Hennessy

« Notre objectif est de régénérer 50 000 hectares de forêts en dix ans »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Laurent BOILLOT

Plus que jamais la préser­va­tion des forêts est au cœur des préoc­cu­pa­tions de la Mai­son Hen­nessy qui mul­ti­plie les actions et les ini­tia­tives en ce sens. Lau­rent Boil­lot, prési­dent de la Mai­son Hen­nessy, nous en dit plus.

La Maison Hennessy s’est engagée dans une démarche de développement durable depuis déjà plusieurs années. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La trans­mis­sion est au cœur de l’histoire de Hen­nessy depuis sa créa­tion avec une intu­ition pré­coce des enjeux envi­ron­nemen­taux et socié­taux qui ani­ment notre monde d’aujourd’hui. La Mai­son a été une des pre­mières entre­pris­es à se dot­er d’un com­mis­sion envi­ron­nement dès 1991, puis en 1998 a été la pre­mière mar­que des vins et spir­itueux au monde à être cer­ti­fiée 14001.

Aujourd’hui notre démarche de développe­ment durable est struc­turée autour de trois piliers : viti­cul­ture durable et bio­di­ver­sité, pro­duc­tion et cli­mat, et nos engage­ments pour la société. Cela nous per­met de pilot­er nos engage­ments et de mesur­er nos pro­grès notam­ment l’objectif de réduire de ‑50 % notre empreinte car­bone d’ici 2030.

Au cœur de vos engagements sur la viticulture durable et la biodiversité, on retrouve la question de la régénération des forêts. Pourquoi est-ce un sujet important pour Hennessy ? Quelles sont vos ambitions dans ce cadre ?

Hen­nessy, c’est un parc de plus de 500 000 bar­riques en chêne qui vieil­lis­sent la plus impor­tante réserve d’eaux-de-vie de cognac au monde. Ces bar­riques sont con­servées le plus longtemps pos­si­ble (par­fois jusqu’à 50 ans) tant qu’ils peu­vent con­tribuer qual­i­ta­tive­ment au bon vieil­lisse­ment de nos eaux-de-vie. Pour garan­tir cette ressource en bois et l’approvisionnement de 30 000 bar­riques chaque année, nous investis­sons dans la ges­tion durable des forêts.

La Mai­son est d’ailleurs pro­prié­taire, depuis 50 ans, d’une forêt dont la ges­tion raison­née et l’équilibre de la bio­di­ver­sité con­stituent un axe essen­tiel de notre pro­gramme de développe­ment durable.

On ne peut pas œuvr­er à cet appro­vi­sion­nement et inve­stir dans la ges­tion forestière sans regarder plus loin que notre seule activ­ité. La déforesta­tion pèse 17 % dans les émis­sions car­bones mon­di­ales et leur dis­pari­tion engen­dre une perte de bio­di­ver­sité colos­sale dont les con­séquences mul­ti­ples sont incal­cu­la­bles. La forêt est l’écosystème le plus riche pour la bio­di­ver­sité : elle four­nit pro­tec­tion et nour­ri­t­ure aux oiseaux, insectes et petits ani­maux, elle con­tribue à la fer­til­ité des sols et à l’équilibre écologique des ter­ri­toires. Elle offre aux pop­u­la­tions activ­ités et revenus et elle est un puits de car­bone que nous avons urgem­ment besoin de régénérer.

Le dérè­gle­ment cli­ma­tique et la chute de la bio­di­ver­sité sont des enjeux mon­di­aux. Nous nous enga­geons donc pour la préser­va­tion des ressources naturelles et la pro­tec­tion de l’environnement de manière globale.

Nous avons noué un parte­nar­i­at ambitieux avec Reforest’Action qui nous apporte son exper­tise et sa maîtrise d’ouvrage pour des pro­jets d’envergure. En 2021 et 2022, le choix s’est porté sur le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigéria, la Chine et aux USA, l’Oregon.

Pouvez-vous nous donner quelques éléments de mesure ?

Engagée sur 10 ans, la Mai­son investit dans dif­férents pro­jets dans les régions du monde où elle est présente. Cet engage­ment sur le temps long per­me­t­tra à la Mai­son d’assurer la via­bil­ité et la péren­nité des pro­jets pour un impact vrai­ment significatif.

Au Kenya par exem­ple, Hen­nessy a financé la régénéra­tion d’une par­tie de la forêt pro­tégée du Mont Kenya 400 hectares avec 250 000 arbres de divers­es essences). L’objectif est d’accompagner la restau­ra­tion du Parc Nation­al du Mont Kenya, de créer des forêts-jardins qui per­me­t­tent aux pop­u­la­tions locales de pro­téger leurs cul­tures, de diver­si­fi­er leurs sources de revenus et de sen­si­bilis­er les jeunes généra­tions dans les écoles locales.

Ce sont aus­si des actions en France. Dans le pays cog­naçais, en parte­nar­i­at avec l’ONF, nous avons lancé le pro­jet de restau­r­er la forêt de la Bra­conne soit plus de 27 000 chênes plan­tés sur 25 hectares en 5 ans.

Notre objec­tif est de régénér­er 50 000 hectares de forêts en dix ans.

En parallèle de cette action, vous avez créé le mouvement IMAGINE A WORLD FOREST TEAM. Quel en est le principe ?

Il s’agit d’un mou­ve­ment qui réu­nit des dirigeant(e)s d’entreprises qui souhait­ent agir face à l’urgence écologique en préser­vant ou en régénérant les forêts à très grand échelle.

J’ai décou­vert l’étude pub­liée en 2019 étude par Thomas Crowther, biol­o­giste à l’École poly­tech­nique de Zurich, selon laque­lle apporter 1 mil­liard d’hectares de forêt sup­plé­men­taire à la planète sur une sur­face disponible de la taille des États-Unis pou­vait per­me­t­tre de dimin­uer de 25 % le taux de CO2 dans l’atmosphère. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire, qu’une solu­tion était à notre portée.

Apporter 1 mil­liard d’hectares de forêt sup­plé­men­taire à la planète néces­sit­erait un finance­ment d’environ 3 000 mil­liards d’euros. Seule une coali­tion d’acteurs peut arriv­er à réu­nir un mon­tant aus­si con­séquent. J’ai alors décidé de créer un for­mat de rassem­ble­ment agile, qui ne soit ni une asso­ci­a­tion ni une fon­da­tion, mais un mou­ve­ment réu­nis­sant des acteurs désireux d’agir pour trou­ver des finance­ments de pro­jets forestiers en France et partout dans le monde avec des indi­ca­teurs pré­cis comme le nom­bre d’hectares régénérés, le nom­bre d’espèces plan­tées, le nom­bre de per­son­nes impactées positivement.

Pouvez-vous nous donner des exemples de projets initiés par ce mouvement ?

Der­rière tous les pro­jets, il y a des per­son­nes engagées qui ont rejoint le mouvement.

Frédéric Dufour, le prési­dent de la Mai­son Ruinart, a choisi notam­ment de restau­r­er une forêt au Por­tu­gal en plan­tant et pro­tégeant des chênes lièges, ce qui aura un dou­ble impact posi­tif pour l’environnement et la fil­ière viticole.

Nathalie Gon­za­lez de Nespres­so, investit pour planter 500 000 arbres par an. Nespres­so recrée des écosys­tèmes forestiers dans les fer­mes de café pour par­ticiper à la pro­tec­tion des caféiers et amélior­er la bio­di­ver­sité des plantations.

Romain Spitzer, prési­dent de Givenchy Par­fums, a iden­ti­fié la réno­va­tion d’une man­grove en Indonésie et plusieurs pro­jets en Asie. Plus récem­ment, le prési­dent de Ver­al­lia, celui de Sam­sic nous ont rejoints. Ce n’est que le début !

Par ailleurs, nous sommes tous amenés à pro­téger les forêts exis­tantes car il est évidem­ment vain de vouloir créer de nou­velles forêts si nous par­ticipons à détru­ire celles qui appor­tent tant aujourd’hui.

Sur ce sujet, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

L’enjeu asso­cié à l’effondrement de la bio­di­ver­sité et la crise cli­ma­tique, c’est la paix du monde… Il y a donc urgence à agir immé­di­ate­ment et à faire sa part et bien davantage.

C’est la rai­son de notre entre­tien aujourd’hui. S’il y a par­mi vos lecteurs d’autres dirigeantes et dirigeants d’entreprises qui souhait­ent pren­dre leur part et répon­dre à cet immense défi auquel notre généra­tion doit faire face, je les invite à nous rejoindre.

Le chantier est pharaonique mais réal­iste. Encore faut-il l’attaquer en dépas­sant les cli­vages con­cur­ren­tiels et en agrégeant nos tal­ents et nos moyens financiers.

Met­tons-les en com­mun pour le bien commun !

https://imagine-forest-team.com

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