Exportations de la mécanique française

Les mécaniciens français à l’international

Dossier : MécaniqueMagazine N°574 Avril 2002Par : Alain POIX, directeur général de la FIM

De l’importance de l’activité internationale

Graphiques 1 et 2

De l’importance de l’activité internationale

Graphiques 1 et 2

Sur quelque 83 mil­liards d’eu­ros que la mécanique française aura fac­turés en 2001, 41 % auront directe­ment été générés par des com­man­des passées par des fil­iales, des maisons mères ou des clients étrangers. Cette pro­por­tion est tout à fait com­pa­ra­ble à celle de notre prin­ci­pal com­péti­teur, l’Alle­magne (dans un rap­port de chiffre d’af­faires de 1 à 2,5 tout de même), pas aus­si per­for­mante que celle de nos voisins transalpins (plus de 50 % d’ex­por­ta­tions), mais très net­te­ment supérieure à celle des entre­pris­es améri­caines ou japon­ais­es par exemple.

Quant à la répar­ti­tion de nos ventes par zones géo­graphiques, la régulière aug­men­ta­tion de la part expédiée vers les Amériques et vers l’Asie ne nous détourne pas encore de notre prin­ci­pal marché, qua­si intérieur main­tenant, l’U­nion européenne, qui absorbe 57 % de nos expor­ta­tions, pro­por­tion, là encore, assez voi­sine de celle de nos prin­ci­paux con­cur­rents (graphiques 1 et 2).

Ces résul­tats sont le fait :

  • non seule­ment des grands groupes, mais aus­si de PME de plus en plus con­quérantes et dynamiques (graphique 3),
  • d’un tis­su indus­triel de plus en plus inter­na­tion­al­isé, puisque, si un mécani­cien ” français ” sur dix est aujour­d’hui d’o­rig­ine étrangère en ter­mes cap­i­tal­is­tiques, le poids de ces entre­pris­es est de 33 % en chiffre d’af­faires et représente 50 % de nos expor­ta­tions. On con­sid­ère égale­ment que le com­merce intra­groupe pèse pour plus d’un tiers de nos échanges, à l’im­port comme à l’export.

De l’exportation des produits à l’exportation de la production

Graphique 3
Facturation à l'exportation de la mécanique française

Mais la glob­al­i­sa­tion, entraî­nant pro­gres­sive­ment l’in­té­gra­tion des sys­tèmes de pro­duc­tion les uns par rap­port aux autres, est dev­enue le moteur essen­tiel de l’in­ter­na­tion­al­i­sa­tion de la pro­duc­tion. Celle-ci, qui, jusqu’au milieu des années qua­tre-vingt-dix, avait essen­tielle­ment con­cerné les sociétés multi­na­tionales, implique de façon crois­sante des PME four­nisseurs de grands opéra­teurs, qui les inci­tent à rechercher des for­mules de parte­nar­i­at avec des indus­triels mécani­ciens des pays où ils s’implantent.

Si le phénomène a touché l’au­to­mo­bile en pre­mier lieu, il devient récur­rent dans l’aéro­nau­tique, mais con­cerne égale­ment des équipements pour l’a­groal­i­men­taire ou pour les indus­tries chim­iques. Cette ten­dance appa­raît d’au­tant plus irréversible que (cause et con­séquence mêlées) :

  • les grandes zones géo­graphiques de la pro­duc­tion (et de la demande !) des biens mécaniques se mod­i­fient, l’émer­gence de l’Asie se faisant chaque année plus évidente,
  • en l’e­space de quinze ans, la France a accru sa part dans le stock mon­di­al d’in­vestisse­ments indus­triels sor­tants de 4,5 à 6,3 %. Nous fig­urons comme 3e plus grand investis­seur mon­di­al indus­triel der­rière le Roy­aume-Uni et les USA.


Dans le même temps, la part de notre pays dans le stock d’in­vestisse­ments entrants s’est érodée (de 4,6 à 3,8 %), ce qui démon­tre bien que, si nous nous trou­vons encore au 4e rang des grands pays d’ac­cueil de l’in­vestisse­ment en ter­mes de flux, der­rière le Roy­aume-Uni, les USA et la Suède (mais sans doute bien­tôt dépassé par la Chine !), notre posi­tion se dégrade.

Des enjeux considérables

Les entre­pris­es ont pris la mesure de ces muta­tions, mais aus­si des enjeux qui les sous-ten­dent et qui peu­vent se définir comme un cer­tain nom­bre de change­ments majeurs dans les ” règles du jeu ” :

1) la for­ma­tion de réseaux d’en­tre­pris­es. Les entre­pris­es ne se con­tentent plus d’ex­porter et de se dot­er d’im­plan­ta­tions à l’é­tranger : elles tis­sent entre elles des réseaux inter­na­tionaux de plus en plus complexes :

  • des réseaux de four­nisseurs (accords de sous-trai­tance, d’in­té­gra­tion…) entre un client et ses four­nisseurs de pro­duits intermédiaires,
  • des réseaux de pro­duc­teurs qui élar­gis­sent ain­si leurs gammes de pro­duits et leur cou­ver­ture géographique,
  • des réseaux d’a­cheteurs, dont la par­tie la plus vis­i­ble est con­sti­tuée par l’émer­gence de places de marchés électroniques,
  • et bien­tôt égale­ment des réseaux de recherche, de coopéra­tion tech­nologique ou des réseaux de consommateurs ;

Graphique 4 — Répar­ti­tion et évo­lu­tion par pays ou zones d’exportation du com­merce mon­di­al de pro­duits industriels
Répartition et évolution du commerce mondial de produits industriels
E​n vingt ans, l’Asie a mul­ti­plié par 2,5 sa part du com­merce mon­di­al de pro­duits industriels.

2) la nor­mal­i­sa­tion et les sys­tèmes de cer­ti­fi­ca­tion sont devenus aujour­d’hui des élé­ments impor­tants de pro­tec­tion ou de con­quête des marchés, ce pour quoi ils n’ont bien sûr pas été conçus, mais ce qui a des con­séquences majeures sur les per­for­mances des entre­pris­es sur les marchés extérieurs. Les cer­tifi­ca­teurs les plus impor­tants, recon­nus, auront une influ­ence d’au­tant plus gran­dis­sante que les har­mon­i­sa­tions souhaitées ne pro­gressent que lente­ment et que le respect de celles qui exis­tent déjà pose sou­vent des prob­lèmes considérables ;

3) quant à l’évo­lu­tion des régle­men­ta­tions et aux organes qui per­me­t­tent d’en assur­er le respect, c’est à l’OMC que se joue l’essen­tiel de la par­tie. Des ques­tions comme la pro­priété indus­trielle, les obsta­cles tar­i­faires, les entrav­es au com­merce, la con­sti­tu­tion d’un code inter­na­tion­al des investisse­ments… vont devenir essen­tielles à la régu­la­tion de flux de biens et de ser­vices de plus en plus conséquents.

Un positionnement qui pose problème

1) La mécanique française face à la dynamique du marché mondial

Dans un marché mon­di­al de pro­duits indus­triels qui a été mul­ti­plié par 6 en trente ans, l’Asie a mul­ti­plié sa part du com­merce mon­di­al par 2,5 en vingt ans (graphique 4) et a plus que décu­plé sa part des expor­ta­tions de biens d’équipement en général et de mécanique en par­ti­c­uli­er (graphique 5). En revanche, la France a vu stag­n­er sa part, en rai­son peut-être d’une spé­cial­i­sa­tion géo­graphique et sec­to­rielle peu en phase avec le dynamisme de la demande mon­di­ale (mais aus­si du fait de l’ap­pari­tion de nou­veaux pro­duc­teurs) (graphique 6).

Graphique 5 — Évo­lu­tion de la struc­ture des biens d’équipement (% du total)
En trente ans, l’Asie a plus que décu­plé sa part des expor­ta­tions de biens d’équipement.
Sources : CEPII, CHELEM – Com­merce international.

Certes, le for­mi­da­ble développe­ment du com­merce a généré pour notre pays un vol­ume d’ex­por­ta­tions suff­isant pour soutenir sa crois­sance, mais dans un con­texte de dégra­da­tion de nos parts de marché. Des efforts de rééquili­brage doivent être (sont) entre­pris, qui nous per­me­t­tront de cor­riger ces défauts d’ori­en­ta­tion en axant le développe­ment sur les pro­duits de haute tech­nolo­gie, et en inclu­ant dans leur valeur ajoutée une part de ser­vices tou­jours plus importante.

2) Le rôle des pouvoirs publics

Le nou­v­el espace de pro­duc­tion com­mande à l’É­tat d’a­ban­don­ner les principes tra­di­tion­nels de ses poli­tiques indus­trielles et com­mer­ciales, dont l’ef­fi­cac­ité est, pour la pre­mière, amoin­drie par la mise en œuvre des réseaux dont nous avons par­lé, et, pour la sec­onde, hypothéquée par l’ap­par­te­nance à l’U­nion européenne et à l’OMC.

Bien enten­du, sa respon­s­abil­ité est, en amont, d’as­sur­er les con­di­tions générales qui con­di­tion­nent la com­péti­tiv­ité glob­ale de l’industrie.

Mais au-delà, et donc en aval, l’É­tat doit accom­pa­g­n­er effi­cace­ment les entre­pris­es indus­trielles et mécani­ci­ennes dans leurs efforts de développe­ment inter­na­tion­al, là où se trou­vent les gise­ments de crois­sance et d’emploi, là où la con­cur­rence s’ex­ac­erbe et se mondialise.

Tous les pays de l’OCDE sou­ti­en­nent énergique­ment, car il s’ag­it là d’un investisse­ment pro­duc­tif, leurs indus­triels au plan inter­na­tion­al. Le nôtre doit pou­voir béné­fici­er d’ap­puis au moins équiv­a­lents, sachant qu’au demeu­rant ils seront tou­jours de mon­tants rel­a­tive­ment mod­estes dans les bud­gets publics, sans jamais être à fonds perdus.

3) La place des organisations professionnelles

La Fédéra­tion des indus­tries mécaniques accom­pa­gne d’ailleurs ce mou­ve­ment en pro­posant à ses adhérents des veilles tech­ni­co-économiques et des recherch­es de parte­naires sur des cou­ples pays/marché (Brésil/automobile, Ontario/aéronautique, Russie/agroalimentaire), qui s’avèrent très suiv­ies et très efficaces.

Graphique 6 — La France est peu présente dans les régions dont la part dans les impor­ta­tions mon­di­ales aug­mente fortement
Parts​de marché (en valeur) de la France par zones en fonc­tion de l’évolution du poids de ces zones dans les impor­ta­tions mon­di­ales (péri­ode 1989–1999).
Sources : FMI, cal­culs DREE 5B.

La Fédéra­tion des indus­tries mécaniques n’est pas en reste sur ce chapitre. Elle accom­pa­gne, autant que faire se peut, ce mou­ve­ment. Ain­si, celle-ci se fait l’é­cho des deman­des et des besoins exprimés par les mécani­ciens auprès des pou­voirs publics français, et plus par­ti­c­ulière­ment auprès de l’ensem­ble des acteurs du dis­posi­tif d’ap­pui au com­merce extérieur, de façon à ce que les crédits engagés et les actions entre­pris­es le soient au mieux des intérêts des entreprises.

Des démarch­es ana­logues sont entre­pris­es au niveau de Brux­elles, mais aus­si auprès de l’OCDE et de l’OMC, de façon à ce que les prob­lèmes ren­con­trés par les pro­fes­sions mécani­ci­ennes soient pris en compte, dans la mesure du possible.

Enfin, des for­mules d’ac­com­pa­g­ne­ment sont pro­posées aux entre­pris­es adhérentes, qui per­me­t­tent, en com­plé­ment des presta­tions offertes par le dis­posi­tif pub­lic, de mieux se posi­tion­ner sur les marchés (veilles sec­to­rielles, récem­ment sur des cou­ples pays/marchés tels que Brésil/automobile ou Ontario/aéronautique ou encore Russie/agroalimentaire, coopérants en temps partagé, ren­con­tres, en France ou à l’é­tranger, avec de grands don­neurs d’ordre). 

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