L’École polytechnique dans le projet de Saclay

Dossier : Formations scientifiques : le paysage françaisMagazine N°667 Septembre 2011
Par Marion GUILLOU (73)
Par Xavier MICHEL (72)

REPÈRES

REPÈRES
Nos étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur et de recherche doivent se trans­former pour être attrac­t­ifs à l’é­gard des étu­di­ants comme des meilleurs enseignants et chercheurs, s’as­soci­er pour avoir les moyens de rester au meilleur niveau, dévelop­per leurs capac­ités d’in­no­va­tion pour être vis­i­bles dans le con­texte mon­di­al et con­tribuer à la com­péti­tiv­ité nationale. La mis­sion de l’É­cole poly­tech­nique en matière de for­ma­tion de futurs hauts respon­s­ables à com­pé­tences sci­en­tifiques et tech­niques pour l’É­tat et les entre­pris­es lui fixe des objec­tifs encore plus exigeants.

Depuis la réforme X2000, l’É­cole a con­duit des évo­lu­tions impor­tantes. Avec une offre de for­ma­tions alliant ” ingénieur grande école ” (poly­tech­nique), mas­ters et doc­tor­ats, elle s’in­scrit dans le mod­èle inter­na­tion­al d’en­seigne­ment supérieur. Elle a triplé ses effec­tifs totaux d’é­tu­di­ants, dont 30 % sont internationaux.

Dans le classe­ment du Times High­er Edu­ca­tion , l’É­cole est désignée comme pre­mier étab­lisse­ment français, six­ième étab­lisse­ment européen et vingt-deux­ième étab­lisse­ment mon­di­al en ingénierie.

Avec le CNRS majori­taire­ment, mais aus­si l’IN­RIA, l’IN­SERM et des entre­pris­es, grands groupes ou PME-PMI, elle a dévelop­pé ses capac­ités de recherche au meilleur niveau. Elle par­ticipe aujour­d’hui à la con­sti­tu­tion d’une uni­ver­sité à Saclay. Le cam­pus de Palaiseau, au sein de cette uni­ver­sité, devrait quadru­pler d’i­ci à 2018 ses capac­ités de formation.

L’ensem­ble met­tra l’ac­cent sur l’in­no­va­tion dans plusieurs domaines de pointe avec l’ac­cueil de cen­tres de recherche d’en­tre­pris­es, de lab­o­ra­toires publics et d’é­coles d’ingénieurs.

Après s’être ouverte à l’in­ter­na­tion­al, l’X se trou­ve à nou­veau à un moment clé de son développe­ment. La volon­té prési­den­tielle de créer à Saclay un ensem­ble uni­ver­si­taire de recherche et d’in­no­va­tion au tout pre­mier plan mon­di­al pour y attir­er les meilleurs tal­ents et en faire un haut lieu de développe­ment tech­nologique et économique con­stitue une oppor­tu­nité majeure pour l’É­cole, qui s’ac­com­pa­g­n­era d’évo­lu­tions importantes.

À Paris-Saclay, vingt établissements imaginent un nouvel avenir

L’X se trou­ve de nou­veau à un moment clé de son développement

Sur le plateau de Saclay, de Jouy à Palaiseau en pas­sant par le Moulon , des cen­tres de recherche et lab­o­ra­toires du CEA, du CNRS, de Thales, de Danone, de l’IN­RA, de l’ON­ERA ou de l’IN­RIA voisi­nent déjà avec de nom­breux étab­lisse­ments : l’u­ni­ver­sité Paris-Sud, l’X, HEC, Supélec, l’in­sti­tut math­é­ma­tique IHES, etc. Ce sont au total une ving­taine d’ac­teurs, sou­vent excel­lents dans leur domaine, qui sont instal­lés là ou ont l’in­ten­tion de le faire grâce aux finance­ments qui accom­pa­g­nent ce grand projet.

Pour tir­er par­ti de cette remar­quable diver­sité sci­en­tifique rassem­blée dans une rare prox­im­ité géo­graphique, ces acteurs ont affir­mé leur ambi­tion de s’as­soci­er pour, ensem­ble, con­stituer un lieu excep­tion­nel de for­ma­tion, de créa­tion de con­nais­sances et d’in­no­va­tion. Il s’ag­it de dépass­er le stade des mul­ti­ples col­lab­o­ra­tions qui exis­tent depuis de nom­breuses années entre les étab­lisse­ments du plateau de Saclay pour en faire la stratégie glob­ale d’une ” uni­ver­sité ” con­stru­ite sur un mod­èle con­fédéral, comme celle de Cambridge.

Un pôle mondial de rayonnement

Une stratégie globale
En quoi ce nou­v­el ensem­ble est-il nova­teur ? D’abord par l’im­por­tance des acteurs : les plus pres­tigieuses écoles d’ingénieurs et de ges­tion s’as­so­ciant à une des deux pre­mières uni­ver­sités sci­en­tifiques, l’équili­bre entre ingénierie et sci­ences fon­da­men­tales ain­si qu’en­tre les fil­ières d’élèves ingénieurs et d’é­tu­di­ants. L’im­por­tance des instal­la­tions et des grands équipements sci­en­tifiques, la présence forte des organ­ismes via leurs cen­tres de recherche et leur impli­ca­tion dans les étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur, ain­si que la par­tic­i­pa­tion des entre­pris­es, sont autant de mar­queurs de la démarche.

Des syn­er­gies glob­ales ont com­mencé à se met­tre en place avec des pro­jets d’in­vestisse­ments d’avenir. Cette uni­ver­sité passe en effet par la mise en syn­ergie organ­isée d’équipes de recherche pour for­mer les meilleurs esprits, accroître les con­nais­sances et dévelop­per les recherch­es inté­gra­tives per­me­t­tant de répon­dre aux grands enjeux de société (énergie bas car­bone, san­té, écotech­nolo­gies, ali­men­ta­tion, société numérique). S’ap­puyant sur la diver­sité de ses mem­bres, la puis­sance des uni­ver­sités et organ­ismes de recherche et le savoir-faire pluridis­ci­plinaire des grandes écoles, sa capac­ité à associ­er sci­ences et ingénierie en fera un acteur priv­ilégié du développe­ment tech­nologique, en inter­ac­tion forte avec les entre­pris­es. Visant leur accueil en nom­bre, notam­ment pour les PME, elle veut plus large­ment pro­mou­voir l’in­no­va­tion, le trans­fert de tech­nolo­gies et la créa­tion d’en­tre­pris­es. Elle agi­ra dans les champs com­muns déter­minés par ses mem­bres, qui garderont leur iden­tité et leur autonomie pour la con­duite de leur mis­sion pro­pre. Cet ensem­ble a pour voca­tion de con­stituer un des grands pôles mon­di­aux de ray­on­nement et d’at­trac­tiv­ité pour les étu­di­ants, les chercheurs et les entreprises.

Des syn­er­gies glob­ales ont com­mencé à se met­tre en plac

Jouer un rôle moteur

Il s’ag­it pour l’É­cole poly­tech­nique, simul­tané­ment, d’in­ten­si­fi­er ses parte­nar­i­ats à dom­i­nante sci­en­tifique dans ce cadre col­lec­tif large et de matéri­alis­er par des struc­tures ad hoc les étroites syn­er­gies tech­nologiques et économiques avec les écoles de Paris­Tech en cours d’im­plan­ta­tion sur son cam­pus. Forte de son mod­èle orig­i­nal pluridis­ci­plinaire, asso­ciant sci­ences fon­da­men­tales et ingénierie, l’É­cole ambi­tionne de jouer un rôle moteur dans cette con­struc­tion et de tir­er par­ti de toutes ses poten­tial­ités. Elle entend pour cela renou­vel­er et val­oris­er son mod­èle orig­i­nal de for­ma­tion des ingénieurs et cadres de l’É­tat. Ce point a fait l’ob­jet d’un rap­port au min­istre de la Défense élaboré par un groupe de tra­vail ani­mé par l’un des auteurs du présent arti­cle et validé par le con­seil d’ad­min­is­tra­tion de l’É­cole. M. Gérard Longuet, min­istre de la Défense, a annon­cé lors de son dis­cours pronon­cé à Palaiseau, le 2 avril 2011, qu’il en approu­vait les orientations.

En 2020, 40 000 étu­di­ants et 15 000 chercheurs
L’u­ni­ver­sité con­sti­tuée à Paris-Saclay ver­ra le regroupe­ment de deux uni­ver­sités — Paris-Sud et Ver­sailles-Saint-Quentin -, d’une École nor­male supérieure, de dix écoles d’ingénieurs ou de com­merce, les plus pres­tigieuses en France, des lab­o­ra­toires et cen­tres de six organ­ismes nationaux et insti­tuts de recherche. Ce seront, en 2020, 40 000 étu­di­ants et doc­tor­ants, 15 000 chercheurs, soit trois fois la taille moyenne des vingt pre­mières uni­ver­sités mondiales.

Un renouveau de la formation

La for­ma­tion des ingénieurs con­tin­uera à incar­n­er la mis­sion répub­li­caine de l’É­cole de for­mer de futurs respon­s­ables com­bi­nant une forte com­pé­tence sci­en­tifique, une com­préhen­sion des enjeux de société, et l’ap­ti­tude de “l’ingénieur human­iste ” à en appréhen­der la com­plex­ité. La pré­pa­ra­tion à l’ex­er­ci­ce de ces respon­s­abil­ités par l’ac­qui­si­tion de con­nais­sances et de com­pé­tences sci­en­tifiques, humaines, sociales et com­porte­men­tales restera au cœur du pro­jet de for­ma­tion de l’École.

Volon­taire­ment très pluridis­ci­plinaire au cours des deux pre­mières années, la for­ma­tion organ­is­era une spé­cial­i­sa­tion pro­gres­sive en par­al­lèle avec l’af­fir­ma­tion du pro­jet pro­fes­sion­nel. Elle inclu­ra dans son cur­sus le développe­ment appro­fon­di de com­pé­tences com­porte­men­tales et humaines — le stage mil­i­taire ou d’en­gage­ment civ­il citoyen de début de sco­lar­ité en con­sti­tu­ant un pre­mier cadre déter­mi­nant — et de capac­ités de com­préhen­sion des organ­i­sa­tions sociales. L’in­ter­na­tion­al­i­sa­tion du cur­sus poly­tech­ni­cien restera un enjeu essen­tiel. Tous les élèves auront ain­si une for­ma­tion pra­tique à l’en­tre­prise et à la recherche ain­si qu’une for­ma­tion à l’é­tranger. L’en­cadrement mil­i­taire de l’É­cole apportera une sen­si­bil­i­sa­tion aux enjeux d’in­térêt national.

Un poten­tiel de recherche
En liai­son étroite avec le CNRS, son tout pre­mier parte­naire, le cen­tre de recherche, com­posé de vingt et une unités mixtes de recherche recon­nues inter­na­tionale­ment, jouera un rôle cen­tral dans le lien entre enseigne­ment, recherche, inno­va­tion et attrac­tiv­ité inter­na­tionale. Il devra aus­si inten­si­fi­er ses coopéra­tions tech­nologiques avec la Délé­ga­tion générale à l’arme­ment et par­ticiper avec les autres lab­o­ra­toires du cam­pus et de l’u­ni­ver­sité Paris-Saclay à éla­bor­er la réponse qui devra être apportée aux grands enjeux sci­en­tifiques et tech­nologiques du XXIe siècle.

L’É­cole dévelop­pera aus­si son pro­gramme de for­ma­tion graduée, sélec­tif et forte­ment inter­na­tion­al­isé, dans le cadre du cou­plage étroit entre l’en­seigne­ment et la recherche au sein des lab­o­ra­toires de son cen­tre de recherche comme de ceux du cam­pus poly­tech­nique de Palaiseau et de l’u­ni­ver­sité Paris-Saclay. Fac­teur de développe­ment de la créa­tiv­ité et de l’in­no­va­tion, cette stratégie qui artic­ule for­ma­tion d’ingénieurs, mas­ters et doc­tor­at facilit­era la mix­ité et la diver­sité des étu­di­ants. Pro­mou­vant le doc­tor­at pour les ingénieurs, elle stim­ulera créa­tiv­ité, inno­va­tion ain­si qu’e­sprit d’en­tre­prise au béné­fice de tous les parte­naires au sein du cam­pus poly­tech­nique, avec ses parte­naires de Paris­Tech , et au sein de Paris-Saclay.

Une évolution de la gouvernance

L’É­cole devra rester acces­si­ble à tous les élèves réus­sis­sant le con­cours, sans exclu­sive sociale. En ce sens, la tutelle du min­istère de la Défense est un atout dont il fau­dra tir­er par­ti plus large­ment, via l’en­gage­ment des élèves et de l’É­cole auprès des jeunes volon­taires issus de milieux défa­vorisés. Dans cette per­spec­tive, la rémunéra­tion des élèves est une chance. Cepen­dant, les frais de sco­lar­ité devraient être rem­boursés ultérieure­ment par les élèves ne tra­vail­lant pas pour la fonc­tion publique, et abon­der le bud­get de l’É­cole. Les moyens crois­sants néces­saires pour le main­tien d’un corps enseignant du meilleur niveau devront aus­si être recher­chés auprès des anciens élèves ou des entre­pris­es intéressés par les travaux et les enseigne­ments de l’École.

Le développe­ment de l’É­cole en tant que telle et au sein des col­lab­o­ra­tions ren­for­cées avec les écoles de Paris­Tech , qui sont ou seront instal­lées sur le plateau de Saclay, néces­site d’adapter la gou­ver­nance de l’É­cole. Il est pro­posé au Min­istre une prési­dence com­mune de l’ensem­ble et du Con­seil d’ad­min­is­tra­tion de l’É­cole par une per­son­nal­ité académique de haut niveau recrutée à temps plein.

Huit écoles à Paris-Saclay

L’in­ter­na­tion­al­i­sa­tion du cur­sus poly­tech­ni­cien restera un enjeu essentiel

L’im­plan­ta­tion sur le cam­pus de l’É­cole poly­tech­nique, à Palaiseau, de sept écoles d’ingénieurs de pre­mier rang (École poly­tech­nique, Insti­tut d’op­tique grad­u­ate school , ENSTA Paris­Tech , ENSAE Paris­Tech , Agro Paris­Tech , Télé­com Paris­Tech , Mines Paris­Tech ), asso­ciées avec HEC, sera l’oc­ca­sion d’un ren­force­ment con­sid­érable et d’une struc­tura­tion pérenne des coopéra­tions de longue date qui exis­tent entre elles. Le regroupe­ment dans un périmètre restreint ouvre la voie à des syn­er­gies impor­tantes en ter­mes de for­ma­tion — entre autres, pour les corps de l’É­tat -, de recherche, d’in­no­va­tion, de vie étu­di­ante et d’or­gan­i­sa­tion du cam­pus. Ce regroupe­ment par­ticipera aus­si à l’émer­gence au sein de l’u­ni­ver­sité con­fédérale Paris-Saclay d’un pôle d’ingénierie à forte assise scientifique.

L’am­bi­tion affichée pour la for­ma­tion supérieure, la recherche et l’in­no­va­tion sur le plateau de Saclay est une puis­sante inci­ta­tion pour l’É­cole poly­tech­nique, pre­mière grande école d’ingénieurs française, à inscrire son action dans le pro­jet his­torique de Paris-Saclay. Ce pro­jet col­lec­tif sera pour l’É­cole et son mod­èle orig­i­nal de for­ma­tion, à la fois sci­en­tifique, humaine et citoyenne, un mul­ti­pli­ca­teur de poten­tiel, de capac­ités et de rayonnement.

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Aurélien Pois­son­nierrépondre
3 septembre 2011 à 10 h 17 min

M
Madame la prési­dente, mon général,
trou­vera-t-on un jour une com­mu­ni­ca­tion sur ce pro­jet qui ne s’ha­bille pas de blabla creux sur l’in­no­va­tion, les enjeux, le poten­tiel, l’in­ter­na­tion­al, à grand ren­fort de mélioratifs ?
La com­mu­ni­ca­tion sur ce pro­jet le dessert com­plète­ment car elle tourne autour du pot. Je suis sûr qu’en la moitié de mots, il est pos­si­ble de répon­dre claire­ment aux ques­tions de base : qui fait quoi, com­ment et quand. (sans mélanger les évo­lu­tions du con­tenant et du con­tenu, le général et le particulier).
Des répons­es impré­cis­es don­nent l’im­pres­sion que ce qui est décidé reste flou égale­ment. Des déc­la­ra­tions sur les “syn­er­gies glob­ales” et les “mul­ti­pli­ca­teurs de poten­tiel” lais­sent à penser que de belles inten­tions cachent une absence d’action !
Alors qu’en est-il con­crète­ment du plateau de Saclay ? Qui fera quoi, de neuf et d’an­cien ? Com­ment s’ar­tic­u­lent gou­ver­nance des écoles, des labos et celle du cam­pus ? y’au­ra-t-il mutu­al­i­sa­tion des labos, des enseigne­ments, des enseignants, des écoles doctorales…?
Quelles déci­sions ont déjà été prises ?
Cordialement,
Aurélien Pois­son­nier, X04

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