Avant-propos

Dossier : MécaniqueMagazine N°574 Avril 2002
Par Martine CLEMENT

Une industrie sur tous les fronts

Cette dis­ci­pline qui per­mit de forg­er les pre­miers out­ils irrigue l’ensem­ble des activ­ités pri­maires, sec­ondaires et tertiaires.

De l’ex­trac­tion des matières à leur dis­tri­b­u­tion, de la con­cep­tion, de la fab­ri­ca­tion et du traite­ment des pro­duits à leur livrai­son, la mécanique est en effet partout.

Répartition de la clientèle de la mécanique en FranceAu côté de grands groupes réputés, sou­vent lead­ers mon­di­aux dans leur domaine, près de 7 000 PME mécani­ci­ennes, répar­ties sur l’ensem­ble du ter­ri­toire, et qui représen­tent en moyenne 20 % de l’emploi indus­triel de chaque région, font quo­ti­di­en­nement preuve de créa­tiv­ité et de capac­ité de développe­ment dans cha­cune des mul­ti­ples spé­cial­ités de cette vaste indus­trie répar­tie en cinq grands domaines d’activité :

  • machines, équipements et sys­tèmes de production,
  • out­il­lage, com­posants, pièces, sous-ensembles,
  • activ­ités de sous-traitance,
  • optique, instru­ments de pré­ci­sion et de mesure,
  • équipement des ménages et de la santé.


Ces indus­tries ont en com­mun de fournir l’essen­tiel de l’in­vestisse­ment de l’in­dus­trie, des ser­vices et des ménages comme :

  • les équipements de l’in­dus­trie : machines-out­ils, machines tex­tiles, de fab­ri­ca­tion du papi­er, équipements de dépollution…
  • les matériels pour l’a­groal­i­men­taire : équipements de salaison­ner­ie, machines à fab­ri­quer le chocolat…
  • les équipements du com­merce : matériel de grande cui­sine, élé­ments frigorifiques…
  • les équipements pour les ser­vices : matériel d’im­primerie, mobili­er métallique, matériel médicochirurgical,
  • les matériels pour le bâti­ment et les travaux publics,
  • les machines pour l’agriculture,


et regroupent aus­si les fab­ri­cants de com­posants et les sous-trai­tants qui tra­vail­lent presque exclu­sive­ment pour l’in­vestisse­ment en tant que four­nisseurs de l’au­to­mo­bile, de l’aéro­nau­tique ou des équipements mécaniques.

Une croissance ralentie mais toujours positive

Après six années d’une crois­sance forte et con­tin­ue (+ 5% en moyenne annuelle), qui a entraîné une évo­lu­tion sig­ni­fica­tive des effec­tifs -, témoignage du car­ac­tère très man­u­fac­turi­er du secteur -, les entre­pris­es français­es de mécanique ont enreg­istré en 2001 une pro­gres­sion de 2,5 % de leur chiffre d’af­faires qui s’établit à 83,6 mil­liards d’euros.

Cinq grands domaines d’activité de la mécanique en FrancePreuve de leur com­péti­tiv­ité, elles expor­tent près de 50 % de leur pro­duc­tion dont plus de la moitié sur les marchés de l’U­nion européenne. Sur les neuf pre­miers mois de 2001 les expor­ta­tions de la mécanique française sont restées dynamiques s’in­scrivant en pro­gres­sion de plus de 6 % par rap­port à l’ex­er­ci­ce précédent.

Les baromètres sec­to­riels men­su­els mis au point par la Fédéra­tion des indus­tries mécaniques, et pub­liés pour la pre­mière fois en 2001, con­duisent toute­fois à une prévi­sion d’ac­tiv­ité en baisse pour 2002.

Ils con­fir­ment en effet que le ralen­tisse­ment économique européen, et donc la baisse de pro­duc­tion des indus­tries mécaniques, devrait se pour­suiv­re au moins au cours du pre­mier semestre.

Dans le meilleur des cas, les entre­pris­es du secteur espèrent un raf­fer­misse­ment de l’ac­tiv­ité tirée par les expor­ta­tions vers les autres marchés mon­di­aux, et ceci à con­di­tion que l’é­conomie améri­caine amorce une reprise au milieu de l’année.

En revanche, analysé sur une plus longue péri­ode, le besoin d’in­vestisse­ment reste fort en Europe, compte tenu du retard pris sur les États-Unis au cours de la dernière décennie.

La pro­duc­tion de la mécanique européenne sera donc ori­en­tée à la hausse dans les prochaines années et celle de la mécanique française devrait par­ticiper de cette ten­dance de fond.

Encore faut-il, pour ce faire, que les con­di­tions évo­quées plus loin soient réunies.

Des hommes hautement qualifiés

Les indus­tries mécaniques emploient près de 600 000 salariés dont 78 % ont une com­pé­tence qualifiée.

Aujour­d’hui en effet le mécani­cien doit pou­voir met­tre en œuvre et alli­er les tech­nolo­gies et les tech­niques les plus nou­velles -, comme l’élec­tron­ique ou l’in­for­ma­tique main­tenant omniprésentes dans notre indus­trie -, aux dis­ci­plines plus traditionnelles.

L’imag­i­na­tion pour con­cevoir, l’ef­fi­cac­ité et la qual­i­fi­ca­tion pour pro­duire, la con­nais­sance des réal­ités indus­trielles pour con­serv­er ses atouts de com­péti­tiv­ité : autant de défis que doit relever le mécanicien.

Du CAP au diplôme d’ingénieur, plus de 50 for­ma­tions con­duisent aux métiers de la mécanique, tant dans l’in­dus­trie que dans l’ensem­ble des autres secteurs utilisateurs.

Et pour­tant les entre­pris­es de mécanique peinent aujour­d’hui à recruter le per­son­nel qual­i­fié dont elles ont besoin. L’analyse de ces dif­fi­cultés et les ini­tia­tives pris­es dans ces domaines sont traitées dans l’ar­ti­cle con­sacré à la formation.

Une industrie en mouvement

Après avoir réal­isé, depuis de longues années, d’im­por­tants pro­grès de pro­duc­tiv­ité, de flex­i­bil­ité, de qual­ité, d’in­té­gra­tion des prob­lèmes envi­ron­nemen­taux, les entre­pris­es de mécanique dévelop­pent, cha­cune dans leurs domaines, des efforts per­ma­nents d’in­no­va­tion, plutôt incré­men­tielle que de rup­ture, amélio­rant ain­si, pas à pas, les procédés et les pro­duits existants :

  • évo­lu­tion d’une sous-trai­tance de capac­ité vers une sous-trai­tance de compétence,
  • mise en œuvre, par­fois au terme d’une recherche col­lec­tive, de nou­veaux procédés (usi­nage à grande vitesse, découpe laser ou jet d’eau…),
  • nou­velles méth­odes d’analyse de besoin client (pro­to­ty­page…),
  • nou­velles méth­odes d’or­gan­i­sa­tion de con­cep­tion ou recon­cep­tion (stan­dard­i­s­a­tion des com­posants, ges­tion des mod­i­fi­ca­tions, con­cep­tion par la méthode d’analyse du cycle de vie…),
  • développe­ment de nou­veaux ser­vices asso­ciés aux produits,
  • aug­men­ta­tion des per­for­mances en ter­mes de sûreté, de fonc­tion­nal­ités… par­al­lèle­ment à la réduc­tion des coûts,
  • util­i­sa­tion des nou­veaux matériaux,
  • inté­gra­tion des nou­velles technologies.


Témoin de cet impor­tant mou­ve­ment inno­vant des indus­tries mécaniques, le bilan sec­to­riel Mécanique 2000 de l’An­var qui relève que plus du tiers des pro­jets inno­vants du secteur accom­pa­g­nés par l’A­gence sont qual­i­fiés de pre­mières mondiales.

Pour main­tenir leurs atouts de com­péti­tiv­ité les entre­pris­es de mécanique doivent, par­al­lèle­ment, innover et répon­dre tant aux exi­gences de leur envi­ron­nement : don­neurs d’or­dres, régle­men­ta­tions, etc., qu’aux enjeux de la mondialisation.

Autant de défis pour les indus­triels de la mécanique que la Fédéra­tion a pour mis­sion de prévoir et accom­pa­g­n­er, d’une part en appor­tant aux pro­fes­sions qu’elle représente les out­ils de veille et de développe­ment pour leurs entre­pris­es et, d’autre part, en assur­ant aux plans français et inter­na­tion­al la défense et la pro­mo­tion de ce secteur majeur de l’in­dus­trie française.

L’environnement économique doit intégrer les enjeux de cette mutation de dimension mondiale

Il n’y a pas de grand pays dévelop­pé sans indus­trie prospère. Inter­venant dans l’ensem­ble des activ­ités, la mécanique joue par con­séquent un rôle fon­da­men­tal dans l’évo­lu­tion de tous les secteurs économiques. Il est d’ailleurs remar­quable qu’à quelques excep­tions, par­fois bril­lantes, la présence d’une puis­sante indus­trie mécanique soit l’a­panage des pays forte­ment indus­tri­al­isés et donc à niveau de vie élevé.

Si les entreprises de mécanique peuvent se prévaloir de réussites souvent remarquables -, résultats d’efforts conduits avec persévérance depuis de longues années -, les besoins qu’elles expriment vis-à-vis de leur environnement économique et social sont de trois ordres.

  • D’abord, la con­duite d’une poli­tique économique et sociale adap­tée à la com­péti­tion mon­di­ale pour réduire

leur vul­néra­bil­ité puisque, struc­turelle­ment, elles doivent faire face aux péri­odes bass­es du cycle d’investissement

Ceci induit la mise en place d’une poli­tique réac­tive, équitable et dynamique :

  • réac­tive, parce que le monde bouge et que les entre­pris­es ne doivent pas être freinées dans leur capac­ité à innover, inve­stir et embaucher ;
  • équitable, parce qu’au­jour­d’hui elles sont sys­té­ma­tique­ment plus, et sou­vent mal, régle­men­tées et davan­tage taxées que leurs con­cur­rentes étrangères ;
  • dynamique, parce que les élé­ments dog­ma­tiques, de quelque ten­dance qu’ils s’ex­er­cent, figent les sit­u­a­tions et empêchent le progrès.


Mesures struc­turelles et flex­i­bil­ité en matière de poli­tique économique et sociale, adap­ta­tion de cer­taines régle­men­ta­tions aux réal­ités du ter­rain et évo­lu­tion des com­porte­ments con­stituent, pour la mécanique, les pri­or­ités à met­tre en œuvre.

À ce titre, la Fédéra­tion des indus­tries mécaniques demande notam­ment la sup­pres­sion de la taxe pro­fes­sion­nelle qui, dans sa forme actuelle, con­stitue une véri­ta­ble taxe sur l’investissement.

Elle for­mule à cet égard une propo­si­tion, en totale har­monie avec les dis­po­si­tions en vigueur, ou envis­agées, chez nos con­cur­rents européens, qui con­sis­terait en par­ti­c­uli­er en un impôt assis sur les résul­tats et non plus sur les coûts.

Une autre préoc­cu­pa­tion forte des mécani­ciens con­cerne l’i­nadap­ta­tion à l’in­dus­trie de la loi de 1975 sur la sous-trai­tance, com­posante impor­tante du secteur.

La FIM demande tout sim­ple­ment, comme cela se fait dans les autres pays européens, de garan­tir le paiement du sous-trai­tant par le client final à un moment où les don­neurs d’or­dres inter­mé­di­aires peu­vent se révéler défaillants.

  • Le sec­ond tient à l’amélio­ra­tion des rela­tions exis­tant en France au sein du monde économique


Au-delà des incon­tourn­ables évo­lu­tions qui relèvent des pou­voirs publics, et dont la fis­cal­ité con­stitue un élé­ment essen­tiel, un cer­tain nom­bre d’amélio­ra­tions doivent aus­si être rapi­de­ment apportées par les entre­pris­es dans leurs rela­tions clients/donneurs d’ordres/fournisseurs.

En mécanique, les emplois sont hautement qualifiésFace à la mul­ti­pli­ca­tion des fac­teurs de risque inhérents notam­ment au retourne­ment de la con­jonc­ture et aux événe­ments inter­na­tionaux, les dif­férents acteurs économiques doivent en effet, par des rela­tions saines et équili­brées, con­stituer une chaîne solide et responsable.

Force est aujour­d’hui mal­heureuse­ment de con­stater que le non-respect ou l’al­longe­ment des délais de paiement et cer­taines pra­tiques abu­sives per­durent, voire s’am­pli­fient. Cette dérive doit être corrigée.

Et d’ailleurs, alors qu’on oppose si sou­vent pro­duc­teurs et dis­trib­u­teurs, il a été pos­si­ble d’obtenir, pour les biens de con­som­ma­tion durables, de pre­miers accords sur les con­di­tions de paiement, même en cas de lit­iges partiels.

Cette notion de chaîne doit s’ap­pli­quer égale­ment aux ser­vices que recherchent les mécani­ciens auprès de leurs ban­ques et de leurs assureurs.

Il est facile de com­pren­dre qu’un indus­triel qui exporte 50 % de sa pro­duc­tion, dont les con­trats se déroulent sur de nom­breux mois, et qui subit par­fois dure­ment les évo­lu­tions rapi­des de la demande de ses clients, a des besoins de finance­ment adaptés.

Ceci con­cerne aus­si les assureurs, qui doivent appréci­er les risques inhérents à des activ­ités spé­ci­fiques qui ne peu­vent être traités de façon sta­tis­tique, et, bien sûr, déter­min­er leurs tar­i­fi­ca­tions en fonc­tion de ces éléments.

  • Enfin, il s’ag­it de l’im­age de la mécanique, qui rejoint pour par­tie la place de l’in­dus­trie dans notre pays


Comme je l’ai évo­qué, l’in­dus­trie mécanique doit se dot­er de nou­velles com­pé­tences, mais elle a aus­si l’am­bi­tion d’of­frir un avenir à ceux qui cherchent des métiers val­orisants. Cette indus­trie est basée sur la qual­i­fi­ca­tion des hommes et des femmes qui con­courent à la créa­tion de richesse. C’est une réal­ité aus­si bien dans les grandes que dans les petites entre­pris­es de ce secteur. En dehors de l’ex­ploita­tion de matières pre­mières, il n’y a pas en effet d’ex­péri­ence de réus­site d’im­plan­ta­tion indus­trielle sans cela.

Con­sti­tu­ant un mail­lon incon­tourn­able dans les appli­ca­tions des pro­grès de la sci­ence dans la vie de tous les jours, la mécanique doit égale­ment être recon­nue du monde de la recherche comme une dis­ci­pline à part entière. Ce point est fon­da­men­tal mais je n’y insiste pas car il est large­ment dévelop­pé par ailleurs.

La mécanique doit avoir aus­si, et ce n’est pas le moins impor­tant, la con­fi­ance de ceux qui acceptent d’in­ve­stir dans le cap­i­tal de ses entre­pris­es, car c’est une activ­ité qui néces­site, même dans les petites entre­pris­es, des moyens impor­tants. Le car­ac­tère struc­turelle­ment cyclique de son activ­ité se prête mal à une vision à court terme de ces par­tic­i­pa­tions et implique la con­fi­ance que j’évo­quais ci-dessus.

Trans­ver­sale et indis­pens­able à tous les secteurs, la mécanique doit ain­si pou­voir vivre, se dévelop­per et main­tenir ses for­mi­da­bles atouts de compétitivité.

Car, ” au cœur du monde en mou­ve­ment “, elle con­stitue un indi­ca­teur très révéla­teur de ” l’é­tat de san­té ” des entre­pris­es industrielles. 

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