Pour un impôt français compétitif

Dossier : Fiscalité : les nouvelles formulesMagazine N°687 Septembre 2013
Par Michel CICUREL

La com­péti­tiv­ité française est un enjeu majeur, non seule­ment pour la France, mais aus­si pour l’Europe et pour le monde. La diver­gence économique fran­co-alle­mande est la prin­ci­pale men­ace pour la survie de l’euro. La France et l’Allemagne, qui réalisent ensem­ble la moitié de la créa­tion de richess­es de la zone euro, peu­vent maîtris­er toutes les faib­less­es périphériques de l’Union moné­taire. C’est à recon­stru­ire une con­ver­gence que doivent s’atteler les deux pays. La voie passe notam­ment par la fiscalité.

REPÈRES
La tax­a­tion des seuls revenus du cap­i­tal est en France, après Chypre et l’Italie, l’une des plus élevées des pays européens. Depuis trois ans, le taux implicite (recettes fis­cales cumulées) de tax­a­tion des revenus du cap­i­tal s’est accru en France quand il rec­u­lait dans le même temps dans tous les autres pays européens. En s’inscrivant à 24,3 % en 2011, ce taux est supérieur de 6 points à celui observé en Alle­magne. En ajoutant à ces prélève­ments ceux qui frap­pent le pat­ri­moine, le taux implicite de tax­a­tion du cap­i­tal monte à 44,4 %, ce qui place la France au pre­mier rang européen, devant le Roy­aume-Uni avec 34,9%.

Le coût de la complexité

L’économie française se sin­gu­larise par le niveau et la struc­ture de sa fis­cal­ité. Ce poids élevé tient à notre choix col­lec­tif de lui assign­er un nom­bre extrav­a­gant d’objectifs, oubliant le théorème de Tin­ber­gen qui souligne qu’il ne faut assign­er qu’un seul objec­tif à chaque instru­ment de poli­tique économique.

La règle de Tinbergen
Jan Tin­ber­gen (1903–1994) est un écon­o­miste néer­landais qui a énon­cé en 1952 la règle selon laque­lle « tout objec­tif économique énon­cé par un État doit être suivi de la poli­tique per­me­t­tant de l’atteindre, le nom­bre d’instruments économiques mis en œuvre étant égal au nom­bre d’objectifs ».

En principe, l’objectif unique de l’impôt devrait être de lever la ressource pour financer la dépense publique.

Que l’impôt soit juste est évidem­ment une con­trainte pour éviter la jacquerie fis­cale. Qu’il soit sim­ple devrait être une exi­gence de bon sens. Or il ne l’est pas. En témoigne le coût de col­lecte de l’impôt en France, qui atteint 1,31% du PIB, con­tre 0,99 % en Europe, et 0,79 % en Alle­magne (un sur­coût d’un demi-point de PIB, soit 10 mil­liards d’euros).

Pour mesur­er le coût total de la com­plex­ité, il faudrait ajouter la charge assumée par les agents économiques, qui est à l’évidence exor­bi­tante, en ter­mes moné­taires et en degré d’acceptation de l’impôt.

Un poids démesuré

L’objectif unique de l’impôt devrait être de financer la dépense publique

Que l’impôt soit neu­tre et sta­ble per­me­t­trait à l’ensemble des agents économiques de gér­er leurs antic­i­pa­tions et leurs straté­gies de façon opti­male. Or, les effets per­vers et l’instabilité du sys­tème de prélève­ments oblig­a­toires en France con­finent à la caricature.

Toutes ces inef­fi­ciences du sys­tème français seraient de sec­ond ordre si elles n’étaient grave­ment poten­tial­isées par le prin­ci­pal défaut de notre impôt : son poids démesuré.

Une sur­charge pondérale
La sur­charge pondérale de l’impôt en France est symétrique à celle de la dépense publique. L’écart avec l’Allemagne est de 11 points de PIB (220 mil­liards d’euros) en matière de dépense publique, et de « seule­ment » 6 points en ter­mes d’impôts, mais avec une tra­jec­toire des prélève­ments oblig­a­toires qui aura « gag­né » 2,9 points de PIB en France depuis 2007. Out­re-Rhin, ils n’auront pro­gressé « que » de 0,9 point de PIB dans l’intervalle.

Avec env­i­ron la moitié de l’économie con­fisquée par la dépense publique et l’impôt, l’objectif de neu­tral­ité devient un songe. Cela fait longtemps que les pou­voirs publics en France ont dévelop­pé l’interventionnisme économique à tra­vers les modal­ités byzan­tines du dis­posi­tif fiscal.

Pour­tant, notre pays avait inven­té un bijou de neu­tral­ité fis­cale avec la TVA, qui est cer­taine­ment le plus bril­lant pro­duit d’exportation française. Aujourd’hui, l’impôt écras­ant est tout sauf neu­tre. La réduc­tion de la dépense publique et celle de l’impôt, lorsque le déficit aura été comblé, est une urgence absolue. Le pre­mier obsta­cle à la com­péti­tiv­ité et la crois­sance français­es est le poids de l’ensemble État, col­lec­tiv­ités locales, Sécu­rité sociale, entre­pris­es publiques.

La résis­tance nationale à la baisse de la dépense publique fait repos­er l’essentiel de l’allégement du fardeau sur l’accélération du rythme de crois­sance. C’est-à-dire, dans une économie ouverte comme la nôtre, le ren­force­ment de la compétitivité.

Transférer la fiscalité

Ne retenons que deux impérat­ifs majeurs pour un impôt français compétitif.

La réduc­tion de l’impôt est une urgence absolue

Le pre­mier con­cerne l’équilibre offre-demande. Il repose sur un principe sim­ple : il faut prélever le résul­tat une fois obtenu, au lieu de frein­er la for­ma­tion de ce même résul­tat par une kyrielle de prélève­ments frap­pant les fac­teurs de production.

Depuis plusieurs décen­nies, la France, pour soutenir la con­som­ma­tion, a com­pen­sé la baisse des revenus du tra­vail par une aug­men­ta­tion des revenus de trans­fert. C’est la « préférence française pour le chômage ».

Moins de…
Com­ment inve­stir et innover ? Les out­ils du trans­fert sont par­faite­ment réper­toriés : trans­fert de charges pesant sur les salaires vers la fis­cal­ité des ménages (TVA ou CSG), et baisse de l’imposition des béné­fices (au moins les béné­fices réin­vestis) dont le taux plein pèse unique­ment sur les PME, créa­tri­ces d’emplois.
L’idéal pour nos entre­pris­es : moins de règles, moins de prélève­ments, moins d’aides.

La réduc­tion du temps de tra­vail a aggravé ce qui est la pente naturelle de tous les pays avancés : vieil­lisse­ment et perte de parts de marché à l’égard des pays émergents.

Il est essen­tiel et urgent d’inverser la ten­dance. Cela passe par un trans­fert de fis­cal­ité du cap­i­tal, pour laque­lle l’exception française est écla­tante, vers la con­som­ma­tion, soit un trans­fert du fardeau fis­cal des entre­pris­es sur­chargées vers les ménages pour per­me­t­tre aux pre­mières d’accroître pro­gres­sive­ment les revenus du tra­vail. Un seul chiffre : la marge des entre­pris­es français­es a bais­sé à 27,9% con­tre 40% pour leurs con­cur­rentes allemandes.

Diriger l’épargne vers l’entreprise

Le deux­ième impératif intéresse la fis­cal­ité de l’épargne. Il est à crain­dre que le finance­ment des entre­pris­es européennes, et surtout français­es, ne devi­enne un souci majeur. Les nou­velles régle­men­ta­tions ban­caires pénalisent bien plus grave­ment les ban­ques d’investissement de ce côté-ci de l’Atlantique, parce que les marchés finan­cent les trois quarts de l’économie out­re-Atlan­tique au lieu d’un quart en Europe. Les entre­pris­es français­es en peine d’autofinancement sont évidem­ment en pre­mière ligne de souf­france. Il faut donc diriger l’épargne des ménages vers l’investissement des entreprises.

Or, la fis­cal­ité de l’épargne, en France, priv­ilégie le liq­uide et le sans-risque, alors qu’il faudrait encour­ager forte­ment le long et le risque. Pour canalis­er l’épargne vers l’investissement pro­duc­tif, il faut cess­er de vouloir frap­per les rich­es, seuls capa­bles d’immobiliser sur le long terme des cap­i­taux à risque. Au lieu d’interdire aux ménages aisés l’accès aux fonds en euros, il faut faire un geste fis­cal, encour­ageant la prise de risque.

Commentaire

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Anonymerépondre
17 septembre 2013 à 14 h 42 min

Arti­cle com­plète­ment
Arti­cle com­plète­ment inar­gu­men­té et vide.
Sans par­ler de la con­clu­sion désolante : il faut moins tax­er les rich­es et plus les pauvres.
C’est sûr qu’il fal­lait faire l’X pour inven­ter ça !

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