RSE et nouveaux défis réglementaires : le rôle clé des équipes data

RSE et nouveaux défis réglementaires : le rôle clé des équipes data

Dossier : La donnée au service de l’envi­ronnementMagazine N°789 Novembre 2023
Par Morand STUDER (X91)
Par Paul SCHREINER
Par Agathe SIEBERT
Par Alexis COUDERC

La pres­sion crois­sante portée sur les entre­pris­es par les régle­men­ta­tions RSE oblige à met­tre en place une gou­ver­nance trans­verse de la don­née. Les équipes RSE et data ne peu­vent ain­si fonc­tion­ner isolé­ment les unes des autres : au con­traire il faut dès main­tenant con­stituer une pluridis­ci­pli­nar­ité qui per­me­t­tra de faire face aux exi­gences futures des réglementations.

Aviez-vous remar­qué que vous pou­vez désor­mais con­naître bien plus que le Made in des vête­ments que vous achetez ? En effet, dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie cir­cu­laire (Agec), depuis le 1er jan­vi­er 2023 les entre­pris­es français­es ont pour oblig­a­tion de fournir au moment de l’achat l’information du pays de con­fec­tion, de tis­sage et de tein­ture. La loi Agec con­cerne un nom­bre crois­sant d’entreprises : en 2023, les entre­pris­es ayant un chiffre d’affaires supérieur à 50 mil­lions d’euros et ayant plus de 25 000 pro­duits mis sur le marché en France annuelle­ment ; en 2024, celles qui ont 20 mil­lions d’euros de CA et 10 000 pro­duits ; en 2025, un CA de 10 mil­lions d’euros et 10 000 pro­duits. Au-delà de cette loi, ce sont de nou­velles régle­men­ta­tions et ini­tia­tives RSE qui s’imposent pro­gres­sive­ment dans les entre­pris­es. Elles per­me­t­tent au con­som­ma­teur d’être mieux aver­ti sur l’impact envi­ron­nemen­tal et social des pro­duits qu’il achète et sur les entre­pris­es qui les pro­duisent. Mais ces ini­tia­tives impliquent une gou­ver­nance trans­verse de la don­née envi­ron­nemen­tale qui est bien sou­vent nou­velle et dif­fi­cile à met­tre en place. Des com­pé­tences tech­niques en traite­ment et en com­préhen­sion de la don­née se révè­lent alors indis­pens­ables. 

Une pression accrue

L’accélération des ini­tia­tives des entre­pris­es sur la RSE est à met­tre en regard de la pres­sion accrue des régle­men­ta­tions qui pèsent sur elles. Tan­dis que les lois Agec et d’affichage envi­ron­nemen­tal vien­nent ren­forcer les infor­ma­tions envi­ron­nemen­tales à dis­po­si­tion du client au moment de l’achat d’un pro­duit, la Non Finan­cial Report­ing Direc­tive (NFRD) et la Cor­po­rate Sus­tain­abil­i­ty Report­ing Direc­tive (CSRD) régis­sent les rap­ports extra-financiers. Ces rap­ports per­me­t­tent de pilot­er au plus près des indi­ca­teurs sur l’empreinte envi­ron­nemen­tale et socié­tale des entre­pris­es (comme leur con­som­ma­tion en eau ou leur mix énergé­tique) et vien­nent étay­er les infor­ma­tions à dis­po­si­tion des investis­seurs. Loin d’être ponctuelles, ces régle­men­ta­tions sont amenées à se dévelop­per dans les dix prochaines années en élar­gis­sant les champs cou­verts par les critères. Par exem­ple le scope 3, qui inclut les émis­sions indi­rectes d’une entre­prise liées à ses four­nisseurs et à la fin de vie des pro­duits, pour­ra être req­uis dans le cal­cul de l’impact envi­ron­nemen­tal de l’entreprise. L’application de ces régle­men­ta­tions est sus­cep­ti­ble d’être soumise à des con­trôles plus rigoureux et de faire l’objet de sanc­tions ren­for­cées en cas de non-con­for­mité. Aus­si ces régle­men­ta­tions vont con­cern­er de plus en plus de géo­gra­phies, à l’échelle européenne, voire inter­na­tionale – par exem­ple, les États-Unis dévelop­pent actuelle­ment leur équiv­a­lent de la CSRD pour le report­ing extra-financier via l’Inter­na­tion­al Finan­cial Report­ing Stan­dards (IFRS) : les Sus­tain­abil­i­ty Dis­clo­sure Stan­dards. 


Scope 3

Le scope 3 est l’un des trois niveaux d’émissions de gaz étab­lis dans le GHG Pro­to­col (Green House Gas Pro­to­col) qui con­cerne les gaz à effet de serre.

Sont con­cernées depuis le 1er jan­vi­er 2023 les entre­pris­es de plus de 500 salariés qui doivent fournir à l’État un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) com­prenant les émis­sions indi­rectes sig­ni­fica­tives (loi Grenelle II).

Le scope 1 con­cerne les émis­sions de gaz à effet de serre directes résul­tant de la com­bus­tion d’énergies fos­siles (gaz, pét­role, charbon…).

Le scope 2 con­cerne les émis­sions de gaz à effet de serre indi­rectes liées à la con­som­ma­tion de l’électricité, de la chaleur ou de la vapeur néces­saire à la fab­ri­ca­tion du produit.

Le scope 3 con­cerne les autres émis­sions indi­rectes (extrac­tion de matéri­aux, achats de marchan­dis­es, achats de ser­vices, trans­port des salariés et des clients, util­i­sa­tion des pro­duits ou ser­vices ven­dus, traite­ment des déchets…). C’est la part la plus impor­tante d’émissions d’une entreprise.

Selon l’Ademe, les émis­sions indi­rectes représen­tent env­i­ron 75 % des émis­sions d’une activité.


De nombreuses possibilités pour les entreprises

La RSE ne doit cepen­dant pas être perçue seule­ment comme une con­trainte régle­men­taire, car elle offre égale­ment de nom­breuses pos­si­bil­ités pour les entre­pris­es, notam­ment pour se démar­quer de leurs con­cur­rents. En com­mu­ni­quant ouverte­ment sur leurs actions en matière de développe­ment durable, celles-ci peu­vent ren­forcer leurs rela­tions clients, leur répu­ta­tion et leur engage­ment envers l’environnement. Le tout en assur­ant un meilleur con­trôle des cycles de vie pro­duits par l’intégration de pra­tiques durables dans la chaîne d’approvisionnement. 

Les équipes RSE ne peuvent pas rester isolées

La con­for­mité aux régle­men­ta­tions trans­vers­es a tou­jours été un défi de taille pour les entre­pris­es, étant un sujet com­plexe qui néces­site une coor­di­na­tion étroite entre de mul­ti­ples fonc­tions au sein de l’entreprise. Aus­si, la sen­si­bil­i­sa­tion est sou­vent insuff­isante à tous les niveaux hiérar­chiques et accroît la dif­fi­culté. Dernière­ment, c’est la mise en con­for­mité avec le règle­ment général sur la pro­tec­tion des don­nées (RGPD) qui a posé de nom­breux prob­lèmes aux entre­pris­es français­es ; elle n’est d’ailleurs tou­jours pas totale­ment achevée. Les régle­men­ta­tions RSE rejoignent cette caté­gorie de prob­lé­ma­tiques trans­vers­es. Les équipes RSE dédiées à ces sujets jouent un rôle cru­cial en traduisant opéra­tionnelle­ment les régle­men­ta­tions, en gérant les pro­jets et en assur­ant la com­mu­ni­ca­tion autour de ces ini­tia­tives essen­tielles. Cepen­dant, ces équipes dédiées se trou­vent con­fron­tées à des dif­fi­cultés tech­niques spé­ci­fiques, la col­lecte et le traite­ment des don­nées RSE étant sou­vent com­plex­es. Ces don­nées provi­en­nent de mul­ti­ples sources et sont par­fois lim­itées ou de mau­vaise qual­ité. De plus, le cal­en­dri­er régle­men­taire est ser­ré, lais­sant peu de marge de manœu­vre aux entre­pris­es pour se pré­par­er adéquate­ment, notam­ment en ter­mes de sys­tèmes d’information. Il est donc néces­saire pour les équipes RSE de s’entourer de pro­fils tech­niques, capa­bles de com­pren­dre les ques­tions métiers, au sein d’une organ­i­sa­tion dédiée à ces sujets, pour mieux les appréhen­der. 

Une task force RSE dédiée avec des profils data

Pour faire face à ces défis, il est essen­tiel de for­mer des équipes pluridis­ci­plinaires mêlant com­pé­tences métiers et com­pé­tences tech­niques. Ces task forces dédiées aux sujets RSE (régle­men­taires ou non) per­me­t­tent une réponse effi­cace et pérenne. Cette task force RSE peut être struc­turée de la manière suiv­ante : pre­mière­ment les équipes RSE se con­sacrent à la tra­duc­tion des sujets spé­ci­fiques de l’entreprise dans le con­texte de la RSE. Elles super­visent les pro­jets et veil­lent à la com­mu­ni­ca­tion autour des ini­tia­tives entre­pris­es. Puis les référents métiers assurent la col­lecte de la don­née et sont respon­s­ables de sa qual­ité. Ils sont le point de con­tact sur les sujets RSE au sein de leur méti­er spé­ci­fique. Les data ana­lystes assurent la coor­di­na­tion avec les métiers et pren­nent en charge l’ensemble des aspects liés à la don­née, allant de son traite­ment à la visu­al­i­sa­tion et à l’interprétation des résul­tats. Enfin, un pro­fil ori­en­té pro­jet IT assure la bonne tra­duc­tion et le déploiement tech­nique des besoins data de la RSE dans les sys­tèmes d’information de l’entreprise. 

Task force RSE

Le data analyste

Dans ces task forces, le data ana­lyste joue un rôle pri­mor­dial, en por­tant une vision qui com­bine maîtrise tech­nique de la don­née et com­préhen­sion busi­ness. Ses com­pé­tences en traite­ment, retraite­ment et ges­tion des don­nées com­plex­es, en mod­éli­sa­tion et for­mu­la­tion d’hypothèses, en manip­u­la­tion d’outils de cal­cul et de visu­al­i­sa­tion, sont essen­tielles pour met­tre au point des solu­tions de pilotage des don­nées envi­ron­nemen­tales. Le con­texte changeant des régle­men­ta­tions en appelle à la créa­tiv­ité des data ana­lystes, qual­ité qui se révèle essen­tielle quand le par­cours de la don­née – de sa col­lecte à sa resti­tu­tion – reste très peu automa­tisé à court terme. Alliant rigueur et flex­i­bil­ité, le data ana­lyste est capa­ble d’atterrir en très peu de temps à des solu­tions data fonc­tion­nelles, bien que par­tielle­ment dégradées par rap­port à la cible de plus long terme, qui sera atteinte par itéra­tions suc­ces­sives et adap­ta­tion de l’entreprise au changement.

“Mettre en place dès aujourd’hui une organi­sa­tion pluridisciplinaire. ”

Con­join­te­ment avec la mise au point de solu­tions data pour la RSE de court terme, il par­ticipe à penser ces solu­tions pour la péren­nité. Par son posi­tion­nement tech­nique et méti­er, il est un facil­i­ta­teur pour anticiper l’automatisation de ces solu­tions dans les sys­tèmes, en étroite col­lab­o­ra­tion avec l’IT, ain­si que leur appro­pri­a­tion par le méti­er. 

S’entourer de profils data dans les équipes RSE

Bien anticiper des besoins data et tech­niques est essen­tiel pour faire face aux régle­men­ta­tions RSE qui sont de plus en plus nom­breuses, exigeantes et évo­lu­tives. Met­tre en place dès aujourd’hui une organ­i­sa­tion pluridis­ci­plinaire dédiée aux sujets RSE per­met d’anticiper ces évo­lu­tions, pour s’adapter avec agilité aux exi­gences gran­dis­santes. La col­lab­o­ra­tion entre les équipes data et RSE en est encore à ses débuts, mais sen­si­bilis­er dès aujourd’hui les pro­fils RSE à la data et récipro­que­ment les pro­fils data aux prob­lé­ma­tiques RSE est essen­tiel, car l’expertise data est clé pour traiter ces sujets. Enfin, cette col­lab­o­ra­tion ouvri­ra demain la porte à des appli­ca­tions data plus poussées pour la RSE, du côté de l’intelligence arti­fi­cielle par exem­ple via les algo­rithmes d’optimisation des ressources. Notre cab­i­net, eleven, dis­pose d’une solide expéri­ence de ces sujets et d’une équipe dont les com­pé­tences et la flex­i­bil­ité per­me­t­tent la réus­site de tels pro­jets. 

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