Promouvoir la transformation

Dossier : Les Challenges de la crise : conjuguer performance et croissanceMagazine N°668 Octobre 2011
Par Nicolas NAEGELEN (80)
Par Ana GARCIA (05)

REPÈRES
Se trans­former fait aujour­d’hui par­tie du quo­ti­di­en des entre­pris­es et de leur man­age­ment. Ce qui était, il y a trente ans, une opéra­tion rare menée par l’en­tre­prise avec une cer­taine solen­nité est aujour­d’hui un levi­er qua­si sys­té­ma­tique de la stratégie, que ce soit au niveau de l’en­tre­prise, d’une fil­iale ou d’une division.

Les enjeux en matière de trans­for­ma­tion des entre­pris­es ont fait croître les niveaux d’am­bi­tion et d’ex­i­gence. La fréquence des pro­grammes s’est donc accrue pen­dant qu’en par­al­lèle la durée visée pour obtenir les résul­tats se réduisait.

La crise de 2009 a accen­tué à la fois le stress et le fatalisme

Pour autant, on n’ob­serve pas que la banal­i­sa­tion de la démarche de trans­for­ma­tion se soit accom­pa­g­née d’une hausse sig­ni­fica­tive de la matu­rité dans la con­duite des chantiers et ni d’une amélio­ra­tion du taux d’at­teinte de la cible. Quelle que soit l’or­gan­i­sa­tion de l’en­tre­prise, à par­tir d’une cer­taine taille (au-delà de quelques mil­liers de per­son­nes), les rôles se dis­tribuent et le lien au pro­jet de trans­for­ma­tion se dif­féren­cie fortement.

Un groupe resserré autour de la direction

Dans une pre­mière approche, l’équipe de pro­gramme con­sti­tuée d’un groupe resser­ré autour de la direc­tion arrête les objec­tifs, conçoit la tra­jec­toire, ani­me les chantiers. Son lien au pro­gramme est intense avec, pour la direc­tion, un sen­ti­ment de pro­priété des résul­tats visés, et pour l’équipe de pro­gramme, une per­cep­tion de ce dernier comme un vecteur d’évo­lu­tion en cas de réussite.

La responsabilité des opérationnels

Dans une autre approche, les man­agers opéra­tionnels, en charge d’en­tités, busi­ness units, etc., sont en charge du déploiement des change­ments visés et de l’ob­ten­tion effec­tive et dans la durée des résul­tats atten­dus. Ils déti­en­nent l’ex­per­tise dans les activ­ités qu’ils diri­gent et sont ceux qui assurent la per­for­mance opéra­tionnelle de leur entité. C’est ce dernier point qui fait d’eux la clef essen­tielle pour obtenir les résul­tats du pro­gramme, tant par leur capac­ité à mobilis­er leurs équipes que par leur apti­tude à adapter les trans­for­ma­tions visées pour les ren­dre effi­caces. Dans leur cas, le chantier de déploiement vient se super­pos­er à leurs respon­s­abil­ités opéra­tionnelles sans néces­saire­ment con­tribuer à leurs objec­tifs personnels.

Une simple application

Enfin, les équipes opéra­tionnelles sont chargées d’ap­pli­quer les change­ments. Leur par­tic­i­pa­tion active est absol­u­ment néces­saire, et donc leur moti­va­tion. Très sou­vent, leur lien avec la stratégie se réduit à la péren­nité de leur poste et à leur évo­lu­tion salar­i­ale. Ce point s’est aggravé avec la crise de 2009, qui a accen­tué à la fois stress et fatal­isme. Elle a accru le besoin d’en­traîne­ment pour réus­sir le change­ment. Le sen­ti­ment de fragilité des entre­pris­es, et par­ti­c­ulière­ment celui des opéra­tions situées en Europe, s’est net­te­ment accen­tué ces deux dernières années.

La situation du diabolo

Un sen­ti­ment dif­fus d’impuissance
Le baromètre du moral des salariés, selon une étude Ipsos-Log­i­ca Busi­ness Con­sult­ing de févri­er 2011, mon­tre que, dans les entre­pris­es de plus de 1000 salariés, le ” stress” est passé en pre­mière posi­tion (cité par 41%) devant la moti­va­tion (citée par 36 %), la sat­is­fac­tion et l’in­quié­tude (citées par 26% et 25%). Dans la même étude, 43% des salariés perçoivent leur direc­tion comme préser­vant les résul­tats de l’en­tre­prise au détri­ment de l’emploi. Ces chiffres retraduisent assez bien ce que l’on observe sur le ter­rain. D’une part, la per­cep­tion d’un écart entre objec­tifs de la direc­tion et péren­nité des salariés dans leur entre­prise. D’autre part, un sen­ti­ment dif­fus d’im­puis­sance à éviter que com­péti­tiv­ité ne rime avec dis­pari­tion des emplois sur les sites européens.

Dans ce con­texte, tout change­ment demande plus d’én­ergie d’en­traîne­ment. À nou­veau, cette énergie vient du man­age­ment des entités opéra­tionnelles. Les man­agers opéra­tionnels sont en sit­u­a­tion de ” dia­bo­lo “. Ils sont asso­ciés à la stratégie, sinon à sa déf­i­ni­tion, et par­al­lèle­ment ce sont eux qui diri­gent l’exé­cu­tion des opéra­tions. Comme indiqué plus haut, ils sont le point focal de tout ce que décide l’en­tre­prise. Qu’il s’agisse de direc­tives à court terme (régle­men­ta­tion, intro­duc­tion de nou­veaux pro­duits, amélio­ra­tion du cash, etc.) ou de change­ments plus pro­fonds visés par un pro­jet, la mise en oeu­vre passe par eux. Mieux, c’est de leur excel­lence que dépen­dra l’at­teinte de la cible. Ces dif­férents plans super­posent leurs exi­gences, cha­cune est urgente et impor­tante. Elles ont sur les man­agers qui en sont l’ob­jet un effet anesthésiant dans le meilleur des cas, et dévelop­pent, dans le pire, fatal­isme et sen­ti­ment d’usure. La ques­tion sub­séquente est celle de la pri­or­i­sa­tion : la con­tri­bu­tion aux plans de trans­for­ma­tion est-elle bien le coeur de pri­or­ité de ces managers ?

Partager une aventure exaltante

Il y a plusieurs voies en ce sens. L’ap­proche de Log­i­ca Busi­ness Con­sult­ing, par exem­ple, est de dévelop­per la marge de manoeu­vre des man­agers à l’in­térieur du pro­jet de trans­for­ma­tion. Les solu­tions sont à con­stru­ire avec les man­agers comme par­tie inté­grante du pro­jet, et cela sur des cycles courts, dans une approche agile de la trans­for­ma­tion : il s’ag­it de con­stru­ire avec les man­agers opéra­tionnels une tra­jec­toire faite d’une suc­ces­sion de ” gains ” vis­i­bles plutôt que d’adopter une démarche de type big bang précédée d’un long effet tun­nel pen­dant lequel seule l’équipe pro­gramme est à la manoeu­vre. Les solu­tions “toutes faites ” enrichissent les phas­es ini­tiales de bench­mark et de con­cep­tion. En revanche, leur appli­ca­tion dans les phas­es d’élab­o­ra­tion de la solu­tion puis de déploiement prive le pro­jet d’un ses moteurs essen­tiels : invent­ed here (avoir été con­stru­it ici).

Une approche d’innovation

Dévelop­per l’ap­pro­pri­a­tion de la ” cible” par les managers

Ce qui est stig­ma­tisé en matière d’in­dus­tri­al­i­sa­tion est à utilis­er pour assur­er la bonne adap­ta­tion des solu­tions choisies à l’ac­tiv­ité que l’on trans­forme et dévelop­per l’ap­pro­pri­a­tion de la cible par les man­agers. En la matière, la tech­nolo­gie a un rôle essen­tiel à jouer, et cela sur plusieurs plans. Dans l’élab­o­ra­tion de la solu­tion d’abord. Nous sommes loin de sat­ur­er les capac­ités des sys­tèmes col­lab­o­rat­ifs. Par oppo­si­tion à l’au­toma­ti­sa­tion de trans­ac­tions, ces sys­tèmes offrent une grande richesse de pos­si­bil­ités dans l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail. Une approche d’in­no­va­tion dans l’usage per­met de bâtir la solu­tion à des objec­tifs de pro­duc­tiv­ité ou de flex­i­bil­ité. Dans la façon de con­duire la trans­for­ma­tion ensuite. La tech­nolo­gie a changé la façon de tra­vailler en groupe. Elle donne la capac­ité col­lec­tive de résoudre les prob­lèmes rencontrés.

La génération Y en catalyseur ?

Dans toutes les entre­pris­es, un cer­tain nom­bre de man­agers appar­ti­en­nent à la ” généra­tion Y”. Ils sont embar­qués comme leurs aînés dans des pro­jets de trans­for­ma­tion. Réagis­sent-ils dif­férem­ment ? En quoi des traits comme l’im­pa­tience, l’in­ter­ac­tiv­ité, une grande aisance à absorber l’in­for­ma­tion, un goût mar­qué pour le fonc­tion­nement en réseau et l’adop­tion intu­itive de la tech­nolo­gie peu­vent-ils con­tribuer à la dynamique d’un pro­jet de transformation ?

Une part de ce por­trait décrit sans doute chaque généra­tion. En revanche, la généra­tion qui a gran­di avec Face­book se dis­tingue très net­te­ment en matière de partage de l’in­for­ma­tion et d’échange au fil de l’eau. Elle a inté­gré des com­porte­ments et des savoir-faire pro­pres. Bien employée, sa par­tic­i­pa­tion à des chantiers de trans­for­ma­tion con­stitue un catal­y­seur pour sor­tir du fonc­tion­nement en silo et dévelop­per un fonc­tion­nement en réseau dans le projet.

Autant de paramètres qui con­tribuent à la com­posante d’hu­man­ité du pro­jet et au sen­ti­ment de partager une aven­ture exaltante.

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