les ETI industrielles

Les ETI industrielles : un levier de développement pour la France

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°760 Décembre 2020
Par Didier MAINARD (82)

Depuis sa créa­tion, le Groupe Deya n’a ces­sé d’évoluer et de for­ger son iden­ti­té au rythme de ses inno­va­tions, pour deve­nir aujourd’hui un des groupes fran­çais ayant le plus large éven­tail de solu­tions dédiées aux acti­vi­tés du second œuvre du bâti­ment. Didier Mai­nard (82), son direc­teur géné­ral, nous en dit davantage.

Qu’est-ce qui différencie le Groupe Deya des autres ETI ?

Nous sommes un groupe très pré­sent sur l’ensemble des canaux de dis­tri­bu­tion, les majors de la construc­tion comme Vin­ci, Bouygues ou Eif­fage, les entre­prises de menui­se­rie, les arti­sans, les négoces en maté­riaux, les grandes sur­faces de bri­co­lage. Nous avons aus­si déve­lop­pé pour notre marque KAZED un site web mar­chand qui per­met aux par­ti­cu­liers d’avoir accès à notre large offre de ran­ge­ments. Ain­si, nous béné­fi­cions non seule­ment de la richesse de nos dif­fé­rents métiers, tra­vail du bois et de l’acier, mais aus­si des ambi­tions et des défis de nos dif­fé­rentes caté­go­ries de clients.

Le monde de la construction a été particulièrement touché par le confinement. Comment vous-êtes vous organisés pour préparer la relance ?

Comme toutes les entre­prises, notre acti­vi­té a été for­te­ment impac­tée par le pre­mier confi­ne­ment. Le lun­di, nos camions par­taient char­gés vers nos clients et le mar­di ils trou­vaient les chan­tiers de des­ti­na­tion fer­més tout cela dans un grand désordre ! Il a donc fal­lu arrê­ter pro­pre­ment l’ensemble de nos sites indus­triels et défi­nir les rôles et les res­pon­sa­bi­li­tés de cha­cun. Afin de pré­ser­ver les pro­jets stra­té­giques de notre entre­prise, nous avons fait le choix de main­te­nir au tra­vail envi­ron 10 % de notre effec­tif pour ne pas inter­rompre les pro­jets de déve­lop­pe­ment ou de muta­tion des sys­tèmes d’information. Le reste de nos équipes a été donc en chô­mage par­tiel. Par ailleurs, j’ai pu comp­ter sur une équipe HSE très active qui avait été ren­for­cée l’année pré­cé­dente. Cela nous a per­mis d’une part d’avoir des mana­gers et des team lea­ders pour défi­nir la poli­tique sani­taire dès les pre­miers jours de confi­ne­ment, et d’autre part, de bien gérer la reprise dès fin avril alors que le masque chi­rur­gi­cal était encore un pro­duit de luxe ! 

Aujourd’hui, notre acti­vi­té peut être qua­li­fiée de nor­male en moyenne. Cepen­dant, elle cache des dis­pa­ri­tés très fortes d’un métier à l’autre et d’une ligne de pro­duits à l’autre. En effet, nous avons une demande sou­te­nue pour nos façades de pla­cards KAZED. Dans le même temps notre ligne de pla­teaux d’échafaudages, pré­ci­sé­ment ceux que la France a appris à connaître avec l’incendie de Notre-Dame, redé­marre plus lentement.

En parallèle, nous constatons de fortes tendances liées à l’intégration de la maquette numérique, le BIM, dans la construction. Quelle est votre approche du sujet ?

Grâce au pre­mier pro­jet BIM à grande échelle en France, l’hôpital d’Ajaccio, nous avons eu l’occasion d’être pré­cur­seurs sur ce sujet, en étant leur four­nis­seur de blocs portes bois. Aujourd’hui, nous adop­tons une approche à la com­mande en géné­rant des objets adap­tés aux dimen­sions et aux types d’équipements de nos clients. De ce fait, nous sui­vons leurs dif­fé­rents niveaux d’exigence en terme de LOD ain­si que leurs pro­to­coles BIM. 

Qu’en est-il de la prise en compte de l’empreinte carbone dans la construction ? 

Les émis­sions de CO2 sont liées à notre chaîne d’approvisionnement, à la pro­duc­tion de nos pro­duits chan­tiers et à leur mise en œuvre. Pour les dimi­nuer, nous tra­vaillons à la mise en place d’un réseau local de four­nis­seurs d’essence de bois et de matières pre­mières. En paral­lèle, afin d’être trans­pa­rents et actifs avec nos clients, nous four­nis­sons aux archi­tectes des fiches FDES dont nous cher­chons à amé­lio­rer conti­nuel­le­ment le résul­tat ain­si que les cer­ti­fi­cats et tests concer­nant les émis­sions vola­tiles de nos produits.

À votre avis, quels sont les atouts de la digitalisation dans votre secteur d’activité ?

La digi­ta­li­sa­tion dans le domaine de la construc­tion repré­sente un véri­table poten­tiel de déve­lop­pe­ment puisqu’elle per­met de flui­di­fier les échanges au sein de la filière. Notre ambi­tion est de digi­ta­li­ser notre chaîne de valeur depuis la prise de com­mande jusqu’à sa livrai­son en pas­sant par le pro­ces­sus de fabri­ca­tion. Nous sommes en train d’installer un sys­tème de mana­ge­ment de la pro­duc­tion, KMProd®, pour gérer ce volet. Aujourd’hui, nos clients peuvent pas­ser direc­te­ment leurs com­mandes que ce soit via notre site web pour les par­ti­cu­liers, kazed.fr, ou bien­tôt via notre por­tail pro pour cer­tains pro­fes­sion­nels. Notre ambi­tion est de faire tran­si­ter la com­mande auto­ma­ti­que­ment par les dif­fé­rents ser­vices jusqu’à la géné­ra­tion directe des para­mètres d’usinage pour nos machines. Nous tra­vaillons actuel­le­ment à sa mise en place dans notre usine en Cor­rèze et nous comp­tons l’étendre à l’ensemble de nos sites de pro­duc­tion. La digi­ta­li­sa­tion per­met aus­si une plus grande pré­ci­sion en éli­mi­nant la redon­dance de l’information et en mini­mi­sant les erreurs de sai­sie. De plus, elle est étroi­te­ment liée à la démarche envi­ron­ne­men­tale puisqu’elle per­met d’imaginer (enfin) une usine presque sans papier. Enfin, les nou­velles tech­no­lo­gies sont aus­si un moyen de remon­ter des infor­ma­tions plus fiables et en temps réel à nos clients. L’espace MyDeya per­met notam­ment de suivre l’avancée de ses com­mandes et de cen­tra­li­ser les docu­ments qui y sont liés. Cet espace per­son­nel est éga­le­ment dis­po­nible sous forme d’une appli­ca­tion. Nous sommes le seul fabri­cant de bloc portes en France à dis­po­ser d’une appli­ca­tion de ce genre. Cela nous sem­blait évident de pro­po­ser ce ser­vice étant don­née la mobi­li­té de nos clients sur chantier. 

Le recrutement est aussi un enjeu de taille. Dites-nous en plus.

La dés­in­dus­tria­li­sa­tion de la France a pro­fon­dé­ment impac­té les for­ma­tions aca­dé­miques et pro­fes­sion­nelles. Avec l’accès de plus en plus libre aux uni­ver­si­tés, nous consta­tons qu’il y a certes de plus en plus de diplô­més mais avec une adé­qua­tion de moins en moins évi­dente avec la réa­li­té des besoins de notre socié­té. De ce fait, il y a aujourd’hui une véri­table ten­sion sur les métiers de la métal­lur­gie et de la logis­tique où nous avons de vraies dif­fi­cul­tés à recru­ter des chefs de pro­jet, des caristes, des élec­tro­mé­ca­ni­ciens, des conduc­teurs de machines auto­ma­ti­sées, des sou­deurs… L’année der­nière, nous avons eu une cin­quan­taine de postes à pour­voir dans la région de Niort que nous n’avons pas réus­si à hono­rer en tota­li­té. Pour faire face à ce pro­blème, nous nous posi­tion­nons de plus en plus comme une entre­prise for­ma­trice en nouant des par­te­na­riats avec les écoles ou les col­lec­ti­vi­tés locales. En paral­lèle, nous avons dou­blé le nombre d’apprentis depuis l’année der­nière, pour atteindre une ving­taine au niveau du groupe.

Afin d’aller encore plus loin, nous avons mis en place, avec le MEDEF, de nou­velles for­ma­tions qua­li­fiantes dans notre région sur dif­fé­rents métiers. Ain­si, les diplô­més de ces écoles auront plus d’offres de stage et d’apprentissage et nous auront éven­tuel­le­ment plus de pro­fils à recruter.

Enfin, nous ren­for­çons l’attractivité de l’industrie en étant plus pré­sents sur les réseaux sociaux ain­si qu’en par­ti­ci­pant aux Forums Emploi.

Comment faites-vous face aux enjeux de fidélisation des collaborateurs ? 

La réten­tion des talents est un volet stra­té­gique pour notre indus­trie. Nous avons la chance d’être une ETI 100 % fami­liale (4e géné­ra­tion) avec une vraie culture entre­pre­neu­riale et des chaînes de déci­sion courtes. Enga­gés dans un pro­ces­sus de digi­ta­li­sa­tion dans cer­tains de nos métiers, nous avons la pos­si­bi­li­té d’attirer et de fidé­li­ser les jeunes diplômés.

Nous déve­lop­pons éga­le­ment la com­mu­ni­ca­tion interne pour fédé­rer l’ensemble de nos équipes autour de nos valeurs. Par ailleurs, la richesse de nos métiers nous per­met une poli­tique de forte mobi­li­té interne hori­zon­tale et ver­ti­cale. Nous encou­ra­geons aus­si l’apprentissage et les for­ma­tions qua­li­fiantes en per­met­tant d’acquérir des com­pé­tences de manière pro­gres­sive et d’être pro­mus en interne.

Et pour conclure, comment qualifiez-vous la place des ETI familiales dans l’industrie française ?

La France dis­pose d’un très faible réseau d’ETI par rap­port à ses voi­sines, l’Allemagne ou l’Italie. En sus, nous accor­dons plus d’attention aux entre­prises du CAC40 qu’aux PME et ETI. Nous consta­tons éga­le­ment que lorsqu’une ETI fran­çaise est rache­tée par des capi­taux étran­gers, cela se tra­duit d’abord par l’éloignement des centres de déci­sion et sou­vent, les parts de mar­ché étant acquises, par une délo­ca­li­sa­tion plu­tôt que par l’investissement pro­duc­tif. Ceci accé­lère le déclin de l’industrie fran­çaise comme cer­tains exemples le montrent encore récem­ment. La fis­ca­li­té contri­bue aus­si à cette situa­tion avec des pro­cé­dures de trans­mis­sions patri­mo­niales lourdes et des impôts de pro­duc­tion n’ayant pas leur égal en Europe. 

Et je ne parle pas ici du pro­jet absurde enten­du lors de la der­nière élec­tion pré­si­den­tielle de taxer les robots !

Les chefs d’entreprise sont donc par­fois pous­sés à céder leurs parts plu­tôt que les trans­mettre de géné­ra­tion en géné­ra­tion. Dans ce cadre, la BPI a un rôle stra­té­gique à jouer dans l’agrégation des PME et leur déve­lop­pe­ment pour qu’elles deviennent des ETI. Plu­sieurs ini­tia­tives sont lan­cées aujourd’hui notam­ment dans le sec­teur aéro­nau­tique par exemple, très fra­gi­li­sé par la crise de la Covid-19. Enfin, il faut aus­si encou­ra­ger les ETI fran­çaises à fran­chir les fron­tières et à s’orienter vers l’export pour qu’elles ne soient plus le maillon faible, mais un véri­table levier de déve­lop­pe­ment pour la France.


En bref

  • Le Groupe Deya fait par­tie du groupe fami­lial Pré­vost Indus­trie basé à La Crèche (79)
  • 125 M€ CA
  • 650 col­la­bo­ra­teurs
  • Une fabri­ca­tion fran­çaise à 100 % 
  • 4 sites indus­triels situés dans les Deux-Sèvres, en Cor­rèze et dans l’Aube
  • Deux grandes lignes de produits : 
    • les blocs portes tech­niques bois et métal­liques de marque DEYA ; 
    • les façades de pla­cards et solu­tions d’aménagement de marque KAZED. 
  • Un savoir-faire his­to­rique, le pro­fi­lage de l’acier né en 1953 à par­tir duquel tous les déve­lop­pe­ments internes et externes ont été effectués

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