Robert Saunal (40), un symbole de la Résistance

Dossier : ExpressionsMagazine N°648 Octobre 2009
Par Alexandre MOATTI (78)


Robert Saunal en avril 2007, por­tant sa croix de la Libération

Robert Saunal était admis­si­ble à l’É­cole nor­male et à Poly­tech­nique quand, quelques jours avant l’armistice, il décide de quit­ter Cler­mont-Fer­rand avec quelques amis, pour essay­er de con­tin­uer le com­bat. ” C’é­tait une déci­sion évi­dente ” nous dis­ait-il sou­vent : il avait d’ailleurs été éton­né que la guerre ne se pour­suiv­ît pas depuis l’Afrique du Nord. Arrivé en camion mil­i­taire à Saint-Jean-de-Luz, il embar­que le 21 juin 1940 sur le navire polon­ais Bato­ry, un des derniers navires à rejoin­dre l’Angleterre.

Formation des Français libres (1940)

Par­mi les 2 000 à 3 000 volon­taires de l’ar­mée de Terre enrôlés et for­més à Lon­dres, Saunal devient l’un des 20 aspi­rants d’ar­tillerie. En mai 1941, il rejoint le ser­vice du Chiffre à Braz­zav­ille, puis la Syrie où se con­stitue la 1re BFL (Brigade française libre) sous les ordres de Pierre Kœnig : il est un des aspi­rants du 1er rég­i­ment d’ar­tillerie. Les com­bats com­men­cent en jan­vi­er 1942, la 1re BFL est engagée aux côtés de la VII­Ie armée bri­tan­nique en Cyré­naïque autour de Tobrouk ; elle prend posi­tion à Bir Hakeim, à une cen­taine de kilo­mètres à l’in­térieur des ter­res au sud de Tobrouk, à l’est de la Libye, près de la fron­tière égyp­ti­enne. Le 26 mai 1942, cette posi­tion isolée tenue par les Français libres est attaquée par le gros de l’ar­mée de Rom­mel : l’en­jeu pour l’Afri­ka Korps, for­mé début 1941 en Libye pour soutenir les Ital­iens, était de rejoin­dre le canal de Suez, de maîtris­er celui-ci ain­si que les pos­ses­sions bri­tan­niques d’É­gypte et de Palestine.

Bir Hakeim et la 1re DFL (juin 1942)

Dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, lors de la fameuse sor­tie de la posi­tion de Bir Hakeim (des­tinée à quit­ter la nasse en sauvant le plus d’hommes et de matériel pos­si­ble), Saunal est blessé et cap­turé ; il se retrou­ve en févri­er 1943 dans un camp de 2 000 officiers pris­on­niers (dont 20 Français) dans les Abruzzes.

En août 1943, à la faveur du désor­dre et de l’in­cer­ti­tude créés en Ital­ie lors de la reprise en main du pays par les Alle­mands, il parvient à s’échap­per. Après s’être réfugié dans les mon­tagnes avec la com­plic­ité de berg­ers ital­iens, il tra­verse clan­des­tine­ment les lignes alle­man­des et rejoint la VII­Ie armée britannique.

Poly­tech­ni­ciens à Bir Hakeim

Plusieurs poly­tech­ni­ciens, officiers dans les « armes savantes » ; (artillerie pour la plu­part ; génie pour l’un d’eux) par­ticipent au siège de Bir Hakeim, du 26 mai au 11 juin 1942. Gérard Marsault (1912–2000, X 1932) et Paul Mor­lon (1912–1993, X 1933) firent par la suite, comme Saunal, les cam­pagnes d’I­tal­ie et de France avec la 1re DFL ; André Gravier (1911–2004, X 1931), cap­i­taine du génie, fut affec­té à la 2e DB après la 1re DFL. Tous trois furent faits com­pagnons de la Libéra­tion. Georges Bour­get (1914, mpF en 1942, X 1936), Charles Bricogne (1913 — mpF 1942, X 1932) et René Guf­flet (1911 — mpF 1942, X 1931) furent tués lors de la sor­tie du siège, dans la nuit du 10 au 11 juin. Les deux derniers sont com­pagnons de la Libéra­tion à titre posthume.
Le sac­ri­fice de nom­breux Français libres à Bir Hakeim ne fut pas inutile : la sor­tie du siège per­mit de sauver la plu­part des hommes et du matériel, et en fix­ant trois semaines le gros de l’Afri­ka Korps autour de ce réduit, les Français per­mirent à la VII­Ie armée bri­tan­nique de se recon­stituer et de stop­per la marche des Alle­mands lors des deux batailles d’El-Alamein (juil­let et octo­bre 1942).
 

L’épopée de la 1re DFL. De Lon­dres à Braz­zav­ille, flèch­es bleues à gauche (1940–1941) ; sa for­ma­tion en Syrie-Liban avec la VII­Ie armée bri­tan­nique ; les com­bats de Libye-Cyré­naïque dont Bir Hakeim ; la jonc­tion avec les Améri­cains en Tunisie en 1943, après le débar­que­ment améri­cain en Algérie ; la cam­pagne d’Italie 1943–1944 ; le débar­que­ment de Provence en août 1944 ; la libéra­tion de la France : le couloir rho­danien, l’Alsace puis les forts des Alpes.


Il y retrou­ve la BFL, dev­enue entre-temps 1re Divi­sion française libre, et par­ticipe avec celle-ci à la manœu­vre de con­tourne­ment du Monte Cassi­no, où les Alliés étaient à la peine depuis le début 1944 : c’est la bataille du Garigliano de mai 1944, où la 1re DFL, com­mandée par le général Diego Bros­set, ouvre la voie à la libéra­tion de Rome, qui a lieu le 4 juin 1944.

Robert Saunal par­ticipe avec sa divi­sion au débar­que­ment allié en Provence, il est le 16 août 1944 dans la baie de Cav­alaire (Var). Il par­ticipe à la libéra­tion de Lyon (3 sep­tem­bre), à la bataille de Belfort, aux com­bats en Alsace jusqu’en févri­er 1945. Son rég­i­ment, qui avait été rejoint par de nom­breux engagés volon­taires, souhaitait con­tin­uer en Alle­magne — comme le fera la 2e DB — mais est envoyé dans les Alpes pour chas­s­er les Alle­mands des forts qu’ils occu­paient encore : le lieu­tenant d’ar­tillerie Saunal y com­bat jusqu’à la capit­u­la­tion du 8 mai 1945.

Il était vice-prési­dent de l’Association X‑Résistance depuis sa création

Robert Saunal entre à Poly­tech­nique en sep­tem­bre 1945, un peu plus de cinq ans après son admis­si­bil­ité, et entre au corps des Mines d’outre-mer en 1947. Il sera affec­té à Mada­gas­car, au Camer­oun, en Nou­velle-Calé­donie dans le cadre du Bumifom (Bureau des mines de la France d’outre-mer, qui devien­dra le BRGM en 1959).

Il pour­suiv­ra sa car­rière dans le privé, au sein du groupe minier et sidérurgique Marine-Wen­del, comme prési­dent de la société des mines d’An­derny-Chevil­lon (mines de fer à Trieux, Meur­the-et-Moselle) de 1965 à 1976 et prési­dent-directeur général de la Sitram (Société com­mer­ciale et indus­trielle de trans­port et de manu­ten­tion) de 1965 à sa retraite en 1986.

Robert Saunal s’é­tait beau­coup investi, à sa manière dis­crète mais effi­cace, dans les activ­ités de mémoire de la Résis­tance. Il était vice-prési­dent de l’As­so­ci­a­tion X‑Résistance depuis sa créa­tion en 1997, ani­mant sou­vent les réu­nions en l’ab­sence du prési­dent ; il était tré­sori­er de la Société d’en­traide des com­pagnons de la Libéra­tion. Il avait con­signé ses sou­venirs dans un petit ouvrage que ses fils avaient pub­lié. Il laisse à tous la mémoire d’un homme char­mant, dis­cret mais décidé, tou­jours souri­ant. Les hon­neurs mil­i­taires lui ont été ren­dus au cours d’une messe à Saint-Louis des Invalides le 26 décem­bre 2008.

www.xresistance.info blog X‑Résistance (In memo­ri­am Robert Saunal).
 
Le par­cours d’un Français libre, R. Saunal, 2005

Commentaire

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roger nord­mannrépondre
2 avril 2012 à 15 h 08 min

en juil­let 1940 a Delville
en juil­let 1940 a Delville camp 24 taupins regroupés dans
une baraque ont choisi Robert Saunal dit Bob­by comme Z .

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