Créer des « petits boulots » ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°673 Mars 2012
Par Bernard ZIMMERN (49)

Nous sommes inondés de cen­taines de mil­liers de créa­tions d’entreprises dont le nom­bre a triplé ou quadru­plé en quelques années, mais la très grande majorité en est con­sti­tuée d’entreprises sans salariés, sou­vent des coquilles vides. 

Dix ans de stagnation

Main­tenir les sta­tis­tiques du chô­mage dans des lim­ites poli­tique­ment acceptables 

Les entre­pris­es nais­sant avec au moins un salarié sont plus con­séquentes pour la créa­tion d’emplois, et d’emplois durables. Ce sont les employ­er com­pa­nies que réper­to­rie l’Institut de sta­tis­tiques améri­cain. Les insti­tuts européens s’orientent vers ce stan­dard. Notre taux de créa­tion de telles entre­pris­es est, lui, très mau­vais ; il n’a pas changé depuis plus de dix ans, autour de 40 000 par an, chutant même à 33 000 récem­ment. C’est env­i­ron la moitié du taux alle­mand ou anglais. En out­re, nous créons trois fois moins de salariés dans ces entre­pris­es que ces derniers. 

Deux fois moins d’emplois

Par­mi les entre­pris­es exis­tantes, cer­taines sont définies comme « entre­pris­es à forte crois­sance », c’està- dire, selon la déf­i­ni­tion de l’OCDE, 10 salariés ou plus, crois­sance de l’emploi d’au moins 20 % sur trois années suc­ces­sives. La dernière étude quan­ti­ta­tive réal­isée par l’IRDEME mon­tre qu’elles sont deux fois moins nom­breuses et créent deux fois moins d’emplois que leurs homo­logues anglais­es : 600 000 emplois créés dans la péri­ode 2005–2008 con­tre 1350000 au Royaume-Uni. 

Un paradoxe apparent

Les anges paralysés
L’émergence de busi­ness angels, capa­bles d’investir quelques cen­taines de mil­liers d’euros dans un pro­jet est paralysée par des pla­fonds de déduc­tion fis­cale ridicules : 40 000 euros pour l’avantage Madelin, 66 666 pour l’ISF-TEPA. Les Anglais étaient depuis des années à 1 mil­lion de livres pour un ménage et vien­nent de pass­er à 2 mil­lions. Zucker­berg décolle avec Face­book grâce à un apport de 500 000 dol­lars par Peter Thiel, l’un des fon­da­teurs de Paypal. 

Le para­doxe est que, cepen­dant, l’emploi français croît à peu près par­al­lèle­ment à l’emploi anglais ou alle­mand (avec cepen­dant un retard de 5 à 7 mil­lions d’emplois marchands). Com­ment la France faitelle pour faire croître son emploi alors que les deux vecteurs les plus impor­tants de cette crois­sance, la créa­tion par les entre­pris­es nou­velles et celle par les entre­pris­es exis­tantes, sont si mauvais ? 

Le service à la personne

Une hypothèse vraisem­blable est qu’elle ait réal­isé cette per­for­mance en dévelop­pant les petits boulots, notam­ment le ser­vice à la per­son­ne. C’est ce que sem­ble mon­tr­er la part prise par les ser­vices à la per­son­ne dans les créa­tions d’emploi de 2005 à 2010 : env­i­ron 380 000 sur 700000 en France, 50000 sur 2,3 mil­lions en Alle­magne. Ce serait la con­séquence d’une poli­tique très ancrée dans les milieux gou­verne­men­taux, con­sis­tant à encour­ager non des entre­pris­es pour dévelop­per un pro­duit ou un ser­vice à débouché inter­na­tion­al qui deman­dent beau­coup plus de cap­i­tal de départ, mais des entre­pris­es à cap­i­tal très faible des­tinées à employ­er à un chômeur : pro­grammes ACCRE (Aide aux chômeurs créant ou reprenant une entre­prise), micro­crédit avec notam­ment l’ADIE (Asso­ci­a­tion pour le droit à l’initiative économique), entre­prise à 1 euro de cap­i­tal, ser­vices à la per­son­ne et chèque CESU (chèque emploi ser­vice uni­versel), auto-entre­pre­neur. Les petits boulots per­me­t­tent de main­tenir les sta­tis­tiques du chô­mage dans des lim­ites poli­tique­ment accept­a­bles ; mais pas la bal­ance des comptes, ni l’emploi dans une vraie crise comme celle que nous traversons.

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