L’économie de demain sera forcément durable

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Laurent BATAILLE

La COP 26 vient de se ter­min­er. L’enjeu de ces deux semaines se résume en une phrase : si nous voulons main­tenir la hausse des tem­péra­tures mon­di­ales en-deçà de 1,5 °C d’ici la fin du siè­cle, c’est main­tenant qu’il faut agir. Et c’est pos­si­ble ! Mais il y a urgence pour les gou­verne­ments et les insti­tu­tions, comme pour les entre­pris­es. Schnei­der Elec­tric, leader de la trans­for­ma­tion numérique de la ges­tion de l’énergie et des automa­tismes, a été désignée en jan­vi­er 2021 « entre­prise la plus durable au monde » par Cor­po­rate Knights, média et cen­tre de recherche spé­cial­isé en RSE. Pourquoi cette entre­prise mon­di­ale a‑t-elle inté­gré la dimen­sion de dura­bil­ité dans ses activ­ités ? Quand ? Com­ment ? Avec quelles ambi­tions ? Entre­tien avec Lau­rent Bataille, son tout nou­veau prési­dent France.

Pourquoi Schneider Electric s’est orienté vers le développement durable ?

Lau­rent Bataille. Depuis tou­jours nous sommes con­va­in­cus que l’énergie la plus effi­cace est celle qui n’est pas con­som­mée. Dit comme ça, ça paraît une évi­dence. Mais quand nous avons com­mencé à tenir ce dis­cours, c’était un peu nou­veau dans notre écosys­tème. C’est l’examen croisé des enjeux cli­ma­tiques, énergé­tiques, tech­nologiques, soci­aux, et la vision du rôle de la tech­nolo­gie qui nous a amenés à cette con­clu­sion. Cette vision a tiré une pro­fonde trans­for­ma­tion de nos activités. 

Nous avons donc tra­vail­lé à dévelop­per des pro­duits et des logi­ciels d’efficacité énergé­tique de plus en plus nom­breux et de plus en plus en plus efficients. 

Aujourd’hui, nous con­sid­érons que plus de 70 % de nos ventes sont faites avec des pro­duits qui ont un impact posi­tif sur l’environnement.

Quelles sont les avancées technologiques qui vous impactent le plus ?

Aujourd’hui, nous prof­i­tons de deux rup­tures tech­nologiques majeures : le déploiement du dig­i­tal (IoT) partout, dans les pro­duits et les instal­la­tions, et le développe­ment de l’électrification (stock­age et éner­gies renouvelables).

En quoi changent-elles la donne ?

D’un côté, le dig­i­tal rend l’électricité vis­i­ble, et donc mesurable. Dès que vous pou­vez mesur­er avec pré­ci­sion vos con­som­ma­tions, vous pou­vez agir dessus et les réduire. Le dig­i­tal peut rel­a­tive­ment facile­ment amen­er des gains de 30 à 50 % avec une meilleure vis­i­bil­ité, un meilleur con­trôle et une meilleure automa­ti­sa­tion de l’utilisation de l’énergie électrique. 

De plus, il est de plus en plus présent et de plus en plus accep­té. La crise de la Covid a démon­tré bru­tale­ment son impor­tance mais a aus­si dévelop­pé avec la même bru­tal­ité son adop­tion au quo­ti­di­en. En com­bi­nant cela à l’électricité la plus décar­bonée pos­si­ble, nous avons une oppor­tu­nité tech­nologique majeure à saisir pour résoudre les prob­lèmes d’émission de gaz à effet de serre, qui sont sou­vent le reflet d’un manque d’efficacité, de pro­duc­tiv­ité ou de cir­cu­lar­ité. Devenir plus durable con­duit sou­vent à élim­in­er les gaspillages.

Ça paraît bien théorique tout ça

Bien au con­traire ! Ces tech­nolo­gies sont disponibles dès à présent. Tous ces pro­duits et ces con­cepts sont déjà mis en œuvre dans nos pro­pres instal­la­tions, dans nos usines comme dans nos sites ter­ti­aires. Un exem­ple : Schnei­der Elec­tric a ouvert en 2020 à Greno­ble un nou­veau site appelé IntenCi­ty. Ce bâti­ment de 26 000 m², qui accueille 1 500 col­lab­o­ra­teurs, intè­gre tous nos savoir-faire. Il a été conçu numérique­ment (100 % BIM) et est 100 % élec­trique. Résul­tat : une con­som­ma­tion énergé­tique très faible à 37 kWh/m²/an, soit env­i­ron 10 fois moins que la con­som­ma­tion moyenne pour un bâti­ment similaire. 

Et comme il est équipé de pan­neaux solaires, de deux éoli­ennes et de bat­ter­ies, et que la con­som­ma­tion est ajustée avec de l’énergie géother­mique, à l’usage, son empreinte car­bone nette est très faible. Quand on sait que les bâti­ments représen­tent 25 % du CO2 émis en France et 45 % de la con­som­ma­tion énergé­tique, on com­prend l’urgence d’y faire des économies.

Comment créez-vous les produits de demain ?

L’innovation est essen­tielle pour nous. Je vais vous don­ner un exem­ple dont nous sommes très fiers. His­torique­ment, en moyenne ten­sion, partout dans le monde, les pro­duits util­i­saient un gaz extrême­ment pol­lu­ant pour la coupure de l’arc élec­trique : le SF6 (hexa­flu­o­rure de soufre). Il a un pou­voir de réchauf­fe­ment cli­ma­tique 23 000 fois plus élevé que le CO2. Nous avons mis 10 ans à met­tre au point une nou­velle généra­tion de pro­duits dans lesquels cette coupure est réal­isée dans l’air pur, qui évite tout impact négatif sur l’environnement.

Comment Schneider Electric est devenue la société la plus durable au monde ?

Pro­pos­er des pro­duits vertueux, c’était le pre­mier pas. Pour embar­quer ensuite toute l’entreprise et faire en sorte que le développe­ment durable fasse par­tie du quo­ti­di­en, il a fal­lu aller beau­coup plus loin. 

Le point de départ de cette ampli­fi­ca­tion date de plus de quinze ans, en 2005, quand nous avons inté­gré le développe­ment durable dans notre plan stratégique, et dans notre pro­gramme d’entreprise.

En com­plé­ment des objec­tifs financiers, nous avons mis en place un cer­tain nom­bre d’objectifs extra-financiers qui nous per­me­t­tent de franchir des étapes et de s’améliorer en con­tinu. Notre but était de devenir plus effi­caces et plus numériques, plus éthiques et plus justes, plus trans­par­ents et plus responsables.

À quoi ressemble ce plan ?

Ces objec­tifs sont aujourd’hui au nom­bre de 11 et se répar­tis­sent en 6 caté­gories (voir encadré). Pour cha­cune, nous avons des indi­ca­teurs chiffrés. Ils con­stituent le SSI (Schnei­der Sus­tain­abil­i­ty Impact). Nous les tra­vail­lons dans le cadre fixé par les Objec­tifs de développe­ment durable des Nations unies. Tous ces résul­tats sont mesurés, doc­u­men­tés, pub­liés et audités. 

Pouvez-vous nous donner un exemple d’objectif ?

Sur le cli­mat, pour 2025, nous nous imposons de génér­er chez nos clients plus de 800 mil­lions de tonnes de CO2 économisées ou évitées.

Dans cet exemple, vous agissez chez vos clients ?

Oui. Le terme d’impact n’est pas un hasard. Nous avons en fait un dou­ble rôle. Nos actions s’appliquent d’abord à nous et à nos pro­duits, à notre busi­ness. Ensuite, nous agis­sons dans tout notre écosys­tème. La démarche cas­cade tout au long de la chaîne de valeur. C’est ain­si que nous accom­pa­gnons nos clients et nos four­nisseurs dans leur trans­for­ma­tion. Et on voit bien l’accélération aujourd’hui. Nous recevons de plus en plus de sol­lic­i­ta­tions d’entreprises qui vien­nent nous voir pour réfléchir à réfléchir à leur façon d’intégrer le développe­ment durable à leur stratégie.

Ces objectifs sont adaptés par pays ?

Pour la pre­mière fois cette année, nous prenons égale­ment des engage­ments par pays, selon les pri­or­ités locales. En France, on a par exem­ple notam­ment décidé de pouss­er l’économie cir­cu­laire, c’est-à-dire la répa­ra­tion ou la réu­til­i­sa­tion de cer­tains pro­duits pour éviter de génér­er du CO2 au moment de la fab­ri­ca­tion de pro­duits neufs. Nous nous enga­geons égale­ment à agir pour les généra­tions et pour l’inclusion.

Le mot de la fin ?

Les dix années que nous avons devant nous sont celles où nous pren­drons toutes les déci­sions qui vont impacter les trente prochaines années. Il faut donc que nous accéléri­ons sig­ni­fica­tive­ment dans la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique, pour réalis­er un vrai change­ment de tra­jec­toire. Nous avons des atouts. Même si nous apprenons encore beau­coup (et nous apprenons en marchant), les tech­nolo­gies exis­tent, les volon­tés sont là, la société est sen­si­bil­isée et atten­tive, les stan­dards sont en train de se définir et on a de plus en plus d’outils. Mais il y a urgence. Le temps est comp­té pour agir !


Les 6 engagements de Schneider Electric pour le développement durable

  1. Agir avec déter­mi­na­tion pour le cli­mat en investis­sant et en dévelop­pant con­tin­uelle­ment des solu­tions inno­vantes pour réduire les émis­sions de car­bone con­for­mé­ment à notre engage­ment en matière de décarbonation.
  2. Utilis­er effi­cace­ment les ressources en adop­tant un com­porte­ment respon­s­able et en util­isant au mieux les tech­nolo­gies dig­i­tales pour préserv­er la planète.
  3. Agir dans le respect de nos principes de con­fi­ance en appli­quant à nous-même et à ceux qui nous entourent, des normes sociales, de gou­ver­nance et éthiques élevées.
  4. Garan­tir l’égalité des chances en veil­lant à ce que cha­cun de nos col­lab­o­ra­teurs soit val­orisé, béné­fi­cie d’un envi­ron­nement de tra­vail inclusif et puisse apporter sa contribution
  5. Mobilis­er toutes les généra­tions en favorisant l’apprentissage, la for­ma­tion et le développe­ment des com­pé­tences de chaque généra­tion, ouvrant de fait la voie aux généra­tions suivantes.
  6. Soutenir les com­mu­nautés locales en met­tant en avant les ini­tia­tives locales et en encour­a­gent indi­vidus et parte­naires à faire du développe­ment durable une réal­ité pour tous.

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