Miser sur des réseaux de chaleur intelligents

Dossier : Le Grand Paris : Les territoires, espaces d‘anticipationMagazine N°676 Juin/Juillet 2012
Par Olivier HALPERN (70)
Par François HABÈGRE (74)
Par Jean-Philippe BUISSON (85)

Lorsque la France et l’Europe ont pris la déci­sion de lim­iter les émis­sions de car­bone, et de favoris­er fis­cale­ment les éner­gies renou­ve­lables, on a démon­tré à quel point ces réseaux de chaleur ou de froid, qui utilisent des éner­gies renou­ve­lables, sont économique­ment intéres­sants en com­para­i­son avec les solu­tions individuelles.

REPÈRES
Tous les grands pro­jets de développe­ment urban­is­tique ont néces­sité en par­al­lèle le développe­ment de réseaux de chaleur ou de froid. Dans les années 1970, les villes nou­velles ont favorisé leur implan­ta­tion. La pop­u­la­tion desservie par ces sys­tèmes col­lec­tifs s’est accrue jusqu’à attein­dre un mil­lion d’habitants en Île-de-France. Dix ans plus tard, le coût des éner­gies fos­siles a bais­sé, entraî­nant de fait une stag­na­tion du développe­ment de ces réseaux, qui ont alors eu plus de peine à con­va­in­cre de nou­veaux usagers. Leur effi­cac­ité a été con­testée, et surtout ils pâtis­saient de la con­cur­rence du gaz et de l’électricité, disponibles et bon marché.

Géothermie, biomasse et récupération

Une énergie locale, renou­ve­lable, indépen­dante des éner­gies fos­siles, disponible vingt-qua­tre heures sur vingt-quatre

Le développe­ment de la cogénéra­tion, de la récupéra­tion de chaleur issue des usines d’incinération ou des process indus­triels et des éner­gies renou­ve­lables, comme la bio­masse ou la géother­mie, a sta­bil­isé les prix des réseaux de chaleur et de froid et leur a ren­du leur com­péti­tiv­ité face à l’envolée du prix des éner­gies fos­siles. Les éner­gies renou­ve­lables sont donc de nou­veau priv­ilégiées, comme la géother­mie des nappes pro­fondes et de sur­face, la récupéra­tion d’énergie pro­duite par l’incinération des déchets ou par le refroidisse­ment indus­triel et tertiaire.

Les fil­ières biomasse
L’Île-de-France dis­pose de 300 000 hectares de forêts, soit 22 % de son ter­ri­toire. Le bois énergie peut pleine­ment se dévelop­per, à tra­vers les vecteurs idéaux que con­stituent les réseaux de chauffage ou les chauf­feries col­lec­tives. La nou­velle chauf­ferie bio­masse de Fonte­nay-aux- Ros­es, qui ali­mente 640 loge­ments, utilise des pla­que­ttes forestières, issues de la récupéra­tion de bois, après éla­gage par exem­ple, et qui néces­si­tent un trans­port de moins de 50 kilomètres.

Le réseau de chaleur du Val d’Europe, qui récupère la chaleur d’un data cen­ter pour chauf­fer 600 000 m² d’une nou­velle zone d’aménagement, en est un exem­ple con­cret. Voilà donc une énergie locale, renou­ve­lable, indépen­dante des prix des éner­gies fos­siles, disponible vingt-qua­tre heures sur vingt-qua­tre. L’association de plusieurs éner­gies renou­ve­lables se révèle une solu­tion par­ti­c­ulière­ment effi­cace. À Ris-Orangis, ce sont la bio­masse et la géother­mie basse pro­fondeur – à 120 mètres dans la nappe de l’Yprésien – qui assurent le chauffage et le rafraîchisse­ment d’un nou­v­el éco­quarti­er, les Docks de Ris.

De meilleurs réseaux

Dans le même temps, les réseaux se sont améliorés sur le plan tech­nique, et néces­si­tent désor­mais des régimes de tem­péra­ture et de pres­sion moins élevés. Ces pro­grès per­me­t­tent d’améliorer leur ren­de­ment ; ils sont par ailleurs moins chers à la con­struc­tion et donc plus rentables.

Économie de carbone
La sub­sti­tu­tion des éner­gies renou­ve­lables aux éner­gies fos­siles fait économiser des mil­liers de tonnes de car­bone : 8 000 tonnes avec la nou­velle géother­mie du Val-Maubuée ; 16 000 tonnes grâce à la chauf­ferie bois du réseau de Cergy-Pontoise.

Ils s’adaptent égale­ment mieux à la demande du client, notam­ment les nou­velles con­struc­tions BBC (bâti­ment basse con­som­ma­tion), ain­si qu’aux con­traintes cli­ma­tiques, car leur con­cep­tion est dev­enue plus sou­ple. Ils con­tribuent enfin au sou­tien des réseaux élec­triques locaux en les déchargeant aux péri­odes de pointes. Les réseaux s’imposent comme plus per­for­mants que cer­tains autres pro­jets alternatifs.

Encore faut-il pou­voir en faire béné­fici­er une large part de la pop­u­la­tion. L’objectif serait donc de faire pass­er de un à qua­tre mil­lions le nom­bre de loge­ments desservis. Il faut alors prof­iter de toutes les oppor­tu­nités, et notam­ment des nou­velles opéra­tions d’aménagement, pour éten­dre ces réseaux.

Les nouvelles gares au centre des réseaux

Les exem­ples don­nés illus­trent le poten­tiel que représen­tent les futures ZAC dans le développe­ment de la chaleur renou­ve­lable. Les nou­velles gares du Grand Paris sont une autre oppor­tu­nité, avec toutes les opéra­tions d’aménagement qu’elles représentent.

Atténuer les pointes de consommation
Il faut tenir compte de la ten­sion énergé­tique liée aux nou­veaux besoins du Grand Paris. Le développe­ment des réseaux per­met d’atténuer l’effet des pointes élec­triques, en sub­sti­tu­ant au chauffage élec­trique le recours aux éner­gies renouvelables.

Pour une fois, le réseau de chaleur sera situé au cen­tre de l’ensemble et non dans sa périphérie, con­traire­ment à ce qui s’est fait habituelle­ment ; ain­si, d’autres clients poten­tiels pour­ront se trou­ver à prox­im­ité, lui per­me­t­tant ain­si de s’étendre.

Ces gares seront des cen­tres d’activité qui mélangeront activ­ités et ser­vices, et entraîneront donc une demande en énergie forte et diver­si­fiée – chaleur pour des loge­ments ou refroidisse­ment pour des ensem­bles de bureaux –, elles assureront ain­si l’équilibre économique du réseau. Et des solu­tions tech­niques vertueuses exis­tent pour pro­duire en même temps et de manière opti­misée de la chaleur et du rafraîchisse­ment. On prévoit la con­struc­tion de plusieurs mil­liers de loge­ments autour de ces nou­velles gares ; or, l’équilibre d’un réseau de chaleur est assuré dès lors qu’il dessert entre mille et qua­tre mille loge­ments, en fonc­tion des tech­niques utilisées.

Un bilan carbone optimal

Faire pass­er de un à qua­tre mil­lions le nom­bre de loge­ments desservis

Voilà donc une grande oppor­tu­nité de créer des réseaux de chaleur qui soient à la fois écologiques, renta­bles et sol­idaires. Tous les sites actuelle­ment en cours d’étude ne per­me­t­tront pas la mise en place de ces réseaux écologiques. Il con­vient donc rapi­de­ment de définir lesquels y seront prop­ices. Au-delà des analy­ses glob­ales en cours, il faut garder à l’esprit que chaque site présen­tera ses pro­pres spé­ci­ficités. C’est bien le rôle des opéra­teurs locaux et des entre­pris­es impliquées de con­cevoir les solu­tions opti­misées qui per­me­t­tront à chaque pro­jet de réalis­er le « bilan car­bone » le meilleur pos­si­ble. C’est au tra­vers des solu­tions envi­ron­nemen­tales qui sont mis­es en place aujourd’hui que se des­sine le ter­ri­toire que nous voudrons habiter demain.

Dalkia
Dalkia, acteur majeur des ser­vices énergé­tiques, exploite 120 000 instal­la­tions dans le monde, dont 900 réseaux urbains et locaux de chaleur et de froid. L’entreprise compte plus de 15 000 col­lab­o­ra­teurs en France.

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