Agence du Numérique de la Sécurité Civile

Une collaboration forte pour une amélioration continue

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°762 Février 2021
Par Michel MONNERET

L’Agence du Numé­rique de la Sécu­ri­té Civile s’appuie sur l’implication et l’engagement de tous les éta­blis­se­ments et de la com­mu­nau­té de la sécu­ri­té civile dans la concep­tion et la mise en œuvre des solu­tions qu’elle déploie. Son Direc­teur, Michel Mon­ne­ret, nous éclaire sur la démarche de l’Agence du Numé­rique de la Sécu­ri­té Civile à tra­vers cet interview.

Parlez-nous de la vocation de l’Agence du Numérique de la Sécurité Civile.

L’ANSC est un éta­blis­se­ment public admi­nis­tra­tif de l’Etat pla­cé sous la tutelle du ministre char­gé de la sécu­ri­té civile. L’ANSC agit en qua­li­té de pres­ta­taire de ser­vices pour l’État, les ser­vices d’incendie et de secours et tout orga­nisme public ou pri­vé char­gé d’une mis­sion de ser­vice public dans le domaine de la sécu­ri­té civile. Créée par le décret n° 2018–856 du 8 octobre 2018, l’ANSC a pour mis­sion prin­ci­pale la réa­li­sa­tion du futur sys­tème d’information uni­fié des sapeurs-pom­piers sur l’ensemble du ter­ri­toire national. 

Notre rôle se tra­duit à tra­vers quatre prin­ci­paux axes :

  • amé­lio­rer le ser­vice ren­du aux citoyens : à tra­vers l’utilisation des nou­veaux outils de com­mu­ni­ca­tion (pho­tos, vidéos, chat) pour une meilleure inter­ac­tion entre les ser­vices de secours et les citoyens. En effet, nous avons mis en place depuis avril 2020 un ser­vice de géo­lo­ca­li­sa­tion par smart­phone, l’AML (Advan­ced Mobile Loca­tion), qui per­met de secou­rir plus aisé­ment les vic­times lorsqu’elles sont dans l’incapacité de se situer et ce avec une pré­ci­sion d’une dizaine de mètres en moins de 30 secondes au lieu d’une dizaine de kilo­mètres avec les anciens sys­tèmes de géolocalisation ;
  • appor­ter plus d’interopérabilité : en ren­for­çant l’entraide entre les SIS et l’interopérabilité ver­ti­cale. Nous tra­vaillons aus­si sur la flui­di­fi­ca­tion de la com­mu­ni­ca­tion entre les ser­vices de sécu­ri­té et de secours grâce à un sys­tème de ges­tion des alertes mul­ti-métiers (112). Ain­si, en cas d’attentat ter­ro­riste par exemple, les ser­vices de secours des autres dépar­te­ments peuvent inter­ve­nir en dis­tri­buant la charge ;
« En mutualisant nos moyens, nous sommes capables d’optimiser et de simplifier notre gestion. »

  • pro­je­ter les acteurs de la sécu­ri­té civile à l’ère digi­tale : nous avons mis en place un sys­tème par­ta­gé de ges­tion des alertes et des opé­ra­tions qui nous per­met­tra de valo­ri­ser les don­nées et donc d’être plus effi­caces. Ain­si, les pom­piers et tout le per­son­nel admi­nis­tra­tif par exemple n’auront plus besoin de pas­ser des heures à faire le sui­vi des acti­vi­tés. Nous tra­vaillons éga­le­ment avec toutes les par­ties pre­nantes afin de pro­mou­voir la mobi­li­té (tablette, PC portable..) ;
  • payer le juste coût : en mutua­li­sant nos moyens, nous sommes capables d’optimiser et de sim­pli­fier notre ges­tion. Nous aurons ain­si une gou­ver­nance par­ta­gée entre l’État et les ser­vices d’incendie et de secours, ce qui per­met à son tour de ren­for­cer l’efficacité bud­gé­taire trans­ver­sale pour les SIS, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, et l’État.

Dites-nous en plus sur votre feuille de route en tant que Directeur de l’ANSC.

Depuis mon arri­vée en 2018 et jusqu’à pré­sent, la lettre de mis­sion consis­tait à mettre sur pied l’établissement dont j’ai été le pre­mier sala­rié. J’ai eu donc comme res­pon­sa­bi­li­tés le recru­te­ment des équipes et l’aménagement des locaux à Paris afin que nous soyons plus proches de nos tutelles. Le choix de cet empla­ce­ment est en effet un volet stra­té­gique puisque nous col­la­bo­rons avec toute une com­mu­nau­té de sécu­ri­té civile en France. Des sapeurs-pom­piers des quatre coins de l’hexagone viennent régu­liè­re­ment par­ti­ci­per et il a donc été essen­tiel d’avoir des locaux adap­tés et fonc­tion­nels pour accueillir un pla­teau technique.

Nous avons récem­ment fina­li­sé la VSSO, « Ver­sion de Secours et de Sou­tien Opé­ra­tion­nel » du sys­tème opé­ra­tion­nel de ges­tion des secours qui a été livré au pre­mier semestre de 2020 au SDIS de la Seine-et-Marne (77). Cela leur per­met d’avoir un ins­tru­ment de secours en cas de défaillance de leur sys­tème actuel. L’année der­nière nous nous sommes orien­tés vers la fina­li­sa­tion de Nex­SIS 18–112, qui sera le futur sys­tème d’information et de com­man­de­ment uni­fié des ser­vices d’incendie et de secours. 

Cette année ver­ra donc les pre­miers adeptes de cette pla­te­forme en com­men­çant par le SDIS de Seine-et-Marne. Ce dis­po­si­tif va per­mettre aux ser­vices d’incendie et de secours d’accéder à un sys­tème inter­opé­rable, évo­lu­tif, cen­tré sur les usages, la mobi­li­té et les don­nées, et de regrou­per le meilleur de la tech­no­lo­gie à dis­po­si­tion des ser­vices d’incendie et de secours pour des dépenses moindres. Enfin il sera construit dans un envi­ron­ne­ment tech­nique natio­nal sécurisé.

« Nous développons une application de gestion de crise à destination des maires,
en collaboration avec la Direction interministérielle du numérique. »

En paral­lèle, nous déve­lop­pons une appli­ca­tion de ges­tion de crise à des­ti­na­tion des maires, en col­la­bo­ra­tion avec la Direc­tion inter­mi­nis­té­rielle du numé­rique. Elle sera inter­fa­cée avec Nex­SIS 18–112 et leur per­met­tra d’exercer leur rôle de direc­teur des opé­ra­tions de secours en temps de crise, et de secon­der le pré­fet dans la ges­tion des moyens d’urgence. Nous avons éga­le­ment expé­ri­men­té une maquette d’application « App 112 », qui per­met­tra au citoyen de pré-qua­li­fier une situa­tion de détresse, et cela sans téléphoner.

La feuille de route est donc bien rem­plie puisque nous pas­sons d’un sta­tut de développeur/constructeur à un sta­tut d’exploitant. Il s’agit d’un vrai chal­lenge car l’idée est non seule­ment de rat­tra­per le retard d’un savoir-faire déte­nu par les édi­teurs his­to­riques et d’en faire un pro­duit au moins aus­si abou­ti, mais aus­si d’être en capa­ci­té de l’exploiter efficacement.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur votre activité et quelles leçons tirez-vous de cette période ?

Comme toutes les admi­nis­tra­tions, nous étions obli­gés d’utiliser plei­ne­ment notre capa­ci­té de trans­for­ma­tion numé­rique afin d’organiser nos équipes de déve­lop­pe­ment, d’administration ou de déploie­ment. Tra­vaillant sur un uni­vers Cloud, nous avons réus­si à pour­suivre la pro­duc­tion sans encais­ser un impact majeur sur les échéances. Cette période nous a aus­si per­mis de consta­ter les limites du tra­vail vir­tua­li­sé notam­ment dans le cadre du pro­jet Nex­SIS 18–112. S’agissant non pas exclu­si­ve­ment d’un pro­duit infor­ma­tique mais tech­nique, humain, orga­ni­sa­tion­nel et finan­cier, sa mise en œuvre a néces­si­té des inter­ac­tions impor­tantes entre les équipes de l’ANSC et les SIS. Pour pal­lier cela, nous nous sommes orga­ni­sés durant le deuxième confi­ne­ment pour que nos équipes poly­va­lentes soient pré­sentes deux jours par semaine dans nos locaux.

Parlez-nous du projet ESInet et de sa valeur ajoutée pour les services de secours.

Nex­SIS 18–112 est conçu de manière à répondre aux obli­ga­tions du Code euro­péen des com­mu­ni­ca­tions élec­tro­niques de Décembre 2018, visant à amé­lio­rer l’efficacité des com­mu­ni­ca­tions d’urgence dans les pays de l’UE. Pour arri­ver à cet objec­tif, l’Agence du Numé­rique de la Sécu­ri­té Civile tra­vaille à la mise en œuvre d’un réseau de col­lecte et de rou­tage intel­li­gent des com­mu­ni­ca­tions bap­ti­sé ESI­net (Emer­gen­cy Ser­vices IP Net­work), qui assu­re­ra l’acheminement des alertes en mode mul­ti­mé­dia (appels télé­pho­niques, vidéo, data) jusqu’au SGA de Nex­SIS 18–112. Il met­tra en rela­tion les requé­rants et les ser­vices de secours à tra­vers les pla­te­formes de récep­tion des appels d’urgence, via les opé­ra­teurs télé­pho­niques ou inter­net. Ce sys­tème de rou­tage per­met­tra notam­ment de mettre en place l’entraide entre SIS et de sécu­ri­ser les com­mu­ni­ca­tions d’urgence actuel­le­ment bana­li­sées. Ain­si, même en cas de défaillance tech­nique d’un centre d’appel, le sys­tème redi­ri­ge­ra les appels vers un autre centre. 

L’architecture cible de l’ESInet est défi­nie sur les prin­cipes et stan­dards NG112 euro­péens, qui sont les tech­niques à uti­li­ser en Europe pour la mise en place de ce type de réseau. Cette archi­tec­ture per­met­tra la sup­pres­sion des équi­pe­ments télé­pho­niques 18–112 tra­di­tion­nels (tech­no­lo­gie T2 ISDN) et de les rem­pla­cer par des liens IP. En com­plé­ment de l’amélioration du nombre de ser­vices ren­dus, ce sys­tème per­met­tra de réduire les coûts asso­ciés à l’investissement et au fonc­tion­ne­ment des T2 actuels, mais sur­tout de ne plus limi­ter le nombre d’appels pou­vant être trai­tés en cas d’afflux.

Et pour conclure, quelles sont vos perspectives ?

Notre ambi­tion est de déployer la solu­tion Nex­SIS 18–112 à un rythme très sou­te­nu. Le pro­jet consiste à implé­men­ter cette solu­tion pro­gres­si­ve­ment auprès de tous les SIS, dont 7 en 2021 et 15 en 2022. Cela implique de les accom­pa­gner sur les volets de conduite du chan­ge­ment, de for­ma­tion et de sou­tien technique. 

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