20 décembre 1951 : quatre lampes s'allument avec l'électricité générée par le réacteur nucléaire EBR-1.

Pour bâtir l’avenir de la filière nucléaire, plongeons dans son histoire

Dossier : Le nucléaireMagazine N°780 Décembre 2022
Par Frank CARRÉ

Il est impor­tant de rap­pe­ler l’histoire du déve­lop­pe­ment de l’énergie nucléaire civile pour repla­cer les évo­lu­tions actuelles dans la pers­pec­tive longue qui gou­verne ce sec­teur d’investissement majeur. 

De l’enthousiasme ini­tial à la défiance sus­ci­tée par les acci­dents de la filière et la ges­tion des déchets radio­ac­tifs, jusqu’au regain d’intérêt por­té aujourd’hui par le risque cli­ma­tique, les visions du nucléaire du futur ont été lar­ge­ment façon­nées par les pro­grès tech­no­lo­giques, les évé­ne­ments mal­heu­reux de la filière et les choix poli­tiques en réponse aux pré­oc­cu­pa­tions de sécu­ri­té éner­gé­tique, puis de décar­bo­na­tion de l’économie. Le regard por­té sur les dif­fé­rents types de réac­teurs à tra­vers les époques et les contextes est riche d’enseignement pour conso­li­der aujourd’hui la place de la filière par­mi les éner­gies bas car­bone du futur. 

La dynamique des années pionnières 

L’énergie nucléaire est née d’une dyna­mique excep­tion­nelle por­tée par la recherche et ses appli­ca­tions mili­taires : dix ans ont suf­fi pour pas­ser de la décou­verte du neu­tron en 1932 à la pre­mière pile ato­mique CP‑1 en 1942 dans la ban­lieue de Chi­ca­go. Dix ans à nou­veau pour réa­li­ser les pre­miers réac­teurs à neu­trons rapides : EBR‑1 aux États-Unis en 1951, puis BR‑2 et BR‑5 entre 1956 et 1959 en Union sovié­tique. Et encore dix ans pour com­plé­ter l’exploration des tech­no­lo­gies nucléaires avec le démar­rage du Mol­ten Salt Reac­tor Expe­riment au labo­ra­toire natio­nal d’Oak Ridge (États-Unis) en 1965 et celui du réac­teur expé­ri­men­tal à haute tem­pé­ra­ture en 1966 à Win­frith (Royaume-Uni). 

À cette époque, où com­men­çaient à se déve­lop­per en France les réac­teurs à ura­nium natu­rel gra­phite gaz (UNGG) et à eau lourde, le déve­lop­pe­ment de l’énergie nucléaire dans le monde était un atout évident, et l’ambition d’une indus­trie flo­ris­sante condui­sit dès 1957 à créer l’Agence inter­na­tio­nale de l’énergie ato­mique ain­si qu’à signer le trai­té Eur­atom : deux ini­tia­tives pour pro­mou­voir la recherche et la dif­fu­sion des bonnes pra­tiques, pour éta­blir une régle­men­ta­tion uni­forme des­ti­née à pro­té­ger la popu­la­tion et les tra­vailleurs de l’industrie et pour pré­ve­nir les risques de pro­li­fé­ra­tion en ins­ti­tuant un contrôle des matières nucléaires. 

Des innovations décisives pour l’avenir de la filière

Plu­sieurs per­cées tech­no­lo­giques sont rapi­de­ment venues ouvrir la voie vers le nucléaire actuel. D’abord l’enrichissement de l’uranium qui a per­mis le déve­lop­pe­ment des réac­teurs à eau légère mis en œuvre pour la pre­mière fois dans le sous-marin amé­ri­cain Nau­ti­lus, qui a démon­tré l’autonomie per­mise par la pro­pul­sion nucléaire en attei­gnant le pôle Nord en août 1958. Ensuite le déve­lop­pe­ment du retrai­te­ment des com­bus­tibles des réac­teurs UNGG à la fois pour des appli­ca­tions mili­taires et la valo­ri­sa­tion du plu­to­nium dans les réac­teurs à neu­trons rapides dont le déve­lop­pe­ment, à par­tir des années 1960, a dépas­sé le cadre ini­tial des États-Unis et de la Rus­sie pour s’étendre à l’Europe (la Grande-Bre­tagne, la France, puis l’Allemagne), au Japon et à l’Inde dans les années 1980, et à la Chine dans les années 2000. 

La situation de la France

La vision du futur en France dans les années 1950 s’exprime par la voix de la Com­mis­sion de la pro­duc­tion d’électricité d’origine nucléaire (PEON) qui décla­rait en 1955 : « Il n’y aura pas une seule filière de réac­teurs telle que celle de Mar­coule (UNGG), mais plu­sieurs de type dif­fé­rent qui pour­raient se super­po­ser à par­tir de cer­taines dates : la pre­mière filière (UNGG à ura­nium natu­rel) dure­ra moins de dix ans, une deuxième (réac­teurs à eau sous pres­sion à ura­nium enri­chi) pour­rait fonc­tion­ner vers 1962 et une troi­sième filière pour­rait com­men­cer avec les bree­ders (sur­gé­né­ra­teurs) à par­tir de 1965. Il est pro­bable que, dans vingt-cinq ou trente ans, seule la troi­sième sub­sis­te­ra. » 

Aujourd’hui la filière des réac­teurs à eau (sous pres­sion ou bouillante) repré­sente 350 GW sur la puis­sante nucléaire totale de ~410 GWe ins­tal­lée dans le monde, et les inter­ro­ga­tions sou­le­vées par les acci­dents de Three Mile Island (1979), Tcher­no­byl (1986) et Fuku­shi­ma (2011) sur le déve­lop­pe­ment à long terme de l’énergie nucléaire ont rame­né à ~2 GWe la puis­sance ins­tal­lée en réac­teurs à neu­trons rapides (dont 1,4 GWe en Rus­sie). 

D’autres ruptures technologiques 

D’autres rup­tures tech­no­lo­giques, appa­rues dans les années 1960 à 1980, méritent d’être men­tion­nées pour leur carac­tère pré­cur­seur, même si leur impact a été moindre. Il s’agit des petits réac­teurs à neu­trons rapides refroi­dis à l’alliage plomb-bis­muth, déve­lop­pés par l’Union sovié­tique pour accroître les per­for­mances des sous-marins de la classe Alpha, et des pre­miers réac­teurs à haute tem­pé­ra­ture construits aux États-Unis et en Europe, avec l’intention por­tée en Alle­magne par le pro­jet PNP-500 d’une appli­ca­tion à la four­ni­ture de cha­leur (500 MWth) pour la pro­duc­tion indus­trielle de gaz de syn­thèse à par­tir de char­bon et de lignite. 

La sécurité énergétique et le risque climatique 

Le déploie­ment de l’énergie nucléaire dans le monde, prin­ci­pa­le­ment avec le rem­pla­ce­ment des cen­trales ther­miques au char­bon, gaz et fioul par des réac­teurs à eau, a d’abord répon­du à une pré­oc­cu­pa­tion de sécu­ri­té éner­gé­tique, notam­ment dans les pays pauvres en res­sources fos­siles. Le plan Mess­mer en France, qui a déci­dé la construc­tion du parc élec­tro­nu­cléaire en 1974, en est un exemple mar­quant. 

“Le plan Messmer en France a décidé la construction du parc électronucléaire en 1974.”

Le risque cli­ma­tique, dont la signa­ture du pro­to­cole de Kyo­to en 1997 a sus­ci­té une prise de conscience inter­na­tio­nale du besoin de limi­ter les émis­sions de gaz à effet de serre, a conduit l’Union euro­péenne à adop­ter en 2008 une poli­tique inté­grée de l’énergie et de lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique fai­sant une place au nucléaire de fis­sion à côté des éner­gies renou­ve­lables, des bio­car­bu­rants, du cap­tage et sto­ckage du CO2…, avec la recom­man­da­tion de par­ta­ger entre États membres les bonnes pra­tiques en matière de sûre­té, de sécu­ri­té et de lutte contre la prolifération.

Aujourd’hui, l’énergie nucléaire est recon­nue inter­na­tio­na­le­ment comme l’un des leviers stra­té­giques de la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique, au même titre que les éner­gies solaire et éolienne, l’efficacité éner­gé­tique et les tech­no­lo­gies de flexi­bi­li­té. En témoignent les pro­jec­tions de l’AIEA qui pré­voit une puis­sance nucléaire ins­tal­lée de plus de 800 GWe dans le monde en 2050, l’étude pros­pec­tive Futurs éner­gé­tiques 2050 de RTE publiée en février 2022 et la clas­si­fi­ca­tion du nucléaire par­mi les « éner­gies durables » au plan envi­ron­ne­men­tal dans la taxo­no­mie euro­péenne. 

Les leçons des accidents 

Ces pers­pec­tives favo­rables dépendent cepen­dant de la capa­ci­té de la nou­velle géné­ra­tion de réac­teurs à eau à satis­faire plu­sieurs condi­tions dont cer­taines, telles que l’amélioration de la sûre­té à coût maî­tri­sé en tenant compte des acci­dents pas­sés ou le déve­lop­pe­ment de la manœu­vra­bi­li­té pour s’adapter à une part impor­tante d’énergies renou­ve­lables variables, font appel à l’innovation et d’autres, telles que la mise en œuvre d’une stra­té­gie de ges­tion des com­bus­tibles usés, relèvent plus du contexte et de la régle­men­ta­tion natio­nale. Il est en par­ti­cu­lier essen­tiel que le nou­veau nucléaire apporte la preuve qu’il est conçu pour gérer sans consé­quence durable à l’extérieur du site tout acci­dent, même grave, et que le coût de pro­duc­tion d’électricité reste com­pa­rable à celui des autres éner­gies bas car­bone en incluant les coûts de sys­tème (rac­cor­de­ment, sto­ckage…) et de taxe car­bone. Il est aus­si essen­tiel de démon­trer la maî­trise des opé­ra­tions d’assainissement et de déman­tè­le­ment des réac­teurs en fin de vie. 

L’harmonisation des exi­gences de sûre­té sur le plan inter­na­tio­nal est une autre condi­tion impor­tante pour pou­voir déployer le nou­veau nucléaire dans le monde, dans un contexte où s’affrontent aujourd’hui sur le mar­ché un modèle euro­péen met­tant l’accent sur le ren­for­ce­ment du confi­ne­ment (parce que tirant pré­fé­ren­tiel­le­ment les leçons de l’accident de Tcher­no­byl) et des modèles amé­ri­ca­no-japo­nais pri­vi­lé­giant plu­tôt la ges­tion pas­sive des acci­dents de refroi­dis­se­ment (en consé­quence de l’accident de Three Mile Island), et encore des modèles russe, chi­nois ou coréen pro­po­sant des approches plus conser­va­tives à moindre coût. 

Les promesses des SMR

Les petits réac­teurs modu­laires dans la gamme de 50 à 300 MWe (Small Modu­lar Reac­tors – SMR), qui connaissent un regain d’intérêt très média­ti­sé sur le conti­nent amé­ri­cain, font aus­si par­tie de l’offre de réac­teurs des pro­chaines décen­nies avec des atouts tels que la qua­li­té de fabri­ca­tion en usine, la rapi­di­té d’installation sur site, une puis­sance uni­taire adap­tée aux petits réseaux élec­triques, aux zones iso­lées ou au rem­pla­ce­ment de cen­trales à char­bon, voire d’autres atouts encore tels que l’étalement des inves­tis­se­ments pour équi­per pro­gres­si­ve­ment un centre de pro­duc­tion nucléaire de forte puis­sance. Ces petits réac­teurs sont aus­si consi­dé­rés pour des pro­duc­tions mul­ti­vec­teurs (élec­tri­ci­té, cha­leur, hydro­gène…) pou­vant contri­buer à décar­bo­ner l’économie et les usages, et pour des gains poten­tiels de manœu­vra­bi­li­té par un sui­vi plus dyna­mique de la demande en élec­tri­ci­té dans des régions for­te­ment équi­pées en éner­gies solaire et éolienne. Avec le pro­jet Nuward (170 MWe) por­té par EDF, Naval Group, Tech­ni­cA­tome et le CEA, la France par­ti­cipe à l’offre inter­na­tio­nale de réac­teurs modu­laires pour un mar­ché qui doit encore se pré­ci­ser. 

Une vision du futur

Au-delà du déploie­ment des réac­teurs à eau de nou­velle géné­ra­tion qui devraient consti­tuer l’essentiel de la pro­duc­tion élec­tro­nu­cléaire dans le monde au XXIe siècle, les recherches se pour­suivent acti­ve­ment sur des réac­teurs et des ges­tions du com­bus­tible nucléaire capables d’étendre l’apport de la filière à une éco­no­mie décar­bo­née, cir­cu­laire et durable. Il s’agit de pro­gres­ser avec les acteurs de l’industrie fran­çaise et le sou­tien de l’Autorité de sûre­té nucléaire vers un nucléaire plus éco­nome des res­sources natu­relles, plus sûr et res­pec­tueux de l’environnement, plus com­pé­ti­tif et plus flexible en termes de capa­ci­té de sui­vi de charge et de four­ni­ture d’énergie diver­si­fiée : élec­tri­ci­té, cha­leur, hydro­gène, car­bu­rants neutres en car­bone… Cer­tains axes de recherche se situent, avec les tech­no­lo­gies actuelles, dans le pro­lon­ge­ment de réa­li­sa­tions pion­nières qui ont ouvert la voie à de nou­velles filières en lais­sant leur déve­lop­pe­ment inache­vé. Le forum inter­na­tio­nal Géné­ra­tion IV, créé en 2000 par l’US Depart­ment of Ener­gy, qui compte aujourd’hui 14 membres et dont la France est depuis l’origine un par­te­naire actif, a lar­ge­ment contri­bué à relan­cer le déve­lop­pe­ment de filières nucléaires dépas­sant sous dif­fé­rents aspects les per­for­mances des réac­teurs à eau : les réac­teurs à neu­trons rapides pour valo­ri­ser com­plè­te­ment le poten­tiel éner­gé­tique de l’uranium, les réac­teurs à haute tem­pé­ra­ture pour une pro­duc­tion d’électricité à haut ren­de­ment et la four­ni­ture de cha­leur à l’industrie dans la gamme de 250 à 800°C, et des filières plus pros­pec­tives, telles que les réac­teurs à sels fon­dus, dont les sauts tech­no­lo­giques pour­raient ouvrir de nou­velles pers­pec­tives. 

Les systèmes à neutrons rapides 

L’objectif his­to­rique de pré­pa­rer le déploie­ment à terme de sys­tèmes nucléaires à neu­trons rapides sûrs et com­pé­ti­tifs, capables de recy­cler sans limites les matières réuti­li­sables et cer­tains déchets de haute acti­vi­té à vie longue actuel­le­ment des­ti­nés au sto­ckage géo­lo­gique, fait des tra­vaux dans ce domaine, encore aujourd’hui, l’axe prin­ci­pal des recherches sur le nucléaire du futur. À la suite des réac­teurs Rap­so­die, Phé­nix et Super­phé­nix, les recherches de pro­grès pour les réac­teurs à neu­trons rapides refroi­dis au sodium ont été relan­cées de 2010 à 2019 par le pro­jet Astrid dans le Pro­gramme d’investissements d’avenir et se pour­suivent actuel­le­ment par un pro­gramme de recherche et déve­lop­pe­ment lar­ge­ment ouvert à l’international. L’objectif est d’entretenir au mieux les com­pé­tences néces­saires pour entre­prendre, quand elle pour­ra être déci­dée, la réa­li­sa­tion d’un réac­teur expé­ri­men­tal per­met­tant des irra­dia­tions aux neu­trons rapides ou d’un démons­tra­teur tech­no­lo­gique d’avancées majeures pour la filière, notam­ment en sûre­té, com­pé­ti­ti­vi­té éco­no­mique et sou­plesse d’exploitation (ins­pec­tion en ser­vice, main­te­nance et sui­vi de charge). Ces recherches valo­risent au mieux les acquis his­to­riques et les apports du pro­jet Astrid pour ce type de réac­teur et s’accompagnent d’un effort impor­tant pour main­te­nir les outils de simu­la­tion au meilleur niveau, en tirant par­ti d’apports expé­ri­men­taux étran­gers pour leur qua­li­fi­ca­tion. Elles s’accompagnent éga­le­ment d’études de scé­na­rios de déploie­ment dans le parc élec­tro­nu­cléaire renou­ve­lé. 

De plus, une veille stra­té­gique s’attache à éva­luer d’autres types de réac­teurs à neu­trons rapides condui­sant à des réa­li­sa­tions à l’étranger tels que Brest-300, réac­teur rapide de 300 MWe refroi­di au plomb en construc­tion en Rus­sie, ain­si qu’à mener cer­taines études d’esquisses et recherches de base pour la fai­sa­bi­li­té de concepts en rup­ture tels que les réac­teurs à sels fon­dus à neu­trons rapides. Dans ce domaine, la coopé­ra­tion à un pro­jet de la socié­té amé­ri­caine Ter­ra­Po­wer four­nit l’occasion d’explorer la sim­pli­ci­té de prin­cipe du concept, avec ses limites et ses poten­tia­li­tés pour un trai­te­ment et recy­clage sur site du com­bus­tible-sel. 

Les réacteurs à haute température 

Les réac­teurs à haute tem­pé­ra­ture, au déve­lop­pe­ment des­quels la France a par­ti­ci­pé dans les années 1970, puis de 2002 à 2006 dans le cadre du regain d’intérêt sus­ci­té par le forum inter­na­tio­nal Géné­ra­tion IV, font aus­si l’objet d’une veille à tra­vers le sui­vi des pro­jets de ce type de réac­teur dans le monde (Japon, Chine…) et des démons­tra­tions de leurs poten­tia­li­tés : pro­duc­tion d’électricité avec un ren­de­ment supé­rieur à 40 %, four­ni­ture de cha­leur décar­bo­née à haute tem­pé­ra­ture pour la pro­duc­tion d’hydrogène ou d’autres pro­cé­dés indus­triels, implan­ta­tion à proxi­mi­té des sites uti­li­sa­teurs de la cha­leur, com­pa­ti­bi­li­té avec un refroi­dis­se­ment sec dans les régions arides… 

Et des projets plus lointains 

Pour le plus long terme, la France, qui accueille sur son sol le réac­teur toka­mak expé­ri­men­tal inter­na­tio­nal ITER (Inter­na­tio­nal ther­mo­nu­clear expe­ri­men­tal reac­tor), par­ti­cipe acti­ve­ment, dans un cadre euro­péen et plus lar­ge­ment inter­na­tio­nal, à trans­po­ser la régle­men­ta­tion nucléaire aux spé­ci­fi­ci­tés des réac­teurs à fusion et à déve­lop­per, avec l’expertise acquise sur les réac­teurs à fis­sion, des tech­no­lo­gies pour la récu­pé­ra­tion de l’énergie de fusion et pour la régé­né­ra­tion du tri­tium qui seront expé­ri­men­tées sous la forme de modules de cou­ver­ture tests dans ITER, et en vraie gran­deur dans le réac­teur de démons­tra­tion DEMO qui lui suc­cé­de­ra vers 2045. 

Enfin, la pers­pec­tive de mis­sions inter­na­tio­nales vers Mars et de retour à la Lune comme base inter­mé­diaire et ter­rain d’exploration scien­ti­fique sus­citent un regain d’intérêt, très mar­qué aux États-Unis, pour le déve­lop­pe­ment de géné­ra­teurs élec­tro­nu­cléaires pour la pro­pul­sion et l’alimentation de bases au sol, en plus des géné­ra­teurs radio-iso­to­piques déjà mis en œuvre pour l’instrumentation scien­ti­fique, les télécom­munications et la mobi­li­té en sur­face des rovers d’exploration. Au-delà d’études explo­ra­toires menées avec le Cnes et l’ESA, la France cherche à valo­ri­ser son expé­rience sur une grande diver­si­té de réac­teurs et de pro­cé­dés du cycle du com­bus­tible à tra­vers des coopé­ra­tions visant à rendre l’Europe plus auto­nome en matière de tech­no­lo­gies nucléaires spa­tiales, ou des contri­bu­tions à des mis­sions plus lar­ge­ment inter­na­tio­nales. 

De nouvelles perspectives 

Les réac­teurs à eau construits depuis les années 1970 pour des rai­sons de sécu­ri­té éner­gé­tique béné­fi­cient d’un cor­pus très éta­bli de tech­no­lo­gies mises en œuvre aujourd’hui à la fois dans de nou­veaux modèles de réac­teurs de forte puis­sance et des pro­jets de petits réac­teurs modu­laires à même d’élargir le champ des appli­ca­tions de l’énergie nucléaire à la four­ni­ture de cha­leur, d’hydrogène ou de car­bu­rants de syn­thèse. La dyna­mique de déploie­ment de ces nou­veaux réac­teurs, qui dépend dans les pays occi­den­taux de pro­grès en com­pé­ti­ti­vi­té éco­no­mique et de règles de méca­nisme de capa­ci­té à pré­ci­ser, déter­mi­ne­ra la part de l’énergie nucléaire dans la réduc­tion des émis­sions de CO2 à court et moyen termes. 

Au-delà, l’objectif de neu­tra­li­té car­bone appelle à mettre en œuvre une diver­si­té de nou­veaux réac­teurs capables d’inscrire l’énergie nucléaire dans le très long terme avec les neu­trons rapides, d’accroître sa capa­ci­té à décar­bo­ner la cha­leur et les car­bu­rants tech­no­lo­giques avec les réac­teurs à haute tem­pé­ra­ture, et à éva­luer l’apport poten­tiel d’autres filières por­teuses de rup­tures tech­no­lo­giques struc­tu­rantes telles que les réac­teurs à sels fon­dus. L’enjeu par­ta­gé avec les par­te­naires du forum inter­na­tio­nal Géné­ra­tion IV pour ces réac­teurs du futur est de pro­je­ter dans l’avenir les réa­li­sa­tions de ces filières his­to­riques en revoyant leur concep­tion en fonc­tion des meilleures tech­no­lo­gies dis­po­nibles aujourd’hui et en tirant par­ti des coopé­ra­tions inter­na­tio­nales pour par­ta­ger les coûts de déve­lop­pe­ment et de démons­tra­tion, et entre­te­nir les com­pé­tences en l’absence de pro­jets natio­naux. 

Un important potentiel de progrès 

Le poten­tiel de pro­grès de l’énergie nucléaire reste aujourd’hui très impor­tant, tant en termes de nou­velles tech­no­lo­gies dis­po­nibles que sur le plan de la diver­si­fi­ca­tion des four­ni­tures d’énergies décar­bo­nées envi­sa­geables, et l’apparition de start-up s’intéressant à ces pro­grès contri­bue à sti­mu­ler l’innovation dans un sec­teur que les coûts de recherche et déve­lop­pe­ment et les exi­gences de sûre­té ont ren­du très conser­va­teur. 

“Les perspectives des volets nucléaires des plans France Relance et France 2030 sont très encourageantes.”

Les pers­pec­tives de sou­tien ouvertes par les volets nucléaires des plans France Relance et France 2030 sont très encou­ra­geantes pour per­mettre aux acteurs natio­naux de faire valoir sur la scène inter­na­tio­nale leur exper­tise et leur vision des options recom­man­dables pour ces nou­veaux réac­teurs, voire des normes régle­men­taires qui leur sont appli­cables pour la sûre­té, la sécu­ri­té et la ges­tion des déchets radio­ac­tifs. Ces pers­pec­tives sont aus­si très encou­ra­geantes pour per­mettre des déve­lop­pe­ments pré­cur­seurs de pro­cé­dés d’intérêt inter­na­tio­nal pour la décar­bo­na­tion de sec­teurs dif­fi­ciles, comme la cha­leur et les car­bu­rants sur les­quels les objec­tifs de neu­tra­li­té car­bone conduisent à faire por­ter un effort par­ti­cu­lier en France. 

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