Novares

Novares : un acteur à la croisée des innovations du secteur automobile

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Pierre BOULET
Par Luc DORNIER

Pierre Boulet, CEO de Novares, et Luc Dornier, Senior Vice Pres­i­dent Of Prod­uct Devel­op­ment au sein de Novares, nous expliquent com­ment leur groupe se posi­tionne par rap­port au développe­ment de l’hydrogène dans le monde auto­mo­bile et plus large­ment dans le domaine de la mobil­ité. Rencontre.

Pouvez-vous nous rappeler le cœur de métier et les principales expertises de Novares ?

Novares est le fruit de la fusion de trois entre­pris­es majeures : Mecaplast qui avait vu le jour en 1955 à Mona­co ; Key Plas­tics, une entre­prise améri­caine qui nous a rejoints fin 2016 ; et le groupe MPC qui a inté­gré Novares, plus récem­ment, en 2019. 

L’ADN de Novares repose sur le rem­place­ment du métal par le plas­tique dans les véhicules. Spé­cial­isé dans les tech­niques avancées d’injection plas­tique, le groupe crée des solu­tions de haute tech­nolo­gie con­tribuant au développe­ment de véhicules plus pro­pres, plus légers, plus con­nec­tés et plus con­vivi­aux dans lesquels tous les pas­sagers peu­vent prof­iter d’interfaces intu­itives. Novares four­nit à l’ensemble des acteurs majeurs du secteur auto­mo­bile, les con­struc­teurs pour 90 % et les équipemen­tiers de rang 1 à rai­son de 10 %. Aujourd’hui, ces solu­tions sont présentes dans 1 véhicule sur 3 dans le monde où le groupe emploie plus de 10 000 per­son­nes et réalise un chiffre d’affaires de 1,2 mil­liards d’euros.

Notre exper­tise se retrou­ve majori­taire­ment dans le com­par­ti­ment moteur pour l’acoustique, le traite­ment de l’huile, de l’eau, de l’air et se décline aujourd’hui sur les bat­ter­ies, l’électronique de puis­sance et les moteurs élec­triques. Elle est égale­ment présente de façon sig­ni­fica­tive dans l’habitacle avec les pièces intérieures de déco­ra­tion, d’aération ou encore con­sole cen­trale et dans l’extérieur du véhicule avec les bar­res de toit et les pièces peintes.

Sur le marché, vous vous différenciez aussi par votre capacité d’innovation…

Au fil des années, nous avons déposé plus de 220 brevets. Chaque année, nous investis­sons env­i­ron 6 % de notre chiffre d’affaires en R&D. La prin­ci­pale illus­tra­tion du rôle clé que joue l’innovation chez Novares est notre pro­gramme NOVA CAR, qui est un véri­ta­ble lab­o­ra­toire d’open inno­va­tion. Con­crète­ment, il s’agit d’une voiture qui intè­gre l’ensemble de nos inno­va­tions et qui fait le tour du monde des cen­tres tech­niques de nos clients afin qu’ils puis­sent directe­ment voir et appréci­er ce que nous sommes en mesure de leur pro­pos­er. En par­al­lèle, nous nous sommes dotés d’un pro­gramme d’investissement dédié pour dévelop­per nos capac­ités d’innovation, Novares Ven­ture Cap­i­tal. Ce fonds investit dans des start-ups inno­vantes repérées et iden­ti­fiées dans le cadre d’appels à pro­jet. Nous en sommes actuelle­ment au 4e (Novares Ven­ture Day). 

Qu’en est-il plus particulièrement de la place de l’hydrogène dans votre stratégie de développement ? 

L’hydrogène est un marché très dévelop­pé en Chine. Il com­mence à se dévelop­per en Europe, mais est encore très bal­bu­tiant aux États-Unis. L’intérêt récent pour l’hydrogène s’explique par la néces­sité de rem­plac­er les véhicules ther­miques, qui utilisent des éner­gies fos­siles, par des véhicules élec­triques. Con­crète­ment, l’hydrogène fait par­tie de la famille des véhicules élec­triques. La prin­ci­pale dif­férence réside dans le fait que l’énergie soit fab­riquée et stock­ée à l’intérieur de la voiture grâce à une bat­terie qui per­met de faire « une zone tam­pon » entre le moteur élec­trique et la pile à com­bustible. 

En matière d’hydrogène, nous inter­venons sur toute la par­tie périphérique à la pile en cap­i­tal­isant sur nos exper­tis­es et notre savoir-faire his­torique. Nous cou­vrons le man­age­ment de l’ensemble des flux (air, hydrogène, eau) qui vont per­me­t­tre le bon fonc­tion­nement de la pile, mais ne tra­vail­lons ni sur le réser­voir ni à l’intérieur de la pile elle-même. 

Notre pre­mière mise en pro­duc­tion série con­cerne les plaques de fer­me­ture de pile (Fuel Cell Stack) qui débute en cette fin 2022 en Chine. Elle est prévue ensuite en Europe fin 2024 alors que nous sommes encore en pleines dis­cus­sions aux États-Unis. 

Ces pièces, très tech­niques, sont fab­riquées à par­tir de matéri­aux dotés de très hautes pro­priétés mécaniques très sta­bles dans le temps. Nous appréhen­dons donc l’hydrogène avec le même ADN, à savoir, inté­gr­er des fonc­tions, rem­plac­er les pièces métalliques par des pièces en plas­tique dont la dura­bil­ité, la com­péti­tiv­ité en ter­mes de coût et de masse sont par­ti­c­ulière­ment appré­ciées par nos clients dans le monde entier. 

Nous sommes con­tin­uelle­ment à l’écoute du marché de la fil­ière de l’hydrogène au ser­vice de la mobil­ité qui est en cours de struc­tura­tion avec des ini­tia­tives divers­es et var­iées et cher­chons à iden­ti­fi­er les ten­dances les plus intéres­santes pour des appli­ca­tions d’hydrogène sta­tion­naires ou encore sur des char­i­ots élévateurs.

Quelques mots sur vos enjeux dans le cadre de votre développement dans le domaine de l’hydrogène ?  

Même si l’hydrogène est classé comme une énergie verte, c’est un sujet rel­a­tive­ment récent qui ne fait pas encore l’unanimité à date. L’hydrogène n’a pas encore fait l’objet d’un tra­vail poussé de stan­dard­i­s­a­tion. Prenons l’exemple de la voiture élec­trique : nous avons actuelle­ment plusieurs stan­dards de pris­es élec­triques dif­férents et autant de types de chargeurs. C’est une com­para­i­son que l’on pour­rait égale­ment faire avec les chargeurs de télé­phone pour lesquels il a fal­lu des décen­nies avant d’arriver récem­ment à une stan­dard­i­s­a­tion. Aujourd’hui, il s’agit de ne pas repro­duire ce même sché­ma avec l’hydrogène afin que chaque acteur ne développe pas son pro­pre stan­dard. Pour plus d’efficacité, les stan­dards doivent précéder les tech­nolo­gies. 

Un des prin­ci­paux enjeux est d’accélérer le déploiement de l’hydrogène en pri­or­ité pour les véhicules util­i­taires qui roulent beau­coup plus que des voitures indi­vidu­elles. Le prix de la pile à com­bustible, et donc du véhicule, est un enjeu majeur qui va impacter la capac­ité de l’industrie et de la fil­ière auto­mo­bile à met­tre cette tech­nolo­gie à dis­po­si­tion du grand pub­lic. 

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs pour conclure ? 

Selon dif­férentes sources, une bat­terie élec­trique con­tient 30 à 40 kg de métaux rares. Il faut jusqu’à 200 tonnes de terre pour trou­ver ces quelques kilos de min­erais. Dans la chaîne de valeur du véhicule élec­trique, la pol­lu­tion et l’impact envi­ron­nemen­tal ont ain­si été décalés au niveau de l’extraction de ces métaux. À par­tir de là, il serait per­ti­nent de se deman­der si le véhicule élec­trique pour­ra véri­ta­ble­ment être plus écologique que le véhicule ther­mique. La même ques­tion se pose pour le véhicule hydride qui finale­ment com­bine les défauts des deux sys­tèmes dans sa ver­sion recharge­able. En par­al­lèle, au niveau de la tax­onomie, l’État sem­ble ne pas par­venir à créer une dif­férence en sub­ven­tion­nant aus­si bien l’achat des véhicules élec­triques que le car­bu­rant des véhicules ther­miques. 

Toute­fois, les acteurs de l’hydrogène et le gou­verne­ment ont la volon­té de dévelop­per cette fil­ière afin de per­me­t­tre à notre pays de devenir un acteur incon­tourn­able à une échelle mon­di­ale. Toute­fois, la con­cur­rence est très rude sur ce seg­ment. La Chine, qui a déjà une bonne longueur d’avance sur le sujet, con­tin­ue à se dévelop­per très vite et beau­coup plus rapi­de­ment que l’Europe. Enfin, pour pass­er à l’échelle en France, il est essen­tiel d’envisager le développe­ment de cette fil­ière hydrogène au-delà de la seule mobil­ité, qui reste un petit marché.  

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