« Les polytechniciens ont des choses à dire »

Dossier : X-Philo : la sagesse à la portée de tousMagazine N°687 Septembre 2013
Par Jean-Pierre BESSIS (80)

Peut-on dis­cuter de philoso­phie en igno­rant le jar­gon des philosophes ? C’est le pari de Jean- Pierre Bessis.

Exprimer un concept

Une charte déontologique
« Les débats et échanges sont libres sur le site. La réflex­ion philosophique se val­orise autant par le ques­tion­nement que par les thès­es défendues. Les avis les plus divers et, même, les con­tro­ver­s­es sont accep­tés. Toute­fois, cela doit se faire dans le respect de cha­cun, et sans que cela ne tende à la polémique ouverte. Aus­si ne sont pas admis­es les déc­la­ra­tions explicites d’opinions poli­tiques et religieuses. Toute mise en cause per­son­nelle d’un penseur con­tem­po­rain est égale­ment interdite.
Pour tenir compte de ce que la philoso­phie a été et est tou­jours présente sur les domaines de la reli­gion et la poli­tique, il est néan­moins pos­si­ble d’aborder ces thé­ma­tiques dans un cadre d’expression dit académique et dans le strict respect de ses frontières. »

« Bien qu’académiquement rat­tachée au domaine lit­téraire, la philoso­phie intéresse les poly­tech­ni­ciens, estime-t-il, car la démarche de con­cep­tu­al­i­sa­tion est au coeur de cette dis­ci­pline comme elle l’est égale­ment au sein de toute entre­prise de théori­sa­tion scientifique. »

Bien sûr, le lan­gage util­isé par les philosophes peut rebuter de prime abord (vocab­u­laire par­ti­c­uli­er et par­fois non nor­mal­isé, mode d’expression com­plexe), mais il n’est pas très dif­fi­cile de franchir ce cap.

« Je con­state aus­si que beau­coup de poly­tech­ni­ciens se sont intéressés, pour des raisons per­son­nelles, à deux ou trois sujets philosophiques par­ti­c­uliers sur lesquels ils ont réfléchi de nom­breuses années, ce qui a pu les con­duire à une analyse très per­son­nelle et finale­ment per­ti­nente. Il est intéres­sant de leur don­ner la parole. Certes, ils ont réfléchi avec leur pro­pre référen­tiel lan­gagi­er, sans recourir à la ter­mi­nolo­gie imposée par la dis­ci­pline, mais ils seront de toute façon com­pris… de leurs pairs (les X).»

Nourrir des réflexions

Appelé par son petit nom « XPhi­lo », le groupe est essen­tielle­ment com­posé de poly­tech­ni­ciens, aux­quels se joignent quelques per­son­nal­ités extérieures, philosophes de pro­fes­sion. « Nous cher­chons, pré­cise Jean- Pierre Bessis, à éveiller le ques­tion­nement philosophique, à nour­rir des réflex­ions et à aider à pénétr­er le monde de la pen­sée philosophique actuelle et passée. »

L’inscription au groupe s’effectue de façon sim­ple sur le site, moyen­nant une coti­sa­tion de quinze euros (gra­tu­ite pour les élèves) et l’acceptation d’une charte déontologique.

« C’est du reste à cette con­di­tion que nous avons obtenu l’agrément de l’AX. ».

Une lettre trimestrielle

« Le groupe pub­lie tous les trimestres une let­tre d’une trentaine de pages, com­posée d’articles signés de ses mem­bres, poly­tech­ni­ciens ou philosophes pro­fes­sion­nels, et n’exigeant pas, pour leur lec­ture, de préreq­uis par­ti­c­uli­er en philoso­phie. Elle est égale­ment dif­fusée sur le site de l’AX et sur le réseau des élèves.

« Ce sont du reste ces derniers qui nous imposent le niveau de clarté que nous recher­chons. Com­ment peut réa­gir un élève dont le pre­mier souci est de com­pren­dre, avant celui de savoir ?»

Jean-Pierre BESSIS (80) X‑Philosophie
Prési­dent : Je​an-Pierre Bessis (80)
Vice-prési­dent : Marc Muller (97)
Tél. : 01 40 67 78 45
Site Inter­net : www.x‑philo.com
Jean-Pierre BESSIS​(80), 52 ans, ingénieur de l’Armement, est actuelle­ment en poste à l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN). Il était aupar­a­vant chargé de la tutelle des écoles d’ingénieurs qui dépen­dent de la délé­ga­tion générale pour l’armement : Poly­tech­nique, l’ISAE (anci­en­nement Sup Aéro), l’Ensta (École nationale supérieure des tech­niques de l’armement).
Il enseigne par­al­lèle­ment la philoso­phie dans plusieurs étab­lisse­ments d’enseignement supérieur, dont l’École poly­tech­nique, où il est respon­s­able du mod­ule « Philoso­phies et cul­tures d’Asie ». Il ani­me égale­ment des sémi­naires de philoso­phie en Bre­tagne. Il pré­pare un livre sur Hegel et par­ticipe à la rédac­tion d’un ouvrage col­lec­tif sur la philoso­phie de la religion.
S’intéressant à l’histoire et aux sci­ences (vul­gar­isées), Jean-Pierre Bessis est féru de ran­don­nées en mon­tagne. Il est aus­si vio­loniste amateur.

Un projet en préparation

« Le groupe prévoit de décern­er, chaque année, un prix à un ouvrage de langue française trai­tant de ques­tions asso­ciant philoso­phie et sciences. »

Des rendez-vous réguliers

« Tous les deux mois, nous organ­isons une con­férence ou un dîn­erdé­bat à la Mai­son des X, pour­suit Jean-Pierre Bessis. « Le con­férenci­er est soit un cama­rade, soit un pro­fes­sion­nel de la philosophie.

« Par exem­ple, en mars dernier, notre cama­rade Claude Mau­ry (61) a bril­lam­ment com­men­té la ques­tion : La vérité n’est-elle qu’une forme de croyance ?

« Dans une suite logique, c’est un philosophe-soci­o­logue, Shmuel Trig­ano, qui nous a exposé sa vision de la vérité post­mod­erne en politique.

« Ces débats sont, quand c’est pos­si­ble, com­plétés par des dis­cus­sions sur le site, sous la forme d’une après-con­férence qui per­met à cha­cun de s’exprimer. »

Des débats d’actualité

La capac­ité du groupe à ouvrir des débats sur des thèmes « chauds » peut être illus­trée par la ren­con­tre en avril avec le pro­fesseur Trig­ano pour un échange sur un livre récent trai­tant de l’impact, selon lui dévas­ta­teur, du « postmodernisme ».

Des rela­tions de proximité
X‑Philo entre­tient des rela­tions régulières avec d’autres groupes X, partageant éventuelle­ment des réu­nions-débats. Citons X‑Mines-Auteurs, ani­mé par Jean Sous­se­li­er (58), ou X‑Sciences Humaines, présidé par Michel Pail­let (92). L’ouverture à d’autres écoles, par exem­ple Nor­male sup (sci­en­tifique), est à l’étude.

Ce débat, intro­duit par la con­tri­bu­tion apportée peu de temps avant par Claude Mau­ry sur le rel­a­tivisme, ouvrait des per­spec­tives insoupçon­nées sur les effets d’une démarche, venant par petites étapes à impos­er la légitim­ité du dis­cours sur le réel, et à force de tout décon­stru­ire, à ouvrir la voie à une nou­velle struc­tura­tion mon­di­al­isée du pou­voir, totale­ment supra­na­tionale, liée à qua­tre grands réseaux d’influence, cou­vrant la finance, les médias, l’expertise académique et la justice.

Pro­pos recueil­lis par
Jean-Marc Cha­banas (58)

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