“Les patrons forment les patrons”

Dossier : La France a besoin d'entrepreneursMagazine N°549 Novembre 1999
Par Jacques BARACHE (47)

Dans La Jaune et la Rouge de févri­er 1997, j’avais annon­cé la créa­tion en 1996 d’une fon­da­tion à Sierre en Suisse, le Forum inter­na­tion­al pour la petite et moyenne entre­prise, en abrégé Fon­da­tion FIMPE.

La final­ité de cette fon­da­tion était de val­oris­er les PME et d’intervenir sur les con­di­tions fon­da­men­tales de leur développement.

Au cours d’une pre­mière réu­nion inter­na­tionale organ­isée à Sierre en novem­bre 1997, les parte­naires de FIMPE1 se sont mis d’accord sur deux lignes d’actions prioritaires :

  • un cycle expéri­men­tal de qua­tre échanges d’expérience, en Suisse, en Ital­ie et en France, entre dirigeants de PME européennes,
  • un pro­jet pilote pour une for­ma­tion spé­ci­fique des dirigeants de PME.


Je ne m’étendrai pas sur les échanges d’expériences qui ont eu lieu, de juil­let 1998 à avril 1999, dans des régions réputées pour le dynamisme de leurs PME :

  • dans la Lom­bardie (à Lecco),
  • dans le Valais suisse (à Sierre et Sion),
  • en Bre­tagne dans la couronne de Rennes,
  • et à nou­veau en Ital­ie à Udine (région du Frioul et de Vénétie juli­enne), avec la par­tic­i­pa­tion de parte­naires britanniques.


Chaque ren­con­tre a rassem­blé quinze à vingt per­son­nes, dont un noy­au per­ma­nent d’une douzaine de patrons de PME. Ce fut l’occasion de vis­iter une quin­zaine de PME per­for­mantes et de dia­loguer en pro­fondeur avec leurs dirigeants.

Des thèmes forts se sont dégagés de ces ren­con­tres : ils vont servir de matière pre­mière pour la mise en œuvre du pro­jet “Les patrons for­ment les patrons ”, qui a été inté­gré dans le pro­gramme LEONARDO de l’Union européenne.

Les fondements du projet de formation

Le pro­jet pilote dont la FIMPE com­mence aujourd’hui l’élaboration repose sur les con­stata­tions suivantes :

  • Les patrons de PME recon­nais­sent que la com­plex­ité de l’environnement dans lequel ils opèrent s’accroît sans cesse et que “ c’est beau­coup plus dif­fi­cile aujourd’hui qu’hier ”. Pour maîtris­er cette com­plex­ité, il faut faire autrement, innover et mieux répon­dre aux attentes des clients, des four­nisseurs et du personnel…
  • Pour que les dirigeants de PME soient mieux armés face à ces défis, leur for­ma­tion, tout au long de la vie, con­stitue un enjeu économique et social impor­tant. Elle doit per­me­t­tre aux entre­pris­es d’améliorer leur per­for­mance, de se dévelop­per et donc de créer des emplois. De plus, si le patron de PME accepte, lui aus­si, de se for­mer, cet exem­ple est haute­ment sym­bol­ique et favorise très forte­ment la for­ma­tion de l’ensemble du personnel.
  • Pour­tant, les dirigeants de PME acceptent mal de suiv­re des for­ma­tions clas­siques hors de l’entreprise. Dans un con­texte de con­struc­tion européenne et de mon­di­al­i­sa­tion, ils priv­ilégient les échanges entre “ pairs ” et por­tent un très vif intérêt aux échanges transna­tionaux d’expériences. Inclure ces échanges dans un dis­posi­tif de for­ma­tion per­me­t­tra de con­tribuer à la con­struc­tion d’une “ Europe des entrepreneurs ”.
  • C’est pour con­cili­er ces impérat­ifs et ces para­dox­es qu’a été conçu ce pro­jet pilote. Ini­tié par la Fon­da­tion FIMPE, il sera dévelop­pé avec des parte­naires français, ital­iens, bri­tan­niques et suiss­es : organ­ismes de for­ma­tion, cen­tre de recherche et groupe­ments de PME.

Contenu du projet

Ce pro­jet vise à apporter aux dirigeants européens les moyens de se for­mer sur les prob­lèmes clés des années à venir, en ten­ant compte de leurs réflex­es spon­tanés et par ailleurs de leurs disponi­bil­ités de temps lim­itées (d’où une large util­i­sa­tion de NTIC2).

Pour être crédi­ble vis-à-vis du dirigeant de PME, cette for­ma­tion ne doit pas appa­raître comme un lan­gage d’expert s’adressant à des per­son­nes de for­ma­tion insuff­isante, mais comme l’apport fourni par des PME de qual­ité, dont la réus­site est recon­nue. D’où le sens de la for­mule “ Les patrons for­ment les patrons ” à laque­lle s’ajoute l’acronyme “ Avenir PME ”.

De plus, les NTIC per­me­t­tent de sur­mon­ter les con­traintes et les freins des dirigeants par rap­port aux for­ma­tions clas­siques. Elles appor­tent sou­p­lesse d’utilisation, autonomie et gain de temps. Elles per­me­t­tent une large dif­fu­sion des savoir­faire. Le dis­posi­tif de for­ma­tion com­pren­dra deux formes de pédagogie :

  • un cycle de for­ma­tion de qua­torze mod­ules sur env­i­ron qua­torze mois (représen­tant env­i­ron deux cents heures d’effort per­son­nel), com­bi­nant l’autoformation à dis­tance et les forums d’échanges régionaux, et s’appuyant sur de nou­veaux out­ils mul­ti­mé­dias dont le con­tenu sera dévelop­pé et adap­té au méti­er de dirigeants de PME,
  • des forums européens d’échanges d’expériences (Inter­net, forums, visio­con­férences, séminaires).


Un tel enseigne­ment ambi­tionne de dévelop­per chez le dirigeant de PME :

  • l’aptitude à la déspé­cial­i­sa­tion à par­tir d’un méti­er orig­inel (tech­ni­cien, com­merçant, ges­tion­naire…) le chef d’entreprise doit savoir se déspé­cialis­er en vue de maîtris­er la total­ité des fonc­tions de son entre­prise, tout en restant un excel­lent pro­fes­sion­nel dans sa branche ;
  • l’aptitude à l’exercice du pou­voir ten­té par un com­porte­ment auto­cra­tique, il doit dévelop­per une capac­ité d’influence sur ses col­lab­o­ra­teurs pour en faire émerg­er des décisions ;
  • l’aptitude à con­stru­ire et respecter une organ­i­sa­tion mal­gré la pres­sion du court terme le chef d’entreprise doit met­tre sur pied des organ­i­sa­tions à la hau­teur de ses ambi­tions, qui allè­gent la ges­tion quo­ti­di­enne et per­me­t­tent à chaque mem­bre de l’entreprise de jouer pleine­ment son rôle ;
  • l’aptitude glob­ale à être par­faite­ment branché sur son envi­ron­nement clients, con­cur­rents, admin­is­tra­tion, per­son­nal­ités poli­tiques locales…, afin de maîtris­er la com­plex­ité crois­sante du gou­verne­ment de l’entreprise, et de mobilis­er les hommes autour d’une stratégie cohérente.

Partenaires et conduite du projet

Les parte­naires du pro­jet ont été recher­chés en vue de par­venir à un sou­tien financier de la Com­mu­nauté européenne et de la Suisse dans le cadre des pro­jets LEONARDO. Trois parte­naires ont été sélec­tion­nés au sein de la Com­mu­nauté européenne.

  • Pour la France :
    le groupe École supérieure de com­merce de Rennes, avec son départe­ment For­ma­tion con­tin­ue et son Cen­tre de recherche Euro-PME.
  • Pour l’Italie :
    deux asso­ci­a­tions de PME de Lec­co (Lom­bardie) : Unione Indus­tri­ali et API,
    un organ­isme de for­ma­tion dépen­dant des asso­ci­a­tions de PME de la région Frioul-Vénétie juli­enne For­min­dus­tria à Trieste.
  • Pour la Grande-Bretagne :
    l’Université de Mon­fort — School of design and man­u­fac­ture à Leicester.
  • Pour la Suisse, deux parte­naires se sont alliés au FIMPE :
    CRED (Cen­tre romand d’enseignement à dis­tance de Sierre),
    ICARE (Insti­tut d’informatique chargé de la pro­gram­ma­tion infor­ma­tique des out­ils mul­ti­mé­dias du projet).


La réal­i­sa­tion d’un tel pro­jet avec trois pays de l’Union européenne et la Suisse per­met de réalis­er des économies d’échelle et de moyens en util­isant les com­pé­tences et savoir-faire des dif­férents parte­naires, cha­cun appor­tant sa con­tri­bu­tion spé­ci­fique :

  • le FIMPE lui-même apporte son expéri­ence des échanges inter­na­tionaux entre dirigeants de PME, ce qui aidera à réalis­er l’aspect le plus orig­i­nal du pro­jet : le réseau d’échanges européens,
  • les parte­naires ital­iens appor­tent leur art de la coopéra­tion inter­en­tre­pris­es et leur génie de la petite entre­prise innovante,
  • les Suiss­es sont maîtres dans l’utilisation des NTIC et les Français ont une vieille expéri­ence de l’enseignement à distance,
  • les Bri­tan­niques sont, comme les Ital­iens, très sen­si­bil­isés à un fac­teur clé de réus­site de la PME inno­vante, le design de ses produits.


Sur le plan financier, la Com­mu­nauté européenne, dans le cadre des bud­gets LEONARDO, et la Suisse, par l’Office fédéral pour l’Éducation et la Sci­ence, ont don­né leur accord pour un sou­tien substantiel.

Le progamme de tra­vail a donc débuté au cours de l’été 1999 pour une durée de deux ans, et un rassem­ble­ment autour du pro­jet est prévu à Mar­tigny (Suisse) en décem­bre prochain.

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Ain­si s’amorce une muta­tion impor­tante : jusqu’à main­tenant on réser­vait surtout à la PME soit l’octroi de sub­ven­tions par les pou­voirs publics soit de l’assistance sous forme de con­seil en développe­ment fourni par des experts plus ou moins adap­tés à la petite entreprise.

Désor­mais le moteur du pro­grès pour les PME sera la for­ma­tion du dirigeant de PME lui-même, à par­tir de l’expérience de ses pairs. Telle est la sig­ni­fi­ca­tion pro­fonde du pro­jet pilote “ Les patrons for­ment les patrons ”.

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1. Le pre­mier d’entre eux étant l’École supérieure de com­merce de Rennes, fondée par Bernard Duchéneaut.
2. Nou­velles tech­nolo­gies de l’information et de la communication.

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