L’enseignement de la mécanique dans les universités

Dossier : MécaniqueMagazine N°574 Avril 2002Par : Les professeurs Renée Gatignol, Raymonde Drouot, Michel Berlorgey, Jean Frène, James Richard

Dans ce court texte, les for­ma­tions suiv­antes sont décrites avec quelques détails :

  • licence et maîtrise de mécanique (bac + 3 et bac + 4),
  • licence et maîtrise de tech­nolo­gie mécanique (bac + 3 et bac + 4),
  • for­ma­tion en mécanique dans les IUT (bac + 2),
  • for­ma­tion en mécanique dans les IUP (bac + 4),
  • diplôme d’é­tudes supérieures spé­cial­isées (DESS) (bac + 5),
  • diplôme d’é­tudes appro­fondies (DEA) (bac + 5).


À ces for­ma­tions con­nues et aux effec­tifs impor­tants, il faut ajouter des for­ma­tions plus spé­ci­fiques. Citons le ” Diplôme de recherche tech­nologique ” ou DRT cor­re­spon­dant à une for­ma­tion à bac + 6 pour des diplômés ingénieurs des écoles, mais aus­si pour des ingénieurs-maîtres, c’est-à-dire les diplômés des IUP. Chaque DRT s’ap­puie sur la col­lab­o­ra­tion entre un lab­o­ra­toire et une entre­prise, l’é­tu­di­ant béné­fi­ciant d’un CDD et effec­tu­ant un stage long (un an pour les ingénieurs et dix-huit mois pour les ingénieurs-maîtres). Citons aus­si la ” licence pro­fes­sion­nelle “, diplôme à bac + 3 nou­velle­ment créé, acces­si­ble notam­ment après un DUT (diplôme uni­ver­si­taire de tech­nolo­gie) ou un DEUG. Dans le domaine de la mécanique, quelques for­ma­tions de ce type très appuyées sur l’en­vi­ron­nement région­al com­men­cent à se met­tre en place.

Toutes ces for­ma­tions s’ap­puient sur des enseignants-chercheurs, pro­fesseurs et maîtres de con­férences, de l’en­seigne­ment supérieur rel­e­vant de la Sec­tion ” mécanique, génie mécanique, génie civ­il ” du Comité nation­al des uni­ver­sités. À ce poten­tiel, que l’on peut grossière­ment éval­uer à 600 pro­fesseurs et 1 225 maîtres de con­férences, il faut ajouter l’ap­port, à ne pas sous-estimer, des enseignants-chercheurs des dis­ci­plines voisines, des enseignants rel­e­vant de l’en­seigne­ment sec­ondaire et très présents notam­ment dans les IUT et celui des pro­fes­sion­nels pour des enseigne­ments spé­cial­isés et proches de la profession.

Licence et maîtrise de mécanique

Les uni­ver­sités ont mis en place dans les années 1970 des for­ma­tions de sec­ond cycle licence et maîtrise de mécanique. Ces cur­sus uni­ver­si­taires ont pour objec­tif de don­ner une for­ma­tion de base dans les sci­ences de la mécanique en vue d’abor­der les grands domaines d’ap­pli­ca­tion. Ces derniers con­cer­nent les indus­tries des trans­ports, les indus­tries aérospa­tiales, les indus­tries nucléaires, la con­struc­tion, la biomécanique…

Ces sec­onds cycles ne sont pas présents dans toutes les uni­ver­sités sci­en­tifiques de France, une ving­taine d’en­tre elles les assure en s’ap­puyant sur des lab­o­ra­toires de recherche rel­e­vant de la mécanique (départe­ment SPI, sec­tions 9–10 du CNRS).

Les champs dis­ci­plinaires abor­dés con­cer­nent la mécanique des flu­ides, la mécanique des struc­tures, la mécanique des matéri­aux, l’a­cous­tique, les mécan­ismes et la tri­bolo­gie. Un tronc com­mun à toutes les uni­ver­sités est prévu par les textes offi­ciels définis­sant le cadre de ces diplômes. Chaque uni­ver­sité pro­pose en fonc­tion de ses com­pé­tences locales des enseigne­ments option­nels. Il est clair que la maîtrise des out­ils numériques fait par­tie des objec­tifs de la formation.

Licence et maîtrise de tech­nolo­gie mécanique

Rel­a­tive­ment récentes au sein de l’u­ni­ver­sité, ces for­ma­tions, de l’or­dre de la quar­an­taine, sont orig­i­nales sur plusieurs points :

  • Cul­turel
    Au même titre que les cul­tures sci­en­tifique, artis­tique et lit­téraire, il existe une cul­ture tech­nologique qui dis­pose d’outils de lan­gage et d’écri­t­ure ain­si que des règles de con­struc­tion et de fabrication.
  • Con­ceptuel
    Les sci­ences clas­siques s’ap­puient sur une démarche d’analyse ” déduc­tive ” (le prob­lème et les hypothès­es sont posées, déduire la solu­tion). La tech­nolo­gie, elle, est basée sur une approche ” induc­tive ” asso­ciée à une analyse déduc­tive (la solu­tion est choisie ou définie, com­ment faut-il pos­er le prob­lème pour qu’une analyse déduc­tive la fournisse ?).
  • ” Con­cep­tion­nel ”
    Con­stru­ire, c’est con­cevoir, c’est innover et met­tre en cohérence des domaines a pri­ori dis­joints dans les sci­ences clas­siques (matéri­aux, bio­mé­canique, biotech­nolo­gie…). C’est aus­si créer de nou­veaux domaines sci­en­tifiques aux inter­faces des anciens et inven­ter de nou­veaux out­ils pour les mod­élis­er (développe­ment matriciel en robo­t­ique ou matéri­aux composites).
  • Péd­a­gogique
    L’u­nité de temps d’une généra­tion tech­nologique a dimin­ué (deux à cinq ans) pour devenir égale, voire inférieure à l’u­nité de temps de la for­ma­tion des maîtres. Com­ment for­mer les maîtres qui auront à for­mer des émules à une tech­nolo­gie qui n’ex­iste pas encore ?


Cette orig­i­nal­ité qui néces­site une évo­lu­tion per­ma­nente, une ouver­ture d’e­sprit sur toutes les dis­ci­plines et une men­tal­ité prospec­tive (on ne peut plus s’ap­puy­er sur le passé, mais sur un avenir pos­si­ble) con­stitue la richesse de ces formations.

Formation en mécanique dans les IUT (Instituts universitaires de technologie)

Les départe­ments de génie mécanique et pro­duc­tique (GMP) sont, sur le ter­ri­toire nation­al, au nom­bre de 43 et ils représen­tent une pop­u­la­tion de 7 500 étu­di­ants env­i­ron, répar­tis sur deux années de for­ma­tion. À ce chiffre, il con­vient d’a­jouter les étu­di­ants en for­ma­tions post-IUT d’une durée inférieure ou égale à un an (bac + 2,5 ou 3) représen­tant de l’or­dre de 15 % à 20 % des effec­tifs précé­dents. Par­mi ces for­ma­tions fig­urent les licences pro­fes­sion­nelles et les diplômes d’universités.

Dans le même ordre d’idées, aux départe­ments de GMP directe­ment con­cernés par la mécanique, il faut ajouter les départe­ments de génie civ­il, de génie ther­mique et de génie des sys­tèmes indus­triels. On peut con­sid­ér­er que ceux-ci représen­tent un ensem­ble sen­si­ble­ment équiv­a­lent aux départe­ments de génie mécanique.

La car­ac­téris­tique com­mune des enseigne­ments de mécanique à tous ces départe­ments est qu’ils se situent au car­refour des sci­ences et tech­niques et de l’in­dus­trie. C’est-à-dire qu’ils sont dis­pen­sés en pour­suiv­ant deux objec­tifs majeurs et par­fois con­tra­dic­toires : être des enseigne­ments sci­en­tifiques de base, liés à des tech­niques et être au cœur des prob­lèmes ren­con­trés en milieu indus­triel. C’est ain­si que les pro­grammes, bien qu’ils soient nationaux, lais­sent une part impor­tante aux ori­en­ta­tions indus­trielles locales (aéro­nau­tique, micromé­canique…) et que les pro­fes­sion­nels de ces indus­tries doivent nor­male­ment inter­venir dans les formations.

Les enseigne­ments de mécanique sont regroupés au sein d’une unité inti­t­ulée : sci­ences appliquées. Les con­tenus sont très ori­en­tés vers la mécanique du solide pour la mécanique pro­pre­ment dite, sur des bases de géométrie vec­to­rielle. Quant à la mécanique des matéri­aux, elle porte prin­ci­pale­ment sur les aspects clas­siques de résis­tance, con­traintes et défor­ma­tions, critères de lim­ites élastiques.

Les dis­créti­sa­tions par élé­ments finis sont intro­duites avec l’u­til­i­sa­tion de logi­ciels sou­vent cou­plés aux logi­ciels de con­cep­tion assistée par ordi­na­teur (CAO). Des aspects mécanique des flu­ides et ther­mo­dy­namique sont égale­ment abor­dés sous une approche des phénomènes globaux.

Tous ces enseigne­ments ont pour voca­tion d’être util­isés dans les dis­ci­plines tech­nologiques (bureaux d’é­tudes et fab­ri­ca­tion) et de servir de base à des pour­suites d’é­tudes sci­en­tifiques (écoles d’ingénieurs, IUP, licence et maîtrise de tech­nolo­gie mécanique).

Formation en mécanique dans les IUP (Instituts universitaires professionnalisés)

Les fil­ières génie mécanique des IUP ont pour voca­tion de for­mer des ingénieurs d’é­tude, de con­cep­tion et de fab­ri­ca­tion dans le domaine de la mécanique. Sans nég­liger la tech­nolo­gie mécanique tra­di­tion­nelle, ces fil­ières pro­posent des enseigne­ments ori­en­tés selon leur spé­ci­ficité, vers des tech­niques de cal­cul et de mod­éli­sa­tion numérique, ou d’or­gan­i­sa­tion et ges­tion de pro­jet, etc.

Dans tous les IUP, la for­ma­tion insiste, au-delà des savoirs sci­en­tifiques et tech­niques fon­da­men­taux, sur les com­pé­tences trans­vers­es du méti­er d’ingénieur, telles que la com­mu­ni­ca­tion, le management…

La for­ma­tion con­sacre une grande part aux actions type pro­jet, et se ter­mine en général par un stage en sit­u­a­tion dans une entre­prise. Ces études se con­clu­ent par l’ob­ten­tion des diplômes tra­di­tion­nels : DEUG, licence et maîtrise de génie mécanique et égale­ment par l’ob­ten­tion d’un diplôme d’ingénieur-maître, délivré par un jury com­por­tant des pro­fes­sion­nels et pour lequel le stage a une impor­tance particulière.

Il se met actuelle­ment en place un réseau IUP GM dont s’oc­cupe l’I­UP GM de Mulhouse :
IUP GM,
18, rue des Frères Lumière, 68093 Mul­house Cedex,
tél. : 03.89.33.62.06, fax : 03.89.33.62.17.

Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS)

À la fin des années 1980 se sont pro­gres­sive­ment mis en place, dans de nom­breuses uni­ver­sités français­es, des Diplômes d’é­tudes supérieures spé­cial­isées (DESS) dans le large secteur de la mécanique.

Ces for­ma­tions d’une durée d’un an accueil­lent des étu­di­ants tit­u­laires de maîtrise de mécanique, de maîtrise de tech­nolo­gie mécanique, de maîtrise de génie mécanique (IUP), ou de for­ma­tions équiv­a­lentes qui veu­lent s’ori­en­ter vers le monde socio économique.

Le recrute­ment des étu­di­ants s’ef­fectue sur exa­m­en de dossier et sou­vent après un entre­tien per­son­nal­isé. Le nom­bre d’é­tu­di­ants est lim­ité entre 12 et 20 selon la for­ma­tion. Celle-ci est con­sti­tuée d’en­v­i­ron 350 heures d’en­seigne­ment de haut niveau (bac + 5) et d’un stage en entre­prise d’une durée com­prise entre qua­tre et six mois selon la formation.

Con­traire­ment aux autres for­ma­tions de mécanique, il n’y a pas de pro­gramme nation­al pour les DESS mais la plu­part du temps les enseigne­ments spé­cial­isés s’ap­puient sur les com­pé­tences fortes des lab­o­ra­toires aux­quels sont adossés les DESS.

Les débouchés sont sem­blables à ceux des écoles d’ingénieurs de mécanique ; l’ex­péri­ence mon­tre que les diplômés trou­vent rapi­de­ment un emploi.

Diplôme d’études approfondies (DEA)

La com­mu­nauté des ” mécani­ciens “, par son dynamisme dans le domaine de la recherche et ses rela­tions très étroites avec le monde indus­triel, a su struc­tur­er les for­ma­tions de DEA. Sur l’ensem­ble des 80 DEA liés au domaine de la mécanique, env­i­ron 80 % d’en­tre eux asso­cient plusieurs étab­lisse­ments : uni­ver­sités et écoles d’ingénieurs. Dans les DEA se côtoient ain­si, pour un enrichisse­ment mutuel évi­dent, étu­di­ants de maîtrise, élèves-ingénieurs de 3e année et élèves venant de l’étranger.

Liste des villes uni­ver­si­taires présen­tant un fort poten­tiel d’en­seigne­ment et de recherche en mécanique :

  • Bordeaux,
  • Grenoble,
  • Lille,
  • Lyon,
  • Marseille,
  • Metz,
  • Nancy,
  • Nantes,
  • Paris,
  • Poitiers,
  • Strasbourg,
  • Toulouse. 

Comme pour les DESS, le recrute­ment des étu­di­ants s’ef­fectue sur dossier et sou­vent après un entre­tien. Les effec­tifs par DEA sont vari­ables et peu­vent attein­dre 60 et même plus. La for­ma­tion théorique et méthodologique est d’en­v­i­ron 150 heures. Elle est suiv­ie d’un stage de recherche d’une durée com­prise entre qua­tre et six mois.

Dans le domaine de la mécanique, env­i­ron 30 à 40 % des diplômés DEA s’ori­en­tent vers une thèse de doc­tor­at. Un nom­bre impor­tant d’en­tre eux effectue un doc­tor­at avec un parte­nar­i­at indus­triel (con­trat CIFRE Con­ven­tion indus­trielle de for­ma­tion pour la recherche, cofi­nance­ments divers…). Le doc­teur (bac + 8) s’ori­ente vers l’en­seigne­ment supérieur (20 à 25 %), les organ­ismes de recherche (10 à 15 %), les secteurs recherche et développe­ment des grandes entre­pris­es (40 %) et d’autres activités.

Mastaire, master, mastère

Le diplôme mas­ter ou mas­tère cor­re­spond à une for­ma­tion de niveau bac + 5 délivrée par un étab­lisse­ment, très sou­vent une école d’ingénieurs. Par ailleurs, dans le cadre de l’har­mon­i­sa­tion européenne des for­ma­tions supérieures et de la mise en place du ” 3–5‑8 “, il y a le mas­taire (ou mas­ter) : le grade mas­taire a été créé récem­ment (décret du 30 août 1999), et un pro­jet d’ar­rêté relatif au diplôme nation­al de mas­taire a été adop­té par le CNESER (Con­seil nation­al de l’En­seigne­ment supérieur et de la Recherche) le 4 févri­er 2002 (mas­taire pro­fes­sion­nel et mas­taire recherche). Pour l’heure, en par­al­lèle de ce nou­veau dis­posi­tif, les DESS et les DEA sont maintenus.

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