ROBERT SCHUMANN

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°656 Juin/Juillet 2010Par : Thomas Hampson, baryton – W. Rieger, pianoRédacteur : Marc Darmon (83)

Schu­mann n’avait plus écrit de lieder depuis la fin de l’adolescence. Mais en 1840, l’année de ses trente ans, l’année de l’amour assou­vi et du mariage avec sa Clara, année égale­ment très riche en créa­tions pour le piano, il en écrit près de cent quar­ante, les plus beaux de sa pro­duc­tion. De mag­nifiques cycles tels que les Myrthen, L’Amour et la Vie d’une femme, les Liederkreis op. 24 et 39, et les deux grands cycles réu­nis dans ce mag­nifique DVD.

Dichter­liebe, Les Amours du poète, est un ensem­ble de lieder sur des poèmes de Hein­rich Heine pub­liés en 1827, où le poète narre ses amours con­trar­iées. Stéréo­type du poème roman­tique (« le poète amoureux »!), ce recueil de Heine était très con­nu à l’époque. Vingt poèmes ont été choi­sis par Schu­mann sur la soix­an­taine du cycle de Heine. L’évolution de la sit­u­a­tion et des sen­ti­ments est toute­fois préservée. Qua­tre lieder ont été pub­liés à la fin de la vie du com­pos­i­teur, si bien que le cycle habituelle­ment joué com­prend unique­ment seize lieder. C’est la ver­sion orig­i­nale à vingt lieder que Thomas Hamp­son inter­prète ici, ce qu’il est sur les scènes d’aujourd’hui, sauf erreur, le seul à faire. Le sec­ond cycle com­prend douze lieder sur des poèmes de Justi­nus Kern­er, poète large­ment ren­du célèbre par la mise en musique de Schumann.

 Coffret DVD de lieders de SchumannThomas Hamp­son est un artiste com­plet. À l’opéra il est à la fois les nobles Simon Boc­cane­gra de Ver­di, Don Gio­van­ni et Alma­vi­va de Mozart, et le sim­plet Gabey de Bern­stein, pas­sant facile­ment du Met et de Salzbourg à Broad­way. Éclec­tique, il chante aus­si bien Jules César de Haen­del et le Roi Roger de Szy­manows­ki ou le Faus­tus de Busoni. Mais il a tou­jours gardé le besoin de con­sacr­er du temps au réc­i­tal de lieder.

Habitué à ses inter­pré­ta­tions de Mahler (notam­ment accom­pa­g­né par L. Bern­stein, sub­lime), nous l’entendons pour la pre­mière fois, avouon­sle, dans Schu­mann. Quel choc ! Hamp­son est con­stam­ment émou­vant, prenant à la gorge par la chaleur de sa voix et l’émotion qu’il com­mu­nique. Un rien sta­tique sur la scène, ce qui est sur­prenant pour un chanteur d’opéra, Thomas Hamp­son nous tient pour­tant en haleine con­stam­ment grâce à la fois à sa voix, sa pronon­ci­a­tion par­faite (aucune explo­sion de con­sonnes de tout le con­cert), sa présence et sa stature. Sans aucun maniérisme, Hamp­son inter­prète pro­fondé­ment ces lieder, avec par­fois une lenteur spec­tac­u­laire (Stille Trä­nen, ou encore les trois derniers Kern­er), très bien tenue et par­ti­c­ulière­ment émouvante.

Il faut avoir ce DVD pour réalis­er ce que voir un tel réc­i­tal apporte par rap­port à un sim­ple disque. Au-delà du con­fort évi­dent de dis­pos­er des sous-titres pour prof­iter de la poésie de ces auteurs roman­tiques, nous voyons comme au con­cert la com­mu­nion du bary­ton avec la salle et sa com­plic­ité avec le mag­nifique pianiste qui l’accompagne. Plus encore que pour un opéra ou un con­cert, un DVD de chant comme celui-ci peut don­ner l’illusion d’être au concert.

Les lieder de Schu­mann sont moins con­nus que ceux de Schu­bert (antérieurs d’une ving­taine d’années). Vous aurez com­pris qu’il s’agit pour­tant d’une part essen­tielle de son oeu­vre, à con­naître absol­u­ment, même si l’on n’est pas ger­manophone. En disque, l’anthologie réal­isée par Diet­rich Fis­ch­er-Dieskau (Deutsche Gram­mophon) fait référence depuis près de quar­ante ans, et l’on y revient régulière­ment avec émer­veille­ment. Mais en DVD c’est Thomas Hamp­son qui doit doré­na­vant nous guider, avec un pro­gramme idéal et une réal­i­sa­tion exemplaire.

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