Les X dans les armées, exemple dans un sous-marin

Les jeunes X dans les armées

Dossier : TrajectoiresMagazine N°745 Mai 2019
Par Robert RANQUET (72)
Les vocations d’X pour l’état militaire, quoique en nombre modeste, restent vivaces. La Jaune et la Rouge a rencontré quelques X récemment entrés dans les armées pour en savoir plus.

Ils s’appellent Antoine, François, Gau­ti­er, Nico­las et Rémy, tous X des pro­mos 2000 entrés dans les armées. Ils sont aujourd’hui com­man­dant en sec­ond de sous-marin nucléaire d’attaque, offici­er atom­i­cien, sta­giaire à l’École de guerre bri­tan­nique, pilote dans l’aéronavale, gen­darme… leurs par­cours sont var­iés. Peu de femmes, quand même : à peine une ou deux ont fait ce choix depuis les années 2000. Cela reste surtout un par­cours d’hommes.

Les X dans les armées : la gendarmerie

Des vocations diverses

Au départ, Rémy se voy­ait plutôt ingénieur de R & D. Mais les stages effec­tués en entre­prise, avec une expéri­ence à la R & D chez Renault, l’ont vite con­va­in­cu que ce n’était pas vrai­ment ce qu’il cher­chait : il voulait exercer avec de l’humain et de l’opérationnel. Le pas­sage à l’École l’a mûri et a con­forté chez lui le désir du ser­vice pub­lic. Mais, pourquoi en par­ti­c­uli­er la gen­darmerie ? Parce que, dit-il, il voulait encadr­er des gens qui ont choisi leur méti­er par conviction.

François, lui, a baigné dans le milieu mil­i­taire famil­ial. Passé par La Flèche, son rêve était de pilot­er. Mais, déclaré inapte, il a dû rebâtir son pro­jet autrement. Il a eu la chance que l’École lui pro­pose un embar­que­ment sur sous-marin. Déclic : ce sera donc la Marine, pour les sous-marins !

Gau­ti­er avait lui aus­si le désir de devenir pilote. Le pas­sage à l’X lui a per­mis de faire le tour de la ques­tion, et il a eu la chance de pou­voir inté­gr­er la Marine comme pilote dans l’aéronavale. Mais, con­cède-t-il, cela demande quand même, par rap­port à une tra­jec­toire poly­tech­ni­ci­enne « nor­male », de se remet­tre com­plète­ment en ques­tion, d’accepter de repar­tir de zéro et de refaire tout un apprentissage.

Pour Nico­las, les armées étaient une grande incon­nue avant d’intégrer l’X. Son choix pour la Marine résulte d’une volon­té d’associer un envi­ron­nement opéra­tionnel et humain avec un domaine tech­nique, critères que les voies plus « clas­siques » ne réu­nis­saient pas en majorité.

Tous ont béné­fi­cié des amphis-retape organ­isés par les armées, et des échanges avec leurs cap­i­taines de com­pag­nie. Ils ont égale­ment pu prof­iter de la force du réseau X pour pren­dre con­tact avec des cama­rades plus anciens qui avaient fait les mêmes choix quelques années auparavant.

Les X dans l'armée


Un recrutement modeste mais stable 

Les sor­ties dans les armées restent à un niveau mod­este mais sta­ble dans les pro­mo­tions récentes. De 2006 à 2013, vingt-deux élèves ont choisi cette voie : majori­taire­ment pour l’Armée de terre (12), puis la Marine (5), suiv­ie de la Gen­darmerie (3). L’Armée de l’air ou les ser­vices (com­mis­sari­ats) restent très minori­taires (2). Enfin, on ne compte par­mi eux qu’une seule femme.


Les X dans l'armée : la marine nationale

La satisfaction est au rendez-vous

Et main­tenant, au bout d’une quin­zaine d’années dans leur armée, où en sont-ils ?

Tous sont unanimes : c’est un plein épanouisse­ment de leur vocation.

Dans la fil­ière très sélec­tive des sous-marins nucléaires, François a trou­vé un méti­er exigeant. C’est par­fois dif­fi­cile, y com­pris pour la vie per­son­nelle et famil­iale, mais le job est pas­sion­nant ! Appré­ci­a­tion con­fir­mée par Gau­ti­er, qui a pleine­ment réal­isé sa pas­sion, avec son côté opéra­tionnel. Il a vécu comme une aven­ture d’être déployé avec le porte-avions Charles-de-Gaulle. Lui aus­si recon­naît que ce n’est pas tou­jours rose, mais le méti­er est « hyperriche » !

Rémy lui aus­si se dit « pas déçu du tout ». Il sig­nale quand même que, sur les trois qui avaient choisi la gen­darmerie dans sa pro­mo, un a déjà quit­té, un autre est sur le départ. Sa car­rière est intense : sur dix ans de gen­darmerie, il aura déjà eu sept ans de com­man­de­ment. L’a frap­pé le niveau de respon­s­abil­ité impor­tant qu’on lui a don­né dès sa sor­tie de l’école d’appli, com­paré à ses cama­rades de pro­mos dans des fil­ières civiles clas­siques. La suite de sa car­rière ne l’a pas déçu : lieu­tenant-colonel à 35 ans, il estime avoir « plutôt bien marché » ! Mais le fait d’être passé par l’X n’est pas une garantie de réus­site. Dans le milieu mil­i­taire, ce n’est pas un passe-droit, mais cela ne dessert pas non plus : il faut juste faire ses preuves.

Bien enten­du, dans des armées dev­enues un milieu très tech­nique, à la mesure de l’évolution des sys­tèmes d’armes, la for­ma­tion sci­en­tifique est un atout : ain­si, Nico­las, offici­er atom­i­cien sur le pro­gramme Bar­racu­da (les nou­veaux sous-marins d’attaque), pense que la com­pé­tence tech­nique est fon­da­men­tale dans son job. Il a été par­ti­c­ulière­ment sat­is­fait de l’aspect tout à fait opéra­tionnel de ses fonc­tions sur sous-marin et des respon­s­abil­ités associées.

Donc, il y a bien un plus pour les X du fait de leur for­ma­tion sci­en­tifique, mais rien ne les con­fine pour autant à des métiers pure­ment techniques.

“Être passé par l’X n’est pas une garantie de réussite,
mais ne dessert pas non plus”

Les X ont toute leur place dans les armées

Qu’est-ce que les X appor­tent aux armées ?

Ils sont unanimes à avoir con­staté que leur présence est tou­jours syn­onyme d’apport de sang frais dans un milieu où les recrute­ments latéraux s’étant beau­coup réduits depuis quelques années, l’effet de « moule unique » dû à la for­ma­tion par Saint-Cyr ou Navale se fait quand même sen­tir. Les X, issus d’une toute autre for­ma­tion, arrivent avec une approche et des sen­si­bil­ités dif­férentes. Ce n’est pas que chez les jeunes officiers sor­tis des for­ma­tions tra­di­tion­nelles, il n’y ait pas aus­si une vraie var­iété de pro­fils et de tem­péra­ments, mais il faut quand même observ­er que, au bout de quelques années, les plus hétéro­dox­es sont sou­vent par­tis, et ne restent que ceux qui sont davan­tage « dans le moule », ce qui ne favorise pas l’innovation.

Les cours de l’École eux-mêmes ne leur ont pra­tique­ment jamais servi. En revanche, la for­ma­tion pluridis­ci­plinaire de haut niveau a été impor­tante, leur don­nant la capac­ité à pass­er d’un sujet à l’autre sans dif­fi­culté, et donc une adapt­abil­ité reconnue. 

Rémy a un grand regret : celui de n’avoir pas davan­tage prof­ité des sémi­naires sur la com­mu­ni­ca­tion (mais ils étaient fac­ul­tat­ifs, et étaient pro­gram­més le week-end, alors…). Ç’aurait prob­a­ble­ment été l’enseignement le plus directe­ment utile pour son début de carrière !

Leur mes­sage aux jeunes généra­tions d’X : ne pas hésiter ! Les X ont toute leur place dans les armées. Les jobs pro­posés aux jeunes sont exal­tants, avec de fortes respon­s­abil­ités. Et, si on peut tou­jours choisir après quelques années de pour­suiv­re sa car­rière dans la vie civile, le chemin inverse n’est guère possible. 

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