L’intégration inattendue

Dossier : ExpressionsMagazine N°682 Février 2013Par : Vianney BOLLIER (64)

Quel est ce groupe d’une trentaine d’individus qui avance tan­tôt à petites foulées, tan­tôt au pas presque cadencé par ce bel après-midi du 2 sep­tem­bre en plein Paris ? Leur dra­peau rouge est fixé au bout d’un bam­bou et, sur un ordre aboyé par leur chef, ils se livrent à des exer­ci­ces curieux.

Comme ces excen­triques se rap­prochent, je lis bien­tôt « École poly­tech­nique » sur leurs tee-shirts, et celui que j’interpelle me con­firme que c’est bien la bonne école, qu’ils sont de la 2012 et qu’ils ter­mi­nent leur « intégration ».

Je réponds que je suis 64, donc rou­je aus­si : ô sur­prise, en plein car­refour, moitié sur le trot­toir et moitié sur la chaussée, le groupe entier se jette à plat ven­tre, enchaîne des séries de pom­pes et lance à tue-tête : « Chic à l’antique, chic à la rou­je

La section 14 de l'Ecole polytechnique en rouge
Pique-nique à Palaiseau.

Imag­inez l’étonnement de mon épouse, des pas­sants et des touristes. Le mien aus­si, vite mêlé d’enthousiasme, alors que je les salue et les encour­age. Cela dure, ils se relèvent, nous bavar­dons un peu et, au moment où ils tra­versent vers le jardin des Tui­leries, l’un d’eux risque sa vie en rebrous­sant chemin pour me deman­der si, par hasard, je ne serais pas libre le soir même pour me ren­dre à la soirée prévue à l’École.

Nous cher­chons en hâte des vête­ments rouges, et nous prenons une voiture rouge

Je suis séduit et nous échangeons des numéros de portable. Un peu plus tard, j’appelle et ai con­fir­ma­tion que l’invitation tient tou­jours, que le spec­ta­cle com­mence à 20h30 et que nous sommes aus­si con­viés au pique-nique dès 19 heures. Ma femme et moi cher­chons en hâte des vête­ments rouges, je rem­plis un sac rouge d’un bric-à-brac d’objets rouges et nous prenons sa voiture, rouge elle aussi.

Je con­nais le chemin de Palaiseau et appelle à cinq min­utes du but. Ma femme est bluffée par le cam­pus, et voilà la sec­tion entière qui nous accueille près du Bon­court, qui entoure la voiture et nous escorte en chan­tant vers la pelouse entre la cour d’honneur et la pièce d’eau. Sur­prise et applaud­isse­ments des autres sections.

Une requête
« Ayant ren­con­tré un indi­vidu rou­je lors de sa chas­se au tré­sor, la sec­tion 14 de la pro­mo 2012 aimerait bien le mon­tr­er ce soir en trophée à Palaiseau, ce qui lui garan­ti­ra la victoire. »

Nous restons sage­ment avec nos gar­di­ens et, assis en rond sur l’herbe, avec un coussin rouge (du RER) pour ma femme, nous com­mençons à bavarder en atten­dant l’ouverture du buf­fet. Le moment venu, nous faisons la queue comme tout le monde et parta­geons hot-dogs, sodas et glaces en répon­dant aux ques­tions qui com­men­cent sou­vent par : « De votre temps. »

La jeune pro­mo a passé une semaine agitée pen­dant laque­lle les « TOS » se sont partagés entre les activ­ités de l’administration et celles de la Khômiss 2010. Ils ont peu dor­mi et cer­tains ou cer­taines ont besoin d’être ras­surés sur le sens de cette semaine par­ti­c­ulière. Comme je crois aux ver­tus du retour sur terre après la joie de la réus­site au « plus beau con­cours de France » je les encour­age à pren­dre du bon côté les march­es noc­turnes et autres facéties des anciens.

Alors qu’ils font entière con­fi­ance à l’École, d’autres ont néan­moins un peu d’appréhension et je leur garan­tis qu’ils auront bien­tôt toutes les infor­ma­tions néces­saires sur ce que l’École leur pro­pose et leur apportera.

Tra­di­tion et nouveautés
La vidéo des événe­ments de la semaine me réjouit car je trou­ve dans le pro­gramme des élèves un mélange sym­pa­thique de tra­di­tion et de nou­veautés : les lits ren­ver­sés et les monômes sont éter­nels, le mag­nan tan­gente et la séance de pein­ture ont dis­paru, mais l’utilisation d’Internet est nou­velle et la présence des jeunes filles rafraî­chit et civilise.

Le démar­rage du spec­ta­cle a du retard car une sec­tion a dû pouss­er le bou­chon un peu trop loin et a été « embar­quée » dans un poste de police dont elle a du mal à s’extraire.

Vers 21h30 cepen­dant, en rang avec les autres, nous rejoignons l’amphi Poin­caré et prenons place avec « notre » sec­tion. L’attente dans le Grand Hall m’a per­mis de bavarder avec un des com­man­dants de com­pag­nie, qui ne me cache pas son plaisir de s’occuper de jeunes gens de cette qualité.

Arrive la présen­ta­tion des équipes, de leurs trophées, de leurs trou­vailles. Le GénéK est un bon présen­ta­teur, mais les presta­tions de ses acolytes sont de qual­ité « vari­able ». La sec­tion 14 est appelée en troisième posi­tion, et nous savons à peu près ce qui nous attend. Après quelques exer­ci­ces col­lec­tifs, on me donne la parole et je dis briève­ment com­ment ma femme et moi avons été pêchés en plein Paris et notre plaisir d’être là, tout de rouge vêtus. Je déballe mon cabas et fais sourire mon monde avec ce bazar à la Prévert, qui va d’une tomate rouge à une cra­vate rouge en pas­sant par une servi­ette jaune (sif­flets), un dossier rouge et un sty­lo rouge.

Les ques­tions com­men­cent sou­vent par : « De votre temps »

C’est le moment de con­clure et je leur dis que la ques­tion n’est plus de savoir s’ils sont bril­lants ou non car « bril­lant poly­tech­ni­cien » est une tau­tolo­gie. Que leur faut-il alors ? Je leur dis : L’imagination, l’humour et, avant tout, l’amour. Applaud­isse­ments nour­ris du public.

La sec­tion suiv­ante a déniché une stripteaseuse de tal­ent : je ne regrette pas d’être resté, mais je ne suis plus sûr que la 14 gag­n­era. La soirée con­tin­ue mais nous par­tons bien­tôt sur des promess­es de partage de pho­tos. Elles seront tenues, un dia­logue a com­mencé, j’ai appris que toutes les sec­tions avaient gag­né ex aequo et je viens de recevoir de belles pho­tos de La Courtine.

J’ai très envie de revoir ce groupe épatant lorsqu’il rejoin­dra à nou­veau l’École au print­emps. J’espère qu’ils l’accepteront ; mais savent-ils que c’est moi qui ai le plus à apprendre ?

La section 14 de l'Ecole polytechnique à La Courtine.
La sec­tion 14 à La Courtine.

Commentaire

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laurent.dalimierrépondre
11 février 2013 à 18 h 17 min

L’in­té­gra­tion inat­ten­due
Rafraichissant !

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