L’hélicoptère de demain sera rapide et soucieux de l’environnement

Dossier : Le transport aérienMagazine N°645 Mai 2009
Par Pierre BALMAS (98)

REPÈRES

REPÈRES
La pre­mière moitié du XXe siè­cle a vu le développe­ment tech­nologique de l’hélicoptère avec des solu­tions qui se sont révélées cap­i­tales : par exem­ple le rotor avec vari­a­tion cyclique de pas, qui mod­i­fie la posi­tion des pales à mesure de la rota­tion et remédie ain­si à la dis­symétrie engen­drée par l’avance de l’engin. La propul­sion par tur­bine, qui apporte plus de sou­p­lesse et puis­sance que les moteurs à explo­sion, ne vien­dra qu’en 1955 avec l’Alouette II équipée de la tur­bine Artouste II.

Jusqu’au milieu des années 1970, le marché de l’héli­cop­tère est essen­tielle­ment mil­i­taire. La fin de la guerre du Viêt­nam mar­que à la fois le déclin des pro­duc­tions mil­i­taires, par­ti­c­ulière­ment améri­caines, et le démar­rage de la con­sti­tu­tion des flottes civiles.

Les flottes civiles com­pren­nent les héli­cop­tères privés, les sociétés de trans­ports de pas­sagers sur des lignes régulières (en France, la liai­son Nice-Mona­co) ou à la demande (VIP) et de tra­vail aérien, mais aus­si les activ­ités dites ” para­publiques ” comme les ser­vices de police et de gen­darmerie, Samu, recherche et sauve­tage, sécu­rité civile. Apparue dans les années 1970–1980 après les chocs pétroliers, l’ex­ploita­tion des ressources off­shore a créé un seg­ment à part entière pour l’hélicoptère.

Mais le marché civ­il se révèle très fluc­tu­ant : après une mon­tée en flèche jusqu’en 1981, il retombe bru­tale­ment en 1982. Il s’ef­fon­dre de nou­veau au début des années 1990.

Une conception complexe

Com­paré aux aéronefs clas­siques à ailes fix­es, l’héli­cop­tère est d’une con­cep­tion plus com­plexe, il est plus onéreux à l’achat et à l’usage, reste rel­a­tive­ment lent, pos­sède un ray­on d’ac­tion réduit et ne peut pas emporter de très lour­des charges.

L’hélicoptère russe Mil Mi-26 est le plus grand et le plus puis­sant du monde

L’héli­cop­tère pos­sède en revanche un avan­tage con­sid­érable sur l’avion : son apti­tude à effectuer un vol sta­tion­naire qui lui per­met d’at­tein­dre des endroits inac­ces­si­bles à son homo­logue à voil­ure fixe. Il peut décoller et atter­rir ver­ti­cale­ment, sans piste de décol­lage et d’at­ter­ris­sage, accéder à des lieux étroits et se déplac­er lente­ment et dans tous les axes (en par­ti­c­uli­er latérale­ment et à recu­lons). L’héli­cop­tère est donc doué d’une manoeu­vra­bil­ité adap­tée à un cer­tain nom­bre de sit­u­a­tions spécifiques.

En con­trepar­tie, l’héli­cop­tère a besoin d’un moteur bien plus puis­sant afin de se soulever du sol, lim­i­tant en cela sa capac­ité d’emport. Les défis de l’héli­cop­tère aujour­d’hui sont donc de gag­n­er en vitesse, en puis­sance de lev­age, en sécu­rité tout en respec­tant l’environnement.

Rapidité et grand tonnage

Bell Agus­ta à rotors basculants


L’héli­cop­tère per­met une grande var­iété de mou­ve­ments, mais il ne peut pas vol­er très vite. De fortes ondes de choc en pale avançante et de forts décolle­ments en pale rec­u­lante lim­i­tent la vitesse au-delà de 350 kilomètres/heure. Les puis­sances néces­saires aug­mentent con­sid­érable­ment et les vibra­tions de l’ap­pareil aug­mentent aussi.

Des tech­niques nou­velles sont expéri­men­tées. En ce qui con­cerne le ” grand ton­nage “, tous les pro­jets dits d’Heavy Trans­port Heli­copter (HTH) sont aujour­d’hui mil­i­taires. Les marines améri­cains se sont ori­en­tés vers une mod­erni­sa­tion du Siko­rsky CH-53. En Europe, le besoin exprimé vient prin­ci­pale­ment de l’Alle­magne et la France qui se dis­ent prêtes à coopér­er sur un pro­jet d’HTH capa­ble d’emporter des véhicules blind­és. Aujour­d’hui l’héli­cop­tère mil­i­taire russe Mil Mi-26 est le plus grand et le plus puis­sant héli­cop­tère du monde à avoir été pro­duit. Il peut emporter 90 sol­dats et lever 20 tonnes. Mais sa tech­nolo­gie date de plus de trente ans et son coût d’opéra­tion est élevé.

L’hélicoptère sûr et intelligent

Rotors bas­cu­lants et hélices de propulsion
Pour s’af­franchir de la lim­ite de vitesse, les con­struc­teurs, notam­ment Bell, pro­posent des rotors bas­cu­lants ou ” tiltro­tors “. Cela per­met de pass­er en mode ” avion ” tout en con­ser­vant le décol­lage et l’at­ter­ris­sage ver­ti­caux. Cette tech­nolo­gie per­met des vitesses supérieures à 500 km/h, mais la charge utile est forte­ment réduite. Siko­rsky pro­pose la tech­nolo­gie à deux rotors coax­i­aux et con­traro­tat­ifs et une ou deux hélices de propul­sion. Le pre­mier vol de ce démon­stra­teur a eu lieu en août 2008. Cette tech­nolo­gie per­met de vol­er à des vitesses max­i­males de 460 km/h.

Les pilotes d’héli­cop­tères clas­siques dis­posent aujour­d’hui de beau­coup moins d’aide au pilotage et d’au­toma­tismes que n’en ont les pilotes d’avion de ligne récents. De par la com­plex­ité des manœu­vres, le risque de faute de pilotage est aus­si plus élevé.

Depuis les années qua­tre-vingt-dix, les héli­cop­tères mil­i­taires béné­fi­cient de tech­niques numériques de pilotage automa­tique. Ces tech­niques, en con­stante amélio­ra­tion, sont aujour­d’hui offertes aux flottes civiles. Con­cer­nant l’aide à la main­te­nance, les nou­veaux matéri­aux com­pos­ites et cap­teurs per­me­t­tent des mesures beau­coup plus fines et en temps réel de l’é­tat de l’héli­cop­tère. Cela per­met un pilotage de la main­te­nance ” intelligent “.

L’hélicoptère respectueux de l’environnement

Les héli­cop­tères effectuent de plus en plus de mis­sions civiles en zone habitée pour des vols d’or­dre médi­cal, de sauve­tage ou de sécu­rité. Le respect de l’en­vi­ron­nement mais aus­si le con­fort du pas­sager devi­en­nent pri­mor­diaux. Le JTI1Clean Sky, lancé offi­cielle­ment à Brux­elles en févri­er 2008 et pour sept ans, vise à ori­en­ter le développe­ment de l’aéro­nau­tique vers de moin­dres nui­sances. Indus­triels, uni­ver­sités et cen­tres de recherch­es, s’as­so­cient pour des objec­tifs ambitieux.

Réduire le bruit
Le pro­jet européen Friend­copter vise la réduc­tion des nui­sances sonores. Il a démar­ré en mars 2004 et devait s’achev­er début 2009. Glob­ale­ment, il porte sur un mon­tant de 32,5 mil­lions d’eu­ros, avec 125 000 heures de recherche, et regroupe 34 parte­naires européens dont des con­struc­teurs d’héli­cop­tères, des indus­triels, des cen­tres de recherche et des universités.

Le pro­gramme, doté de 1,6 mil­liard d’eu­ros, doit dévelop­per pour la prochaine généra­tion d’aéronefs des tech­nolo­gies qui per­me­t­tront des pro­grès très sig­ni­fi­cat­ifs, en ter­mes de réduc­tion des nui­sances : bruit, con­som­ma­tion de car­bu­rant, émis­sions de CO2 et de NOx.

Les objec­tifs ont été défi­nis sur la base des objec­tifs 2020 d’Acare, le Con­seil con­sul­tatif pour la recherche sur l’aéro­nau­tique en Europe : diminu­tion de 50 % des émis­sions de CO2 grâce à une baisse dras­tique de la con­som­ma­tion, réduc­tion de 80 % des émis­sions de NOx et réduc­tion de 50 % du bruit extérieur. Ces objec­tifs com­pren­nent aus­si une con­cep­tion écologique du cycle de vie des pro­duits (fab­ri­ca­tion, main­te­nance, recyclage).

Six programmes de démonstration


Siko­rsky à deux rotors et une hélice

Dans Clean Sky, à ce jour, sont impliqués 54 entre­pris­es indus­trielles, 15 cen­tres de recherche et 17 uni­ver­sités. Clean Sky est organ­isé en six ” démon­stra­teurs tech­nologiques inté­grés ” ou ITD (Inte­grat­ed Tech­nol­o­gy Demonstration).

Trois d’en­tre eux trait­ent des aéronefs en général, dont un de l’héli­cop­tère : Sus­tain­able and Green Engine, ce groupe prévoit la con­struc­tion de cinq pro­to­types de nou­veaux moteurs durant la durée du pro­gramme (colead­ers : Rolls-Royce et Safran) ; Sys­tems for Green Oper­a­tion : ce groupe va se con­cen­tr­er sur les équipements élec­triques, la ges­tion de la ther­mique, l’amélio­ra­tion des tra­jec­toires aéri­ennes et des opéra­tions au sol (colead­ers : Thales et Lieb­herr) ; Eco-Design : ce groupe tra­vaillera sur la struc­ture de l’aéronef en con­sid­érant l’ensem­ble de son cycle de vie (matières pre­mières util­isées, procédés de fab­ri­ca­tion, main­te­nance, fin de vie) et sur les sys­tèmes pour les avions de petite capac­ité (con­cept d’avion élec­trique avec une maque­tte virtuelle) (colead­ers : Das­sault Avi­a­tion et Fraun­hofer Gesellschaft).

Un des six ITD est spé­ci­fique à l’héli­cop­tère : Green Rotor­craft, ce groupe a pour objec­tif la réduc­tion du bruit et l’op­ti­mi­sa­tion de l’u­til­i­sa­tion de l’én­ergie dans les héli­cop­tères (colead­ers : Agus­ta West­land et Eurocopter).

Des partenariats mondiaux

L’héli­cop­tère du XXIe siè­cle devra donc répon­dre à des mis­sions tou­jours plus var­iées, mais il devra apporter aus­si plus de sécu­rité, de con­fort et respecter les exi­gences envi­ron­nemen­tales. L’in­té­gra­tion des développe­ments des dif­férents acteurs du secteur, par des parte­nar­i­ats à l’échelle mon­di­ale sinon européenne, per­met d’aboutir plus rapi­de­ment à leur industrialisation.

1. Les JTI (Joint Tech­ni­cal Ini­tia­tive) sont un nou­v­el instru­ment de la Com­mis­sion européenne per­me­t­tant à des groupe­ments d’industriels et de cen­tres de recherche de gér­er des pro­jets de façon intégrée.

POUR EN SAVOIR PLUS SUR INTERNET :
 
http://www.cleansky.eu
http://www.onera.fr
http://www.bellhelicopter.com
http://www.bellagusta.com
http://www.agustawestland.com
http://www.eurocopter.com
http://www.helicos-passion.com
http://www.unicopter.com

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