Pour un aménagement durable

Dossier : ExpressionsMagazine N°641 Janvier 2009Par Bertrand MÉARY (62)

L’ac­tion de l’Ad­min­is­tra­tion de l’Équipement, surtout con­nue à tra­vers ses Direc­tions départe­men­tales (DDE), se focalise autour de deux presta­tions ” vis­i­bles ” : l’en­tre­tien du réseau routi­er et la ges­tion des autori­sa­tions d’ap­pli­ca­tion du droit des sols autrement dit l’in­struc­tion des deman­des de per­mis de con­stru­ire et de cer­ti­fi­cats d’urbanisme.

Les effec­tifs dédiés à la ges­tion routière étaient de près de 50 000 agents, bien qu’ayant con­nu une très forte diminu­tion depuis le début des années qua­tre-vingt, diminu­tion nor­male compte tenu de l’amélio­ra­tion de la pro­duc­tiv­ité de ce type de tâch­es, mais dif­fi­cile à gér­er socialement.

Le transfert aux départements du réseau national d’intérêt local

Jusqu’à la mise en oeu­vre de la loi du 13 août 2004 (loi LRL), c’est-à-dire jusqu’en 2007, les ser­vices de l’équipement géraient près de 400 000 kilo­mètres de voirie dont un peu moins de 30 000 pour le compte de leur employeur insti­tu­tion­nel l’É­tat et le reste pour celui des départe­ments. Les camion­nettes orange de la DDE étaient le signe vis­i­ble de ce ser­vice pub­lic ” multi-employeurs “.

Les ser­vices départe­men­taux de l’État sont main­tenant déchargés de toute tâche de ges­tion routière 

La loi LRL a fait éclater la fic­tion qui fai­sait des DDE (et par con­séquent de l’É­tat) le respon­s­able général de la qual­ité de la ges­tion du réseau routi­er alors que la plus grande par­tie des déci­sions, notam­ment budgé­taires, était prise par des assem­blées locales. Pour ce faire elle a posé deux principes :

• le plus vis­i­ble a été le trans­fert aux départe­ments du réseau nation­al d’in­térêt local soit (après les inévita­bles négo­ci­a­tions) un peu moins des deux tiers des 30 000 kilo­mètres de route nationale non concédée ;

• le plus impor­tant a été la fin du régime de ” mise à dis­po­si­tion ” des DDE auprès des départe­ments avec le trans­fert à ces derniers d’un peu moins des 30 000 agents qui oeu­vraient à la ges­tion du réseau départe­men­tal ancien ou nouveau.

Cette réforme des ser­vices routiers sera com­plète lorsque les ” parcs départe­men­taux de l’équipement ” auront, comme il est prévu, été partagés entre les col­lec­tiv­ités qui les emploient réelle­ment et par con­séquent plus des deux tiers de leurs effec­tifs trans­férés aux départements.

Les ser­vices départe­men­taux de l’É­tat, qui por­tent tou­jours dans la grande majorité des départe­ments le nom de DDE, sont donc main­tenant déchargés de toute tâche de ges­tion routière.

Que peut espér­er le citoyen con­tribuable de ces mod­i­fi­ca­tions ? En ce qui con­cerne le réseau routi­er nation­al con­servé, cer­taine­ment la pour­suite de l’amélio­ra­tion de la pro­duc­tiv­ité des ser­vices. Toute­fois, cette amélio­ra­tion est lim­itée par le fait que les effec­tifs sont de plus en plus dimen­sion­nés pour les inter­ven­tions en cas d’ur­gence (ser­vice hiver­nal en par­ti­c­uli­er) et par les con­traintes des règles sociales sur le temps de travail.

En ce qui con­cerne la ges­tion du réseau des col­lec­tiv­ités locales on peut espér­er (c’est la base de la démoc­ra­tie locale) que les déci­sions d’ar­bi­trage entre la qual­ité de ser­vice et les prélève­ments financiers sur les con­tribuables seront plus éclairées qu’elles ne l’é­taient dans les mécan­ismes un peu aveu­gles de répar­ti­tion des crédits de l’É­tat et surtout de ses moyens en personnel.

Des économies d’échelle pour la gestion de l’occupation des sols

L’autre sujet pour lequel les citoyens de base ont des con­tacts avec les DDE est celui de la ges­tion des autori­sa­tions d’urbanisme.

L’existence des DDE pal­lie en par­tie les incon­vénients du trop grand nom­bre de col­lec­tiv­ités locales 

Là aus­si le lég­is­la­teur de la pre­mière décen­tral­i­sa­tion a créé des sit­u­a­tions quelque peu ambiguës. Il a con­fié la respon­s­abil­ité des autori­sa­tions de con­stru­ire aux maires tout en main­tenant une forte inter­ven­tion de l’É­tat à tra­vers le con­trôle de légal­ité et divers­es lég­is­la­tions (plus pro­tec­tri­ces d’ailleurs de l’en­vi­ron­nement qu’inci­ta­tri­ces au développe­ment). Il a surtout posé le principe du droit pour les maires de faire appel gra­tu­ite­ment aux ser­vices des DDE pour l’in­struc­tion des deman­des d’au­tori­sa­tion. Beau­coup de maires ont vu dans cette pos­si­bil­ité non seule­ment une économie finan­cière (c’é­tait le but de la mesure) mais aus­si une pos­si­bil­ité de faire reporter sur d’autres les déci­sions les plus déli­cates et notam­ment les refus. Divers textes lég­is­lat­ifs suc­ces­sifs, le dernier étant la loi LRL elle-même, ont pro­gres­sive­ment réduit la pos­si­bil­ité de faire appel aux DDE pour toutes les com­munes d’une cer­taine impor­tance, mais l’émi­et­te­ment com­mu­nal français et les com­pé­tences qui restent à l’É­tat font que ce sont actuelle­ment près de la moitié des actes d’ur­ban­isme qui sont instru­its par les agents des DDE.

Ce dis­posi­tif intel­lectuelle­ment bizarre puisqu’il com­bine une respon­s­abil­ité poli­tique du maire et un tra­vail fait par des fonc­tion­naires de l’É­tat peut s’ex­pli­quer parce que l’in­struc­tion d’une autori­sa­tion d’ur­ban­isme n’est que la mise en oeu­vre de déci­sions antérieure­ment pris­es lors de l’élab­o­ra­tion de doc­u­ments généraux que sont les actuels PLU (Plan local d’ur­ban­isme) ou les anciens POS (Plan d’oc­cu­pa­tion des sols). En tout cas, il per­met des économies d’échelle et la pro­duc­tiv­ité des ser­vices de l’É­tat (en actes par agent) est net­te­ment supérieure à ce qu’on peut con­stater en moyenne dans les collectivités.

En matière d’ap­pli­ca­tion du droit des sols, comme dans d’autres domaines, l’ex­is­tence des DDE sur le ter­rain pal­lie donc en par­tie les incon­vénients du trop grand nom­bre de col­lec­tiv­ités locales français­es. Est-ce un bien ou un mal ?

Les presta­tions de ser­vices aux communes
Si les citoyens ordi­naires voient les DDE à tra­vers la ges­tion de réseaux routiers, l’in­struc­tion des per­mis de con­stru­ire et la mise en oeu­vre des poli­tiques nationales d’ur­ban­isme et de loge­ment, il est par con­tre une part de leur activ­ité que con­nais­sent seuls les élus, surtout ruraux, c’est la four­ni­ture aux com­munes de presta­tions techniques.
Ces activ­ités de maîtrise d’œu­vre, de con­duite d’opéra­tion ou de sim­ple con­seil ponctuel présen­tent un très grand intérêt pour des col­lec­tiv­ités de petite taille, ne pou­vant avoir de ser­vices tech­niques pro­pres et répug­nant à la ” tutelle ” d’une inter­com­mu­nal­ité. Cette for­mule est d’au­tant plus attrayante que les presta­tions sont fournies par un réseau de prox­im­ité et, glob­ale­ment peu chères, ce qui veut d’ailleurs dire qu’il y a bien sou­vent une aide cachée du con­tribuable nation­al au fonc­tion­nement de ces petites communes.
Le main­tien à moyen terme de ce type d’in­ter­ven­tions pose néan­moins ques­tion dans un con­texte économique général où l’É­tat recen­tre son action sur les enjeux de niveau nation­al. De plus l’a­ban­don par les DDE de la ges­tion des réseaux routiers sup­prime la syn­ergie entre cette ges­tion et les presta­tions aux com­munes, l’une et l’autre néces­si­tant un réseau dense (et par con­séquent coû­teux) d’im­plan­ta­tion sur le terrain.
Le retrait de l’É­tat des presta­tions aux com­munes appa­raît inévitable mais doit se faire de façon pro­gres­sive aus­si bien vis-à-vis des élus que des per­son­nels qui les fournissent.

La gestion des politiques de l’habitat

Même si elle est moins vis­i­ble pour les usagers indi­vidu­els la ges­tion pour le compte de l’É­tat, en dia­logue avec les col­lec­tiv­ités locales, des poli­tiques d’aide à la créa­tion de loge­ments, notam­ment soci­aux, est un des rôles essen­tiels des DDE d’aujourd’hui.

Les freins de toute nature à la créa­tion d’une offre suff­isante de loge­ments pou­vant accueil­lir les plus faibles mais aus­si de loge­ments tout court sont en effet tels que l’É­tat est bien sou­vent le seul à pou­voir pren­dre en charge les arbi­trages néces­saires. La ges­tion con­jointe de la par­tic­i­pa­tion de l’É­tat aux poli­tiques de développe­ment urbain et des inter­ven­tions finan­cières pour la créa­tion de loge­ments soci­aux est donc au coeur du méti­er du ser­vice tech­nique de l’É­tat en charge de l’amé­nage­ment durable des ter­ri­toires. On peut prévoir et espér­er que des inter­com­mu­nal­ités larges et fortes vien­nent dans ce domaine pren­dre leur part de la ges­tion du ” bien com­mun ” mais ce sera cer­taine­ment long et partiel. 

Concevoir de nouveaux services

” L’amé­nage­ment durable “, tel qu’il fig­ure dans l’in­ti­t­ulé du MEDAD, cor­re­spond glob­ale­ment à ce que le citoyen peut atten­dre d’un ser­vice tech­nique de l’É­tat pour le moyen et le long terme même si des poli­tiques plus spé­ci­fiques doivent être gérées (agri­cul­ture, énergie, trans­ports, etc.). L’ef­fi­cience de la dépense publique amèn­era à con­cevoir de nou­veaux ser­vices autour de cette notion d’amé­nage­ment durable et con­sacrés aux com­pé­tences de l’É­tat. Les effec­tifs de ces futurs ser­vices seront net­te­ment inférieurs à ceux des anci­ennes DDE mais la part des cadres sera plus impor­tante et surtout les cul­tures plus divers­es. Ils pour­ront selon le niveau géo­graphique et les éventuelles évo­lu­tions de la com­po­si­tion gou­verne­men­tale tra­vailler pour un ou plusieurs ministères.

Il est en tout cas souhaitable pour l’ef­fi­cac­ité de la dépense publique que ces min­istères employeurs met­tent en place une struc­ture unique de ges­tion de ces ser­vices et d’abord de choix des femmes et des hommes appelés à les ani­mer. Il fau­dra faire une richesse de la diver­sité des corps d’o­rig­ine en ban­nis­sant toute poli­tique de quotas.

Il est surtout néces­saire de leur garder une iden­tité pro­pre de ser­vices de cul­ture tech­nique dont l’ac­tion soit cen­trée sur les intérêts à moyen et long terme de notre pays.

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