Les Jeux olympiques de 2024 : accueillir le Monde

Dossier : ExpressionsMagazine N°750 Décembre 2019
Par Nicolas FERRAND (92)

Un siè­cle après les avoir accueil­lis, Paris a l’honneur de recevoir à nou­veau les Jeux olympiques et par­a­lympiques d’été en 2024. Cet événe­ment sportif de tous les super­lat­ifs, avec l’équivalent de 40 cham­pi­onnats du monde pen­dant deux semaines, 15 615 ath­lètes et accom­pa­g­nants, 50 000 volon­taires, 20 000 jour­nal­istes, 13 mil­lions de bil­lets prévi­sion­nels, 4 mil­liards de téléspec­ta­teurs… reste un immense défi à organiser.

Pour relever ce défi, le lég­is­la­teur a créé une struc­ture spé­ci­fique unique dans la sphère publique : la Société de livrai­son des ouvrages olympiques (Solideo). Elle se dis­tingue du Comité d’organisation Paris 2024, asso­ci­a­tion de droit privé qui assure l’organisation plus générale des Jeux en lien avec le Délégué inter­min­istériel aux Jeux olympiques et par­a­lympiques (DIJOP) rat­taché directe­ment au Pre­mier min­istre. Étab­lisse­ment pub­lic de l’État dont la mis­sion est de veiller à la livrai­son de l’ensemble des ouvrages et à la réal­i­sa­tion des opéra­tions d’aménagement néces­saires à l’organisation des Jeux dans les délais, les coûts et le pro­gramme fixés par le CIO, la Solideo doit relever deux défis : l’un organ­i­sa­tion­nel, l’autre opérationnel.

D’abord un défi organisationnel

Elle doit en effet, tout en maîtrisant l’ensemble des fonds publics néces­saires (1,4 mil­liard d’euros en valeur 2016), super­vis­er le tra­vail de pas moins de 29 maîtres d’ouvrage publics et privés, de Paris jusqu’à Mar­seille. En d’autres ter­mes, garan­tir une livrai­son dans les délais, les coûts et les pro­grammes dans un écosys­tème de tra­vail com­plexe, du fait de l’organisation admin­is­tra­tive de notre pays, et inédit dans l’histoire olympique.

Com­plex­ité qui tient aus­si à l’hétérogénéité des ouvrages à con­stru­ire, puisque les Jeux néces­si­tent des amé­nage­ments aus­si dif­férents que le Vil­lage olympique et par­a­lympique, le vil­lage des jour­nal­istes (Clus­ter des médias), le Cen­tre aqua­tique olympique, les voies olympiques (autoroutes amé­nagées, échangeurs) ou des travaux de réno­va­tion de sites exis­tants (stade Yves-du-Manoir – qui avait été inau­guré pour les Olympiades de 1924 –, stade Pierre-de-Cou­bertin, Roland-Gar­ros, etc.)


Accueillir le monde

Accueil­lir le monde, c’est la mis­sion dévolue à Paris 2024 et à l’ensemble des par­ties prenantes des Jeux.
En livrant pour le 1er trimestre 2024 l’ensemble des équipements sportifs, amé­nage­ments, espaces publics et infra­struc­tures pérennes, la Solideo en prend une part fondamentale. 


Mais aussi un défi opérationnel

Bien que la can­di­da­ture de Paris repose sur l’utilisation d’infrastructures exis­tantes, la quar­an­taine d’ouvrages qui doivent être con­stru­its ou remis en état afin d’accueillir la com­péti­tion ont une par­tic­u­lar­ité : ils sont directe­ment imag­inés et conçus dans la per­spec­tive de leur sec­onde vie après les Jeux. Équipements, loge­ments, bureaux – dont plus de 80 % seront con­stru­its en Seine-Saint-Denis – for­meront l’héritage matériel de cette man­i­fes­ta­tion, répon­dant le plus con­crète­ment pos­si­ble aux besoins des ter­ri­toires, de leurs habi­tants et usagers. Défi ambitieux aus­si, car ces ouvrages seront conçus pour répon­dre aux enjeux de demain : neu­tral­ité car­bone, con­fort dans un cli­mat plus rude, ten­sions sur les matéri­aux, réin­tro­duc­tion de la bio­di­ver­sité, vieil­lisse­ment de la pop­u­la­tion. Ils offrent enfin une pos­si­bil­ité unique de façon­ner durable­ment le pat­ri­moine urbain des ter­ri­toires qui vont les accueillir.

Si les caméras du monde entier sont aujourd’hui tournées vers ce que les Japon­ais pré­par­ent en ter­mes d’innovations extra­or­di­naires pour Tokyo 2020, elles s’intéresseront dès leur clô­ture au niveau d’avancement des Français pour les prochains Jeux d’été.

Amé­nageurs, ingénieurs, archi­tectes, juristes et financiers qui com­posent Solideo met­tent chaque jour leur énergie au ser­vice de la feuille de route fixée par les pou­voirs publics : d’abord, garan­tir, quoi qu’il advi­enne, que les ouvrages seront livrés, par le tra­vail con­joint et coor­don­né des maîtres d’ouvrage, des AMO et de l’ensemble des prestataires impliqués ; ensuite, con­stru­ire des ouvrages durables répon­dant aux grands enjeux urbains et démo­graphiques à l’horizon 2050 ; faire ray­on­ner les savoir-faire français, don­ner à voir le meilleur de nous-mêmes ; enfin, offrir aux plus éloignés de l’emploi des oppor­tu­nités, emporter les petites comme les grandes entre­pris­es inno­vantes, et con­tribuer en cela au développe­ment territorial.

Une organisation rigoureuse

Afin de maîtris­er tout risque d’écarts – au regard du pro­gramme, du cal­en­dri­er, du coût mais égale­ment des ambi­tions envi­ron­nemen­tales et sociales –, j’ai souhaité la mise en place d’un cadre com­plet et solide pour effectuer le suivi opéra­tionnel de chaque ouvrage olympique. Nous coor­don­nons ain­si les maîtres d’ouvrage par la con­clu­sion de con­ven­tions d’objectifs, leur don­nant un pou­voir coerci­tif. Ces con­ven­tions sont adop­tées tout au long de l’année 2019 afin de définir claire­ment les engage­ments de cha­cun : Paris 2024 (pour la phase Jeux), Solideo et maître d’ouvrage. Au quo­ti­di­en et jusqu’à la livrai­son de l’ouvrage dans sa phase finale d’héritage, les maîtres d’ouvrage pour­suiv­ent avec notre direc­tion des pro­grammes un tra­vail parte­nar­i­al et col­lab­o­ratif. Méth­odes, out­ils de suivi : cette direc­tion met en œuvre des moyens per­for­mants de coor­di­na­tion et ani­me une démarche stricte de ges­tion des risques.

Des niveaux de crit­ic­ité ont été étab­lis, per­me­t­tant, dans le cas de fig­ure extrême d’une défail­lance d’un maître d’ouvrage, de recourir à la mesure ultime : la Solideo peut alors s’y sub­stituer afin de garan­tir la livrai­son dans les temps.

De plus, nous nous sommes dotés d’une comi­tolo­gie spé­ci­fique autour de revues de pro­jet (réu­nion men­su­elle de suivi du respect du pro­gramme, des coûts et des délais), de comités des pro­grammes (val­i­da­tion des mod­i­fi­ca­tions mineures et remon­tée des alertes à l’échelle ter­ri­to­ri­ale) et de con­seils d’administration (val­i­da­tion des grands jalons du pro­jet et les mod­i­fi­ca­tions majeures).

Un comité d’audit com­plète le dis­posi­tif en assis­tant le con­seil d’administration. Il a pour but d’analyser la ges­tion de l’établissement et la poli­tique de celui-ci en matière de risques financiers, juridiques ou opérationnels.

Des ouvrages durables et accessibles à tous

Nous por­tons des ambi­tions envi­ron­nemen­tales élevées et souhaitons nous posi­tion­ner en bâtis­seur exem­plaire, autour de trois grandes ori­en­ta­tions stratégiques. Tout d’abord nous visons un objec­tif neu­tral­ité car­bone à l’horizon 2050, sur tout le cycle de vie des bâti­ments du quarti­er : util­i­sa­tion de matéri­aux biosour­cés et de matéri­aux faible­ment car­bonés, réem­ploi et recy­clage des déchets de chantier, recours aux éner­gies renouvelables…

La sec­onde ori­en­ta­tion stratégique est celle de la garantie de con­fort urbain sous le cli­mat de 2050, prenant en compte la pres­sion cli­ma­tique et la recrude­s­cence d’épisodes météorologiques extrêmes grâce à une atténu­a­tion des effets d’îlot de chaleur urbain, au développe­ment d’ouvrages résilients et réversibles, et à l’attention portée sur la qual­ité de l’air intérieur…

Enfin nous souhaitons apporter une con­tri­bu­tion pos­i­tive du pro­jet urbain à la bio­di­ver­sité par la créa­tion d’un écosys­tème, de biotopes nou­veaux, par le recours à une végé­tal­i­sa­tion adap­tée aux enjeux cli­ma­tiques de 2050 et pour accroître la trame verte, par une prise en compte des enjeux liés au cycle de l’eau…

Cette stratégie d’excellence envi­ron­nemen­tale a été conçue au tra­vers d’un dia­logue avec les col­lec­tiv­ités, experts et pro­fes­sion­nels de la fil­ière de la con­struc­tion, exploitants de ser­vices urbains, énergéti­ciens, archi­tectes et urban­istes, et en adéqua­tion avec les poli­tiques publiques récentes en la matière.

Nous sommes accom­pa­g­nés dans cette mis­sion par un Con­seil sci­en­tifique pluridis­ci­plinaire réu­nis­sant qua­torze per­son­nal­ités inter­na­tionales, chargées de nour­rir les réflex­ions des équipes de per­spec­tives nou­velles, de définir un socle sci­en­tifique quant aux objec­tifs et pre­scrip­tions, et d’accompagner notre démarche en matière d’innovation.

Sur le même mod­èle que l’excellence envi­ron­nemen­tale, nous avons dévelop­pé une démarche de con­cep­tion uni­verselle dont l’objectif est de pren­dre en compte l’ensemble des besoins des per­son­nes ayant des défi­ciences afin que les ouvrages puis­sent offrir les con­di­tions les plus con­fort­a­bles pour tous les usagers, aus­si bien pen­dant les Jeux qu’après recon­ver­sion des sites.

Con­crète­ment, le Vil­lage des ath­lètes devra répon­dre aux attentes en phase par­a­lympique, mais égale­ment offrir une haute qual­ité d’usage pour tous après les Jeux. Ain­si, 100 % de ses loge­ments seront acces­si­bles en héritage ter­ri­to­r­i­al, ce qui implique des pre­scrip­tions pré­cis­es, et une exi­gence en ter­mes de qual­ité archi­tec­turale afin que ces pre­scrip­tions soient par­faite­ment respectées.

“Présenter au monde notre vision
de la ville du futur.”

Incarner les savoir-faire français

Ces Jeux seront aus­si une vit­rine des savoir-faire français (et européens) en matière de con­struc­tion de la ville de demain, et doivent donc don­ner envie aux autres villes du monde de s’en inspirer !

La France dis­pose de lead­ers inter­na­tionaux dans tous les domaines : de la con­cep­tion à la con­struc­tion, en pas­sant par le génie et le mobili­er urbain. Les Jeux seront donc l’occasion d’illustrer et de présen­ter au monde notre vision de la ville du futur, et une oppor­tu­nité unique pour nos fil­ières stratégiques – dont nous atten­dons des solu­tions durables.

Quelle solu­tion énergé­tique bas car­bone dans le bâti­ment ? Com­ment opti­miser la con­som­ma­tion des ressources non renou­ve­lables ? Com­ment amélior­er les mobil­ités douces au sein des villes ?

Quel posi­tion­nement adopter vis-à-vis des tech­nolo­gies en sachant qu’il fau­dra pren­dre mieux en compte leurs con­traintes naturelles et socié­tales de long terme ?

Quelle réplic­a­bil­ité dans les inno­va­tions déclinées dans les ouvrages ? Quelle oppor­tu­nité de déploiement à grande échelle de ces innovations ?

Autant de ques­tions aux­quelles nous cher­chons à répon­dre par la con­struc­tion ou la réno­va­tion des ouvrages néces­saires aux Jeux, plus sobres, plus flex­i­bles et plus respectueux de l’environnement. L’exercice est com­plexe, mais néces­saire, car c’est aus­si, à tra­vers eux, par­ticiper à la créa­tion pro­gres­sive de villes inté­grant de manière durable, en un tout dynamique, l’ensemble des fac­teurs du pro­grès humain.

Dans ce con­texte, au-delà de l’appui à l’émergence et à la struc­tura­tion des fil­ières indus­trielles dans le cadre du con­ven­tion­nement que nous met­tons en place avec les maîtres d’ouvrage, il s’agit pour nous de sus­citer la com­bi­nai­son de solu­tions inno­vantes pour la con­cep­tion et la ges­tion des amé­nage­ments et ser­vices urbains.

© Dominique Perrault

Une Charte pour l’emploi et le développement territorial

Fidèle à son engage­ment en phase can­di­da­ture, Paris a con­fir­mé son ambi­tion d’organiser des Jeux économique­ment et sociale­ment responsables.

Cela a été for­mal­isé à tra­vers la Charte sociale des Jeux olympiques et par­a­lympiques de Paris 2024 (19 juin 2018) puis par la Charte « Solideo » en faveur de l’emploi et du développe­ment ter­ri­to­r­i­al pour les opéra­tions de con­struc­tion liées à l’organisation des Jeux olympiques et par­a­lympiques de Paris 2024 (5 juil­let 2018).

Il s’agit, pour les marchés liés aux ouvrages passés par la Solideo et l’ensemble des por­teurs de pro­jets et maîtres d’ouvrage de con­sacr­er 10 % des heures tra­vail­lées des futurs marchés à des publics en inser­tion pro­fes­sion­nelle, mais aus­si de pro­mou­voir l’accès des TPE-PME et entre­pris­es de l’ESS à la com­mande avec un objec­tif de 25 % du mon­tant glob­al des marchés ; et enfin de lut­ter con­tre le tra­vail illé­gal, les pra­tiques anti­con­cur­ren­tielles, les dis­crim­i­na­tions, de veiller à la qual­ité des con­di­tions de tra­vail et de lim­iter le tra­vail précaire.

Deux plate­formes ont été créées pour traduire con­crète­ment ces engage­ments : la Plate­forme sol­idaire Paris 2024, née d’un accord de col­lab­o­ra­tion avec le Cen­tre Yunus et Les Canaux, chargée d’accompagner les entre­pris­es de l’Économie sociale et sol­idaire qui souhait­ent con­tribuer à la réus­site des Jeux ; la plate­forme Entre­pris­es 2024, réu­nion du MEDEF, de la CPME, de l’U2P, de la CCI Busi­ness Grand Paris, du GIP Max­im­i­lien et des Canaux. Elle est le point d’entrée prin­ci­pal pour per­me­t­tre aux entre­pris­es de s’informer sur les oppor­tu­nités économiques liées à l’organisation des Jeux.

La con­struc­tion des ouvrages olympiques est une aven­ture extra­or­di­naire, que l’on ne con­naît cer­taine­ment qu’une fois dans sa vie. C’est men­er un pro­jet à marche for­cée jusqu’à sa réal­i­sa­tion, avec la par­tic­u­lar­ité que cette réal­i­sa­tion s’opère deux fois : la pre­mière fois pour les Jeux et la sec­onde fois en 2025 une fois les ouvrages recon­ver­tis. C’est faire preuve, avec une mul­ti­tude d’acteurs d’expertise, d’audace mais aus­si de diplo­matie, dans un con­texte incer­tain où de nom­breux fac­teurs nous échap­pent : résul­tat des prochaines échéances élec­torales, évo­lu­tion de l’opinion publique vis-à-vis des Jeux, inno­va­tions dis­rup­tives à venir… C’est surtout être déter­miné à attein­dre l’objectif suprême, devant con­duire toutes les déci­sions : livr­er, et de préférence, avec une cer­taine con­cep­tion de la grandeur de la France.

Lire aus­si : La ville de demain : la météo hec­tométrique et l’urbanisme dans La Jaune et la Rouge n° 748, Octo­bre 2019

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