L’innovation : entre nécessité et enjeu

Dossier : SupplémentMagazine N°748 Octobre 2019
Par Tony DA MOTTA CERVEIRA (M2014)

Mal­gré des efforts soutenus pour être inno­vantes, les entre­pris­es se heur­tent à de nom­breux freins et dif­fi­cultés. Tony da Mot­ta Cerveira (M2014), con­sul­tant au sein du groupe Square, nous en dit plus.

Si les entreprises sont conscientes de la place importante de l’innovation, elles ont néanmoins du mal à mettre en place une stratégie. Qu’en est-il ?

Les chiffres par­lent d’eux-mêmes : 83 % des nou­veautés lancées sont un échec com­mer­cial (rap­port Nielsen) et 78 % des inno­va­tions sont incré­men­tales, alors que la dis­rup­tion est une pri­or­ité (cb insights, state of inno­va­tion). Cette sous-per­for­mance s’explique par des lacunes au niveau de l’organisation, des proces­sus, de la méthodolo­gie, de l’absence d’outils appro­priés et d’un pilotage peu effi­cace. Les entre­pris­es con­tin­u­ent de s’appuyer sur des mod­èles obsolètes. Elles nient sou­vent la tran­si­tion de la R&D à la RID1 et nég­li­gent l’importance d’une ges­tion par par­cours d’innovation2. À cela s’ajoutent des mythes qui faussent la per­cep­tion de décideurs : ‘‘essay­er beau­coup, échouer vite’’, la bonne idée qui suf­fi­rait à péren­nis­er l’entreprise ou encore la course à la tech­nolo­gie alors qu’il n’y a aucune cor­réla­tion entre brevets et per­for­mance économique3.

Comment cela se traduit-il chez vos clients ? Comment les accompagnez-vous ? 

Dans le cadre de nos diag­nos­tics, nous avons iden­ti­fié 5 effets indésir­ables (faibles résul­tats économiques, retard de plan­ning, faible taux de lance­ment, faible adhé­sion interne, faible régénéres­cence des com­pé­tences) que nous traitons pour les aider à indus­tri­alis­er, métabolis­er et gou­vern­er l’innovation. Avec prag­ma­tisme, nous appliquons des mod­èles con­tem­po­rains éprou­vés en les adap­tant à la réal­ité du client et du ter­rain par des itéra­tions. Au-delà des pré­con­i­sa­tions, nous suiv­ons la tra­jec­toire de l’innovation grâce à notre capac­ité à cadr­er une mis­sion, présen­ter un diag­nos­tic, repenser un proces­sus, dévelop­per un nou­veau dis­posi­tif, par­ticiper au copi­lotage, au suivi du porte­feuille, au déploiement de pro­jets… Nous nous appuyons ain­si sur des exper­tis­es var­iées (ges­tion de l’innovation, stratégie d’innovation, dig­i­tal, data, pilotage) que nous pou­vons rapi­de­ment déploy­er chez nos clients grâce à notre taille et à nos 7 cabinets.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ? 

Il y a d’abord la ten­dance des Labs : 80 à 90%des Labs d’innovation ne réus­sis­sent pas à génér­er de la crois­sance pour leurs entre­pris­es (étude Cap Gem­i­ni de décem­bre 2017). Dans ce cadre, nous nous attar­dons sur le diag­nos­tic en vue de co-con­stru­ire avec prag­ma­tisme une rai­son d’être du Lab, puis ses proces­sus ad hoc. À cela s’ajoutent la dynamique intrapre­neuri­ale autour de laque­lle se sont dévelop­pés des mythes comme celui de l’intrapreneur super­héros qui porterait un pro­jet d’innovation seul de A à Z4. Dans ce cadre, nous cas­sons des mythes au priv­ilège de best practices.

Quels sont les enjeux qui persistent ? 

Depuis 2010, il y a un ren­force­ment de l’innovation sys­témique avec des firmes inno­vantes qui recon­fig­urent des écosys­tèmes ce qui désta­bilise des acteurs his­toriques. C’est le cas de Space‑X, Apple ou Tes­la. Elles tra­vail­lent autant sur le cadre socio-tech­nique autour d’une offre que sur l’évolution de l’offre. Elles savent gér­er 3 défis con­comi­tants : l’incertitude d’exécution, l’incertitude de co-inno­va­tion et l’incertitude de la chaîne d’adoption. À ce niveau le chal­lenge pour les entre­pris­es français­es est de repenser leur ges­tion de l’innovation en mis­ant sur des parte­naires sérieux et en atti­rant des talents.


    1. Le Mas­son, Pas­cal, Weil, Benoît & Hatch­uel, Armand. (2006). Les proces­sus d’innovation : Con­cep­tion inno­vante et crois­sance des entre­pris­es. Paris : Her­mes Sci­ence Publications.
    2. Midler, Christophe, Mani­ak, Rémi, & Beaume, Romain. (2012). Réen­chanter l’industrie par l’innovation. Paris : Dunod.
    3. Jef­frey Funk, Mar­tin Ken­ney, ‘‘New Knowl­edge, New indus­tries, and Indus­try Evo­lu­tion : Evi­dence from entre­pre­neur­ial firms’’
    4. Intrapre­neuri­at : dépass­er la mytholo­gie des super-héros’’, Rap­port de l’Observatoire de l’Innovation rédigé par Rémi Mani­ak, Valen­tine Geor­get et Thier­ry Rayna.

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