Régis Pennel (99) a lancé L’Exception, qui est devenu en quelques années le leader commercial français de la mode créative et luxe pour femme et homme

L’Exception : Quand la mode devient digitale

Dossier : TrajectoiresMagazine N°762 Février 2021
Par Hervé KABLA (84)

En jan­vi­er 2011 Régis Pen­nel (99) a lancé L’Exception, qui est devenu en quelques années le leader com­mer­cial français de la mode créa­tive et luxe pour femme et homme, avec plus de 500 mar­ques. Il se présente comme le meilleur ser­vice client de France, primé chaque année par Avis Vérifiés.

Que permet L’Exception ?

L’Exception est un con­cept store, une bou­tique omni­canale de prêt-à-porter, qui per­met de s’habiller de la tête aux pieds pour les femmes et les hommes. Nous pro­posons des pro­duits de mar­que, sélec­tion­nés avec soin, ain­si que de nom­breuses exclu­siv­ités. Nous tra­vail­lons égale­ment sur de nom­breuses caté­gories com­plé­men­taires comme les idées cadeaux, la cos­mé­tique, etc. 

Comment t’est venue l’idée ?

J’ai créé la société en 2011 alors que je tra­vail­lais chez LVMH. À cette époque, j’ai pu voir la créa­tion de nom­breuses petites mar­ques sur le seg­ment con­tem­po­rain. Il y avait aus­si le début d’une prise de con­science de l’importance du « fab­riqué en France ». J’ai voulu créer le pre­mier e‑shop dédié aux mar­ques français­es, puis en 2016 nous avons ouvert notre bou­tique dans le pre­mier arrondisse­ment à Paris. 

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Je suis X99 et je suis sor­ti dans le corps des Télé­com. J’ai com­mencé ma car­rière au min­istère des Finances où je m’occupais des con­trats d’exportation pour la direc­tion du Bud­get. Après deux ans, je me suis ren­du compte que je voulais chang­er com­plète­ment de méti­er et je suis par­ti chez LVMH. J’ai alors démis­sion­né du corps des Télé­com pour démar­rer ma car­rière dans le privé. J’ai passé cinq ans chez LVMH d’abord au retail (les mag­a­sins), puis au mar­ket­ing pro­duit où je m’occupais de lignes de maro­quiner­ie. Je voy­ageais pas mal en France, puis en Ital­ie pour voir l’atelier ou à Lon­dres pour voir le bureau de style. J’ai appris chez LVMH la base du méti­er du luxe. À la suite de cette expéri­ence, j’ai eu envie de lancer mon entre­prise en créant L’Exception. C’est là que mon cur­sus infor­ma­tique X‑Télécom m’a bien aidé. 

Qui sont les concurrents ? 

En France, nos con­cur­rents prin­ci­paux vont être Place des Ten­dances, Printemps.com, Galeries Lafayette. À l’international, on va plutôt être con­fron­té à des sites comme Zalan­do ou Mr Porter. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Après le démar­rage du site en 2011, la pre­mière étape a été l’ouverture de notre bou­tique en 2016, ce qui nous a per­mis de met­tre en place une réelle expéri­ence omni­canale. Nous avions été assez précurseurs à l’époque, avec une uni­fi­ca­tion com­plète des stocks et de nom­breux ser­vices ajoutés, comme l’e‑réservation, etc. La deux­ième étape impor­tante a été en 2017 quand nous avons « piv­oté » pour ne plus ven­dre que des mar­ques français­es, mais ajouter dans notre assor­ti­ment une sélec­tion des meilleures mar­ques inter­na­tionales. Cela nous a per­mis de libér­er la croissance. 

Qu’est-ce qui a changé dans l’univers du luxe et de la création ces vingt dernières années ? 

Cet univers a énor­mé­ment gag­né en pres­sion. Quand je suis entré chez Celine au sein du groupe LVMH, c’était comme une mai­son famil­iale, très indépen­dante. Depuis lors, la société a énor­mé­ment grossi et est dev­enue plus rigide, avec une hiérar­chie de plus en plus lourde. Les salariés du luxe y ont per­du en lib­erté et en capac­ité d’innovation. Il y a aus­si le fait que, depuis quelques années, le luxe tra­vaille prin­ci­pale­ment pour une clien­tèle chi­noise, ce qui impacte à la fois le proces­sus de créa­tion et le proces­sus de production. 

Rares sont les ingénieurs qui parviennent à y trouver leur place. Quelle est la recette ? 

Ce n’est effec­tive­ment pas facile pour un ingénieur de s’intégrer dans l’univers du luxe. Pour y par­venir, il est impor­tant de vrai­ment s’intéresser à ce milieu. Il ne faut pas y aller pour le luxe et les pail­lettes, mais parce qu’on est réelle­ment pas­sion­né par cet univers. Il faut aus­si ne pas avoir peur de démar­rer à la base, car c’est un méti­er où l’on apprend d’abord sur le ter­rain, donc en bou­tique ou dans les ateliers. 

Le digital laisse-t-il encore la possibilité d’émerger au niveau national ? 

Oui, claire­ment : quand nous avons démar­ré en 2011, nous n’étions per­son­ne, et main­tenant nous faisons par­tie du top 100 des sites e‑commerce français et du classe­ment du Finan­cial Times des 1 000 entre­pris­es de crois­sance européennes. Le dig­i­tal ouvre énor­mé­ment de per­spec­tives de crois­sance car, con­traire­ment au physique, il n’y a pas de lim­ite à la crois­sance. On peut au démar­rage très facile­ment dou­bler ses ventes d’année en année, ensuite c’est plus com­pliqué et le taux de crois­sance baisse, mais il reste de toute façon très supérieur à ce qu’on pour­rait obtenir dans le cadre d’un mag­a­sin physique. L’avantage est égale­ment de pou­voir non seule­ment touch­er la France entière à par­tir d’un site inter­net, mais aus­si le monde entier. 

Verra-t-on un jour apparaître un Netflix de la mode ? 

C’est une ques­tion un peu avant-gardiste… Si on par­le d’un nou­veau busi­ness où l’on pour­rait con­som­mer la mode en loca­tion et ne plus l’acheter, il y a claire­ment des exem­ples de suc­cès comme Rent the Run­way. Mais en France les habi­tudes de con­som­ma­tion n’y sont pas encore. On est très loin de voir le busi­ness de la loca­tion décoller dans la mode. Il y a eu trois ou qua­tre start-up qui se sont lancées sur ce créneau en France, et la plu­part ont fait fail­lite. C’est un méti­er de press­ing, donc un méti­er très manuel et la main‑d’œuvre en France coûte cher. Aux États-Unis, ce type de busi­ness mod­èle peut fonc­tion­ner plus facile­ment, car la main‑d’œuvre peu qual­i­fiée est bien meilleur marché. 

Quels conseils donnerais-tu aux X qui veulent rejoindre l’univers de la mode ? 

C’est un méti­er où les X ne sont pas atten­dus, donc il faut être pas­sion­né et rejoin­dre ce secteur avec beau­coup d’humilité. Les jeunes qui souhait­eraient décou­vrir ce domaine ou s’y lancer peu­vent me contacter. 

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