Make videos, by Stuperflix

Monter une vidéo amateur en quelques minutes

Dossier : TrajectoiresMagazine N°708 Octobre 2015
Par François LAGUNAS (96)
Par Hervé KABLA (84)

Par quelles étapes es-tu passé avant de créer Stupeflix ?

J’ai com­men­cé par une thèse en trai­te­ment auto­ma­tique des langues. Ensuite, j’ai obte­nu un poste de direc­teur scien­ti­fique chez Exa­lead, dont j’étais le pre­mier employé. J’ai pu voir l’entreprise pas­ser de 3 per­sonnes à plus d’une cen­taine au cours des huit années que j’y ai pas­sées, et j’ai fait mes pre­mières armes sur ce qu’on n’appelait pas encore big data. 

J’ai à nou­veau été direc­teur scien­ti­fique, chez Dai­ly­mo­tion, pen­dant un an. Cette deuxième expé­rience m’a fait décou­vrir une autre façon de faire, plus ité­ra­tive, mais éga­le­ment le monde du soft­ware grand public et ses enjeux spé­ci­fiques : audience, publi­ci­té, vira­li­té, etc. 

Se lancer sur le marché de la vidéo, n’est-ce pas un peu audacieux ?

Oui et non. L’idée de base était en 2008 que la consom­ma­tion vidéo sur Inter­net était en pleine explo­sion, et que la pro­duc­tion allait subir la même révo­lu­tion, tôt ou tard. Une des dif­fi­cul­tés a prio­ri est que la vidéo est un média riche et com­plexe, et qu’un nou­vel entrant devrait déve­lop­per des tech­no­lo­gies lourdes avant de pou­voir pré­tendre prendre une place sur le marché. 

“ Fini les heures à monter une vidéo pour un mariage, ou présenter son projet ! ”

Nous avons pour­tant adop­té une approche incré­men­tale, en pro­po­sant après seule­ment deux mois de déve­lop­pe­ment une pre­mière ver­sion très simple et for­cé­ment limi­tée de notre solu­tion d’automatisation de créa­tion vidéo. 

La suite nous a don­né rai­son : nos pre­miers clients sont arri­vés avant même que la créa­tion de l’entreprise ne soit effec­tive, et nous avons pu conti­nuer à déve­lop­per notre pro­duit en vali­dant au fur et à mesure les besoins de nos utilisateurs. 

Par la suite, nos efforts ont été réorien­tés sur le grand public, pro­fi­tant de l’explosion du mar­ché mobile pour déve­lop­per consi­dé­ra­ble­ment notre audience : notre appli­ca­tion Replay attein­dra bien­tôt les 10 mil­lions d’installations. Pour cela il a fal­lu prendre un virage ris­qué, du Web au mobile. 

Cela a ame­né à trans­fé­rer toute notre tech­no­lo­gie pour atteindre ce mar­ché qui nous était tota­le­ment incon­nu, en pas­sant de 10 à 20 employés. 

Qu’est-ce qui différencie Stupeflix des autres offres ?

La sim­pli­ci­té et la vitesse. Alors que la plu­part des outils se foca­lisent sur l’exhaustivité des fonc­tion­na­li­tés, nous nous concen­trons sur l’automatisation et la sim­pli­ci­té pour l’utilisateur final. Là où plu­sieurs heures sont néces­saires pour mon­ter une vidéo avec des moyens clas­siques, nos outils per­mettent d’obtenir un résul­tat sou­vent supé­rieur en quelques minutes. 

L’utilisateur peut prendre ses pho­tos et vidéos sur son smart­phone et dans la fou­lée assem­bler sa vidéo, sur le même appa­reil. Fini les heures à mon­ter une vidéo pour un mariage, ou pré­sen­ter son projet ! 

Six polytechniciens chez Stupeflix : pourquoi une telle concentration ?

Cela n’a pas tou­jours été le cas, c’est même plu­tôt récent, et c’est plus une ques­tion de réseau qu’une véri­table volon­té. Dans la socié­té, cha­cun a des talents spé­ciaux, et nous sommes tou­jours à la recherche de com­pé­tences complémentaires. 

On trouve chez nous des artistes pour la créa­tion de vidéos, mais aus­si plu­sieurs musi­ciens, un DJ, des contri­bu­teurs majeurs sur des pro­jets open source, des entre­pre­neurs qui nous ont rejoints après des expé­riences dans des domaines variés, etc. Au final, nous accor­dons assez peu d’importance à l’origine « sco­laire » des can­di­dats, même si notre acti­vi­té fait que nous embau­chons beau­coup de pro­fils tech­niques, en com­pu­ter vision, syn­thèse d’images ou machine learning. 

Les pro­duits que nous pro­po­sons sont un mélange com­plexe d’art et de tech­no­lo­gie, et c’est la diver­si­té des pro­fils qui rend pos­sible cette approche. 

Comment trouver sa place ?

La créa­tion vidéo est un domaine vrai­ment vaste. Si on ajoute à cela la com­plexi­té de la concep­tion et du déve­lop­pe­ment com­mer­cial d’un pro­duit, on peut dire que la ques­tion ne se pose même pas. 

Cha­cun trouve par contre beau­coup à apprendre auprès de ses pairs, et nous met­tons un point d’honneur à ce que cha­cun puisse décou­vrir de nou­veaux domaines et pro­gres­ser. Tout cela se fait au final très natu­rel­le­ment, nous essayons de gar­der la sou­plesse d’une petite structure. 

On dit que les start-ups françaises ne savent pas se développer à l’international : quels sont vos projets hors des frontières ?

La ques­tion ne s’est jamais posée : notre mar­ché a tou­jours été mon­dial et, dès le début, 95 % de notre chiffre d’affaires vient de l’international. La pré­sence d’une per­sonne à temps plein à San Fran­cis­co nous a per­mis d’être visibles des grandes entre­prises, que ce soit Google, Face­book, Apple, etc. 

Cela nous a, par exemple, per­mis d’être sur scène aux côtés du PDG d’Apple lors de la Key­note d’octobre 2014, ce qui nous a don­né une énorme visibilité. 

Quel regard portes-tu sur le capital-risque hexagonal ?

Nos inves­tis­seurs étant pour la plu­part étran­gers, je peux dif­fi­ci­le­ment par­ler du capi­tal-risque hexa­go­nal. Peut-être, leur tolé­rance au risque est-elle infé­rieure à la moyenne mondiale. 

“ 95 % de notre chiffre d’affaires vient de l’international ”

Cela ne consti­tue pas pour moi une rai­son valable pour ne pas se lan­cer dans l’aventure, la France a bien d’autres avan­tages à offrir aux entre­pre­neurs, comme des aides signi­fi­ca­tives aux entre­prises inno­vantes, ou des salaires rai­son­nables com­pa­rés à ceux de la Sili­con Val­ley, où les géants du sec­teur drainent tous les talents. 

Mon­ter son entre­prise en France plu­tôt qu’à l’étranger, c’est ren­for­cer l’écosystème qui nous a for­més, et c’est rendre plus facile le démar­rage des futurs entrepreneurs. 

Quels schémas de sortie ?
Est-ce trop tôt pour y penser ?

Nous essayons avant tout d’aller le plus loin pos­sible par nous-mêmes, et nous sommes encore loin d’avoir épui­sé les oppor­tu­ni­tés qui se pré­sentent à nous. Il fau­dra bien y pen­ser un jour, mais pas pour le moment ! Ce qui est clair c’est que la France et l’Europe offrent très peu de voies de sor­tie en termes de rachats, et c’est peut-être là que le bât blesse le plus. 

Sans éco­sys­tème déve­lop­pé, les sor­ties sont dif­fi­ciles, ce qui incite les entre­pre­neurs à ten­ter leur chance ailleurs, ce qui freine en retour le déve­lop­pe­ment de l’écosystème. Il faut arri­ver à sor­tir de ce cercle vicieux, et cela pren­dra cer­tai­ne­ment du temps. 

Qu’est-ce qui a changé pour que tant de jeunes X se lancent dans la création d’entreprises ?

Il y a avant tout un chan­ge­ment d’échelle de valeurs. Il ne semble plus tout à fait absurde de créer son entre­prise plu­tôt que de s’intégrer à de grosses struc­tures existantes. 

D’autre part il n’a jamais été aus­si facile de créer et de finan­cer une entre­prise, en grande par­tie parce que les coûts de déve­lop­pe­ment d’un pro­duit ont chu­té drastiquement. 

J’espère que cette ten­dance se ren­for­ce­ra encore sur le long terme, la France et l’Europe ont prou­vé qu’elles pou­vaient pro­duire des entre­prises B2B de pre­mier ordre, elles ont main­te­nant ter­ri­ble­ment besoin d’entreprises grand public capables elles aus­si de jouer dans la cour des grands. 

Le clap de fin ?

J’espère avoir don­né envie aux jeunes diplô­més (et à tous les autres !) de se lan­cer dans l’aventure. De jeunes entre­pre­neurs passent régu­liè­re­ment prendre un café dans nos locaux, n’hésitez donc pas à venir nous voir si vous avez des ques­tions ou si vous cher­chez des contacts. 

Et nous espé­rons bien sûr pou­voir par­ti­ci­per aux nou­veaux pro­jets de l’X pour favo­ri­ser l’entrepreneuriat, comme nous le fai­sons déjà par ailleurs dans d’autres écoles. 

Propos recueillis par Hervé Kabla (84)

Commentaire

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Herverépondre
6 mars 2016 à 10 h 44 min

Et ce n’est pas fini…
GoPro annonce le rachat de Stu­pe­flix http://techcrunch.com/2016/02/29/gopro-spends-20-of-its-cash-on-hand-to-acquire-two-video-editing-startups/

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