BFMTV avec Bruno Angles

Plateau de Saclay : fin de partie, ou nouveau départ ?

Dossier : Vie du PlateauMagazine N°730 Décembre 2017
Par Robert RANQUET (72)
Par Yves DEMAY (77)

C’est glo­ba­le­ment en ces termes que les médias natio­naux ont com­men­té les décla­ra­tions faites par le Pré­sident de la Répu­blique lors de sa visite à Paris-XI, Poly­tech­nique et Cen­tra­le­Su­pé­lec le 25 octobre der­nier. Décryptage.

Visite du président de la République, Emmanuel Macron à l'École polytechnique
De gauche à droite : Gré­goire de Las­tey­rie, maire de Palai­seau, Jacques Biot (71), Bru­no Angles (84), le pré­sident de la Répu­blique, Emma­nuel Macron, et Fré­dé­rique Vidal, ministre de l’Enseignement supé­rieur et de la Recherche.© ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE

La visite du Pré­sident Emma­nuel Macron a donc confir­mé la réorien­ta­tion du pro­jet Paris-Saclay en deux pôles com­plé­men­taires, le pro­jet ini­tial d’un gigan­tesque ensemble unique ayant buté un peu sur les ques­tions de mis­ci­bi­li­té entre le monde de l’université et celui des grandes écoles et beau­coup sur des diver­gences d’objectif.

Le pré­sident Emma­nuel Macron a confir­mé l’attachement de l’État au pro­jet lan­cé en 2008 par Nico­las Sar­ko­zy et pour­sui­vi par Fran­çois Hol­lande. Il veut, comme eux, pour le sys­tème d’enseignement supé­rieur et de recherche fran­çais sur le pla­teau de Saclay, une visi­bi­li­té mon­diale et un impact fort sur l’innovation et l’industrie, et plus lar­ge­ment l’économie française.

En même temps, il tire les conclu­sions de dif­fi­cul­tés obser­vées et a donc annon­cé une réorien­ta­tion pour créer, non pas un gigan­tesque ensemble, mais deux pôles complémentaires.

L’un des pôles ras­sem­ble­ra les trois uni­ver­si­tés, Cen­tra­le­Su­pé­lec et l’ENS Paris- Saclay (ex-Cachan). Paris-XI appa­raît comme le lea­der natu­rel de ce pôle.

L’autre pôle se pré­sen­te­ra comme une uni­ver­si­té ou un ins­ti­tut de sciences et tech­no­lo­gies, et com­pren­dra Poly­tech­nique, Télé­com, l’ENSAE, l’ENSTA et peut-être HEC et Agro. Une telle orga­ni­sa­tion en deux pôles existe à Lau­sanne, à Munich, à Stock­holm, et dans de nom­breux autres endroits dont Bos­ton, avec – modèle suprême – Har­vard et le MIT.

L’IMPASSE DE PARIS-SACLAY

De fait, pra­ti­que­ment dix ans après son lan­ce­ment, le grand pro­jet de Paris-Saclay n’avait tou­jours pas trou­vé son équilibre.

Au-delà des inévi­tables ques­tions de mis­ci­bi­li­té entre le monde de l’université et celui des grandes écoles, c’est en fait une diver­gence sur l’objectif même pour­sui­vi qui aura été la pierre d’achoppement.

Que cher­chait-on à faire ? Le pré­sident Bru­no Angles l’a pré­ci­sé­ment expri­mé dans l’interview qu’il a don­née à BFMTV : « On s’est trop foca­li­sé sur un seul objec­tif : per­for­mer au clas­se­ment de Shan­ghai. Or ce clas­se­ment, certes connu, est loin d’être le seul.

Il existe d’autres clas­se­ments, tout aus­si impor­tants, cha­cun ayant sa spé­ci­fi­ci­té : là où le clas­se­ment de Shan­ghai pri­vi­lé­gie la taille et l’extensivité des per­for­mances, on peut pré­fé­rer des clas­se­ments plus “inten­sifs” comme le clas­se­ment QS, qui pri­vi­lé­gie l’employabilité des diplô­més (l’X y est clas­sée 6e au clas­se­ment mon­dial 2017), le clas­se­ment “Times Higher Edu­ca­tion”, qui regarde le nombre de PDG dans For­tune 500 (l’X est 4e à l’Alma Mater Index 2017), ou encore le clas­se­ment CWTS Lei­den Ran­king qui place l’École poly­tech­nique pre­mière en France en pour­cen­tage de publi­ca­tions clas­sées dans le top 1 % en fac­teur d’impact. »

VISER L’EXCELLENCE DANS SA CATÉGORIE

On l’aura com­pris, c’est bien la dif­fé­rence de pers­pec­tive qui a fait la dif­fé­rence d’approche : là où l’Université Paris-Sud, noyau du futur grand éta­blis­se­ment de Paris-Saclay, sera incon­tes­ta­ble­ment la mieux pla­cée pour se dis­tin­guer au clas­se­ment de Shan­ghai, l’X entend conti­nuer à excel­ler sur des cri­tères plus spécifiques.

Pour Bru­no Angles, « il est dif­fi­cile d’exceller à la fois sur des cri­tères exten­sifs et sur des cri­tères intensifs ».

L’objectif d’excellence est donc clai­re­ment affir­mé pour ce nou­veau pro­jet autour de l’X. Cette excel­lence doit être visible et per­mettre une recon­nais­sance inter­na­tio­nale. Or, dans la com­pé­ti­tion mon­diale, il faut gagner en taille sans perdre en excel­lence. Le nou­veau pro­jet de pôle est très pro­met­teur pour cela.

ET MAINTENANT, QUELS PARTENARIATS SUR LE PLATEAU ?

Ce nou­veau départ, sur des objec­tifs cla­ri­fiés, ne signi­fie pas pour autant que l’X tourne le dos à l’Université Paris-Saclay. Les liens sont d’ores et déjà nom­breux et solides, et ils perdureront.

TAILLE ET PERFORMANCE DES UNIVERSITÉS

La France compte aujourd’hui 70 universités métropolitaines recevant 1 593 000 étudiants, soit une moyenne de 22 800 étudiants par université. 
Contrairement à l’idée répandue, la taille de ces universités n’est donc pas la cause déterminante de leur médiocre classement (le MIT et l’EPFL comptent autour de 10 000 étudiants, Caltech moins de 3 000, Oxford ou Harvard 22 000 toutes formations confondues).
La constitution de monstres ingérables de 50 000 à 80 000 étudiants par agglomération des établissements existants ne résoudra rien.

Alain Bovis (74), « L’avenir des grands corps tech­niques en débat », La Jaune et la Rouge n° 722, février 2017.

Ain­si, le Pré­sident de la Répu­blique, pour sa visite à l’X ce 25 octobre, avait choi­si d’être accueilli dans les labo­ra­toires de phy­sique et de méca­nique, où le pré­sident Jacques Biot lui a pré­sen­té les inves­tis­se­ments réa­li­sés sur le cam­pus, et en par­ti­cu­lier Nano­Max, un micro­scope élec­tro­nique en trans­mis­sion (TEM) à ultra-haute réso­lu­tion per­met­tant d’observer la crois­sance de nano­cris­taux au cours de leur formation.

Ce micro­scope, emblé­ma­tique de l’esprit de coopé­ra­tion qui règne sur le pla­teau, réunit plu­sieurs équipes de recherche du cam­pus de l’École poly­tech­nique, ain­si que d’autres acteurs du pla­teau de Saclay comme le CNRS, le CEA et jus­te­ment l’Université Paris- Sud.

De telles coopé­ra­tions sont la règle aujourd’hui sur le cam­pus, et le res­te­ront. Un par­te­na­riat, res­pec­tueux des iden­ti­tés, mais néan­moins beau­coup plus for­te­ment uni, est à construire autour de l’École poly­tech­nique avec ses par­te­naires. Il reste beau­coup à faire, à construire, pour que le pôle prenne une réa­li­té plus uni­fiée, forme des étu­diantes et étu­diants du meilleur niveau, bien adap­tés aux besoins des entre­prises, de l’économie, sans oublier le sec­teur public, et délivre les diplômes y com­pris de doctorat.

Recherche, inno­va­tion, entre­pre­neu­riat doivent y être forts et au meilleur niveau de dynamisme.

Notre asso­cia­tion a mili­té acti­ve­ment pour rap­pe­ler l’attachement de l’AX à la feuille de route adres­sée par le ministre de la Défense le 15 décembre 2015 à l’École poly­tech­nique. Avant la visite pré­si­den­tielle, des contacts ciblés avec des res­pon­sables au plus haut niveau ont eu lieu pour sou­li­gner qu’après le temps de la réflexion et de la déci­sion en 2015, devait venir le temps de l’action et d’une action rapide pour la mise en œuvre de l’Alliance, annon­cée dès 2015 par Emma­nuel Macron, alors ministre de l’Économie et des Finances.

On peut se réjouir qu’un consen­sus ait pu se for­mer, abou­tis­sant aux déci­sions annon­cées, le deuxième pôle de 2017 cor­res­pon­dant peu ou prou à l’Alliance de 2015.

Il est impor­tant dans la période qui s’ouvre pour la construc­tion du pro­jet, pro­vi­soi­re­ment dénom­mé « NewU­ni », que la parole por­tée par l’AX soit bien assise sur la légi­ti­mi­té d’une com­mu­nau­té impli­quée et des adhé­rents nombreux.

Bru­no Angles, pré­sident de l’AX, répon­dant aux ques­tions de Sté­phane Sou­mier, sur BFM Busi­ness, le 26 octobre.

Commentaire

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Jerome Pil­chenrépondre
12 décembre 2017 à 22 h 39 min

Pour­quoi se concen­trer sur les clas­se­ments mon­diaux ?
Bon­jour,

Il y a deux ques­tions qui me pré­oc­cupent depuis long­temps sur ce sujet :
1) Pour­quoi tient-on tant à bien figu­rer dans les clas­se­ments mondiaux ?
2) Et pour­quoi sou­haite t’on atti­rer les meilleurs élèves étrangers ?

Le rôle d’une école n’est-il pas sur­tout de per­mettre à ses élèves d’ex­ploi­ter tout leur potentiel ?

ps : j’i­ma­gine que la réponse à la ques­tion 2 n’est pas uni­que­ment pour pro­mou­voir les échanges cultu­rels car j’i­ma­gine mal qu’on dépense tant d’argent pour cela.

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