RÉCITAL RENÉE FLEMING À BERLIN

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°665 Mai 2011Par : Puccini, Strauss, Dvorak... Orchestre Philharmonique de Berlin, direction Ion MarinRédacteur : Marc Darmon (83)

Coffret du DVD De Renée FlemmingRenée Flem­ing est une des plus grandes chanteuses actuelles. Améri­caine éclec­tique, qui n’hésite pas à chanter du jazz ou de la comédie musi­cale (elle chante en lan­gage elfe dans Le Seigneur des anneaux), elle est avant tout spé­cial­iste des réper­toires straussien et mozar­tien. Elle rap­pelle, par sa voix, sa pureté, son tim­bre, et son réper­toire, la grande Elis­a­beth Schwarzkopf. Pour ceux qui n’ont pas encore vu Le Cheva­lier à la rose de Strauss, com­men­té ici en 2010 (1 DVD DECCA), qu’elle irra­di­ait de sa beauté, ce DVD réc­i­tal, qui existe aus­si en Blu-ray avec une image d’une inimag­in­able per­fec­tion, sera une excel­lente introduction.

Le pro­gramme tout d’abord est superbe. À côté de trois tubes de Puc­ci­ni (Mimi, Liu, Lau­ret­ta), l’Air à la lune de Rusal­ka de Dvo­rak, où elle fait référence, puis du Korn­gold, du Leon­cav­al­lo. Et surtout, toute la scène finale de Capric­cio de Strauss, un som­met de l’opéra. Mal­gré la péri­ode trou­ble de com­po­si­tion de cet opéra (1942), Capric­cio est con­sid­éré comme une oeu­vre emblé­ma­tique de Richard Strauss : par son thème tout d’abord, l’éternel débat autour de l’opéra sur la préséance ou non de la musique sur la parole (pri­ma la paro­la, e più la musi­ca), débat qui hante toute l’approche opéra­tique de Strauss, débat bien futile à une époque où l’Allemagne phare artis­tique et philosophique avait som­bré dans l’horreur. Emblé­ma­tique aus­si par cette dernière scène, où la sopra­no reste en scène vingt min­utes accom­pa­g­née d’une musique sub­lime, pour exprimer, comme à la fin du Cheva­lier à la rose, sa nos­tal­gie d’une époque révolue.

L’interprétation de l’ensemble, on s’en doute, est superla­tive. La voix de la sopra­no est à la fois chaude et bril­lante, et elle est très émou­vante et sen­suelle. La pronon­ci­a­tion est bien sûr plus naturelle en alle­mand qu’en ital­ien, mais on retrou­ve chaque fois l’atmosphère dif­férente de cha­cun des opéras, la tragédie de cha­cune des héroïnes. Enreg­istré en plein air, à la Wald­bühne, ce con­cert est donc sonorisé. Cela per­met à Renée Flem­ing de ne jamais forcer sa voix, de don­ner une impres­sion de facil­ité et de sou­vent à peine ouvrir la bouche pour émet­tre les sons pour­tant les plus émouvants.
Comme dans tout réc­i­tal, les airs sont alternés avec des morceaux pure­ment orches­traux qui per­me­t­tent à la chanteuse de faire repos­er sa voix. Ici les pièces orches­trales ne sont pas du tout des bouche-trous, jugez plutôt : Une nuit sur le Mont Chauve, l’ouverture de Rien­zi de Wag­n­er, Roméo et Juli­ette de Tchaïkovs­ki. Et tout ça par le Phil­har­monique de Berlin ! Le chef Ion Marin est excel­lent et très effi­cace, tout à fait au niveau musi­cal de la soliste.

Ajou­tons un mot sur l’image, excep­tion­nelle, sans doute mon plus beau disque de ce point de vue. Au-delà de la réelle beauté de l’artiste, mag­nifiée par trois superbes robes de soirée de couleurs dif­férentes au cours du réc­i­tal, et de l’élégance du lieu, scène d’été en plein air du Phil­har­monique de Berlin, dont les lumières changent tout au long du spec­ta­cle qui débute avant la tombée de la nuit, la qual­ité de l’image haute déf­i­ni­tion est pro­pre­ment impressionnante.

À tout point de vue, un Blu-ray de démonstration.

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