La loi AGEC : une innovation exemplaire

La loi Agec : une innovation exemplaire

Dossier : La donnée au service de l’envi­ronnementMagazine N°789 Novembre 2023
Par Isabelle VIENNOIS

La loi anti-gas­pillage pour une éco­no­mie cir­cu­laire (Agec) a été votée en 2020. Elle compte 130 articles qui visent à ins­tau­rer des pra­tiques radi­ca­le­ment nou­velles au pro­fit d’une éco­no­mie cir­cu­laire : un nou­veau pilo­tage des déchets par les pro­duc­teurs, une meilleure infor­ma­tion pour les consom­ma­teurs, la dis­pa­ri­tion des inven­dus, la valo­ri­sa­tion de cer­tains déchets. La ges­tion de la don­née est au cœur de la bonne appli­ca­tion de la loi, pour assu­rer tra­ça­bi­li­té et contrôle, et l’intelligence arti­fi­cielle, ain­si que les objets connec­tés, offrent des moyens pour accé­lé­rer sa mise en œuvre.

Voici un tour d’horizon de l’importance des don­nées pour une bonne appli­ca­tion de la loi Agec et d’applications pos­sibles de l’IA sur cinq dis­po­si­tions phares de cette loi. 

La disparition des plastiques à usage unique 

À par­tir de jan­vier 2023, la vais­selle jetable est inter­dite dans les éta­blis­se­ments de res­tau­ra­tion rapide ser­vant plus de 20 cou­verts simul­ta­né­ment, pour tout ce qui est consom­mé sur place. Les repas doivent être ser­vis dans de la vais­selle lavable et réuti­li­sable. D’ici le 1er jan­vier 2025, les embal­lages consti­tués de poly­mères ou de copo­ly­mères sty­ré­niques non recy­clables et les conte­nants ali­men­taires en plas­tique uti­li­sés dans cer­tains ser­vices de san­té, en res­tau­ra­tion sco­laire et uni­ver­si­taire pour les col­lec­ti­vi­tés de 2 000 habi­tants et plus devront être éli­mi­nés. Le défi qui se pose est le contrôle de l’application de cette loi. Com­ment s’assurer que tous les acteurs res­pectent ces mesures ? L’utilisation de l’intelligence arti­fi­cielle (IA) peut jouer un rôle essen­tiel. Pour l’analyse du conte­nu des pou­belles et des centres de tri afin de détec­ter les plas­tiques inter­dits, par exemple. 

L’IA et la gestion des déchets

De nom­breuses appli­ca­tions de l’IA dans la ges­tion des déchets ont déjà été expé­ri­men­tées. Dans le centre de tri à Lunel-Viel exploi­té par le groupe Suez, des camé­ras ont été pla­cées dans la fosse pour fil­mer le déver­se­ment des camions de déchets. Les images cap­tu­rées sont ensuite ana­ly­sées par des algo­rithmes qui détectent les déchets indé­si­rables, per­met­tant ain­si une inter­ven­tion immé­diate des équipes du site pour les reti­rer. En 2020, Citeo avait rete­nu plu­sieurs pro­jets exploi­tant la recon­nais­sance d’image et l’IA pour amé­lio­rer le tri des déchets. Ces tech­no­lo­gies peuvent être inté­grées dans les camions de col­lecte, les centres de tri et les ins­tal­la­tions de recy­clage. Le pro­jet Citi’tri de Sim­pli­ci­ti vise ain­si à auto­ma­ti­ser les mesures de la qua­li­té du tri lors de la col­lecte en déve­lop­pant un dis­po­si­tif d’IA capable de four­nir des infor­ma­tions sur les taux d’erreur de tri par quar­tier, rue et foyer, per­met­tant d’évaluer l’efficacité des opé­ra­tions de com­mu­ni­ca­tion ou de sen­si­bi­li­sa­tion. Ces tech­no­lo­gies matures peuvent être uti­li­sées pour s’assurer, de manière « indus­trielle », que les plas­tiques jetables ne sont plus uti­li­sés, comme l’impose la loi Agec. 

L’affichage environnemental dans le textile

La loi Agec com­prend des dis­po­si­tions sur l’affichage envi­ron­ne­men­tal dans les sec­teurs de l’habillement et de l’alimentation. L’article 2 de la loi cli­mat et rési­lience annonce une nou­velle expé­ri­men­ta­tion de l’affichage envi­ron­ne­men­tal dans le domaine du tex­tile et des chaus­sures, d’une durée maxi­male de cinq ans. L’objectif est de mettre en place un sys­tème com­plet d’affichage d’ici la mi-2023, sui­vi de la publi­ca­tion des décrets régle­men­taires six mois plus tard. L’affichage envi­ron­ne­men­tal est une démarche visant à infor­mer les consom­ma­teurs sur l’impact éco­lo­gique des pro­duits. Une expé­ri­men­ta­tion bap­ti­sée XTEX a été lan­cée par le CGDD (Com­mis­sa­riat géné­ral au déve­lop­pe­ment durable) et l’Ademe pour tes­ter dif­fé­rentes méthodes d’affichage envi­ron­ne­men­tal. Les par­te­naires incluent des acteurs de l’industrie tex­tile, tels que l’Union des indus­tries tex­tiles, Loom, la FHCM (Fédé­ra­tion de la haute cou­ture et de la mode), et des ini­tia­tives comme La Belle Empreinte, Éco­eff Lab, Green Score Capi­tal, Good Fabric, Fair­ly Made, Tape à l’œil, Clear Fashion et You­kan. 

L’expérimentation XTEX et les nouvelles technologies 

L’objectif de XTEX est de déve­lop­per un modèle nor­ma­li­sé d’affichage envi­ron­ne­men­tal pour le tex­tile et l’habillement, pre­nant en compte tous les aspects, de la pro­duc­tion à la fin de vie des pro­duits. Ce modèle devra être trans­pa­rent et com­pré­hen­sible pour les consom­ma­teurs, les aidant ain­si à faire des choix d’achat plus res­pec­tueux de l’environnement. Cette expé­ri­men­ta­tion est cru­ciale pour assu­rer la cré­di­bi­li­té de l’affichage envi­ron­ne­men­tal, en four­nis­sant des don­nées fiables et com­plètes. Une fois le modèle déve­lop­pé, il pour­ra être adop­té à grande échelle par l’industrie tex­tile, offrant aux consom­ma­teurs des infor­ma­tions claires et trans­pa­rentes pour les gui­der vers des choix plus durables. Là encore les nou­velles tech­no­lo­gies peuvent aider à accé­lé­rer la fina­li­té de la loi. Fibre­Trace est une plate-forme cloud based qui uti­lise la blo­ck­chain pour retra­cer l’origine des fibres uti­li­sées dans les vête­ments, en four­nis­sant des infor­ma­tions sur la pro­ve­nance, la dura­bi­li­té et les pra­tiques agri­coles uti­li­sées. 

La lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée de vie des produits

La loi et les décrets d’application intro­duisent des mesures pour pro­mou­voir la dura­bi­li­té et la répa­ra­bi­li­té des équi­pe­ments élec­triques et élec­tro­niques. Depuis le 1er jan­vier 2021, un indice de répa­ra­bi­li­té est affi­ché dans les maga­sins et en ligne. À par­tir du 1er jan­vier 2024, un indice de dura­bi­li­té sera pro­gres­si­ve­ment mis en place, rem­pla­çant l’indice de répa­ra­bi­li­té. Cet indice pren­dra en compte des cri­tères tels que la fia­bi­li­té et la robus­tesse du pro­duit. De plus, les fabri­cants sont tenus de mettre à dis­po­si­tion les pièces déta­chées dans un délai de 15 jours ouvrables, à par­tir du 1er jan­vier 2021. L’utilisation des don­nées sur toute la chaîne est essen­tielle pour amé­lio­rer la dura­bi­li­té des pro­duits, pour prendre des déci­sions éclai­rées sur les maté­riaux uti­li­sés (et en chan­ger), pour sur­veiller la chaîne d’approvisionnement et favo­ri­ser la col­la­bo­ra­tion entre les acteurs de la chaîne de valeur (pièces déta­chées, assem­bleurs, dis­tri­bu­teurs, SAV). L’intelligence arti­fi­cielle per­met éga­le­ment d’optimiser l’utilisation des pro­duits par les clients finaux pour aug­men­ter leur durée de vie. Dans la gamme Home Connect de Bosch, des lave-linges recom­mandent le pro­gramme de lavage adap­té à la matière, la cou­leur, le degré de salis­sure et la charge des vête­ments à laver, détec­tés auto­ma­ti­que­ment par les cap­teurs inté­grés. La machine auto­pa­ra­mètre la quan­ti­té d’eau, de les­sive, la tem­pé­ra­ture et la durée de lavage, cor­ri­geant les gestes des uti­li­sa­teurs pou­vant nuire à la durée de vie des pro­duits. 

La disparition réelle des invendus et la lutte contre le gaspillage alimentaire

La loi pré­voit plu­sieurs mesures : l’interdiction d’élimination des inven­dus non ali­men­taires, entrée en vigueur le 1er jan­vier 2022 pour les pro­duits sous régime REP (res­pon­sa­bi­li­té élar­gie des pro­duc­teurs) et d’ici le 31 décembre 2023 pour les autres. Les sec­teurs de la dis­tri­bu­tion ali­men­taire et de la res­tau­ra­tion col­lec­tive doivent réduire le gas­pillage ali­men­taire de 50 % d’ici 2025, tan­dis que les sec­teurs de pro­duc­tion-trans­for­ma­tion ali­men­taire et de res­tau­ra­tion com­mer­ciale doivent réduire leur gas­pillage de 50 % d’ici 2030 par rap­port aux niveaux de 2015. 

“Une source d’innovations techno­logiques, grâce à l’intelligence artificielle.”

Ces der­nières années, le numé­rique et les nou­velles tech­no­lo­gies ont foi­son­né d’innovations dans la lutte contre le gas­pillage ali­men­taire. Orbisk pro­pose une pou­belle intel­li­gente qui ana­lyse les déchets ali­men­taires pour aider les res­tau­ra­teurs à les réduire. La start-up indienne Spoon­shot uti­lise l’intelligence arti­ficielle et l’analyse de sources mul­tiples pour four­nir des don­nées pré­cises sur les habi­tudes ali­men­taires, afin d’aider les grandes entre­prises à réduire le gas­pillage ali­men­taire. Avec le pro­gramme Was­te­Watch et sa tech­no­lo­gie intel­li­gente de mesure des déchets, Sodexo col­lecte et ana­lyse les don­nées du gas­pillage ali­men­taire dans ses res­tau­rants. Les balances connec­tées et l’outil d’analyse per­mettent de four­nir des recom­man­da­tions per­son­na­li­sées pour réduire le gas­pillage. Ce pro­gramme a pour objec­tif de réduire de moi­tié la quan­ti­té de nour­ri­ture gas­pillée, en iden­ti­fiant les rai­sons du gas­pillage. 

Un art tout d’exécution ! 

La loi Agec est une loi qui peut trans­for­mer en pro­fon­deur des sec­teurs d’activité, contri­buer à construire de nou­veaux modèles éco­no­miques cir­cu­laires, dans les limites pla­né­taires. Sa por­tée peut aller au-delà, en expor­tant ces nou­veaux modèles éco­no­miques et en construi­sant des cham­pions de l’économie cir­cu­laire. La pre­mière condi­tion à tout cela, c’est qu’elle soit mise en appli­ca­tion ! Soit par des modes de contrôle effi­caces, soit parce que sa mise en œuvre sera une source d’innovations techno­logiques, grâce à l’intelligence arti­fi­cielle. 


Mesures déjà en place

  • Inter­dic­tion de cer­tains pro­duits en plas­tique à usage unique (assiettes, pailles, gobe­lets, cou­verts, cotons-tiges, boîtes en poly­sty­rène expansé).
  • Fin de la vais­selle jetable dans les res­tau­rants, notam­ment les fast-foods, pour les repas consom­més sur place.
  • Sup­pres­sion de l’emballage plas­tique autour des fruits et des légumes qui peuvent être ven­dus en vrac. 
  • Déploie­ment de la signa­lé­tique info-tri.
  • Géné­ra­li­sa­tion de la col­lecte des embal­lages plas­tiques dans le bac jaune.
  • Mise en place de l’indice de réparabilité.
  • Obli­ga­tions pour les fabri­cants de mettre en ligne les infor­ma­tions détaillées sur les carac­té­ris­tiques envi­ron­ne­men­tales des pro­duits (pour les tex­tiles par exemple, la tra­ça­bi­li­té géo­gra­phique des étapes de fabrication).
  • Inter­dic­tion d’éliminer les inven­dus non alimentaires.
  • Mise en place du « bonus répa­ra­tion » pour les appa­reils élec­triques et électroniques.
  • Mise en place de la reprise en maga­sin de plu­sieurs objets du quo­ti­dien : les meubles, les jouets, les articles de sport et de loi­sirs, les articles de bri­co­lage et de jardinage.


10 mesures à venir entre 2023 et 2025 

  • Un nou­vel indice de dura­bi­li­té sur les pro­duits électroniques.
    À par­tir de 2024, l’indice de répa­ra­bi­li­té devient un indice de dura­bi­li­té pre­nant en compte 3 cri­tères : robus­tesse, fia­bi­li­té, évo­lu­ti­vi­té. Les pre­miers pro­duits concer­nés seront les smart­phones, les télé­vi­sions et les lave-linges.
  • L’impression des tickets de caisse à la demande pour les petits achats du quo­ti­dien, dès le prin­temps 2023.
  • Une nou­velle filière d’économie cir­cu­laire pour les embal­lages pro­fes­sion­nels (palettes, films, caisses, etc.).
  • Élar­gir la col­lecte des embal­lages, déve­lop­per la consigne.
  • Élar­gir le déploie­ment des pou­belles de tri dans l’espace public.
  • Mise en œuvre d’une stra­té­gie de réduc­tion, réem­ploi et recy­clage des embal­lages plas­tiques (stra­té­gie des 3R).
  • Mise en place d’une feuille de route 2023–2028 spé­ci­fique à la filière tex­tile : mieux col­lec­ter, mieux recy­cler, mieux répa­rer, déve­lop­per la deuxième vie des tex­tiles, soutenir
    les entre­prises ver­tueuses qui res­pectent les labels environnementaux.
  • Déve­lop­per des solu­tions de filtres à micro­fibres plas­tiques sur les lave-linges pour évi­ter les rejets de micro­plas­tiques qui pol­luent l’océan.
  • Appor­ter aux Fran­çais une solu­tion de col­lecte des restes ali­men­taires pour valo­ri­ser ces bio­dé­chets en bio­gaz ou en com­post utile pour l’économie cir­cu­laire des territoires.
  • Déployer des bonus et malus d’écoconception afin d’inciter les fabri­cants à rendre leurs pro­duits plus durables et plus recyclables.

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