Alice Albizzati (X06) et Elina Berrebi (X06), cofondatrices de Revaia

L’ESG est clé pour faire émerger les champions technologiques durables

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°777 Septembre 2022
Par Alice ALBIZZATI (X06)
Par Elina BERREBI (X06)

L’ambition du fonds européen de « growth » Reva­ia est de devenir la référence dans l’investissement et l’innovation respon­s­able. Ren­con­tre avec Alice Albiz­za­ti (X06) et Eli­na Berre­bi (X06), cofon­da­tri­ces de Reva­ia.

Quel a été le contexte autour de la création de Revaia ? 

Reva­ia est une société d’investissement que nous avons cofondée en 2018 pour faire émerg­er d’Europe les futurs cham­pi­ons tech­nologiques mon­di­aux. Notre con­stat de départ était de dire que pour con­stru­ire les lead­ers de demain, il faut accom­pa­g­n­er des sociétés en forte crois­sance qui pren­nent en compte leur impact sur l’environnement et intè­grent la dura­bil­ité dans leur mis­sion et leur activité.

Nous avons ain­si créé Reva­ia sur la base de con­vic­tions fortes : l’écosystème d’investissement dans des sociétés tech­nologiques en Europe devient de plus en plus mature ; pour accom­pa­g­n­er des sociétés dans les phas­es de crois­sance en tant qu’investisseur, il faut avoir de la sophis­ti­ca­tion et une com­préhen­sion fine de ce qui se passe sur le marché de l’investissement ven­ture growth, à toutes les phas­es ; et l’ESG (Envi­ron­nement Social Gou­ver­nance) est un levi­er de créa­tion de valeur. L’entreprise compte aujourd’hui 16 per­son­nes en France et à l’international : des investis­seures, une équipe cor­po­rate et des oper­at­ing part­ners qui accom­pa­g­nent la société sur des thé­ma­tiques opéra­tionnelles telles que la com­mu­ni­ca­tion, la data, le développe­ment international…

A date, nous avons levé un pre­mier fonds de 250 mil­lions d’euros (Reva­ia Growth I) auprès d’une cen­taine d’investisseurs, à la fois des grandes insti­tu­tions finan­cières telles que Gen­er­ali, Allianz, MAIF Avenir, Bpifrance, mais aus­si des fam­i­ly offices et des investis­seurs individuels.

Aujourd’hui, notre pre­mier fonds est déployé. Nous avons donc lancé notre deux­ième généra­tion de fonds, tou­jours sur le même seg­ment growth, tech, Europe, avec un double­ment de la taille cible, soit 500 mil­lions d’euros, pour con­tin­uer à accom­pa­g­n­er l’émergence des cham­pi­ons tech­nologiques durables.

Votre fonds a la spécificité de financer uniquement en growth et d’accompagner l’ensemble de votre portefeuille vers une démarche de prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L’ESG est pour nous un élé­ment clé, et ce, sur toutes les étapes de nos proces­sus d’investissement et de créa­tion de valeur de notre porte­feuille. Notre démarche s’articule d’ailleurs autour de trois piliers : le busi­ness mod­el de la société, ses pra­tiques d’affaires et sa tra­jec­toire de trans­for­ma­tion. Nous étu­dions ces dimen­sions à l’aide d’une grille d’analyse dévelop­pée en interne dans le cadre d’une charte d’investissement respon­s­able dans la technologie.

Notre approche est général­iste. Nous avons con­stru­it pour notre pre­mier fonds un porte­feuille diver­si­fié de 12 sociétés, aux mod­èles d’affaires vertueux et ayant une gou­ver­nance sen­si­ble aux enjeux de mix­ité, de diver­sité et d’impact. Nous avons égale­ment pri­or­isé cer­taines thé­ma­tiques telles que l’éducation ou le cli­mat. Nous avons par exem­ple investi dans l’entreprise Deep­ki qui est une plate­forme de don­nées ESG pour le secteur de l’immobilier qui a pour voca­tion d’aider les acteurs de l’immobilier à mesur­er leurs don­nées ESG et à réduire leur impact environnemental.

Dans notre méthodolo­gie, nous met­tons les critères extra-financiers au même plan que les critères financiers. Nos due dili­gences com­pren­nent sys­té­ma­tique­ment une analyse ESG et de con­tri­bu­tion pos­i­tive appro­fondie, qui nous sert ensuite dans l’établissement des feuilles de route des prochaines pri­or­ités pour les sociétés que nous ciblons.

Nous aidons par la suite nos sociétés à s’engager dans des tra­jec­toires durables en nous appuyant sur l’échange et le dia­logue. Nous prenons par exem­ple des engage­ments au niveau des pactes d’actionnaires, pour aug­menter la diver­sité et l’inclusion, avoir des per­spec­tives de réduc­tion de l’empreinte car­bone, etc. Nous sommes d’ailleurs en train de créer une boîte à out­ils ESG pour les sociétés qui souhait­eraient se lancer dans des démarch­es comme devenir une B‑Corp par exemple.

Vous avez d’ailleurs fait le choix de vous inscrire dans une démarche pro-active en faveur de la promotion de la diversité. Comment cela se traduit-il concrètement ?

Nous nous sommes ren­con­trées il y a 16 ans à l’École poly­tech­nique, et nous avons toutes les deux évolué dans le secteur de l’investissement, du pri­vate equi­ty, puis de l’investissement de crois­sance, et ce, dans des insti­tu­tions publiques ou des sociétés privées.

En lançant Reva­ia en 2018, et en lev­ant notre pre­mier fonds de 250 mil­lions d’euros, nous sommes devenus le plus gros fonds de growth tech en Europe lancé par des femmes.

Nous opérons aujourd’hui dans des secteurs qui sont encore peu fémin­isés (ven­ture, investisse­ment, tech­nolo­gie…). Il ne s’agit pas pour nous d’être un fonds qui cible unique­ment les femmes, mais plutôt d’avoir une approche qui promeut la diver­sité au ser­vice d’une meilleure performance.

Nous sommes aus­si con­va­in­cus de la néces­sité de don­ner l’exemple au sein de notre société de ges­tion, et qu’il faut com­mencer par met­tre en place les meilleures pra­tiques en interne pour embar­quer nos entre­pris­es dans cet engage­ment… Quant aux investisse­ments, nous con­sta­tons que, sur le marché que nous ciblons, les femmes ne sont pas suff­isam­ment représen­tées dans des postes de direc­tion. Nous faisons dans ce cadre un sourc­ing proac­t­if où nous pri­or­isons les sociétés dirigées par des équipes mixtes, et ensuite nous nous intéres­sons à la diver­sité au sein des organ­ismes de gou­ver­nance de nos sociétés et au sein des équipes dirigeantes. Nous mesurons l’état de l’art et les encour­a­geons, via des for­ma­tions sur les biais cog­ni­tifs ou des échanges de bonnes pra­tiques, à aug­menter le niveau de diversité.

Au-delà, quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent aujourd’hui ?

Nous avons eu la chance de con­stru­ire un porte­feuille d’une très grande qual­ité et d’investir dans des sociétés de divers­es matu­rités de crois­sance. Nous nous intéres­sons aux sociétés qui ont déjà trou­vé leur mod­èle d’affaires, qui génèrent au moins 5 mil­lions d’euros de revenus récur­rents et qui sont dans des tra­jec­toires d’hypercroissance. Nous investis­sons en equi­ty des mon­tants entre 10 et 30 mil­lions d’euros dans des tours qui vont de la série B jusqu’à la pré-intro­duc­tion en bourse.

Nous avons dans ce cadre investi dans des sociétés partout dans le monde, dans les prin­ci­paux pays de la tech­nolo­gie comme la France, le Roy­aume-Uni, les États-Unis… Nous avons un porte­feuille résol­u­ment inter­na­tion­al qui nous per­met de sélec­tion­ner les sociétés les plus promet­teuses de notre écosystème.

Nous avons une approche de créa­tion de valeur, et accom­pa­gnons les entre­pris­es à dif­férents stades de matu­rité, sur toutes leurs thé­ma­tiques : M&A, con­struc­tion de tra­jec­toire inter­na­tionale, pré-intro­duc­tion en bourse, développe­ment durable… Actuelle­ment, alors que le marché est assez chahuté et que le con­texte macroé­conomique reste assez com­plexe avec la crise san­i­taire, le con­flit rus­so-ukrainien, la crise de la sup­ply chain, nous con­sta­tons que notre mod­èle d’investisseur de crois­sance respon­s­able porté sur les lead­ers de demain, a encore plus de sens et que ce posi­tion­nement est d’autant plus pertinent. 

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