PIERRE PRINGUET (69)

Pierre Pringuet (69), l’exigence tranquille

Dossier : TrajectoiresMagazine N°721 Janvier 2017
Par Pierre LASZLO

Élégant de mise, cour­tois et affable, c’est un plai­sir de lui cau­ser. Pour notre entre­tien, il éteint son por­table. S’exprimant avec soin, choi­sis­sant ses mots pour qu’ils ne tra­hissent pas ce qu’il veut dire, il déteste l’emphase.

Judi­cieu­se­ment, il aime des écrits en une langue sèche, dégrais­sée d’adjectifs et d’adverbes inutiles. De même, l’immodestie le hérisse.

Reli­sant Tristes Tro­piques, le ton hau­tain de Lévi-Strauss lui fut insup­por­table. Les manuels de ges­tion d’entreprise l’agacent : la Har­vard Busi­ness Review, bien trop for­melle, lui « tombe des mains ».

Des­sin : Laurent Simon

Quant aux livres de diri­geants d’entreprises, « ce sont le plus sou­vent des recueils d’anecdotes tout à fait creux ».

UN CARACTÈRE EXIGEANT

Il se veut tou­jours bien pré­pa­ré, afin de réus­sir cha­cun de ses mul­tiples enga­ge­ments. C’est un stra­tège, il aime anti­ci­per, déteste ne pas être pré­pa­ré. Très sol­li­ci­té, son acti­vi­té reste très pre­nante avec 70 cour­riels quo­ti­diens qui exigent réponse.

Sa for­ma­tion l’a habi­tué à plan­cher beau­coup, long­temps et de manière effi­cace. Il lit très atten­ti­ve­ment cha­cun des docu­ments qu’il reçoit, et car­bure au café.

Avare de son estime, elle est totale lorsqu’il la donne. Ain­si d’Olivier Schra­meck, l’actuel pré­sident du Conseil supé­rieur de l’audiovisuel : ils sont des amis très proches depuis la 9e ! Ou de Bru­no Le Roux, l’actuel pré­sident du groupe socia­liste à l’Assemblée nationale.

“ Enseigner, c’est simplifier, rendre accessible ”

Il est du nombre des fidèles de Michel Rocard, ani­mant plu­sieurs cercles de ses anciens col­la­bo­ra­teurs, dont celui dénom­mé Cabaroc.

Sa sco­la­ri­té se fit aux lycées Car­not, puis Louis-le-Grand. Des ensei­gnants influents, en 4e un pro­fes­seur d’anglais, pro­mou­vant la pro­non­cia­tion par l’écriture pho­né­tique ; en 1re, Gilles San­dier – le cri­tique de théâtre du Masque et la Plume – fai­sant admi­rer Phèdre à ses élèves ; André Warus­fel en maths d’hypotaupe. Enfin Pierre Laf­fitte, le mythique direc­teur de l’École des mines.

Pour lui, l’enseignement consiste à « sim­pli­fier, rendre acces­sible ». Il trouve for­ma­teur l’exercice de contrac­tion d’un texte.

APRÈS POLYTECHNIQUE, LE CORPS DES MINES

Deux stages suc­ces­sifs en Suède d’un an cha­cun lui appor­tèrent énor­mé­ment, le pre­mier dans le Grand Nord (sidé­rur­gie et pro­gram­ma­tion en For­tran), le second à Stock­holm (gaz indus­triels) : immer­sion dans une langue dif­fi­cile – expé­rience du sombre hiver de l’Arctique – ran­don­née d’une dizaine de jours, l’été enfin reve­nu – le sau­na – éga­li­ta­risme en cette social-démo­cra­tie, « mais cer­tains étaient davan­tage égaux ! » et une effi­ca­ci­té dans l’administration du pays, sus­ci­tant son admiration.

Pre­mier poste à Metz : en pleine crise de la sidé­rur­gie Lor­raine, où il vit des fours archaïques de 10 ou 20 t, alors qu’à l’étranger on en était à 200 t – une remarque qu’il eut le front de faire au grand déplai­sir du minis­tère de l’Industrie.

Son par­cours dans le corps des Mines se pour­sui­vit en cabi­net minis­té­riel, celui de Michel Rocard (1981−1985). Il devint ensuite direc­teur des indus­tries agri­coles et ali­men­taires, au minis­tère de l’Agriculture.

UNE CARRIÈRE QUI S’ÉPANOUIT À LA TÊTE DE PERNOD RICARD

N’ayant « jamais oppo­sé public et pri­vé », il entre en 1987 chez Per­nod Ricard comme direc­teur du déve­lop­pe­ment. Direc­teur géné­ral de cette socié­té pour l’exportation de grandes marques (1987−1996), il orga­nise son expan­sion inter­na­tio­nale, tous azi­muts. P‑D.G. de Per­nod Ricard Europe (1997- 2000), il devient en 2000 codi­rec­teur géné­ral, avec Richard Bur­rows, puis admi­nis­tra­teur dès 2004.

“ Quand on est dans l’eau, on nage ! ”

En 2005, c’est la réus­site de l’acquisition-intégration d’Allied Domecq. En décembre 2005, il devient direc­teur géné­ral délé­gué du groupe. En 2008, il renoue avec la langue sué­doise, à l’occasion de l’acquisition de V & S et de sa marque Abso­lut Vod­ka. Cela par­achève l’internationalisation de Per­nod Ricard, deve­nu ain­si au début du XXIe siècle une grande mul­ti­na­tio­nale, la seconde au monde pour les vins et spiritueux.

De novembre 2008 à février 2015, Pierre Prin­guet est direc­teur géné­ral de Per­nod Ricard puis, à par­tir de fin août 2012, vice-pré­sident du conseil d’administration.

À pré­sent, il a un rôle clé dans le patro­nat fran­çais, appe­lé depuis juin 2012 à pré­si­der l’Association fran­çaise des entre­prises pri­vées (AFEP). Ses nom­breuses autres pré­si­dences incluent celles d’AgroParis-Tech, de la Scotch Whis­ky Asso­cia­tion et de l’Association ami­cale des ingé­nieurs du corps des Mines.

Il donne l’impression d’une grande aisance, de ne recu­ler devant aucune dif­fi­cul­té. Comme il aime à dire : « Quand on est dans l’eau, on nage. »

Commentaire

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19780211répondre
3 janvier 2017 à 13 h 34 min

Cumul

Por­trait inté­res­sant. Mais que le pré­sident de l’A­mi­cale du Corps des Mines soit aus­si pré­sident de l’A­FEP pose un pro­blème, déjà sou­li­gné. Comme Prin­guet je pense qu’il ne faut pas « oppo­ser public et pri­vé » (pour reprendre l’ex­pres­sion du por­trait), mais qu’il faille les DISTINGUER me paraît plus néces­saire que jamais.

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