Saclay, campus d’avenir

Dossier : Formations scientifiques : le paysage françaisMagazine N°667 Septembre 2011
Par Pierre VELTZ (64)

REPÈRES

REPÈRES
L’am­bi­tion de dévelop­per à Saclay un pôle d’en­seigne­ment et de recherche n’est pas neuve. Elle a pris une nou­velle dimen­sion avec, d’une part, la loi du Grand Paris de juin 2010, faisant de Saclay l’une des grandes pri­or­ités du développe­ment fran­cilien et créant l’Étab­lisse­ment pub­lic de Paris-Saclay (EPPS) et, d’autre part, l’ap­pro­ba­tion d’un très ambitieux pro­jet de cam­pus, porté par 23 sig­nataires du monde académique regroupés au sein de la Fon­da­tion de coopéra­tion sci­en­tifique (FCS) et don­nant une impul­sion con­sid­érable au volet enseigne­ment supérieur et recherche du clus­ter . Enfin, le prési­dent de la République a annon­cé le 14 décem­bre 2009 que le pro­jet de Saclay serait retenu comme l’une des pri­or­ités de l’emprunt nation­al et doté à ce titre d’un mil­liard d’euros.

Pour relever le défi de la mon­di­al­i­sa­tion, la France n’a d’autre choix que de dévelop­per sa capac­ité à innover dans tous les domaines de l’avenir (énergie, envi­ron­nement, trans­ports, com­mu­ni­ca­tion, ali­men­ta­tion, santé…).

Notre pays pos­sède le poten­tiel intel­lectuel et créatif pour rester, avec ses parte­naires européens, dans le pelo­ton de tête des pays inno­va­teurs. Il a mon­tré par le passé sa remar­quable capac­ité à bâtir, dans le nucléaire, l’aéro­nau­tique et le spa­tial, de grands pro­grammes sec­to­riels final­isés. Mais le con­texte a changé. La révo­lu­tion numérique, la con­ver­sion énergé­tique et écologique, l’es­sor des sci­ences du vivant appel­lent tou­jours plus de croise­ments entre les dis­ci­plines sci­en­tifiques, tou­jours plus d’in­ter­ac­tions entre recherche de base, développe­ments tech­nologiques et val­ori­sa­tion économique.

Un fort potentiel
Le plateau de Saclay réu­nit tous les ingré­di­ents néces­saires pour devenir un pôle de recherche et d’in­no­va­tion au pre­mier rang nation­al et européen, en lien étroit avec le poten­tiel intel­lectuel con­sid­érable de Paris et de la région parisi­enne. Il regroupe un éven­tail excep­tion­nelle­ment large de dis­ci­plines sci­en­tifiques et tech­niques. Il réu­nit tous les acteurs sus­cep­ti­bles de for­mer l’é­cosys­tème de l’in­no­va­tion (pôles de R&D de grandes firmes, petites entre­pris­es inno­vantes, uni­ver­sités tournées vers la recherche de base, grands cen­tres de recherche publique, grandes écoles d’ingénieurs et de man­age­ment, PME tech­nologiques, etc.). Il four­nit ain­si le ter­rain idéal pour dépass­er les cloi­son­nements tra­di­tion­nels entre ces acteurs et sus­citer de nou­velles synergies.

Interactions

Le Plateau regroupe un éven­tail excep­tion­nelle­ment large de dis­ci­plines sci­en­tifiques et techniques

Au-delà du col­ber­tisme tech­nologique et de la cul­ture du grand pro­jet d’ingénieur dans lesquels nous excel­lons, nous devons appren­dre à sus­citer des inter­ac­tions plus dens­es et plus flu­ides entre l’en­seigne­ment supérieur, la recherche, le développe­ment indus­triel et les usages. Partout dans le monde, ces inter­ac­tions émer­gent et s’or­gan­isent au sein de clus­ters , d’é­cosys­tèmes local­isés regroupant dans des assem­blages flex­i­bles tous les acteurs de l’in­no­va­tion (chercheurs publics et privés, étu­di­ants, grandes entre­pris­es, PME et jeunes pousses).

Ces clus­ters , générale­ment cen­trés sur de grands pôles uni­ver­si­taires, con­stituent, aux États-Unis, en Asie, en Europe du Nord, les foy­ers de l’in­no­va­tion d’au­jour­d’hui et de la puis­sance économique et cul­turelle de demain.

Trois enjeux

L’en­jeu est triple. Il s’ag­it d’abord de ren­forcer les syn­er­gies au sein du monde académique.

Il ne m’ap­par­tient pas de dire com­ment Poly­tech­nique et les autres écoles de Paris­Tech doivent se struc­tur­er entre elles pour gag­n­er en vis­i­bil­ité et en puis­sance. Mais ma con­vic­tion per­son­nelle est que l’X et ses parte­naires les plus proches ont le plus grand intérêt à s’in­scrire résol­u­ment dans l’ensem­ble plus large du cam­pus, qui devrait évoluer vers une uni­ver­sité de Paris-Saclay can­di­date à l’Ini­tia­tive d’ex­cel­lence, sous l’égide de la FCS.

L’oc­ca­sion est his­torique, non seule­ment pour mieux fédér­er les écoles d’ingénieurs, mais aus­si pour les inscrire dans un ensem­ble uni­ver­si­taire qui sera le pre­mier de France, et en par­ti­c­uli­er pour favoris­er les con­tacts à tous niveaux (enseignants, chercheurs, étu­di­ants) avec Paris-Sud, riche d’un con­sid­érable poten­tiel en recherche de base, et avec les grands organ­ismes présents sur le Plateau : le CEA, l’IN­RA et bien sûr le CNRS.

Un cam­pus en développement
Saclay con­stitue aujour­d’hui le plus vaste pro­jet de développe­ment de cam­pus uni­ver­si­taire en Europe. L’ou­ver­ture prochaine de l’EN­S­TA, de NanoIn­nov , de Dig­i­teo , les arrivées pro­gram­mées d’ AgroParis­Tech , de l’EN­SAE-GENES, des Mines et de l’In­sti­tut Télé­com, du cen­tre de recherche d’EDF vont tripler, autour de l’X, l’ef­fec­tif de chercheurs et d’é­tu­di­ants du quarti­er de Palaiseau. L’ar­rivée de Cen­trale et de l’ENS Cachan, la mise en oeu­vre d’un grand pôle de biolo­gie-san­té com­prenant notam­ment la réim­plan­ta­tion de la fac­ulté de phar­ma­cie Paris-Sud (actuelle­ment à Châte­nay-Mal­abry) vont ren­forcer le quarti­er du Moulon autour de Supélec et des implan­ta­tions déjà exis­tantes de Paris-Sud sur le Plateau.

Deux­ième enjeu : à par­tir de ce noy­au d’en­seigne­ment supérieur et de recherche publique, il s’a­gi­ra de pro­mou­voir la créa­tion d’en­tre­pris­es et d’emplois — c’est-à-dire de den­si­fi­er les rela­tions entre tous les acteurs de l’in­no­va­tion, qu’ils soient issus du monde académique ou du monde économique, pour créer du développe­ment au ser­vice des grands enjeux de la société de demain (san­té, ali­men­ta­tion, nou­velles mobil­ités, cli­mat, émer­gence d’une économie post­car­bone , etc.).

Force est en effet de recon­naître que l’aval économique, aujour­d’hui, n’est pas à la hau­teur de l’a­mont sci­en­tifique. Saclay n’échappe pas à un syn­drome français (et en par­tie européen) qui est la dif­fi­culté à trans­former les avancées des con­nais­sances en véri­ta­bles inno­va­tions validées par des util­isa­teurs et des marchés. Des signes d’amélio­ra­tion sont per­cep­ti­bles, mais l’ef­fort doit être sérieuse­ment ampli­fié. L’ensem­ble plus large du cam­pus devrait évoluer vers une uni­ver­sité de Paris-Saclay

Le troisième enjeu est celui de l’amé­nage­ment, longtemps nég­ligé sur le Plateau. Il est clair, en effet, que la qual­ité de la desserte et celle du cadre de vie et de tra­vail sont des con­di­tions sine qua non de la réus­site du pro­jet global.

Aménagement renouvelé

Pour les études d’amé­nage­ment, l’EPPS s’ap­puie sur un groupe­ment de con­cep­teurs dont le man­dataire est Michel Desvi­gne , paysag­iste de renom­mée inter­na­tionale, et qui réu­nit des archi­tectes-urban­istes, des bureaux d’é­tudes spé­cial­isés en trans­port, hydraulique, etc. Une réflex­ion glob­ale est engagée à l’échelle du Plateau et des espaces urbains envi­ron­nants, seule échelle per­me­t­tant de traiter des sujets comme la mobil­ité, la ges­tion hydraulique et hydrologique, les besoins en loge­ments et en ser­vices, l’in­ter­face avec le monde agri­cole et les espaces naturels. Ces réflex­ions sont encadrées par quelques grands principes, qui s’ap­pliquent aus­si à l’échelle du cam­pus et de ses quartiers.

L’amé­nage­ment, clé de la réussite
Pro­jet d’en­ver­gure inter­na­tionale, Paris-Saclay ne réus­sira que s’il est envis­agé comme un pro­jet de ter­ri­toire dans toutes ses dimen­sions : trans­ports, habi­tat, espaces de vie, de tra­vail, d’é­d­u­ca­tion et de loisir. Il doit se con­cevoir non pas comme un ghet­to sci­en­tifique et tech­nologique, mais comme un ensem­ble urbain en rela­tion organique avec les villes qui bor­dent le Plateau. L’of­fre de ser­vices col­lec­tifs sur le Plateau, et notam­ment de trans­ports, est aujour­d’hui grave­ment défi­ciente. Le clus­ter ne pour­ra se dévelop­per que s’il s’ac­com­pa­gne d’une ambitieuse opéra­tion d’amé­nage­ment, respectueuse de l’en­vi­ron­nement du Plateau mais appor­tant les ser­vices essen­tiels à la vie des habi­tants, des entre­pris­es, des salariés, des chercheurs, des étu­di­ants. De ce fait, seul un parte­nar­i­at de long terme avec les col­lec­tiv­ités locales est à même de garan­tir la réus­site du projet.

Vue du quarti­er de l’É­cole Poly­tech­nique, propo­si­tion de con­cep­teurs mené par Michel Desvigne.
© MDR — XDGA — FAA — Arep
Pour avoir un dossier com­plet et des cartes plus lis­i­bles vous pou­vez télécharg­er le dossier de presse de la vis­ite du prési­dent de la république du 24 sep­tem­bre 2010

Cinq grands principes

L’im­pératif pri­or­i­taire d’amélio­ra­tion des trans­ports est une évidence

Le pre­mier principe est le respect du cœur vert du Plateau . La loi du Grand Paris prévoit la créa­tion d’une zone naturelle, forestière et agri­cole, com­prenant au moins 2 300 hectares réservés à l’a­gri­cul­ture. La délim­i­ta­tion de cette zone est en cours.

Le sec­ond principe est de pro­mou­voir des amé­nage­ments com­pacts économisant l’e­space et les ressources de manière générale. Ceux-ci facili­tent la desserte par des moyens de trans­port autres que l’au­to­mo­bile. Ils per­me­t­tent, grâce à des effets de masse cri­tique, le développe­ment de ser­vices et l’émer­gence d’une ambiance d’an­i­ma­tion que les espaces du Plateau n’of­frent guère à ce jour.

Le troisième principe est de favoris­er la mix­ité des fonc­tions . Notre volon­té est de faire évoluer l’or­gan­i­sa­tion mono­fonc­tion­nelle qui domine actuelle­ment sur le Plateau, séparant stricte­ment les zones d’habi­tat, d’en­seigne­ment supérieur et de recherche, d’ac­tiv­ités économiques. On ne pour­ra pas créer d’un coup de baguette mag­ique l’am­biance urbaine d’Ox­ford, de Cam­bridge ou de Boston (où Har­vard et MIT sont imbriqués dans le tis­su urbain). Mais si l’on veut ren­dre le site attrac­t­if pour les étu­di­ants, les chercheurs et les habi­tants de manière générale, il est cru­cial de créer de véri­ta­bles pôles de vie et d’ur­ban­ité regroupant étab­lisse­ments d’en­seigne­ment, de recherche, lieux de vie étu­di­ante, activ­ités économiques, habi­tat et services.

Le qua­trième principe est de trou­ver des for­mules per­me­t­tant de con­cili­er urban­ité et prox­im­ité de la nature . Des formes urbaines nova­tri­ces peu­vent être pro­posées qui com­bi­nent les avan­tages de la com­pac­ité et ceux de la vie proche de la nature.

Le cinquième principe est d’être à la pointe de l’in­no­va­tion en matière de ges­tion du ter­ri­toire et de ses ressources. Saclay, clus­ter des tech­nolo­gies du futur, ne doit pas seule­ment respecter les normes et règle­ments, mais con­stituer un ter­rain d’ex­péri­men­ta­tion priv­ilégié pour de nou­velles formes d’habi­tat, de mobil­ité, d’in­fra­struc­tures et de services.

Un métro automatique
La propo­si­tion, très forte­ment soutenue par la FCS et l’EPPS, validée par le con­seil de sur­veil­lance de la Société du Grand Paris, est de réalis­er un métro automa­tique léger reliant, avec une vitesse d’en­v­i­ron 60 km/h et des fréquences très élevées, Orly à Ver­sailles via Massy et Saint-Quentin. Ce métro aura trois gares sur le cam­pus : à Palaiseau- Poly­tech­nique, au Moulon , au CEA, avant de fil­er vers Saint-Quentin et Ver­sailles (avec arrêts au Tech­no­cen­tre , à Saint-Quentin Uni­ver­sité et Sato­ry). Ce pro­jet, qui devrait pou­voir être réal­isé avant la fin de la décen­nie, per­me­t­tra d’as­sur­er une véri­ta­ble unité d’un cam­pus très étalé entre l’X et le CEA (7 km) en met­tant l’X à 3 min­utes du Moulon , à 6 min­utes du CEA et à 15 min­utes d’Orly.

Priorité aux transports

L’im­pératif pri­or­i­taire d’amélio­ra­tion des trans­ports est une évi­dence. S’agis­sant des trans­ports en com­mun lourds, le Plateau n’est aujour­d’hui desservi que par sa périphérie, c’est-à-dire par les lignes de RER qui irriguent les val­lées (RER B et C) et les liaisons qui desser­vent Ver­sailles et Saint-Quentin. La pre­mière des pri­or­ités est l’amélio­ra­tion du fonc­tion­nement de ces lignes, mais cela ne suf­fi­ra pas à désen­claver le Plateau lui-même. Un saut qual­i­tatif est indis­pens­able dans la desserte de ce Plateau, aujour­d’hui sil­lon­né seule­ment par quelques lignes de bus, avec de faibles fréquences, faisant de l’ac­ces­si­bil­ité aux étab­lisse­ments du Plateau un qua­si-mono­pole de la voiture indi­vidu­elle. La future desserte reposera sur deux pro­jets. À très court terme, le pro­jet pri­or­i­taire est la jonc­tion est — ouest par un bus en site pro­pre reliant Massy à Saint-Quentin.

L’É­tat a garan­ti que, quoi qu’il arrive, Saclay serait desservi par un métro, le chef de l’É­tat ayant fixé le cahi­er des charges (une demi-heure du cen­tre de Paris, 50 min­utes de Rois­sy). La grande nou­veauté de ces derniers mois est que l’É­tat et la Région ont validé con­join­te­ment le pro­jet du métro automa­tique reliant Orly à Ver­sailles, qui va com­plète­ment chang­er la donne pour le cam­pus et l’X en par­ti­c­uli­er. Un ser­vice nord-sud desser­vant HEC doit aus­si être mis en oeu­vre . Mais, compte tenu des dis­tances en jeu, cette desserte de prox­im­ité ne sera pas suff­isante. Une con­nex­ion mét­ro­pol­i­taine plus capac­i­taire et plus rapi­de doit être mise en place.

L’X au cœur du Plateau


Le cam­pus de l’X s’in­sère au cœur de l’amé­nage­ment du Plateau.
© Philippe Lavialle , École Polytechnique

Il y a plus d’un an, l’É­cole a demandé à l’EPPS d’é­tudi­er un sché­ma d’amé­nage­ment qui ne se borne pas au quarti­er ouest (sur lequel se trou­ve déjà Danone, où se con­stru­isent NanoIn­nov et Hori­ba ), mais qui prenne en compte l’ensem­ble du futur cam­pus. Une telle étude a été menée et présen­tée au CA de l’É­cole en juil­let 2010. Depuis lors, en étroite inter­ac­tion avec l’X et les autres acteurs atten­dus sur le site, les pro­jets sont peu à peu affinés.

Une zone d’amé­nage­ment con­certée, en cours de créa­tion, s’é­ten­dra sur l’ensem­ble du périmètre de l’É­cole actuelle et du quarti­er ouest. L’ob­jec­tif est de réalis­er, en étroite coopéra­tion avec l’É­cole, un cam­pus aus­si attrac­t­if et vivant que possible.

Atouts majeurs

Paris-Saclay a tous les atouts pour con­stituer un de ces grands ” hubs ” intel­lectuels qui tirent aujour­d’hui les nations en les insérant dans les réseaux les plus act­ifs de l’é­conomie de la connaissance.

Le critère de la réus­site sera l’at­trac­tiv­ité exer­cée sur les jeunes les plus bril­lants du monde entier

Dans un monde où, de plus en plus, la capac­ité d’at­tir­er les tal­ents compte plus que la capac­ité d’at­tir­er les cap­i­taux, le critère de la réus­site sera l’at­trac­tiv­ité exer­cée par ce lieu sur les jeunes les plus bril­lants du monde entier. C’est dire à quel point il importe de lier l’am­bi­tion des pro­jets sci­en­tifiques et tech­nologiques avec celle de la qual­ité de l’ac­cueil et de l’aménagement.

Créer un ensem­ble de lieux de tra­vail et de vie ani­més, cul­turelle­ment et sociale­ment divers, en val­orisant la présence de la nature et la prox­im­ité du coeur mét­ro­pol­i­tain : le pari est pas­sion­nant. La con­fi­ance et la syn­ergie entre les acteurs en sont le meilleur garant. Dans ce cadre, nous met­trons toute notre énergie à faire du quarti­er de l’X, inté­gré dans le grand cam­pus s’é­ten­dant de l’ON­ERA au CEA, un cam­pus exem­plaire au plan international.

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