Les ports de l’axe Seine à l’avant-poste

Dossier : Le Grand Paris : Les territoires, espaces d‘anticipationMagazine N°676 Juin/Juillet 2012
Par Philippe DEISS
Par Alexis ROUQUE

Inter­views croi­sées de Phi­lippe DEISS, direc­teur du ports de Rouen et pré­sident du GIE HAROPA pour l’année 2012, Her­vé MARTEL, direc­teur du port du Havre et Alexis ROUQUE, Direc­teur du port de Paris

Évo­quant les enjeux d’un tra­vail com­mun entre les trois ports, Phi­lippe Deiss rap­pelle que « l’idée d’une coor­di­na­tion Le Havre- Rouen-Paris a pré­cé­dé celle du Grand Paris, et la loi de juillet 2008 por­tant la réforme por­tuaire a pré­co­ni­sé la coor­di­na­tion des grands ports par façade mari­time ou par axe. Sa tra­duc­tion est ins­ti­tu­tion­nelle : le CCIS (Conseil de coor­di­na­tion inter­por­tuaire de la Seine). Enfin, l’outil pour agir per­met­tant à un véri­table sys­tème de trans­port Seine d’émerger est créé début 2012. Il cor­res­pond à une orga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale cohé­rente et dyna­mique, celle du Grand Paris. »

REPÈRES
Qua­trième dans la hié­rar­chie des grands ports nord-euro­péens, le GIE Haro­pa réunit le port de Paris et les grands ports mari­times de Rouen et du Havre. Connec­té au monde entier grâce à une offre mari­time inter­na­tio­nale de pre­mier plan, Haro­pa génère un total de près de 130 mil­lions de tonnes de tra­fics mari­times et flu­viaux. Avec 14 000 hec­tares de ter­rains et de réserves fon­cières des­ti­nés à des implan­ta­tions indus­trielles et logis­tiques, ses retom­bées éco­no­miques sont très impor­tantes, notam­ment en termes d’emplois. Ses acti­vi­tés génèrent 40 000 emplois directs et 120 000 emplois indirects.

Une métropole ouverte sur la mer

Pour Her­vé Mar­tel, à l’heure où le mari­time assoit sa domi­na­tion sur les échanges mon­diaux, la métro­pole pari­sienne doit se doter d’une ouver­ture sur la mer : « Même Pékin ren­force son lien flu­vial avec le port de Tian­jin, 160 km en aval. La dis­tance est com­pa­rable avec les 200 km qui séparent Paris du Havre.

Les ports euro­péens ont du mal à riva­li­ser avec leurs concur­rents mondiaux

Aujourd’hui, les ports euro­péens ont du mal à riva­li­ser avec leurs concur­rents mon­diaux, chi­nois, coréens, bré­si­liens. C’est pour­quoi la coopé­ra­tion inter­por­tuaire est un enjeu très fort, notam­ment en termes d’affichage et de visi­bi­li­té à l’international pour nos clients, mais aus­si en termes de déve­lop­pe­ment durable. À nous trois, nous sommes capables de pro­po­ser une offre de ser­vices logis­tiques com­plète et diver­si­fiée cou­vrant l’ensemble des besoins des clients fran­çais et européens. »

Il s’agit, selon Alexis Rouque, d’accompagner les places por­tuaires exis­tantes et de les faire tra­vailler en réseau : « Je pense que le pro­jet actuel crée une réelle ému­la­tion entre nos ports : pour que un plus un plus un fassent plus que trois. Les résul­tats sont d’ores et déjà encou­ra­geants : l’activité por­tuaire de l’axe Seine à fin mars 2012 illustre un cli­mat de confiance retrou­vé mal­gré la crise, avec un tra­fic mari­time stable à 22,3 mil­lions de tonnes.

Au terme du pre­mier tri­mestre de 2012, le tra­fic mari­time de conte­neurs enre­gistre une pro­gres­sion de 27 % en ton­nages à 6,1 mil­lions de tonnes et de 21 % en nombre d’unités avec 620 000 conte­neurs EVP (équi­va­lents vingt pieds).»

Pre­miers résultats
Haro­pa consti­tue le pre­mier ensemble por­tuaire fran­çais pour le tra­fic de conte­neurs grâce aux ins­tal­la­tions spé­cia­li­sées du port du Havre (avec 62% du tra­fic réa­li­sé par les ports fran­çais). Du reste, pour ce der­nier, le tra­fic de conte­neurs trai­té avec l’hinterland pro­gresse sur les trois pre­miers mois de 2012. Le retour de la confiance des clients a en effet un impact direct sur ces résul­tats qui sont très encou­ra­geants. Il s’agit du meilleur résul­tat tri­mes­triel de ces quatre der­nières années.
Plate-forme mul­ti­mo­dale
L’enjeu est éga­le­ment de déve­lop­per l’activité logis­tique sur les ter­mi­naux por­tuaires qui, aux yeux d’Alexis Rouque, est créa­trice de valeur ajou­tée et d’emplois : « À ce titre, le pro­jet de port Seine Métro­pole, plate-forme mul­ti­mo­dale située prin­ci­pa­le­ment à Achères, à la confluence de l’axe Seine et du futur canal Seine-Nord Europe est par­ti­cu­liè­re­ment symbolique. »

Voie fluviale et train

Conso­li­der sa posi­tion sur le plus grand mar­ché d’Europe grâce à une des­serte plus effi­cace par la voie flu­viale et par le train est l’un des prin­ci­paux objec­tifs de l’axe Seine.

Tous les char­geurs s’intéressent aujourd’hui à la logis­tique fluviale

Grâce à ses atouts, Haro­pa devient une place mul­ti­mo­dale de réfé­rence en Europe, le qua­trième port euro­péen. Her­vé Mar­tel pré­cise que « cette dyna­mique passe par la maî­trise des réseaux fer­ro­viaires et un étroit maillage des ter­mi­naux flu­viaux sur la Seine. La mise en ser­vice de trains longs entre Paris et Le Havre, le futur ter­mi­nal mul­ti­mo­dal et la mise en ser­vice de nou­velles plates-formes flu­viales sur l’axe Seine concourent à ce dis­po­si­tif de massification. »

La des­serte fer­ro­viaire et flu­viale fait par­tie des pro­jets com­muns. Phi­lippe Deiss sou­ligne que, pour le che­min de fer, le port de Rouen a tout inté­rêt à ce que le maxi­mum de trains entre Le Havre et Paris ne tran­sitent plus par Rouen, ce qui concour­ra à libé­rer des fais­ceaux entre Paris et Rouen : « Le Grand Paris ne se fera qu’avec de bonnes des­sertes. Le fret fer­ro­viaire sera éga­le­ment amé­lio­ré le jour où le pro­jet de ligne nou­velle Paris- Nor­man­die, spé­cia­li­sée dans le tra­fic voya­geurs, sera mis en ser­vice et libé­re­ra des sillons fret sur l’itinéraire actuel. »

Le port de Paris
Le port de Paris. L’idée d’une coor­di­na­tion Le Havre-Rouen-Paris a pré­cé­dé celle du Grand Paris. © GPMH

Les atouts de la complémentarité

L’atout d’Haropa, c’est sur­tout de pro­po­ser une solu­tion per­ti­nente par rap­port au tout-rou­tier des ports de l’Europe du Nord, pour un mar­ché de 25 mil­lions de consom­ma­teurs en appro­vi­sion­ne­ment direct.

Le port du Havre
Le port du Havre. Pro­po­ser une offre de ser­vices logis­tiques com­plète et diversifiée.
© GPMH

Alexis Rouque se réjouit de consta­ter que tous les char­geurs s’intéressent aujourd’hui à la logis­tique flu­viale, y com­pris la grande dis­tri­bu­tion et jusque dans son volet dis­tri­bu­tion urbaine jusqu’au coeur de la capi­tale. Her­vé Mar­tel ajoute que l’offre com­mune est un atout de com­pé­ti­ti­vi­té pour tous les acteurs de la chaîne logis­tique, faci­li­té par l’uniformisation des pro­cé­dures décla­ra­tives doua­nières sur l’axe Seine. À ce titre, le déploie­ment du sys­tème AP + ou la mise en place avec les douanes d’un gui­chet unique doua­nier sont des pre­miers pas décisifs.

Affir­mer la taille euro­péenne du com­plexe Paris-Rouen- Le Havre

Et Phi­lippe Deiss conclut : « Tra­vailler en com­mun per­met la démul­ti­pli­ca­tion de l’offre à nos clients, de la pro­mo­tion et de l’action. Nous affir­mons ain­si la taille euro­péenne du com­plexe por­tuaire Paris-Rouen- Le Havre en met­tant en avant ce que nous com­men­çons effec­ti­ve­ment à réa­li­ser ensemble. Cela per­met­tra aus­si d’investir en com­mun sur les pro­jets qui sont fon­da­men­taux pour bâtir un sys­tème logis­tique per­for­mant et propre à l’échelle du Grand Paris comme, par exemple, le ter­mi­nal mul­ti­mo­dal du Havre. »

Le port de Rouen
Le port de Rouen. La coopé­ra­tion inter­por­tuaire le long de l’axe Seine est un enjeu très fort. © GPMR/P. BOULEN

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