“On se construit dans les difficultés“

Dossier : L’École polytechnique aujourd’huiMagazine N°695 Mai 2014
Par Jean-Marie GONTIER

« À leur arrivée, rap­pelle le colonel Gon­tier, les élèves sont très jeunes (19 ans et 8 mois en moyenne). Ils sont indi­vid­u­al­istes. Il faut créer la cohésion.

Jean-Marie Gontier

48 ans, colonel du génie, est sapeur-pompier dans l’âme. Enfant de troupe dans sa jeunesse, brillant diplômé de la Sorbonne, master en sciences politiques, diplômé de l’École de guerre, il fait une carrière chez les pompiers de Paris aussi bien à la tête d’unités opérationnelles que comme directeur d’affaires financières ou président bénévole d’une mutuelle.
À Angers, à Limoges, à Compiègne, à Paris ou en Seine-Saint-Denis, il reste fidèle à sa vocation de pompier : rendre service aux autres. Et, s’il faut se lever à trois heures du matin, il répond présent.
En août 2011, il accepte avec circonspection les sollicitations de l’École polytechnique. Trois ans plus tard, il s’enorgueillit de conduire chaque année cinq cents jeunes vers l’envie de vivre ensemble avec optimisme.

« On ne l’obtient pas néces­saire­ment qu’autour d’une chope de bière et en jouant de la musique. Pas davan­tage en par­tic­i­pant en ordre dis­per­sé à des stages d’intégration de trop courte durée.

« L’École poly­tech­nique a choisi une for­ma­tion humaine et mil­i­taire longue et exposante, dans des secteurs opéra­tionnels et non pas fonctionnels.

C’est une for­ma­tion orig­i­nale qui fait sens, sans aucun doute unique en son genre dans le milieu académique. Six mois plus tard, nos jeunes sont véri­ta­ble­ment transformés. »

Apprendre la frustration

« Le pre­mier objec­tif est de faire com­pren­dre immé­di­ate­ment ce qu’est la col­lec­tiv­ité. Dans l’ensemble, ces jeunes ont suivi un bril­lant par­cours indi­vidu­el. Ils doivent réalis­er qu’il va fal­loir partager doutes, peines et joies avec cinq cents camarades.

« Il faut ensuite créer la cohé­sion. Il leur fau­dra ensem­ble porter des pro­jets au car­refour des aspi­ra­tions per­son­nelles et des enjeux collectifs.

« Notre for­ma­tion peut être con­traig­nante, mais nous ne créons pas des com­man­dos. L’essentiel est la cohé­sion et elle passe par la frus­tra­tion et les dif­fi­cultés, mais avec tou­jours en ligne de mire l’impératif de bien­veil­lance et de gaîté de coeur.

« Chaque année, un ques­tion­naire détail­lé per­met de mesur­er le degré de sat­is­fac­tion des élèves à l’issue de leur for­ma­tion humaine et mil­i­taire. À l’exception des inévita­bles grincheux (env­i­ron 10 %), et finale­ment c’est ras­sur­ant, tous se déclar­ent satisfaits. »

Les réalités du terrain

La formation humaine et militaire, qui s’est en quelque sorte substituée au service national, se déroule au cours de la première année qui suit le concours. Après quelques semaines d’initiation au métier d’officier, au camp de La Courtine, les élèves suivent six mois de formation humaine dans des unités, bâtiments ou détachements militaires (70 %) ou organismes civils (30 %).
Ils expriment d’abord quelques grandes familles de choix (stage civil, à tendance sociale ou éducative, stage militaire dans telle ou telle armée, etc.). Mais, c’est « la Magouilleuse » qui décide (nom affectueux donné à l’habile logiciel d’affectation). Les stages ont un fort caractère opérationnel et confrontent les élèves aux réalités du terrain.
À l’issue de son stage, chaque élève rédige un rapport et le défend devant un jury comprenant des personnalités étrangères à l’École. Cette formation est dispensée aux garçons comme aux filles, aux quatre cents élèves français et à la cinquantaine d’élèves internationaux francophones.

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