse­ment, pol­lu­tion chim­ique, biologique, radioac­tiv­ité, etc.).
  • Ges­tion, amé­nage­ment et exploita­tion du lit­toral et des ports. Les prin­ci­paux secteurs con­cernés sont le développe­ment des zones touris­tiques, l’amé­nage­ment de plages (et aus­si mari­nas, etc.), l’évo­lu­tion des ports et des dra­gages, les prélève­ments de gran­u­lats marins ou de sédi­ments, l’aqua­cul­ture, la conchyli­cul­ture (y com­pris le cadas­tre ostréi­cole), la pêche côtière et la cul­ture ou l’ex­ploita­tion d’algues.
  • Préven­tion et éval­u­a­tion des risques. Cette tâche implique notam­ment l’i­den­ti­fi­ca­tion des zones inond­ables, l’é­val­u­a­tion des tra­jec­toires des objets déri­vants, l’amé­nage­ment du lit­toral pour la préven­tion des cat­a­stro­phes naturelles, la pro­tec­tion plus par­ti­c­ulière des cen­trales nucléaires, l’an­tic­i­pa­tion de sit­u­a­tions cat­a­strophiques et la recon­nais­sance de sit­u­a­tions de cat­a­stro­phe naturelle. La mise en œuvre des plans d’ur­gence (Orsec, Pol­mar) sera aus­si aidée par l’amélio­ra­tion de la qual­ité de l’information.
  • Autres mis­sions de l’é­tat con­cernées. En plus de la tutelle de la plu­part des domaines listés ci-dessus, on peut citer la con­nais­sance géo­hy­dro­graphique du lit­toral comme paramètre dans la déter­mi­na­tion des délim­i­ta­tions mar­itimes inter­na­tionales (lignes de base), la mise en place de réseaux de sur­veil­lance du lit­toral et de ses ressources, la ges­tion des régle­men­ta­tions lit­torales (envi­ron­nement, sécu­rité, pro­tec­tion de pat­ri­moine his­torique, nav­i­ga­tion, bal­is­age…), la délim­i­ta­tion du trait de côte, la délim­i­ta­tion du domaine pub­lic mar­itime et l’or­gan­i­sa­tion du traf­ic maritime.
    La marine nationale (SHOM — Ser­vice hydro­graphique et océanographique de la marine), respon­s­able de la car­togra­phie pour les besoins de la nav­i­ga­tion mar­itime, retir­era égale­ment des béné­fices de ces pro­grès pour sa par­tic­i­pa­tion à la ges­tion des risques, pour la guerre des mines sur nos côtes et pour sa con­nais­sance de l’en­vi­ron­nement sur des théâtres extérieurs, ce qui néces­sit­era des développe­ments spé­ci­fiques pour tenir compte des néces­sités de déploiement et de l’ab­sence poten­tielle d’ac­cès aux ter­ri­toires côtiers.

Des acteurs multiples

On peut dis­tinguer plusieurs caté­gories d’ac­teurs con­cernés ou poten­tielle­ment con­cernés, qui sont très nom­breux et par­mi lesquels l’on ne peut citer que des exem­ples, en espérant ne pas en avoir oublié de trop impor­tants. Ce sont notamment :

  • des acteurs économiques directs, comme les pêcheurs, pis­ci­cul­teurs, conchylicul­teurs, indus­triels et arti­sans, entre­pris­es de travaux publics, géomètres, ports autonomes, entre­pris­es et sociétés de trans­port et de ser­vices (dont tourisme), EDF…,
  • des acteurs économiques indi­rects, entre autres les cham­bres de com­merce et d’in­dus­trie, les agences de bassin, les divers comités des pêch­es mar­itimes et des éle­vages marins, les sociétés d’é­conomie mixte (SIVOM), les technopoles lit­torales, les struc­tures de con­cer­ta­tion spé­cial­isées (entre autres con­férences mar­itimes, com­mis­sions nau­tiques), l’U­nion européenne, dont le rôle va crois­sant, les asso­ci­a­tions de défense de l’environnement…,
  • des acteurs publics, rel­e­vant de mul­ti­ples min­istères, notam­ment Pre­mier min­istre, Intérieur, Indus­trie, Agri­cul­ture (dont pêche), Finances (cadas­tre…), Recherche (CNRS, INSU — Insti­tut nation­al des sci­ences de l’u­nivers), Équipement et Trans­ports, Envi­ron­nement, Défense (cf. para­graphe précé­dent, et aus­si pré­fec­tures mar­itimes), pré­fec­tures, col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales et locales, parcs naturels régionaux côtiers, ain­si que de nom­breux étab­lisse­ments publics, entre autres Agences de l’eau, BRGM, Con­ser­va­toire du lit­toral, Ifre­mer, IGN, IRD (anci­en­nement Orstom), Météo-France…,
  • des sociétés de ser­vice et d’ingénierie, bureaux d’é­tudes tra­vail­lant sur des pro­jets lit­toraux et côtiers, ser­vices en hydro­gra­phie, en ingénierie côtière ou en dra­gage, ser­vices pétroliers, entre­pris­es d’as­sainisse­ment, câbliers…

La connaissance globale des structures liquide et solide de l’océan

Le posi­tion­nement pré­cis n’ap­porte pas à lui seul cette con­nais­sance, qui néces­site des mesures d’al­timétrie de la sur­face marine par radar depuis l’e­space. Mais le posi­tion­nement pré­cis s’ap­plique aus­si aux satel­lites d’al­timétrie, ce qui fait que tout pro­grès dans la pré­ci­sion, la fia­bil­ité ou la cou­ver­ture du posi­tion­nement se réper­cute dans l’al­timétrie dont l’ex­ploita­tion per­met de décrire de plus en plus fine­ment les struc­tures de l’océan.

Cela peut paraître sur­prenant à pre­mière vue, puisque l’onde radar ne pénètre dans l’eau que d’un petit micron, mais l’al­timétrie de la sur­face marine est néces­saire1 pour ” voir ” glob­ale­ment et rapi­de­ment ce qui se passe à grande pro­fondeur sous l’océan. C’est donc un immense pro­grès par rap­port aux moyens précé­dents mis en œuvre depuis des navires qui devaient arpen­ter l’océan pour recueil­lir des don­nées certes plus pré­cis­es et locale­ment plus détail­lées, mais sans pos­si­bil­ité de vision glob­ale sur une courte péri­ode (quelques jours, à com­par­er à quelques décennies).

Système d'identification automatisé (l'AIS)
Source CETMEF.


Mais, dira-t-on, on vient de nous expli­quer que l’océan est opaque et qu’il faut con­tin­uer à l’ar­pen­ter. Il n’y a pas de con­tra­dic­tion, car l’on ne par­le pas du même type de vision. Nous par­lions précédem­ment de réso­lu­tions métriques en hor­i­zon­tal et décimétriques en ver­ti­cal ; ici nous par­lons de plusieurs kilo­mètres en hor­i­zon­tal et de cen­taines de mètres en ver­ti­cal pour la descrip­tion des struc­tures océaniques ; mais c’est à peu près la seule vision que nous ayons de ces struc­tures, ce qui rend cette vision irremplaçable.

Quel est le phénomène qui per­met toutes ces descrip­tions ? La grav­ité, tout sim­ple­ment ! La sur­face marine tend à suiv­re une équipo­ten­tielle du champ de grav­ité, ce qui implique que ses irrégu­lar­ités sont en grande par­tie provo­quées par les vari­a­tions de den­sité des mass­es sous-jacentes. Ces irrégu­lar­ités sont aus­si provo­quées par les marées et par les courants, ces derniers dépen­dant eux-mêmes des vari­a­tions de den­sité au sein de l’océan liq­uide. Ces divers­es orig­ines peu­vent être séparées avec une assez bonne représen­ta­tiv­ité en ten­ant compte des dif­férences entre leurs vari­abil­ités tem­porelles (et dans une moin­dre mesure spatiales).

C’est ain­si que l’on con­naît la marée océanique (hors plateaux con­ti­nen­taux) avec une pré­ci­sion de deux cen­timètres env­i­ron, que l’on con­naît la topogra­phie sous-marine avec une réso­lu­tion hor­i­zon­tale de quelques kilo­mètres, ce qui ne four­nit pas une représen­ta­tion suff­isante pour la nav­i­ga­tion mais donne aux géo­physi­ciens une descrip­tion com­plète des océans, fort utile pour la descrip­tion de l’évo­lu­tion de ceux-ci ain­si que des con­ti­nents (tec­tonique des plaques), et per­met tout de même aux car­tographes marins de détecter des reliefs poten­tielle­ment dan­gereux pour la nav­i­ga­tion, sous-marine en par­ti­c­uli­er, ain­si que d’élim­in­er toutes sortes de hauts-fonds mal posi­tion­nés. On voit, par exem­ple, très bien les dor­sales médio-océaniques et les monts sous-marins isolés.

Par­mi les phénomènes de vari­abil­ité tem­porelle inter­mé­di­aire, le prin­ci­pal est la cir­cu­la­tion océanique à l’échelle de la dizaine de kilo­mètres. Cette cir­cu­la­tion con­tribue notam­ment au trans­fert de calo­ries entre les bass­es et les hautes lat­i­tudes, et son impact sur l’évo­lu­tion cli­ma­tique est déterminant.

Par­mi les pro­grès recher­chés, il y a l’ex­ten­sion aux plateaux con­ti­nen­taux de cette con­nais­sance améliorée de l’océan. Il fau­dra pour y par­venir d’autres types de cap­teurs, dont beau­coup in situ, mais la mod­éli­sa­tion de l’océan pro­fond restera une base indis­pens­able pour les descrip­tions plus côtières et pour les prévi­sions qui en découlent. Vu l’im­por­tance des mass­es d’eau dans la machine ther­mique ter­restre, ces con­nais­sances nou­velles devraient con­tribuer à amélior­er encore les prévi­sions météorologiques et cli­ma­tiques, sans que l’on puisse prédire de com­bi­en, et n’ou­blions pas que les qua­tre cinquièmes de l’air sont situés au-dessus des océans.

Les progrès de la navigation maritime

Le posi­tion­nement par satel­lite, asso­cié aux sta­tions dif­féren­tielles ter­restres ou spa­tiales et adap­té aux mesures de phas­es, résout à peu près tous les prob­lèmes de nav­i­ga­tion. On est passé en ce domaine, en quelques lus­tres, d’un ” art du nav­i­ga­teur ” à la nav­i­ga­tion ” presse-bouton “.

Tout au plus sub­siste-t-il aujour­d’hui quelques prob­lèmes épisodiques d’in­tégrité des sig­naux du sys­tème GPS, prob­lèmes que Galileo doit reléguer défini­tive­ment dans le passé, ce que prévoit aus­si le futur GPS.

Dis­ons tout de suite que, l’un des prob­lèmes majeurs étant la sûreté de fonc­tion­nement, l’ex­is­tence de deux sys­tèmes indépen­dants pro­cur­era une redon­dance pro­pre à sat­is­faire les exi­gences en ce domaine, et que, ne serait-ce que pour cette rai­son, les deux sys­tèmes doivent être con­sid­érés comme com­plé­men­taires et non comme con­cur­rents. Il en résul­tera aus­si une amélio­ra­tion de la pré­ci­sion du posi­tion­nement, inutile pour beau­coup d’u­til­isa­teurs, mais extrême­ment pré­cieuse pour de nom­breuses appli­ca­tions, dont celles décrites ci-dessus.

Une navigation générale de plus en plus automatisée

  • Les moyens élec­tron­iques d’ex­ploita­tion des sys­tèmes et doc­u­ments de nav­i­ga­tion. Le développe­ment de la nav­i­ga­tion par satel­lite a coïn­cidé avec celui de moyens numériques d’ex­ploita­tion des doc­u­ments nau­tiques. Ini­tiale­ment lim­ités à la présen­ta­tion de la posi­tion sur l’im­age ” scan­née ” d’une carte papi­er, ceux-ci vont laiss­er place à l’ECDIS (Elec­tron­ic Chart Dis­play), offi­cielle­ment adop­té par l’O­MI (Organ­i­sa­tion mar­itime inter­na­tionale). Cet équipement fait appa­raître la posi­tion du navire sur une carte numérique (ENC) spé­ciale­ment conçue, établie et tenue à jour par les ser­vices hydro­graphiques. L’ensem­ble ECDIS plus ENC per­met de rem­plac­er la carte papi­er à con­di­tion de dis­pos­er de moyens de sec­ours adéquats.
  • Le con­trôle du traf­ic et la préven­tion des abor­dages. Chaque bâti­ment émet automa­tique­ment en radio VHF, après un sig­nal d’i­den­tité, ses posi­tion, route et vitesse. Ces élé­ments per­me­t­tent d’une part la sur­veil­lance du traf­ic par les cen­tres de con­trôle côtiers, et d’autre part la détec­tion automa­tique des risques d’abor­dage et l’élab­o­ra­tion automa­tisée de manœu­vres d’évitement.
  • Le sys­tème mon­di­al de recherche et de sauve­tage. Sans entr­er dans le détail, il est impor­tant de not­er que la relève des sys­tèmes actuelle­ment en ser­vice doit être prise vers 2015 par Galileo qui, en plus des fonc­tions actuelles, devrait informer l’au­teur de l’ap­pel de sa bonne récep­tion par le cen­tre de secours.
  • Les dif­fi­cultés d’emploi dans les appli­ca­tions mar­itimes générales. Une pre­mière caté­gorie de dif­fi­cultés vient de l’homme : la pré­ci­sion et la sim­plic­ité des local­i­sa­tions GPS ont eu ten­dance à faire oubli­er aux officiers de quart la règle anci­enne de la dou­ble source de posi­tion. Sur­chargés de nou­velles tâch­es divers­es (veille phonie, con­trôle des machines…) ils accor­dent aux satel­lites une con­fi­ance absolue et ne pren­nent pas le temps de con­trôler leurs résul­tats par l’un des autres moyens, indépen­dants, dont ils dis­posent. Les sys­tèmes exis­tants ne sont cepen­dant pas exempts de défail­lances acci­den­telles ou volon­taires et ne sont pas conçus pour en aver­tir rapi­de­ment leurs utilisateurs.
    Une sec­onde caté­gorie de dif­fi­cultés est liée aux références géodésiques des doc­u­ments nau­tiques exis­tants ain­si qu’au manque d’ho­mogénéité entre les pré­ci­sions de local­i­sa­tion assurées par les satel­lites et celles des posi­tions de dan­gers portées sur les cartes.
    Les satel­lites don­nent des posi­tions en WGS 84, alors que la plu­part des cartes exis­tantes ont été établies avec des sys­tèmes géodésiques ” Régionaux ” tels que le sys­tème Européen ED 50. Les posi­tions ” satel­lites ” doivent donc sou­vent être cor­rigées avant d’être portées sur les cartes, et les cor­rec­tions peu­vent dépass­er le kilo­mètre, avec tous les risques asso­ciés d’ou­bli ou d’erreur.
    Par ailleurs, la posi­tion des dan­gers immergés portés sur une carte (même sur une carte numérique ENC) est sou­vent con­nue avec une pré­ci­sion inférieure à celle don­née par les satel­lites, surtout en mode dif­féren­tiel. Les pro­grès tech­niques ne doivent donc pas faire oubli­er aux marins de ” pren­dre du tour “.
  • Sécu­rité et nor­mal­i­sa­tion. Les appli­ca­tions du posi­tion­nement par satel­lite touchent directe­ment et indi­recte­ment la sécu­rité de la nav­i­ga­tion. Les nou­veaux sys­tèmes de nav­i­ga­tion seront de plus en plus inté­grés dans des passerelles automa­tisées et ali­men­tés par des don­nées elles-mêmes de plus en plus pré­cis­es grâce encore aux satel­lites. Cette automa­ti­sa­tion est source de sécu­rité, car elle apporte au nav­i­ga­teur des aides et des alertes ; mais elle est aus­si source de risque, car d’une part elle est util­isée pour réduire les effec­tifs, donc la redon­dance dans la vig­i­lance, et d’autre part elle intro­duit des élé­ments de com­plex­ité qu’il faut maîtris­er, que ce soit la com­plex­ité de sys­tèmes de nav­i­ga­tion de plus en plus rich­es ou la com­plex­ité des dif­férents sys­tèmes trai­tant, trans­for­mant et trans­met­tant les infor­ma­tions numériques depuis les sources mul­ti­ples de celles-ci jusqu’aux nav­i­ga­teurs. Quelles que soient les pré­cau­tions d’emploi men­tion­nées au para­graphe précé­dent, la sécu­rité doit être égale­ment assurée par un proces­sus de cer­ti­fi­ca­tion des sys­tèmes impliqués, basé sur des normes adap­tées, lesquelles peinent à suiv­re les pro­grès de la tech­nique, ce qui ne va pas sans risque.


Le positionnement de haute précision en mer

  • Hydro­gra­phie. Nous en avons longue­ment par­lé au pre­mier para­graphe et nous n’y revien­drons que briève­ment, d’une part pour soulign­er que les lev­és hydro­graphiques doivent être plus pré­cis que les cartes qui en sont issues, pour lesquelles il faut vis­er une pré­ci­sion com­pat­i­ble avec celle, crois­sante, du posi­tion­nement des nav­i­ga­teurs par satel­lite, et d’autre part pour observ­er qu’il s’ag­it d’un méti­er à part entière, qu’il ne s’im­pro­vise pas, et que les ser­vices hydro­graphiques ont donc un rôle cen­tral à jouer dans le recueil des don­nées hydro­graphiques (notam­ment bathymétrie, mais aus­si marée, courants, amers…), lesquelles sont néces­saires pour des domaines de plus en plus nombreux.
  • Le posi­tion­nement des chantiers de travaux ou de recherche. Out­re les sim­ples avan­tages de répéti­tiv­ité, qui per­me­t­tent au plus mod­este caseyeur muni d’un récep­teur ” satel­lite ” dif­féren­tiel de retrou­ver à quelques mètres près ses engins de pêche lais­sés sur le fond, la pré­ci­sion de local­i­sa­tion au large est mise à prof­it pour plac­er et surtout retrou­ver, même par très grands fonds, des équipements divers tels que des têtes de for­age. Il faut alors pass­er par l’in­ter­mé­di­aire de balis­es acous­tiques et par l’exé­cu­tion de pro­fils bathy­célérimétriques de précision.
  • Appli­ca­tions spé­ciales. Les util­i­sa­tions con­cernées sont les manœu­vres de port (emploi de remorqueurs et pousseurs) avec une pré­ci­sion rel­a­tive de 1 mètre, puis les travaux de con­struc­tions d’ou­vrages mar­itimes qui exi­gent, ain­si que les dis­posi­tifs d’ac­costage automa­tique, une local­i­sa­tion au décimètre près.


Des appli­ca­tions de pré­ci­sion ana­logue ont déjà été expéri­men­tées : on peut sur­veiller les phénomènes de change­ment d’assi­ette et d’en­fon­ce­ment des grands navires en fonc­tion de la vitesse par petits fonds à l’aide d’an­tennes répar­ties sur toute la longueur du bâti­ment et il est égale­ment pos­si­ble, en mesurant l’alti­tude de cha­cune des piles des plates-formes de tra­vail, d’en con­trôler l’en­fon­ce­ment naturel ou accidentel.

Conclusion

Les satel­lites sont omniprésents dans le domaine mar­itime, et le posi­tion­nement y joue un rôle clé sans lequel la plu­part des autres moyens auraient peu de sig­ni­fi­ca­tion. Il n’a fal­lu qu’une ving­taine d’an­nées pour qu’ils se banalisent et devi­en­nent indis­pens­ables aux pro­fes­sion­nels comme aux plai­sanciers, aux chercheurs comme aux prestataires de ser­vices, aux civils comme aux mil­i­taires. Les capac­ités de la recherche et de l’in­dus­trie européennes spa­tiales, français­es en par­ti­c­uli­er, sont au pre­mier rang mon­di­al. Elles con­stituent un atout majeur, mais ne sont pas une fin en elles-mêmes : les nom­breuses inno­va­tions qu’elles per­me­t­tent doivent aus­si faire l’ob­jet de poli­tiques éta­tiques et indus­trielles ambitieuses, dans lesquelles les mers et les océans doivent occu­per une place à la mesure des enjeux envi­ron­nemen­taux, économiques et de sécu­rité qui y sont associés. 

_______________________________________
1.
Mais pas suff­isante : il faut pour ” voir ” assim­i­l­er les don­nées d’al­timétrie dans des mod­èles qui ont aus­si besoin de don­nées in situ, recueil­lies par des pro­fileurs autonomes dont les posi­tions et les mesures sont trans­mis­es par d’autres satellites.

Poster un commentaire