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Les nouveaux moteurs de l’innovation médicale

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin/Juillet 2017
Par Pierre-Alain BANDINELLI (06)

Il reste beau­coup de défis à relever, en pre­mier lieu à homogénéis­er la sit­u­a­tion dans le monde. Si la san­té n’a pas de prix, elle a un coût et main­tenant il faut jus­ti­fi­er la valeur économique de l’acte médi­cal. Enfin la mine inépuis­able des don­nées de san­té, analysée avec les tech­niques mod­ernes, per­me­t­tra d’amélior­er les pra­tiques médicales. 

Dans le tour­bil­lon de nou­veautés des deux derniers siè­cles, le for­mi­da­ble pro­grès de la pra­tique médi­cale aura sans doute une place à part. L’homme a pro­fondé­ment mod­i­fié son rap­port à la san­té : elle est dev­enue une vari­able sur laque­lle il est pos­si­ble, dans une cer­taine mesure, d’agir pour amélior­er sa longévité ou ses con­di­tions de vie. 

Les exem­ples abon­dent et, s’il faut n’en retenir qu’un, on pensera aux baiss­es extra­or­di­naires de la mor­tal­ité mater­nelle et de la mor­tal­ité infan­tile qui ont changé la démo­gra­phie mondiale. 

Il reste cepen­dant, nous le savons tous, beau­coup à faire ! 

REPÈRES

En France, l’accès aux données de santé est régulé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui s’appuie dans ce domaine sur l’IDS (Institut des données de santé), GIE à compétence nationale.
Plusieurs réseaux, comme la banque de données en santé publique de l’EHESP, mettent des données à la disposition des analystes ou chercheurs. La base DAMIR de l‘Assurance maladie contient à elle seule l’équivalent d’1,5 milliard de lignes.

IL RESTE DES DÉFIS À RELEVER

D’abord, la sit­u­a­tion est dra­ma­tique­ment inho­mogène dans le monde : l’un des défis du siè­cle à venir est de faire prof­iter de ce for­mi­da­ble sur­saut de san­té aux hommes qui en ont été privés jusqu’alors. Ce sur­saut ne pour­ra venir qu’accompagné des préreq­uis essen­tiels à la san­té : hygiène, ali­men­ta­tion suff­isante en quan­tité et qualité. 

“ Agir sur la santé pour améliorer la longévité ou les conditions de vie ”

Ensuite, de nom­breuses patholo­gies restent à com­pren­dre et soign­er : dans les pays dévelop­pés, ce sont les can­cers et les patholo­gies neu­rologiques de fin de vie qui attirent le regard. 

Enfin, de bonnes poli­tiques de san­té publique doivent être appliquées pour garan­tir la péren­nité de nos pra­tiques médi­cales (pen­sons à l’antibiorésistance qui, sans action ferme, men­ac­era de qua­si-extinc­tion toute la pra­tique médi­cale) et per­me­t­tre l’amélioration de la san­té à long terme, notam­ment par des mesures de préven­tion de maux que l’homme s’auto-inflige par son mode de vie. 

LA SANTÉ N’A PAS DE PRIX, MAIS ELLE A UN COÛT

Si tout le monde con­vien­dra que la san­té n’a pas de prix, elle a un coût qui croît inex­orable­ment et représente une part crois­sante de la richesse des nations. 

“ Chaque traitement doit justifier sa valeur pour le patient et le système de santé ”

Les dépens­es publiques sont déjà très élevées aujourd’hui et on ne sait dire com­ment les inno­va­tions – sou­vent coû­teuses – de demain seront pris­es en charge par les sys­tèmes de santé. 

Cette ques­tion est pro­fonde : au-delà de l’exercice compt­able, il y a une réflex­ion qui mêle éthique, poli­tique et économique. 

L’enjeu est impor­tant : les choix de poli­tique de san­té sont déter­mi­nants à long terme pour des pop­u­la­tions entières. 

JUSTIFIER LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE L’ACTE MÉDICAL

C’est dans ce con­texte que la notion de « valeur » est venue peu à peu con­tre­bal­ancer dans les réflex­ions celle du coût : chaque acte médi­cal, chaque traite­ment doit jus­ti­fi­er sa valeur pour le patient et le sys­tème de santé. 

JUSTIFIER LA VALEUR

En France, cette pratique de justification de la valeur débuta avec la loi de financement de la Sécurité sociale 2008, qui prévit la possibilité pour la Haute Autorité de santé, dans le cadre de ses missions, de publier des recommandations et avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescriptions ou de prises en charge les plus efficientes.

Ain­si, aujourd’hui on com­pare les valeurs des dif­férentes options thérapeu­tiques entre elles ; et l’industrie phar­ma­ceu­tique évolue vers un val­ue-based pric­ing. Un nou­veau par­a­digme s’établit : toute thérapie doit jus­ti­fi­er sa valeur et les autorités de san­té ou les assur­ances privées, gar­di­ennes des ressources, refusent des traite­ments jugés trop dis­pendieux et négo­cient à la baisse le prix de tout traitement. 

Dans ce nou­veau par­a­digme, chaque inno­va­tion est fort rationnelle­ment com­parée à la pra­tique exis­tante et son prix s’en déduit, tan­tôt supérieur tan­tôt inférieur, selon la valeur ajoutée. 

C’est cette pen­sée que les organ­ismes en charge du rem­bourse­ment appliquent depuis approx­i­ma­tive­ment une décen­nie. Partout dans le monde, les autorités de san­té se sont mis­es à employ­er les out­ils et méthodolo­gies (par ex. études d’impact budgé­taire, études coût-effi­cac­ité) que les phar­ma­co-écon­o­mistes avaient élaborés depuis quelques décennies. 

LES PISTES DE RÉFLEXION NE MANQUENT PAS

Voilà un ter­rain de jeu fasci­nant pour l’ingénieur pas­sion­né par l’innovation, la san­té publique, l’économie, l’éthique et l’exploitation de don­nées ! Réduc­tion du temps de séjour, diminu­tion des coûts directs, baisse de la mor­tal­ité sont autant de fac­teurs que le phar­ma­co- écon­o­miste cherchera à iden­ti­fi­er pour quan­ti­fi­er l’apport en valeur d’une innovation. 

Il s’intéressera aus­si au coût des patholo­gies et de leurs com­pli­ca­tions qu’un médica­ment ou un dis­posi­tif doivent réduire. Les développe­ments de nou­veaux pro­duits inclu­ent de plus en plus sou­vent des études spé­ci­fiques pour mesur­er la valeur de l’innovation.


Toute vis­ite chez le médecin, tout acte médi­cal est inscrit de manière indélé­bile dans les mémoires élec­tron­iques des assur­ances publiques, privées ou com­plé­men­taires qui gèrent nos soins. © PHOVOIR / SHUTTERSTOCK.COM

Pour aller encore plus loin, il faut plonger dans le monde fasci­nant des don­nées de santé. 

LE BUSINESS DE L’EXPLORATION DES DONNÉES

Outre-Atlantique, le rachat récent de Truven Health Analytics (une entreprise qui commercialise des données médicales glanées notamment dans le milieu hospitalier) par IBM conforte cette idée : il y a de formidables opportunités dans l’analyse de toutes ces données.

LES DONNÉES DE SANTÉ : UNE MINE INÉPUISABLE

Nous le savons : toute vis­ite chez le médecin, tout acte médi­cal est inscrit de manière indélé­bile dans les mémoires élec­tron­iques des assur­ances publiques, privées ou com­plé­men­taires qui gèrent nos soins. 

Et, anonymisées, ces infor­ma­tions sont disponibles (plus ou moins aisé­ment) pour analyse. La France est par­ti­c­ulière­ment bien dotée avec son assur­ance général­isée et infor­ma­tisée depuis plusieurs années : les bases de don­nées de l’Assurance mal­adie et du sys­tème hos­pi­tal­ier regor­gent d’informations sur les par­cours des patients et les usages médicaux. 

Ces don­nées sont d’une incroy­able valeur car elles per­me­t­tent, à une échelle jamais égalée, de mesur­er l’impact de mesures de san­té et d’arbitrer entre des pra­tiques pour sauver peut-être des cen­taines ou des mil­liers de vies. 

Gageons que, d’ici quelques années, les sys­tèmes d’intelligence arti­fi­cielle et de machine learn­ing nous livreront des enseigne­ments qui mod­i­fieront les pra­tiques médi­cales pour le meilleur. 

Voilà de for­mi­da­bles défis à relever pour les ingénieurs de demain. L’innovation médi­cale se nour­ri­ra aus­si du tra­vail d’économistes, data min­ers et data sci­en­tists. Venez nombreux !

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