INSEAD - Campus de Fontainebleau

L’INSEAD

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°618 Octobre 2006
Par Claude JANSSEN (50)

Naissance de l’INSEAD

Dans l’ar­ti­cle que j’avais écrit pour La Jaune et la Rouge en mars 1956 au sujet de la Har­vard Busi­ness School (arti­cle repris dans le numéro de mars 2006), j’ex­pri­mais le souhait que la France se dote d’une École d’ad­min­is­tra­tion des affaires, sem­blable à la grande école américaine. 


Cam­pus de Fontainebleau.

À l’ini­tia­tive du pro­fesseur Georges Dori­ot (le « général Dori­ot »), qui enseignait à Har­vard, le pro­jet s’est con­crétisé à par­tir de 1957 grâce à la déci­sion de la Cham­bre de com­merce de Paris, alors présidée par Jean Mar­cou, de créer une école européenne située en France : c’é­tait l’acte de nais­sance de l’IN­SEAD, l’an­née même de la sig­na­ture du traité de Rome créant le Marché commun. 

Le pro­jet a été conçu, autour du général Dori­ot, par trois anciens élèves de la Har­vard Busi­ness School et trois mem­bres de la Cham­bre de com­merce, par­mi lesquels les plus act­ifs étaient Olivi­er Gis­card d’Es­taing (qui allait devenir le pre­mier directeur) et Claude Janssen, bien­tôt rejoints par Roger Godi­no (52) (qui allait devenir le pre­mier doyen). 

Il s’agis­sait de créer une école d’un mod­èle inédit en Europe : une busi­ness school offrant un pro­gramme MBA d’un an, com­plète­ment indépen­dante, non sub­ven­tion­née d’une manière durable et totale­ment inter­na­tionale par le recrute­ment de ses étu­di­ants, de ses pro­fesseurs et de ses dirigeants. Ain­si se définis­sait l’In­sti­tut européen d’ad­min­is­tra­tion des affaires, désigné couram­ment sous le voca­ble INSEAD. 

INSEAD - Campus de Singapour
Cam­pus de Singapour.

L’en­seigne­ment devait être basé sur la méthode des cas et les langues pour l’en­seigne­ment et les dis­cus­sions devaient être indif­férem­ment le français, l’anglais et l’allemand. 

Ce pro­jet ren­con­tra de nom­breuses résis­tances mais, grâce à l’opiniâtreté du général Dori­ot et de Jean Mar­cou, soutenus par des per­son­nal­ités poli­tiques comme Jean Mon­net, Charles-Hen­ri Spaak, le prince Bern­hard des Pays-Bas et des dirigeants d’en­tre­prise, au pre­mier rang desquels Raoul de Vit­ry d’Avau­court (14), alors prési­dent de Péchiney, déci­sion fut prise d’aller de l’avant. 

L’INSEAD ouvrit ses portes en sep­tem­bre 1959 dans une aile du palais de Fontainebleau dont André Mal­raux, min­istre des Affaires cul­turelles, avait per­mis l’u­til­i­sa­tion à titre provisoire. 

Les débuts furent mod­estes mais promet­teurs : 62 étu­di­ants venant de 14 pays avaient pris le risque de suiv­re les cours d’une école inter­na­tionale qui démar­rait sur un con­cept entière­ment nou­veau, util­i­sait trois langues de fonc­tion­nement, avait des frais d’é­tudes élevés et un avenir pas vrai­ment assuré ! 

Le dévoue­ment et l’ha­bileté des dirigeants per­mirent de sur­mon­ter les nom­breuses dif­fi­cultés des pre­mières années, tout en assur­ant à l’IN­SEAD une crois­sance régulière année après année qui se pro­longea jusqu’à maintenant. 

Pour installer l’é­cole sur un site per­ma­nent, déci­sion fut prise en 1966 de con­stru­ire un cam­pus à Fontai­ne­bleau, qui fut inau­guré en 1968. 

Plutôt que de trac­er toutes les étapes de son his­toire, voyons où en est l’IN­SEAD aujourd’hui. 

L’INSEAD aujourd’hui

L’INSEAD est dev­enue une des plus impor­tantes busi­ness schools du monde, en tout cas la mieux classée par­mi les écoles non-améri­caines. Par le nom­bre de par­tic­i­pants à son pro­gramme MBA et à ses pro­grammes de per­fec­tion­nement, par la taille de son corps enseignant, par son bud­get, elle rivalise avec les plus grandes écoles améri­caines, Har­vard et Whar­ton. Dans les nom­breux classe­ments mon­di­aux qui sont con­stam­ment pub­liés, l’IN­SEAD fig­ure régulière­ment par­mi les meilleures busi­ness schools du monde. 

Quelques chiffres

• Pro­gramme MBA d’un an (âge moyen 29 ans) : 900 par­tic­i­pants par an à plein temps venant de 75 pays, dont 25 % de femmes, les plus nom­breux sont les Indi­ens avec 13% et les Français avec 10% du total. 600 com­men­cent le pro­gramme à Fontainebleau et 300 à Sin­gapour avec de nom­breuses pos­si­bil­ités d’étudier sur les deux cam­pus : plus de 70% des étu­di­ants font l’expérience des deux cam­pus pen­dant leur année d’études.
La sélec­tion est très sévère et le rythme de tra­vail très soutenu.
20% des étu­di­ants reçoivent des bours­es et un sys­tème de prêts ban­caires per­met de financer les frais d’études.
La prin­ci­pale car­ac­téris­tique qui dif­féren­cie l’INSEAD est la grande diver­sité cul­turelle : dans les groupes de tra­vail, il n’y a jamais deux par­tic­i­pants d’une même nation­al­ité. La langue de fonc­tion­nement est l’anglais, mais les can­di­dats admis doivent con­naître au moins deux autres langues. 
Pro­gramme MBA pour dirigeants (âge moyen 36 ans) : 56 par­tic­i­pants venant de 30 pays.
Pro­grammes de per­fec­tion­nement publics : 50 pro­grammes dif­férents suiv­is par 7000 par­tic­i­pants venant de 2 000 sociétés dans 120 pays.
Pro­grammes de per­fec­tion­nement sur mesure : 110 sociétés, générale­ment inter­na­tionales, font appel à l’INSEAD pour créer de tels programmes.
• Doc­tor­at : actuelle­ment 65 étu­di­ants de 11 nation­al­ités pré­par­ent un PhD et, après l’obtention de leurs diplômes, vont enseign­er partout dans le monde.
• Effec­tifs : 145 pro­fesseurs per­ma­nents venant de 31 pays, plus 85 pro­fesseurs vis­i­tants, aux­quels s’ajoutent 500 per­son­nes non-enseignantes sur l’ensemble des deux cam­pus, soit un effec­tif total d’environ 700 personnes.
• Super­fi­cie dévelop­pée des cam­pus : 45 000 m² à Fontainebleau, 25 000 m² à Singapour.
• Recherche : un bud­get impor­tant est con­sacré à la recherche et donne lieu chaque année à la rédac­tion de nom­breux cas et à la pub­li­ca­tion de cen­taines de livres et d’articles.
• Anciens élèves : 33 000 actuelle­ment (dont 15 000 MBA) qui tra­vail­lent dans 150 pays (25 pays ont plus de 100 anciens). Ils ont for­mé 42 asso­ci­a­tions dans autant de pays et il existe une grande sol­i­dar­ité entre les anciens répar­tis dans le monde entier.
Beau­coup d’anciens sont à la tête d’entreprises inter­na­tionales impor­tantes ; en France trois anciens MBA prési­dent des sociétés du CAC 40.
Depuis l’origine, 130 poly­tech­ni­ciens ont obtenu un MBA de l’INSEAD.
• Bud­get annuel : 135 mil­lions d’euros (il a dou­blé depuis 1999). 

Européenne lors de sa créa­tion, elle est dev­enue mon­di­ale au cours des quinze dernières années, notam­ment grâce à son expan­sion en Asie. En effet dès 1980, l’IN­SEAD a créé le Cen­tre Euro-Asie pour don­ner des cours de per­fec­tion­nement en Asie, ce qui l’a con­duit à créer un deux­ième cam­pus à Sin­gapour inau­guré en 2000 par le fon­da­teur de Sin­gapour, Lee Kwan Yew. 

L’INSEAD est la seule busi­ness school qui dis­pose de deux cam­pus de taille com­pa­ra­ble avec une for­mule unique au monde : une école sur deux cam­pus, car tous les par­tic­i­pants à tous les pro­grammes et tous les pro­fesseurs peu­vent aller sur l’un ou l’autre cam­pus. Cela fait vrai­ment de l’IN­SEAD une école de racines européennes, avec un grand con­tenu asi­a­tique et, par la for­ma­tion de nom­breux pro­fesseurs dans des uni­ver­sités améri­caines, une influ­ence anglo-saxonne. 

Compte tenu d’un large accord d’al­liance avec Whar­ton, l’IN­SEAD peut se pré­val­oir d’une cer­taine présence aux États-Unis, puisque ses étu­di­ants peu­vent aus­si suiv­re des cours sur les deux cam­pus de Whar­ton à Philadel­phie et à San Francisco. 

Financement de l’INSEAD

Com­ment cet impres­sion­nant développe­ment a‑t-il été financé ? 

Le principe suivi depuis l’o­rig­ine veut que les comptes annuels soient équili­brés ; de fait, les recettes des pro­grammes cou­vrent 90 % des dépens­es totales. L’ap­pel à des sources extérieures privées (pas de sub­ven­tions publiques) doit servir au développe­ment (recherche, bours­es pour les MBA et les PhD). En con­séquence, le coût d’un MBA et le prix des pro­grammes de per­fec­tion­nement sont élevés et se situent au niveau des grandes busi­ness schools, notam­ment améri­caines. En effet, pour attir­er les meilleurs enseignants, les rémunéra­tions des pro­fesseurs sont au niveau inter­na­tion­al, donc élevées. 

Pour financer son développe­ment, l’IN­SEAD a lancé deux cam­pagnes de recherche de fonds : une pre­mière (1995–2000) a recueil­li 120 mil­lions d’eu­ros (provenant de sociétés pour 80 %) et a don­né lieu à la créa­tion d’en­v­i­ron 25 chaires ; une deux­ième, lancée en 2004 jusqu’en 2010, pour un mon­tant recher­ché de 200 mil­lions d’eu­ros, a, pour l’in­stant, atteint env­i­ron la moitié de l’ob­jec­tif alors qu’il reste encore qua­tre ans (les dons des Anciens, dont deux atteignent 5 mil­lions d’eu­ros, représen­tent plus de la moitié des dons reçus pour cette deux­ième cam­pagne). Le Fonds des anciens, créé en 1976 par Michel Gau­thi­er (56 et INSEAD MBA 61), apporte une con­tri­bu­tion annuelle de plus de 2 mil­lions d’euros. 

Les bâti­ments de Fontainebleau et de Sin­gapour ont tous été financés par emprunt auprès de ban­ques, les rem­bourse­ments étant assurés par le cash-flow de l’école. 

Fonctionnement de l’INSEAD

Organ­isme indépen­dant depuis l’o­rig­ine, l’IN­SEAD est doté d’un Con­seil d’ad­min­is­tra­tion de 33 mem­bres qui sont des per­son­nal­ités du monde des affaires venant de 14 pays et choisies par cooptation. 

Il n’y a eu que qua­tre prési­dents depuis l’o­rig­ine : Jean Mar­cou, prési­dent de la Cham­bre de com­merce de Paris (1959–1969), John Loudon, prési­dent de la Roy­al Dutch (1969–1982), Claude Janssen, asso­cié-gérant de Worms & Cie (1982–2004), Cees van Lede, ancien prési­dent d’Ak­zo Nobel (depuis 2004). 

L’INSEAD a créé 24 Con­seils nationaux com­posés de per­son­nal­ités dans tous les pays d’Eu­rope, aux États-Unis, au Brésil, dans les prin­ci­paux pays d’Asie et en Aus­tralie. Les quelque 300 mem­bres de ces Con­seils nationaux for­ment le Con­seil inter­na­tion­al et aident l’IN­SEAD dans leurs pays respectifs. 

La direc­tion de l’IN­SEAD est assurée par un doyen nom­mé par le Con­seil d’ad­min­is­tra­tion en accord avec le corps pro­fes­so­ral. Les doyens sont nom­més pour cinq ans (il y en a eu dix depuis l’o­rig­ine) et con­stituent autour d’eux une équipe de doyens chargés des dif­férents aspects de l’ensei­gne­ment et de la vie de l’é­cole. Jusqu’à récem­ment, ils étaient tous issus du monde académique et du corps pro­fes­so­ral de l’IN­SEAD. Pour la pre­mière fois, à par­tir de cette année, le doyen vient du monde de l’en­tre­prise et c’est une expéri­ence nou­velle pour l’IN­SEAD, bien que d’autres busi­ness schools aient dans le passé fait un choix semblable. 

Par­mi les car­ac­téris­tiques de l’IN­SEAD, la plus impor­tante pour le suc­cès de son développe­ment a cer­taine­ment été son indépen­dance. En effet les ini­tia­tives, même auda­cieuses, ont pu être mis­es en œuvre sans avoir à con­va­in­cre une autorité de tutelle, uni­ver­sité ou admin­is­tra­tion, à charge pour l’é­cole de trou­ver par elle-même les finance­ments cor­re­spon­dants. Ain­si, lorsque la créa­tion du cam­pus de Sin­gapour fut décidée, il a suf­fi au doyen de l’époque d’obtenir l’ac­cord du Con­seil d’ad­min­is­tra­tion et le sou­tien de la Fac­ulté pour que le pro­jet voie le jour. 

Perspectives de l’INSEAD

Désor­mais totale­ment axé sur la mon­di­al­i­sa­tion de l’é­conomie et des entre­pris­es, l’IN­SEAD pour­suit sa marche en avant. De nou­velles ini­tia­tives vien­nent d’être annon­cées en Chine, au Moyen-Ori­ent et en Israël. Des réflex­ions sont en cours pour remédi­er à une présence insuff­isante sur le marché améri­cain et devraient débouch­er sur de nou­veaux pro­jets dans les années à venir. 

Les besoins de for­ma­tion dans le monde sont con­sid­érables. Cepen­dant l’IN­SEAD ne cherche pas à grandir pour grandir, mais priv­ilégie le main­tien de son orig­i­nal­ité et de ses valeurs. La for­ma­tion des dirigeants, la qual­ité de l’en­seigne­ment et de la recherche, la sélec­tion des par­tic­i­pants et une com­préhen­sion crois­sante des évo­lu­tions de la mul­ti­cul­tur­al­ité restent ses objec­tifs fon­da­men­taux. C’est ain­si que sera réal­isée son ambi­tion : « INSEAD, the Busi­ness School for the world ».
 

Si vous souhaitez un com­plé­ment d’in­for­ma­tion, le site de l’IN­SEAD est : www.insead.edu

Poster un commentaire