Dans la combinaison martienne

Nous avons créé une combinaison martienne

Dossier : Vie du PlateauMagazine N°730 Décembre 2017
Par Thibault PARIS (16)
Par Arno PASSERON (16)

Un PSC, classé par­mi les trois meilleurs, qui débouche sur une réal­i­sa­tion pra­tique, mais bien sûr pas encore indus­trielle. Ils con­tin­u­ent à tra­vailler sur le sujet et seront ce mois-ci en test dans une base de sim­u­la­tion mar­ti­enne dans le désert de l’Utah.

L’idée est née à la sor­tie d’un cours de maths pen­dant le tronc com­mun. Nous devions choisir un sujet de PSC (Pro­jet sci­en­tifique col­lec­tif de deux­ième année) : je (Thibault) suis allé voir Arno, que je con­nais­sais un peu parce que nous étions dans la même sec­tion à La Cour­tine, et je lui ai pro­posé de nous lancer dans la réal­i­sa­tion d’une com­bi­nai­son pour aller sur Mars. 

Ça sem­blait un peu fou, dit comme ça, mais il a tout de suite été d’accord. Une pre­mière étape de franchie ! 

UN PROJET PAS FACILE À DÉMARRER

Le PSC néces­si­tant d’être au moins cinq par groupe, nous avons d’abord cher­ché d’autres élèves pour se join­dre à l’aventure : cela n’a pas été si facile, vu le peu de bases solides que nous avions alors à offrir. Pour­tant, cinq cama­rades nous ont (courageuse­ment) rejoints : Cédric, Alfred, Ben­jamin, Antoine et Quentin, cha­cun appor­tant une com­pé­tence dif­férente et com­plé­men­taire (maths/info, physique, chimie, mécanique, génie ther­mique, etc.). 

Mais com­ment procéder ensuite ? Nous n’avions aucune base tech­nique préal­able, pas de tuteur, pas de fonds, et encore moins d’entreprises intéressées par le projet. 

Quelques semaines plus tard, nous avons trou­vé notre tuteur : ce serait Alain Souch­i­er, ingénieur en charge des moteurs de l’ex-programme Ari­ane 4 et aujourd’hui prési­dent de l’Association Planète Mars, qui mène des actions en faveur de la con­quête de la planète rouge. Exacte­ment ce qu’il nous fallait ! 

Lui était très intéressé par notre pro­jet, et il avait déjà de l’expérience dans la fab­ri­ca­tion de com­bi­naisons dites « ana­logues », des com­bi­naisons non pres­surisées qui ser­vent à simuler des mis­sions sur Terre. 

NOUS ENTRONS EN PHASE ACTIVE

Dès nos pre­miers échanges, il nous a guidés sur le chemin épineux de l’état de l’art des com­bi­naisons spa­tiales, pour don­ner une base solide à notre projet. 

Les choses se pré­ci­saient égale­ment du côté du coor­di­na­teur (un pro­fesseur de l’X qui ori­ente les élèves pour attein­dre les attentes académiques de l’École sur le PSC). Jean-Marc Chomaz, du Lad­Hyx, a ain­si accep­té de nous encadrer. 

Restait la ques­tion du finance­ment. Nous avions estimé les coûts de développe­ment et le prix des matéri­aux à env­i­ron 7 500 euros. Mal­gré nos mul­ti­ples sol­lic­i­ta­tions, nous ne sommes pas par­venus à trou­ver de spon­sors. En cause : nous n’avions alors que quelques sché­mas prélim­i­naires à leur mon­tr­er et le secteur des com­bi­naisons spa­tiales ne peut pas vrai­ment être qual­i­fié de porteur. 

L’investissement était trop incer­tain. C’est finale­ment la direc­tion des études et de la recherche de l’École qui a accep­té de nous financer. 

1 500 HEURES D’IMPRESSION EN 3D

La prin­ci­pale inno­va­tion de notre pro­jet était de réalis­er la com­bi­nai­son entière­ment en impres­sion 3D, l’idée étant que, avec ce procédé, il est pos­si­ble de créer une com­bi­nai­son directe­ment sur place, de la répar­er et même de la recy­cler puisque le matéri­au de base peut être réim­primé en d’autres objets. 

Présentation de la combinaison martienne aux jeunesCe choix était per­ti­nent par rap­port à notre objec­tif mais il nous a cepen­dant posé quelques dif­fi­cultés, à savoir que les imp­ri­mantes 3D du Fablab de l’X étaient trop sol­lic­itées pour pou­voir tout imprimer avant la sou­te­nance finale et que les rares acteurs privés pou­vant le faire en demandaient un prix ahurissant. 

Finale­ment, c’est une solu­tion rad­i­cale mais effi­cace que nous avons retenue : après avoir assem­blé et cal­i­bré qua­tre imp­ri­mantes 3D nous-mêmes, nous avons organ­isé un roule­ment jour et nuit, pen­dant deux mois, pour imprimer les 213 pièces de notre com­bi­nai­son. Un tra­vail de four­mi de 1 500 heures cumulées, pour 12 000 mètres fil imprimés. 

Cer­taines pièces ou opéra­tions, que nous ne pou­vions pas réalis­er nous-mêmes par manque de temps ou d’expertise (gants, cou­tures, etc.), ont été réal­isées en par­al­lèle par l’Association Planète Mars à Mar­seille. Une fois tous les élé­ments réu­nis sur le plateau de Saclay, le puz­zle géant a enfin pu com­mencer et il nous a fal­lu deux semaines sup­plé­men­taires pour tout assembler. 

Les fini­tions ont été par­ti­c­ulière­ment déli­cates car même en antic­i­pant sur les jeux, les dernières pièces imprimées en 3D ne ren­traient pas dans l’ensemble. Nous avons néan­moins pu les réim­primer en quelques heures, au bon for­mat, ce qui mon­tre l’intérêt de cette technologie. 

Nous étions alors à moins de qua­tre jours de la sou­te­nance finale. Pari tenu ! En moins d’un an, nous venions de con­stru­ire un pro­to­type de com­bi­nai­son de sor­tie mar­ti­enne imprimée en 3D, désor­mais appelée X‑1.

DIRECTION LA « MISSION MARS »

Depuis, les choses ont bien avancé. Nous avons réal­isé des tests de mobil­ité et de régu­la­tion ther­mique sur le cam­pus et nous prévoyons de réalis­er les pre­miers tests de pres­suri­sa­tion cette année. 

Combinaison martienne : essai sur terreL’été dernier, des inter­views du Parisien, de BFMTV et d’Air & Cos­mos nous ont per­mis de com­mu­ni­quer sur notre pro­jet et de partager notre pas­sion du spa­tial. Enfin, nous avons par­ticipé à des con­férences inter­na­tionales sur la con­quête de Mars et nous avons pu échang­er avec le grand pub­lic lors de la dernière Fête de la Science. 

Nous avons égale­ment été récom­pen­sés par l’un des trois prix du meilleur PSC de l’année, attribués par l’École et la FX. 

L’aventure est cepen­dant loin d’être ter­minée puisque Thibault et Arno ont décidé de repren­dre le pro­jet pour leur troisième année. En plus de con­tin­uer à le dévelop­per, ils par­ticiper­ont en décem­bre à la mis­sion MDRS 185, organ­isée par la Mars Soci­ety améri­caine dans le désert de l’Utah : dans une base de sim­u­la­tion mar­ti­enne, ils tes­teront X‑1 dans un envi­ron­nement et des con­di­tions proches de ce que les futurs « mar­so­n­autes » rencontreront. 

Les résul­tats de ces tests de ter­rain leur per­me­t­tront d’améliorer le design de la com­bi­nai­son, dont tous les plans et fichiers 3D seront ensuite mis en libre accès sur Inter­net, pour que d’autres équipes étu­di­antes puis­sent se lancer à leur tour dans l’aventure.

Commentaire

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francois.gaudel.1966répondre
15 décembre 2017 à 8 h 35 min

com­bi­nai­son martienne

Fier de Thibault, ancien de Sci­ence Ouverte !

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