BFMTV avec Bruno Angles

Plateau de Saclay : fin de partie, ou nouveau départ ?

Dossier : Vie du PlateauMagazine N°730 Décembre 2017
Par Robert RANQUET (72)
Par Yves DEMAY (77)

La vis­ite du Prési­dent Emmanuel Macron a donc con­fir­mé la réori­en­ta­tion du pro­jet Paris-Saclay en deux pôles com­plé­men­taires, le pro­jet ini­tial d’un gigan­tesque ensem­ble unique ayant buté un peu sur les ques­tions de mis­ci­bil­ité entre le monde de l’université et celui des grandes écoles et beau­coup sur des diver­gences d’objectif.

Le prési­dent Emmanuel Macron a con­fir­mé l’attachement de l’État au pro­jet lancé en 2008 par Nico­las Sarkozy et pour­suivi par François Hol­lande. Il veut, comme eux, pour le sys­tème d’enseignement supérieur et de recherche français sur le plateau de Saclay, une vis­i­bil­ité mon­di­ale et un impact fort sur l’innovation et l’industrie, et plus large­ment l’économie française. 

En même temps, il tire les con­clu­sions de dif­fi­cultés observées et a donc annon­cé une réori­en­ta­tion pour créer, non pas un gigan­tesque ensem­ble, mais deux pôles complémentaires. 

L’un des pôles rassem­blera les trois uni­ver­sités, Cen­trale­Supélec et l’ENS Paris- Saclay (ex-Cachan). Paris-XI appa­raît comme le leader naturel de ce pôle. 

L’autre pôle se présen­tera comme une uni­ver­sité ou un insti­tut de sci­ences et tech­nolo­gies, et com­pren­dra Poly­tech­nique, Télé­com, l’ENSAE, l’ENSTA et peut-être HEC et Agro. Une telle organ­i­sa­tion en deux pôles existe à Lau­sanne, à Munich, à Stock­holm, et dans de nom­breux autres endroits dont Boston, avec – mod­èle suprême – Har­vard et le MIT. 

L’IMPASSE DE PARIS-SACLAY

De fait, pra­tique­ment dix ans après son lance­ment, le grand pro­jet de Paris-Saclay n’avait tou­jours pas trou­vé son équilibre. 

Au-delà des inévita­bles ques­tions de mis­ci­bil­ité entre le monde de l’université et celui des grandes écoles, c’est en fait une diver­gence sur l’objectif même pour­suivi qui aura été la pierre d’achoppement.

Que cher­chait-on à faire ? Le prési­dent Bruno Angles l’a pré­cisé­ment exprimé dans l’interview qu’il a don­née à BFMTV : « On s’est trop focal­isé sur un seul objec­tif : per­former au classe­ment de Shang­hai. Or ce classe­ment, certes con­nu, est loin d’être le seul. 

Il existe d’autres classe­ments, tout aus­si impor­tants, cha­cun ayant sa spé­ci­ficité : là où le classe­ment de Shang­hai priv­ilégie la taille et l’extensivité des per­for­mances, on peut préfér­er des classe­ments plus “inten­sifs” comme le classe­ment QS, qui priv­ilégie l’employabilité des diplômés (l’X y est classée 6e au classe­ment mon­di­al 2017), le classe­ment “Times High­er Edu­ca­tion”, qui regarde le nom­bre de PDG dans For­tune 500 (l’X est 4e à l’Alma Mater Index 2017), ou encore le classe­ment CWTS Lei­den Rank­ing qui place l’École poly­tech­nique pre­mière en France en pour­cent­age de pub­li­ca­tions classées dans le top 1 % en fac­teur d’impact. »

VISER L’EXCELLENCE DANS SA CATÉGORIE

On l’aura com­pris, c’est bien la dif­férence de per­spec­tive qui a fait la dif­férence d’approche : là où l’Université Paris-Sud, noy­au du futur grand étab­lisse­ment de Paris-Saclay, sera incon­testable­ment la mieux placée pour se dis­tinguer au classe­ment de Shang­hai, l’X entend con­tin­uer à exceller sur des critères plus spécifiques. 

Pour Bruno Angles, « il est dif­fi­cile d’exceller à la fois sur des critères exten­sifs et sur des critères intensifs ». 

L’objectif d’excellence est donc claire­ment affir­mé pour ce nou­veau pro­jet autour de l’X. Cette excel­lence doit être vis­i­ble et per­me­t­tre une recon­nais­sance inter­na­tionale. Or, dans la com­péti­tion mon­di­ale, il faut gag­n­er en taille sans per­dre en excel­lence. Le nou­veau pro­jet de pôle est très promet­teur pour cela. 

ET MAINTENANT, QUELS PARTENARIATS SUR LE PLATEAU ?

Ce nou­veau départ, sur des objec­tifs clar­i­fiés, ne sig­ni­fie pas pour autant que l’X tourne le dos à l’Université Paris-Saclay. Les liens sont d’ores et déjà nom­breux et solides, et ils perdureront. 

TAILLE ET PERFORMANCE DES UNIVERSITÉS

La France compte aujourd’hui 70 universités métropolitaines recevant 1 593 000 étudiants, soit une moyenne de 22 800 étudiants par université. 
Contrairement à l’idée répandue, la taille de ces universités n’est donc pas la cause déterminante de leur médiocre classement (le MIT et l’EPFL comptent autour de 10 000 étudiants, Caltech moins de 3 000, Oxford ou Harvard 22 000 toutes formations confondues).
La constitution de monstres ingérables de 50 000 à 80 000 étudiants par agglomération des établissements existants ne résoudra rien.

Alain Bovis (74), « L’avenir des grands corps tech­niques en débat », La Jaune et la Rouge n° 722, févri­er 2017.

Ain­si, le Prési­dent de la République, pour sa vis­ite à l’X ce 25 octo­bre, avait choisi d’être accueil­li dans les lab­o­ra­toires de physique et de mécanique, où le prési­dent Jacques Biot lui a présen­té les investisse­ments réal­isés sur le cam­pus, et en par­ti­c­uli­er NanoMax, un micro­scope élec­tron­ique en trans­mis­sion (TEM) à ultra-haute réso­lu­tion per­me­t­tant d’observer la crois­sance de nanocristaux au cours de leur formation. 

Ce micro­scope, emblé­ma­tique de l’esprit de coopéra­tion qui règne sur le plateau, réu­nit plusieurs équipes de recherche du cam­pus de l’École poly­tech­nique, ain­si que d’autres acteurs du plateau de Saclay comme le CNRS, le CEA et juste­ment l’Université Paris- Sud. 

De telles coopéra­tions sont la règle aujourd’hui sur le cam­pus, et le res­teront. Un parte­nar­i­at, respectueux des iden­tités, mais néan­moins beau­coup plus forte­ment uni, est à con­stru­ire autour de l’École poly­tech­nique avec ses parte­naires. Il reste beau­coup à faire, à con­stru­ire, pour que le pôle prenne une réal­ité plus unifiée, forme des étu­di­antes et étu­di­ants du meilleur niveau, bien adap­tés aux besoins des entre­pris­es, de l’économie, sans oubli­er le secteur pub­lic, et délivre les diplômes y com­pris de doctorat. 

Recherche, inno­va­tion, entre­pre­neuri­at doivent y être forts et au meilleur niveau de dynamisme. 

Notre asso­ci­a­tion a mil­ité active­ment pour rap­pel­er l’attachement de l’AX à la feuille de route adressée par le min­istre de la Défense le 15 décem­bre 2015 à l’École poly­tech­nique. Avant la vis­ite prési­den­tielle, des con­tacts ciblés avec des respon­s­ables au plus haut niveau ont eu lieu pour soulign­er qu’après le temps de la réflex­ion et de la déci­sion en 2015, devait venir le temps de l’action et d’une action rapi­de pour la mise en œuvre de l’Alliance, annon­cée dès 2015 par Emmanuel Macron, alors min­istre de l’Économie et des Finances. 

On peut se réjouir qu’un con­sen­sus ait pu se for­mer, aboutis­sant aux déci­sions annon­cées, le deux­ième pôle de 2017 cor­re­spon­dant peu ou prou à l’Alliance de 2015. 

Il est impor­tant dans la péri­ode qui s’ouvre pour la con­struc­tion du pro­jet, pro­vi­soire­ment dénom­mé « NewU­ni », que la parole portée par l’AX soit bien assise sur la légitim­ité d’une com­mu­nauté impliquée et des adhérents nombreux.
 

Bruno Angles, prési­dent de l’AX, répon­dant aux ques­tions de Stéphane Soumi­er, sur BFM Busi­ness, le 26 octobre.

Commentaire

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Jerome Pilchenrépondre
12 décembre 2017 à 22 h 39 min

Pourquoi se con­cen­tr­er sur les classe­ments mon­di­aux ?
Bon­jour,

Il y a deux ques­tions qui me préoc­cu­pent depuis longtemps sur ce sujet :
1) Pourquoi tient-on tant à bien fig­ur­er dans les classe­ments mondiaux ?
2) Et pourquoi souhaite t’on attir­er les meilleurs élèves étrangers ?

Le rôle d’une école n’est-il pas surtout de per­me­t­tre à ses élèves d’ex­ploiter tout leur potentiel ?

ps : j’imag­ine que la réponse à la ques­tion 2 n’est pas unique­ment pour pro­mou­voir les échanges cul­turels car j’imag­ine mal qu’on dépense tant d’ar­gent pour cela.

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